Mireille a écrit :Oui, je comprends, mais je voudrais que l'on s'attarde encore un petit moment sur la pensée de Damasio. J'ai prélevé cet extrait : "Dans la terminologie de Damasio, sensations et émotions ne sont pas nécessairement conscientes. Au contraire, dans la totalité des êtres vivants y compris chez l'homme, elles sont principalement inconscientes." Selon lui, il y a en a une très large part se ses sensations/émotions qui ne traverseront même pas le champ de notre conscience. Je ne suis pas aussi convaincu que toi de la part de liberté qui nous revient, dans cette perspective du moins.
"Les émotions, facteurs essentiels de la capacité de l'organisme à survivre dans un milieu nécessairement hostile, se déclenchent dés que l'organisme perçoit, sous forme de messages sensoriels simples ou complexes (sensations), les indicateurs internes ou externes signifiant le danger (le Mal) ou au contraire l'obtention d'un état d'équilibre (le Bien). Chaque individu est entouré de stimulus générant des émotions (emotionally competent stimulus, ECS) auxquels il réagit en permanence. L'identification de ces ECS est généralement programmée génétiquement (par exemple la méfiance à l'égard d'un objet non identifié). Mais beaucoup d'ECS sont les produits de l'expérience individuelle , que l'on pourra dire culturelle.
Les processus qui précèdent l'apparition des émotions, et celles-ci elles-mêmes, sont hérités génétiquement, du moins dans leurs grandes lignes. L'évolution individuelle de chacun (sa culture) se borne à individualiser et enrichir ces cadres génétiquement transmis. Les moteurs émotionnels ayant évolué pour optimiser les chances de survie des individus peuvent se révéler mal adaptés ou néfastes dans d'autres circonstances, notamment dans la vie en société moderne. Mais comment espérer que leurs déterminants génétiques puissent cesser d'agir? C'est là tout le problème du contrat social. "
"A l'intérieur des groupes, les émotions et les sentiments s'expriment sous forme de comportements spécifiques, sélectionnés par l'évolution pour assurer la survie collective. C'est le cas de l'empathie par laquelle on comprend intuitivement ce que ressent autrui. C'est aussi le cas des comportements dits altruistes ou moraux. Les individus y sacrifient un intérêt immédiat au profit d'un avantage plus lointain procuré par la survie du groupe que favorise ce sacrifice. L'établissement et le respect d'un contrat social permettant de sublimer les déterminismes génétiques primaires en découlent aussi. "
Comme je disais, ca m'a drôlement fait réfléchir et dans un sens répondu à cette question de haine raciale, par exemple, ou de toutes ces guerres qui n'en finissent plus. Peut-on être programmé génétiquement à se faire la guerre et jusqu'où ceux qui la perpétue peuvent-ils en être tenus responsables si ils ne sont pas conscients de ce qui les poussent à penser, agir et réagir. Et dans un même ordre d'idée jusqu'à quel point ceux qui sont pacifiques ont-ils du mérite ? Je me suis sérieusement penchée sur cette question, aujourd'hui, à savoir jusqu'où va la responsabilité de chacun de nous à manifester ce qu'il est à l'intérieur d'une nature et d'une mémoire génétique dont on ne connaît à peu près rien à part ce que nous manifestons à l'intérieur du nombre très limitée d'expériences que nous procure notre vie.
Bon, sous forme de boutade, une majorité de comportements inconscients parmi une infinité de comportements laisse encore une minorité de comportements conscients ... ce qui n'est pas très loin de l'infini non plus
Plus sérieusement, je pense que tu ne voies pas de problèmes à considérer que la notion de réflexe médullaire (ne se propageant pas au niveau encéphalique) ne t'enlève pas une part de ton libre arbitre ... non ? Et bien essaye pour faire un parallèle, l'émotion, la sensation inconscientes sont le "réflexe" de la cognition ... avec une différence cependant importante ces "émotions" (dans le sens ou Damasio l'entend) sont issues majoritairement de l'évolution (et donc conservés et transmis dans une sorte de mémoire génétique) et que seule une minorité d'entre elles (de manière quantitative) sont le fruit de nos expériences personnelles, nos apprentissages ou induites par notre environnement ... sauf que qualitativement ces émotions personnelles acquises sont des sortes de "méta" émotions qui se forment notamment à partir du "pool" des émotions innées .... tout ça pour dire que ces dernières, si elles sont moins nombreuses sont très prégnantes pour un individu donné.
Sans entrer dans l'éternel débat sans fin sur le libre arbitre (qui pour moi est un faux débat pour au moins 2 raisons que j'ai déjà évoquées ici) il paraitrait que le potentiel évoqué précède la décision ce qui tendrait a prouver que même des décisions qui nous paraissent conscientes ne le seraient pas forcément (expérience de
Libet)
Cette expérience a fourni des résultats très controversés mais elle a fait son chemin et c'est en tout cas l'idée dominante dans les neurosciences.
Cependant n'en tire pas comme conclusion que nous ne sommes que des robots programmés ... tu trouveras à la lecture de
ce document, ainsi que
celui-ci, des pistes de recherches concernant l'identification possible de structures, éventuellement au niveau des canaux ioniques (ce n'est qu'une piste de recherche , une hypothèse), qui permettraient de justifier ce libre arbitre auquel nous tenons tant.
D'un autre coté, quel que soit la force de nos émotions inconscientes, il est possible de les "bypasser" volontairement". Comme illustration je te propose l'histoire de
Nicholas Alkemade qui pendant la seconde guerre mondiale a
décidé, dans un bombardier en feu, de sauter dans le vide (sans parachute) plutôt que de périr dans les flammes ... décision éclairée de sa part puisqu'il a survécu à une chute de plus de 5000m.
Pour ce qui concerne ton propos sur la guerre et sur le racisme, je pense qu'amha tu sur-interprêtes la pensée de Damasio en l'appliquant de manière brutale à des comportements sociologiques. La psychologie de groupe conduit un individu a "abandonner" ses comportements et valeurs personnelles au profit de celles d'un groupe au sein duquel il se sent protégé et d'une certaine manière de l'intérêt général. C'est parmi ces conditions que naissent les comportement "altruistes" (je mets des guillemets parce que je ne crois pas au cotè absolu de ce type de comportement) qui permettent de prendre le pas sur nos émotions innées.
Mais la guerre que tu mets en évidence comme, a priori, un comportent inné n'est pour moi que l'expression d'une décision consciente permettant de canaliser (manipulation) la violence naturelle humaine. De toutes façons, parmi les émotions inconsciente fortes reliés à la survie face au danger il n'y a que la fuite (que la nature privilégie
très majoritairement ... même pour les prédateurs) ou l'affrontement ... donc non je ne partage pas ton point.
Je ne partage pas non plus celui sur le racisme. De manière générale (et primaire) le rejet (souvent par peur) irrationnel de ce qui est inconnu reste une réaction individuelle. Et cette réaction est valable pour la majorité de ce que nous ne connaissons pas : ethnie, lieux, savoir, apprentissage, ...
L'homme dans sa grande perversité a inventé de toute pièce la notion de race en s'appuyant uniquement sur des caractéristiques phénotypiques sans aucun fondement biologique. Le racisme devient donc, amha, l'expression sociologique d'un préjugé et qui trouve son explication dans la capacité individuel à rejeter l'inconnu ... suis pas sur d'être très clair ... etk pour moi ce n'est pas du même "niveau" que ces émotions innées (inconscientes).
Mireille a écrit :Maintenant je reviendrai sur ce sujet de l'âme parce que je considère toujours qu'il y a une force dominante dans l'homme qui l'aiguillonne et l'oblige en un certains sens à aller de l'avant. Je veux y réfléchir encore un peu.
Je ne vois pas ce qui te pousse à introduire cette notion ... donnes moi des arguments en faveur du dualisme que tu défends stp.