Cogite Stibon a écrit : 20 juil. 2018, 18:03Personne n'a l'air d'être d'accord sur la définition du déterminisme...
Denis a écrit : 21 juil. 2018, 07:44Moi, je le définis simplement par l'adhésion au Credo :
« Les mêmes causes ont les mêmes effets ».
C'est effectivement ce point qui est remis en cause par la physique connue à ce jour, mais la suite montre que la question est, en fait, assez délicate.
Zeph a écrit : 19 juil. 2018, 22:52Finalement, est-ce qu'à chaque fois que exactement les mêmes conditions sont réunies les conséquences sont les même ? Est-ce déterministe de penser comme ça ? Parce que là difficile de ne pas être déterministe.
Ce que l'on pense pouvoir dire (à ce jour du moins) c'est que lorsque exactement les mêmes conditions sont réunies
du point de vue de la quantité maximale pouvant être détenue par un observateur donné d'un système donné (information maximale modélisée par l'état quantique que cet observateur attribue à l'état de ce système) les conséquences ne sont que
statistiquement les mêmes. Les résultats d'une mesure quantique d'un état quantique maximalement connu sont en effet indéterministes (1).
Toutefois, l'approche bohmienne de la physique quantique permet de sauver le déterminisme au prix de l'introduction, dans la théorie quantique, d'éléments ad-hoc, via un modèle mathématiquement cohérent et donnant lieu à des prédictions conformes à l'observation. Par contre, ce déterminisme supposé présente un caractère métaphysique puisqu'il repose sur un modèle dont les ingrédients rajoutés pour sauver le déterminisme sont inobservables.
Par contre, concernant la possibilité de réaliser des prédictions approchant aussi près qu'on le souhaite de prédictions exactes (la méthode qui permettrait de donner un caractère
observable au déterminisme supposé), il est devenu quasiment impossible de l'envisager (du moins au vu de ce que l'on croit savoir à ce jour en physique).
L'hypothèse d'une possibilité de réaliser des prédictions approchant, aussi près que souhaité, de prédictions exactes était envisageable dans le cadre de la physique de la fin du 19ème en raison des deux points suivants :
- La physique du 19ème siècle était déterministe. Autrement dit, les systèmes "isolés" étaient supposés posséder à un instant donné (une notion d'instant d'ailleurs devenue non objective en RR) des propriétés indépendantes de l'observateur, régies par des lois d'évolution indépendantes elles aussi de l'observateur et supposées immuables.
.
- Il était supposé possible de recueillir une quantité d'information n'ayant pas de borne supérieure fixée, et ce, qui plus est, sans perturber l'état du système observé.
Une telle possibilité est contraire aux faits d'observation connus à ce jour. En particulier, la quantité maximale d'information que l'on puisse recueillir sur l'état quantique d'un système physique possède une borne finie et fixe caractéristique de ce système. Si l'on a confiance en ce que l'on pense savoir à ce jour en physique, le déterminisme, s'il existe (d'une façon bien difficile à définir d'ailleurs) est donc inobservable. Il en découle que l'hypothèse déterministe présente un caractère métaphysique.
Est-ce à dire pour autant que, au prétexte de son inobservabilité, le déterminisme n'existerait pas ? Même s'il est en assez mauvaise posture, c'est une question dont la réponse ne me semble pas pouvoir être tranchée aussi brutalement, et ce, même si la majorité des physiciens limitent le domaine d'exacte validité du déterminisme à l'évolution de l'état quantique d'un système individuel, une grandeur inobservable (2).
Pendant un moment, par exemple (il y en a d'autres), les atomes ont été classés (notamment par Mach) dans la catégorie métaphysique. Pourquoi ? parce que l'on ne savait pas les observer. Ils ont fini par basculer avec succès dans la catégorie physique quand Einstein a prouvé leur existence en observant et modélisant le mouvement brownien.
Pendant un moment aussi, on n'a pas su observer les neutrinos. Leur hypothèse présentait donc un caractère spéculatif. Elle reposait sur la confiance dans un principe physique : la conservation de l'énergie. Les physiciens y croyaient très fort...
... et finalement ils ont eu raison d'y croire en dépit de l'absence, pendant un bon moment, de preuves probantes.
(1) Ce fait d'observation (lié au fait que l'observateur possède une information incomplète sur l'état du système formé par le système observé ET par lui-même notamment) présente d'ailleurs, me semble-t-il, un lien étroit avec l'écoulement irréversible du temps, c'est à dire la fuite d'information hors de portée de l'observateur.
(2) On ne sait pas observer l'état quantique d'un système isolé, probablement parce que ce n'est pas une grandeur objective (contrairement au point de vue réaliste auquel j'ai très longtemps accordé ma préférence) mais la connaissance détenue par un observateur relativement à un système donné. Ce que l'on sait observer, c'est l'état quantique
acquis par ce système
à l'issue de la mesure réalisée par
un observateur.