Gwanelle a écrit : 28 nov. 2023, 16:06Il me semble que Einstein est au délà de cette dichotomie , ce n'est pas lui qui se revendique du positivisme quand il dit l'inutilité de l'éther de Lorentz (Einstein respecte le rasoir d'Ockham, ça ne fait pas de lui nécessairement un positiviste)
Malgré tout, c'est la base. Le positisme au sens actuel, c'est considérer que le rôle de la physique n'est pas de fournir une description objective de la réalité (comme souhaité par Einstein dans son article EPR et exprimé par son critère de réalité) mais d'être en mesure de rendre compte et se limiter à ce qui est reproductiblement
observable (pas d'hypothèse, même tentante, par exemple par analogie, sans preuve observationnelle). L'archétype de ce point de vue c'est le Qbism, tel que défendu par Fuchs (cf.
A Private View of Quantum Reality)
Gwanelle a écrit : 28 nov. 2023, 16:06ce n'est pas non plus lui qui se revendique du réalisme lorsqu'il critique le fait que Bohr décide que la MQ est complète.
Dans le débat Bohr Einstein :
- Bohr se place d'un point de vue épistémique. Pour Bohr, la MQ est complète puisque qu'elle est capable de décrire tout ce qui est accessible à l'observation.
.
- Einstein, lui, se place au contraire d'un point de vue ontologique. Pour Einstein, l'état quantique décrit un état objectif, indépendant de l'observation, préexistant à l'observation (en profond désacccord avec le point de vue positiviste d'un Asher Peres "unperformed measurements have no outcomes" (1)).
L'opposition positivisme-réalisme, au coeur du débat Bohr-Einstein, est très bien expliquée par E.T. Jaynes
cf.
CLEARING UP MYSTERIES THE ORIGINAL GOAL
§ BACKGROUND OF EPR, CONFRONTATION OR RECONCILIATION?, EPR, THE BELL INEQUALITIES
We must keep in mind that Einstein's thinking is always on the ontological level; the purpose of the EPR argument was to show that the QM state vector cannot be a representation of the "real physical situation" of a system. Bohr had never claimed that it was.
Bohr's position was like this: "You may decide, of your own free will, which experiment to do. If you do experiment E1 you will get result R1. If you do E2 you will get R2. Since it is fundamentally impossible to do both on the same system, and the present theory correctly predicts the results of either, how can you say that the theory is incomplete? What more can one ask of a theory?"
Bohr estime sa théorie complète puisqu'elle est en mesure de prédire tout ce qui est observable.
Puis Jaynes défend ensuite vigoureusement le point de vue réaliste :
The Copenhagen theory, having no answer to any question of the form: "What is really happening when - - - ?", forbids us to ask such questions and tries to persuade us that it is philosophically naïve to want to know what is happening. But I do want to know, and I do not think this is naïve; and so for me QM is not a physical theory at all, only an empty mathematical shell in which a future theory may, perhaps, be built.
Gwanelle a écrit : 28 nov. 2023, 16:06Aspect a bien sûr prouvé que Bohr avait dit vrai mais aussi que tout ce qu'avait dit Einstein était réfutable par l'expérience.
En fait non. Les développements de la formulation time-symmetric de la physique, une
formulation plus complète à
2 vecteurs d'état (un vecteur d'état évoluant du passé vers le présent, un vecteur d'état évoluant du futur vers le présent (2)), ont prouvé que, finalement, Einstein avait raison quand il estimait la présentation standard de la MQ incomplète.
Il manquait le 2ème état quantique, un 2ème vecteur d'état pris en compte dans la formulation plus complète à 2 vecteurs d'état, une information inaccessible à l'observateur car "cachée dans le futur" (3). La voilà finalement cette fameuse variable cachée (mais cachée dans le futur du coup) envisagée par John Bell.
(1) cf.
Quantum Information and Relativity Theory
In this review we shall adhere to the view that ρ is only a mathematical expression which encodes information about the potential results of our experimental interventions. The latter are commonly called “measurements” — an unfortunate terminology, which gives the impression that there exists in the real world some unknown property that we are measuring. Even the very existence of particles depends on the context of our experiments. In a classic article, Mott (1929) wrote “Until the final interpretation is made, no mention should be made of the α-ray being a particle at all.” Drell (1978) provocatively asked “When is a particle?” In particular, observers whose world lines are accelerated record different numbers of particles, as will be explained in Sec. V.D (Unruh, 1976; Wald, 1994).
(2)
The Two-State Vector Formalism of Quantum Mechanics: an Updated Review, Yakir Aharonov, Lev Vaidman
(3)
Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Yakir Aharonov, Eliahu Cohen, Avshalom C. Elitzur
The weak outcomes do not oblige the strong ones, but the strong outcomes do determine the weak values. Moreover, the strong correlation between past and future outcomes, suggests the appearance of a subtle local hidden variable – the future state vector.