Salut Jean-François!
Tu dis :
On peut observer des manifestations de volonté créatrice chez l'humain (il y en a plein les musées, entre autres). Que cela ne réfère pas à une sorte de « Volonté créatrice », phénomène unique, voire idéal métaphysique, mais à un amalgame de plusieurs comportements ne change pas grand-chose au fait que l'on observe cette gamme de comportements.
C'est tout de même nous qui décidons que tel amalgame de comportement est ce qui constitue la créativité. C'est plutôt une impression de volonté créatrice que l'on observe. Est-ce une observation scientifique suffisamment objective et utile? Par exemple, on observe des couleurs. En fait, c'est une impression de couleur que l'on observe. Les couleurs n'existent pas vraiment de façon objective et elles ne sont pas des particules élémentaires.
Si, par exemple, un extra-terrestre pouvait fabriquer un humain et le comprendre suffisamment pour prédire comment sa « volonté créatrice » réagira et ses réalisations selon l'environnement dans lequel il est immergé, pour lui, il ne s'agira probablement pas d'une réelle « volonté créatrice », mais d'un mécanisme déterminé d'avance. Les programmes qui réalisent, par exemple, des œuvres musicales sont complètement déterminés dans cette fonction. Si un jour, quelqu'un réussissait à « créer » un tel programme sans que nous puissions réussir à distinguer son œuvre musicale d'une œuvre musicale humaine, pourrait-on dire que ce programme est doté d'une volonté créatrice?
Tu peux employer le terme « volonté » à l'intérieur d'un déterminisme, mais ce n'est pas toujours le sens communément admis de ce terme. Tu ne discutes pas toujours avec des scientifiques ici. Les précisions s'imposent. C'est tout ce que je dis. Je pense que l'on éviterait bien des confusions dans les débats. Par exemple, ce n'est pas tout le monde qui accepte d'utiliser l'expression « libre arbitre » à l'intérieur même d'un modèle déterministe. C'est le cas de Kestaencoredi, je pense.
J'en suis conscient, mais s'il faut éviter de se questionner sur les comportements humains parce qu'il y a un risque que certains en viennent à imaginer n'importe quoi, on n'étudierait pas grand-chose. L'alternative serait d'inventer un langage totalement artificiel pour faire de la science : cela n'arrivera pas.
Vraiment pas. Il ne faut évidemment pas éviter de se questionner sur les comportements humains et je ne vois pas comment tu peux déduire cela à partir de mes commentaires. Il faut simplement redéfinir clairement les termes confondants selon le domaine dans lequel ils sont employés. Je te dis simplement que je pense que tu as un rôle de bien faire comprendre à certaines personnes l'esprit du scepticisme et de la science et que, la plupart du temps, tu l'entreprends de manière exemplaire. Cependant, je me questionne encore. Je me demande si tu ne fais pas une erreur logique en ce qui concerne ma question épistémologique. C'est à ce point précis que je veux recentrer le débat et aller au fond des choses.
Sauf que la volonté créatrice manifestée par les humains (et d'autres animaux) n'échappe pas forcément à sa compétence.
C'est bien vrai, et je n'ai pas voulu dire le contraire. La science, heureusement, est très vaste et permet d'être utile dans à peu près tout ce que l'on peut observer.
Cette position phlosophico-métaphysique a fait produire un nombre considérable de pages de blabla, mais l'ensemble des découvertes avérées qu'elle a générées est, à mon avis, totalement vide.
J'ai maintes fois expliqué en quoi cette position (conscience éternelle) était utile. Elle est utile, entre autres, dans le domaine de l'éthique. Une personne ne produit pas une œuvre métaphysique vraiment dans le but de faire avancer directement les connaissances. Elle donne son impression, elle élabore sa vision des choses. Certains concepts qu'elle établit pourraient même être des concepts pratiquement scientifiques et utiles. La métaphysique n'est qu'une réflexion personnelle qui, effectivement, la plupart du temps ne sera aucunement utile. Mais, exercer son intellect en dehors de la science n'est pas forcément inutile. La notion d'« utilité » demeure assez subjective d'ailleurs.
Les problèmes surviennent quand on prétend que ce genre d'élucubrations correspondent à la réalité des choses.
Bien sûr, et je n'ai jamais prétendu le contraire. Cependant, on peut quand même se demander ce qui se passe lorsque nous mourrons. Il est difficile de ne pas avoir de croyance là-dessus. Si la personne se dit qu'il n'y a plus rien (que c'est le néant total, le sommeil éternel) du fait des découvertes scientifiques, son élucubration est tout aussi grande, sinon plus grande que celui qui se propose d'admettre qu'il y a toujours quelque chose (donc une autre forme de « moi » possible).
Il faut comprendre que la science ne peut rien dire sur ce genre de questionnement. Bien sûr, comme je le répète, notre mémoire disparait, notre « moi » actuel disparait. Ça, la science le montre assez bien. Mais, ce n'est aucunement l'indice d'une plus grande (ou moins grande) probabilité qu'il n'ait vraiment absolument plus rien. L'évidence constatée est qu'il y a quelque chose. Logiquement, on peut comprendre qu'il y a quelque chose du fait qu'il y a forcément un « moi », une subjectivité exprimant l'existence de quelque chose.
Aussi, selon l'ensemble de mes messages, je pense avoir exprimé correctement l'idée qu'il est assez naïf de penser que la subjectivité peut se réduire complètement à l'objectivité. On ne peut pas affirmer que les théories scientifiques actuelles non réfutées soient plus réelles ou fondamentales que la douleur que l'on peut ressentir, par exemple. Penser la conscience comme « réellement » une totale illusion (bien que cette illusion soit inévitable) est une croyance et non une déduction logique des faits observés. Cette croyance est même difficile à soutenir rationnellement, à mon avis. La
conscience exprime le fait qu'il y a quelque chose. Si elle n'est qu'une illusion, toute la réalité n'est qu'une illusion. C'est plutôt absurde comme vision.
Il n'y a pas de réalité scientifique : la science est une démarche explicative de la réalité, tout comme l'est la métaphysique. Ce qui distingue particulièrement la science, c'est qu'elle place l'arbitrage des idées au niveau des faits, de l'objectivité.
Bien sûr. Et l'expression « réalité scientifique » est, pour moi, la réalité connaissable et l'ensemble de nos connaissances (raisonnablement) objectives. C'était juste pour faire raccourcir mon texte. J'espère que tu t'en doutais.
La démarche explicative de la science est, selon moi, une part seulement de l'essence de la science qui, elle, consiste surtout à l'élaboration de modèles prédictifs qui fonctionnent correctement avec les faits à venir. Épistémologiquement, la réalité actuellement inconnaissable pour l'homme n'a aucune raison logique d'être considérée comme étant inexistante, au contraire. On pourrait parler de l'intersubjectivité comme étant raisonnablement une objectivité.
J'avoue que « le dualisme pourrait être vrai parce qu'il y a de la mauvaise vulgarisation scientifique et qu'on peut toujours spéculer quelque chose en sa faveur » est un argument assez étonnant.
Quel dualisme? Désolé, je ne vois pas le lien cohérent avec l'extrait que ce commentaire est censé se rapporter. Cependant, si je remplace le terme « dualisme » par l'expression « libre arbitre », cet argument que tu mentionnes n'est pas vraiment étonnant, mais il est incomplet. Il est toujours possible, peu importe les expériences scientifiques, d'imaginer un argument en faveur du libre arbitre et un autre argument en sa défaveur. Il est, avant tout, une impression de liberté chez (ou à travers?) l'individu.
Toute définition scientifique suffisamment objective du libre arbitre ne pourra préserver cette notion d'« une impression de liberté » sans générer de contradiction. Le sens communément admis de la notion de libre arbitre exprime l'existence d'une composante subjective irréductible. Ce n'est donc pas un terme qui représente une réalité « objectivable » ou scientifique. On n'a donc aucun moyen scientifique de savoir si le libre arbitre existe réellement (ou non). Ce n'est pas une question scientifique et, de ce fait, on ne peut pas donner une probabilité d'existence au libre arbitre. Je ne suis pas certain que tu saisisses ce « détail ». En tout cas, tu ne l'as jamais exprimé à ma connaissance.
Vu que cela est une belle évidence en faveur d'une « créativité » humaine (la « fondamentale » étant une proposition de votre cru), je ne vois même pas ce qu'il y a à « comprendre » ou pas.
Qu'entends-tu par « cela »? Ce que j'exprime n'est pas un argument en faveur de l'existence d'une « créativité fondamentale (voire intemporelle) », c'est-à-dire quelque chose qui, par définition, ne cadre avec aucune loi (ou méta-loi) physique fixée et aucun modèle prédictif. Il n'est pas impossible que ce « quelque chose » de fondamental se manifeste à travers un être vivant. Je sais, c'est hautement spéculatif et impossible à vérifier. La bonne réponse à la question principale que j'ai posée est tout ce qu'il y a à comprendre de mes propos. Je veux connaitre vos réponses et surtout vos arguments.
C'est certain que si tu mets l'accent sur un détail secondaire de mes propos par rapport à ma question principale, il y a de grandes chances que tu ne vois plus ce qu'il y a à comprendre de mes propos.
Vous avez des exemples de vos interactions avec des tenants d'idées zozoes? Parce que vos propos tout en généralités me semblent plus brodés de bonnes intentions que reposant sur du vécu. Je peux évidemment me tromper.
C'est un peu des deux. J'ai malheureusement eu plusieurs fortes interactions avec des tenants d'idées « zozos ». J'ai eu la chance d'avoir, je pense, naturellement un esprit assez sceptique. Je cherche toujours à améliorer ma compréhension des choses, mais si je peux aider aussi à améliorer la compréhension de certaines choses à d'autres personnes, je ne pourrais pas rester là à ne rien faire.
Par exemple, je pense qu'une bonne compréhension du concept de falsifiabilité est importante pour tout le monde. Je comprends que certaines idées métaphysiques peuvent être rendues plus ou moins probables selon le degré du caractère irréfutable de ces idées et selon les découvertes scientifiques, comme tu l'exprimes. Par contre, mon propos concerne strictement les « quelques » idées métaphysiques complètement infalsifiables comme celles que j'ai données en exemple.
Par exemple, le libre arbitre est traditionnellement une notion qui est, par définition, tellement vague et subjective qu'il est impossible de trouver un quelconque moyen scientifique de démontrer (ou non) définitivement son existence réelle et même sa probabilité d'existence. À mon avis, plus les notions métaphysiques sont carrément infalsifiables, plus elles se rapportent à la même chose : une sorte de subjectivité inconnaissable (c'est-à-dire la « boule noire »).
Pour vulgariser, la science consiste en la découverte d'invariants (à travers le changement apparent). La créativité fondamentale peut être alors comprise comme la complète négation de ces invariants. On pourrait donc bien parler d'une sorte de subjectivité inconnaissable (objectivement). Grosso modo, le libre arbitre et l'intention créative peuvent être perçus comme pratiquement la même chose.
Hubert Reeves exprime plus simplement la même chose que moi : la science ne peut pas se prononcer sur l'existence (ou non) d'une intention derrière tous les mécanismes qu'elle découvre. Il est dit sensiblement la même chose sur ce site. De toute évidence, cette affirmation implique que la science ne peut pas établir une probabilité d'existence de cette « intention », et ce, peu importe ses découvertes, contrairement à ce que tu sembles prétendre. C'est ce point crucial sur lequel j'aimerais bien détordre nos idées.
Le problème avec ce genre d'analogies est que même si elles sont justes sur le plan logique, elles n'ont strictement aucun rapport avec la charge de la preuve nécessaire pour passer du discours purement intellectuel (qui tourne facilement à vide à mon avis) à la théorie fertile sur le plan des faits. Vous restez au niveau de la fiction.
Mon intervention ici n'a pas pour objectif de trouver des théories fertiles sur le plan des faits ou de rester au niveau de la fiction. Pourquoi alors faire ce genre de commentaire qui entremêle deux choses bien différentes? Aussi, il est faux de dire que le discours purement intellectuel est inutile. Penser que la philosophie ou les mathématiques pures sont inutiles, c'est se rendre assez ridicule, à mon avis.
Par contre, je trouve rassurant de constater que tu remarques l'évidente logique de mon analogie. C'est pourtant tout ce que j'essaie de dire depuis le début. J'espère que tu comprends l'importance d'entretenir ce genre de cohérence pour chacun d'entre nous.
Dans les faits, plus il y aura de boules rouges, moins il y aura de croyants aux boules noires. Cela parce que rien n'indique l'existence de la moindre boule noire.
Voilà tout le problème. Cette façon de « comprendre » n'a rien de logique et de rationnel. Que l'on croit ou non à la boule noire n'est pas vraiment le problème. Que l'on ne croie pas à la boule noire du fait que nous croyons qu'elle a moins de chance d'exister par ce que nous découvrons sans cesse de nouvelles boules rouges, c'est cela qui est absurde. Si tu penses être dans ce cas, je t'invite à reconsidérer ton incroyance en la « boule noire », car elle ne peut être justifiée rationnellement par cette explication irrationnelle.
En effet, la définition (fixée) de la « boule noire » a été changée.
En science, il faut faire les choses comme si le libre arbitre n'existait pas (ou comme s'il n'était qu'illusoire).
Dans notre vie quotidienne, il faut faire les choses comme s'il existait.