Raphaël a écrit :Moi je dis qu'il n'y en a seulement un (de présent) et que c'est impossible d'en sortir.
Cela correspond à l'interprétation Lorentzienne de la Relativité. Cette interprétation admet l'existence d'un référentiel privilégié, un milieu de propagation des ondes dans lequel se propagent les ondes lumineuses (et les ondes de matière). A ce référentiel privilégié est supposé associé un feuilletage privilégié de l'espace-temps en feuillets 3D de simultanéité (le présent universel étant l'un de ces feuillets 3D. On peut l'appeler cet instant présent universel. C'est un espace 3D).
J'ai été longtemps favorable à cette idée d'un référentiel quantique privilégié intersubjectif (et du présent universel qui en découle). En effet, elle permet une interprétation réaliste de la fonction d'onde et de sa réduction
ET le respect du principe de causalité y compris sous la frontière classique quantique lors d'une expérience du type de celle d'Alain Aspect (qui s'interprète alors comme une action instantanée à distance).
Je ne peux pas prétendre être maintenant farouchement opposé à l'hypothèse d'un référentiel quantique privilégié qui serait intersubjectif (mais dont le mouvement ne serait pas observable à ce jour parce que le principe de relativité du mouvement tient très bien le coup et que le no-communication theorem évite tout conflit, autre qu'interprétatif, entre la non localité quantique et l'invariance de Lorentz). Toutefois, l'analyse du caractère supraluminique, et cependant Lorentz invariant, de l'effet tunnel m'a amené à envisager que l'invariance de Lorentz puisse peut-être être plus fondamentale que le principe de causalité.
A ce moment là, si on ne demande plus au principe de causalité et à l'écoulement irréversible du temps d'être valides aussi
sous la frontière quantique classique, on n'a plus besoin du référentiel quantique privilégié des "réalistes" (les De broglie, Bohm, Schrödinger, Einstein, Podolski, Rosen, Bell, Vigier, Percival, Scarani, Valentini, Goldstein, etc...) ni de l'interprétation lorentzienne de la Relativité Restreinte assurant la compatibilité mathématique avec cette hypothèse. J'ai maintenant plutôt tendance à me laisser convaincre par l'interprétation rétrocausale des mesures fortes sur les mesures faibles antérieures telle que proposée par les Aharonov, Vaidaman et le groupe de physiciens qui partagent leurs idées (et ce d'autant plus que je ne vois pas vraiment de moyen, autre que sémantique, d'y échapper au vu des résultats d'observation et de leur parfaite cohérence avec la formulation de la mécanique quantique à deux vecgteurs d'état : un se propageant du passé vers le futur et l'autre à rebrousse-temps).
Si je laisse tomber l'hypothèse d'un référentiel quantique privilégié à la Lorentz Poincaré, je n'ai plus (du moins de façon automatique) de présent universel intersubjectif.
Je commence donc (plus ou moins difficilement quand même) à admettre (un peu contraint et forcé par les faits d'observation) que le principe de causalité et l'écoulement irréversible du temps émergent peut-être bien seulement au franchissement de la frontière classique quantique, lorsque se manifeste la notion de phénomène irréversible (dont l'enregistrement du résultat d'une mesure quantique) et d'entropie caractérisant une classe d'observateurs.
Bref, mes convictions "réalistes" n'ont pas disparu (Vaidman et Aharonov, que j'ai tendance à suivre dans leurs interprétations, se réclament d'une interprétation réaliste de la fonction d'onde) mais se sont quand même tintées de positivisme : l'idée que l'observateur et l'acte d'observation jouent un rôle réellement incontournable en physique rend difficile de rejeter cet observateur (et pourtant il y a eu de nombreuses tentatives dans ce sens, dont certaines, comme celle de De Broglie Bohm, et celle de GRW pour la mesure quantique, sont mathématiquement cohérentes Et conformes aux faits d'observation). Après avoir été chassé de la physique par Galilée et Copernic, voilà que l'observateur "se tape l'incruste" au centre d'un jeu dont on pensait avoir réussi à l'exclure.
J'ai cherché pendant plusieurs années à trouver, dans les ouvrages et articles scientifiques, s'il existait au moins une piste scientifiquement sérieuse permettant de définir la notion de phénomène irréversible et d'écoulement irréversible du temps sans faire appel à la notion de fuite d'information hors de portée de l'observateur et sans faire appel à la notion d'entropie propre à une classe d'observateurs.
Je n'ai rien trouvé permettant d'échapper à cette conclusion que de prime abord j'avais tendance à trouver complètement absurde :
l'écoulement irréversible du temps repose sur une fuite d'information hors de portée de l'observateur et l'écoulement irréversible du temps ne peut se définir sans une modélisation incomplète de l'état des systèmes observés. Ce manque d'information (l'entropie, que l'on tend à attribuer à l'état des système observés) traduit en fait le manque d'information d'un observateur ou d'une classe d'observateurs et c'est là dessus que (semble-t-il) repose l'écoulement irréversible du temps.
Cela dit, j'ai beau le dire, l'écrire et le retourner dans tous les sens sans parvenir à trouver où se trouve l'erreur, j'ai toujours du mal à complètement avaler cette "conclusion".
Ces éléments de réflexion répondent en partie à la question d'Emanuelle sur le fil le temps. Je vais quand même trouver un jour ou l'autre le temps de répondre sérieusement à sa question. Je la trouve très intéressante car elle me force à synthétiser les conclusions me semblant découler de ce que les physiciens ont pu trouver et confirmer à ce jour.