MaisBienSur a écrit :si à un moment précis je nage, c'est que des éléments déterminants antérieurs à cette action m'ont fait passer à l'action.
Cette conclusion repose implicitement sur l'hypothèse selon laquelle l'évolution d'un système isolé, notre univers donc (puisque c'est le seul système qui soit réellement isolé) serait déterministe. Il s'agit donc de l'hypothèse selon laquelle si on disposait d'une connaissance complète de l'état présent de l'univers et des lois qui le régissent alors, on pourrait déterminer l'état de l'univers à tout instant passé ainsi qu'à tout instant futur. Cette hypothèse présente un caractère métaphysique en ce sens qu'elle entre en conflit avec le caractère non déterministe du résultat de mesure quantique (d'un système physique lorsqu'il n'est pas dans un état propre de l'observable mesurée). Cela ne signifie pas qu'elle soit fausse, mais au jour d'aujourd'hui elle est a minima douteuse.
On peut toutefois répliquer que l'hypothèse déterministe, telle que formulée ci-dessus, est forcément juste
puisqu'elle consiste en une implication logique dont la prémisse est toujours fausse. En effet, pour des raisons physiques, on ne peut pas disposer d'une information complète sur l'état initial de l'univers (et en plus sur les lois qui le gouvernent) puisque la quantité d'information (sous-entendu une information
susceptible d'être recueillie sans altération, à différents moments, et ce, par des observateurs différents) pouvant être enregistrée dans un système donné reste toujours très très très inférieure à la quantité d'information requise pour caractériser complètement l'état de ce système.
Vu comme ça, l'hypothèse déterministe devient une certitude logique. En effet, elle se prononce sur la validité d'une conclusion (1) sous la condition de validité d'une hypothèse que l'on sait être fausse (la possibilité d'une connaissance complète de l'état présent d'un système donné)...
...mais du coup la notion de déterminisme perd tout intérêt (elle devient une simple tautologie sans capacité prédictive confrontable à l'observation).
Pour obtenir une définition plus intéressante de l'hypothèse déterministe, autrement dit une définition pouvant donner lieu à des prédictions testables, on est obligé (à mon sens) de changer sa définition en quelque chose comme ça :
"Plus on recueille d'information sur l'état initial d'un système physique à peu près isolé donné et plus l'approximation de son état futur à un instant futur donné (ainsi que l'approximation de son état passé à un instant passé donné) peut-être déterminée avec précision".
On sait déjà que, pour un système isolé régi par une dynamique du chaos (il suffit pour cela que l'un des exposants de Lyapounov de son évolution soit positif ce qui est le plus souvent le cas), la précision de la prédiction de son état futur est détruite en quelque fois son temps de chaos. A titre d'exemple, pour un gaz, le temps de chaos de sa dynamique est une petite fraction du temps de libre parcours moyen.
Bref, l'hypothèse déterministe n'est pas si simple que ça à définir (si on veut que cette définition présente un caractère vérifiable). Les définitions que l'on peut envisager d'en donner ne semblent pas être en concordance avec les faits d'observation (je veux évoquer l'indéterminisme des résultats d'une mesure quantique quand le système observé n'est pas dans un état propre de l'observable mesurée). Les conséquences de l'hypothèse déterministe sur la notion de liberté sont, quant à elles, encore plus difficiles à préciser.
Bref, le libre arbitre, c'est la possibilité de réfléchir avant d'agir, de faire des choix en fonction du résultat de ces réflexions et d'être conscient de faire ces choix.
Affirmer que "ces choix sont prédéterminés à l'avance" est une hypothèse qui non seulement n'est pas évidente du tout, mais même sa signification est très difficile à définir ("not enven wrong" en aurait peut-être dit Pauli).
(1) cette conclusion consiste en l'unicité d'un état futur à un instant futur donné et l'unicité d'un état passé à un instant passé donné associés à un état présent sous la seule condition de la connaissance complète de cet état présent.