Salut Jean-François!
Jean-François a écrit :Je suppose que vous voulez dire « volonté créatrice autre que celle observée chez l'humain (et quelques autres animaux) ».
Es-tu certain que c'est de la volonté créatrice que tu peux observer chez l'humain? Si l'on peut l'observer d'une manière objective, c'est qu'elle est alors identifiée à une notion scientifique. De laquelle parlerais-tu? Est-ce que tu peux comprendre la confusion que tu pourrais entretenir pour le non-scientifique? Employer le même terme à la fois dans un sens scientifique et réfutable, puis à la fois dans un sens philosophique (sans bien faire les précisions qui s'imposent) n'aide pas à faire comprendre les choses qui se rapportent au champ de la science de celles qui ne s'en rapportent pas.
J'ai utilisé l'expression « volonté créatrice » (j'aurais pu dire « intention fondamentale » ou simplement « créativité », peu importe) dans un sens métaphysique, c'est-à-dire un sens communément admis pour ces termes. Elle pourrait être hors de l'homme et aussi se manifester en l'homme. Personnellement, je ne sais pas si elle existe vraiment, puisqu'une impression de créativité n'est pas la preuve ou l'observation de l'existence réelle de celle-ci.
Jean-François a écrit :Il s'agit de la volonté d'un Bidule invisible, intangible, fondamentalement inconnu.
Pas nécessairement. Le bidule n'est pas nécessaire à rajouter pour l'existence possible de cette créativité. Du moins, c'est effectivement quelque chose de fondamentalement inconnaissable scientifiquement ou objectivement. L'impression subjective de cette créativité peut-être reliée (ou non) à l'existence réelle de celle-ci. La science ne peut pas trancher sur ce genre de questionnement métaphysique et c'est bien voulu. Elle ne doit donc pas se prononcer sur les questions extérieures à son champ de compétence.
Les corrélations entre « état d'activité du cerveau » et « état mental » sont un indice en faveur du monisme (i.e., que le cerveau est entièrement responsable de générer la conscience).
Des non-scientifiques peuvent employer le terme « conscience » dans un sens traditionnel, commun, philosophique ou métaphysique et qu'une partie de cette conscience pourrait ne pas être observable. Le fait que la partie observable est fortement corrélée à l'activité physique et chimique du cerveau n'est pas l'indice qu'il n'existe pas de partie invisible de la conscience. Si tu utilises le terme « conscience » dans le sens de ce qui est intrinsèquement observable et objectif dans cette notion, effectivement, le « monisme » est de loin la meilleure approche. Cette dernière justifie à elle seule toutes les neurosciences.
Il est bien entendu facile de prétendre que cette absence de manifestation n'est pas la preuve que l'individu est vraiment réduit à néant. Mais cela tient du « ce qui est affirmé sans preuve peut être nié sans preuve ». Les preuves, elles, soutiennent la disparition de l'individu.
Je comprends. La mémoire de cet individu précis là est bien sûr perdue à tout jamais (ou bien s'il subsiste quelque chose, ça doit être une toute petite chose pratiquement indécelable). Mais, cette perte corporelle n'est pas la preuve ou l'indice qu'il n'y aura jamais plus de « moi ». J'ai mentionné déjà plusieurs fois qu'il est tout à fait possible (pour moi, en tout cas) d'imaginer une notion du « moi » qui subsiste à toute perte corporelle ou toute perte de mémoire. En effet, on peut imaginer qu'un humain (ou autre) qui naîtra sera une nouvelle manifestation de « moi ». Mon « moi » sera simplement quelque chose d'autre. Nous sommes toujours « nous » bien que nous ne soyons jamais le même à chaque instant. Ce caractère paradoxal (voire contradictoire) implique que ce « moi » n'est pas ici une notion scientifique. Ce n'est pas une notion qui s'inscrit forcément dans une réincarnation évoquant une évolution des acquis de l'âme. Elle s'inscrit plus largement dans une réincarnation « aléatoire ». Je ne suis pas le même « moi » que lorsque j'avais cinq ans. Je ne me souviens plus de certaines parties de ma vie. Mais, je ne peux pas faire autrement que d'être « moi », même quand je suis quelqu'un d'autre.
Évidemment, ici je nage en pleine métaphysique, mais, justement, comment est-il alors possible que la science puisse dire quoi que ce soit sur cette notion là de « moi »? Le « moi » opérationnel n'est plus du tout la même notion. Le « moi » métaphysique dont je parle est le fait d'être toujours « moi », même si ce « moi » change complètement. C'est une notion subjective (peut-être illusoire, mais pas forcément fausse) qui peut être ressentie par un très grand nombre de personnes. C'est en ce sens qu'il est paradoxal et n'évoque pas vraiment ici le même sens que l'expression « le même mais changeant » opérationnelle cette fois que tu emploies.
Êtes-vous en train de dire qu'il ne se fait aucune recherche qui puisse être qualifiée de scientifique en science cognitive? Renseignez-vous parce que c'est parfaitement faux. Même si le « moi » n'est pas défini avec précision, on peut travailler à partir de définitions opérationnelles.
Donc, ici, subtilement, tu emploies le même terme « moi » en deux sens différents. Évidemment, tu as bien raison (je peux te tutoyer?) et je n'ai pas voulu dire le contraire. Dans cette enfilade, je dis souvent la même chose de façon un peu détaillée et différente. Je crois que tu n'as pas saisi l'ensemble de mon propos. Bon, je me suis peut-être mal exprimé sur ce petit détail. Je dis simplement qu'il existe une définition du « moi » qui n'est pas opérationnelle ou scientifique, mais qui possède une légitimité subjective.
Il faut simplement ordonner notre discours et être précis.
Pour revenir au libre arbitre, peu importe les résultats d'une expérience scientifique, on pourra surement toujours trouver un moyen de le « sauver » du fait de la façon même dont il est pressenti en général. On en a aussi un bel exemple avec la notion d'« égoïsme » dans une autre enfilade. En ce qui concerne l'astrologie, il y a déjà une bonne part de son discours qui est assez bien réfutable (et réfuté de surcroit). Ce n'est pas un domaine complètement infalsifiable. Pour certaines versions de la dualité corps/esprit, il y a aussi quelques parties de leur discours qui sont réfutables (et réfutées bien sûr).
Cependant, si nous considérons la dualité objet/sujet, je ne vois pas comment elle peut être falsifiable. La science possède bel et bien des limites. La réalité scientifique n'est sûrement pas la réalité totale.
Ce n'est pas non plus parce que certains pourront toujours se réfugier dans des spéculations rêveuses détachées de point d'ancrage dans la réalité observable, dans des pétitions de principe basées sur des machins « immatériels », qui ne sont vérifiables* même s'ils sont définis de manière conceptuelle ou opérationnelle, que ces réflexions ne sont pas égratignées, érodées par les découvertes scientifiques.
Ça dépend. Cette érosion est peut-être aussi le fruit d'une mauvaise compréhension des limites de la science et de ce qu'elle dit vraiment. C'est ce que j'essaie justement d'établir ici. Je ne vois pas vraiment de contre-argument de ta part ici. Il y a tellement de mauvaise vulgarisation scientifique qu'il peut s'y produire des croyances fondées sur un sentiment de logique et non sur une véritable logique.
Par exemple, le fait que la science découvre sans cesse de nouveaux mécanismes aux phénomènes observés n'est aucunement la démonstration que l'existence d'une « créativité » (fondamentale) est sans cesse moins probable. Tu ne sembles pas comprendre ce point (à moins que je sois dans l'erreur, mais j'en doute). Cette créativité est infalsifiable et inobservable du fait même de la manière dont elle est définie et elle n'est pas, par définition, déterminée par des lois.
D'ailleurs, je ne crois pas que, un jour, inévitablement, la science nous permettra de comprendre la totalité de l'univers, y compris elle-même. D'un point de vue logique, cela semble inévitablement impossible.
Par exemple, s'il existe une boule noire (je prends un exemple bête pour mieux faire passer l'idée) impossible à observer et des boules rouges possibles à observer, le fait de découvrir de plus en plus de boules rouges n'implique pas qu'il y a moins de chance que la boule noire existe.
Par ailleurs, j'ai utilisé le terme « gentiment » (je n'ai pas voulu être moralisateur) plutôt dans le sens que le contenu de ce qu'a à partager le zététicien est suffisamment important et enrichissant pour avoir le droit d'être envoyé dans un beau contenant. Pourquoi être impatient, agressif? Si tu sais que tu as raison, tu comprends que tu n'as pas à être frustré par l'incompréhension ou la méchanceté d'un amateur. Être gentil, c'est d'envoyer ce beau contenant pour que le contenu soit plus attirant. Cependant, j'admets qu'il est important aussi d'exprimer ce que notre interlocuteur nous fait ressentir (en bien ou en mal). Mais, il y a une façon convenable de s'exprimer, une humilité profonde à entretenir.
Aussi, la science érode certaines croyances et c'est très bien ainsi. La philosophie aussi peut aider en ce sens. Si la croyance est complètement infalsifiable, il faut simplement expliquer à la personne que ce n'est qu'une croyance dont la science ne peut rien dire là-dessus et ne pas tomber dans le piège qui consiste à amener des arguments scientifiques qui, forcément, sembleront aller en défaveur de sa croyance, car il pourra aussi bien en trouver qui sembleront aller en faveur de sa croyance cette fois-ci. Et c'est là que la confusion s'installe souvent. Au lieu de cela, on peut lui demander en quoi sa croyance lui est utile.
Il s'agit de faire comprendre à la personne (affirmant quelque chose de complètement infalsifiable) que son affirmation peut être niée ou ignorée du seul fait de son caractère infalsifiable (ce qui empêche les preuves concrètes et scientifiques). Il ne s'agit pas de la rendre falsifiable et ainsi pouvoir la réfuter, car elle ne signifierait plus la même chose pour la personne qui l'a étayée et en général. Elle pourrait même avoir l'impression que nous essayons de réfuter son affirmation (pourtant infalsifiable). Du coup, ironiquement, elle obtiendrait alors une « bonne » raison de croire que son idée cachée derrière son affirmation serait vraie sans comprendre que ça demeurerait tout de même une simple croyance. C'est ce qu'on cherche à éviter. Ça pourrait même être de cette façon que nous diminuerions malheureusement les possibilités de l'aider à mieux comprendre ce qu'elle exprime elle-même et d'avoir peut-être un (petit) plaisir dans le partage de chacune des visions. Je pense que beaucoup de non-scientifiques ne connaissent pas la notion de réfutabilité ou la comprennent mal. On peut alors lui poser des questions. Bref, il y a plusieurs bonnes choses à appliquer tout en restant rigoureux dans notre message de zététicien.
Cordialement.