Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

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Gwanelle
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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#151

Message par Gwanelle » 28 févr. 2024, 17:44

ABC a écrit : 28 févr. 2024, 16:18
Gwanelle a écrit : 27 févr. 2024, 16:01quand ils donnent un sens à priori à l'intervalle espace e1 e2 ça serve à quelque chose
De quel sens veux-tu parler, le sens chronologique ? Et si oui, dans quel référentiel ?
Le sens de l'influence (supraluminique) entre Alice et Bob . Puisque soit Alice influence Bob , soit Bob influence Alice. (dans certaines interprétations réalistes) .
ABC a écrit : 28 févr. 2024, 16:18 Mes précédents messages t'ont-ils permis de comprendre ce qui distingue le point de vue réaliste du point de vue positiviste vis à vis de l'effet EPR ? Tes réponses me donnent le sentiment que ce n'est peut-être pas le cas. Pourrais-tu reformuler ce que tu penses avoir compris à ce sujet ?
je ne suis pas sur que tes messages soient en cause.
Au contraire même, ils me permettent d'avancer.

j'ai le sentiment de comprendre une interprétation si j'arrive à comprendre les implications observationnelles d'un concept spécifique à une interprétation.

Par conséquent je n'ai par exemple pas le sentiment de comprendre l'interprétation Lorentzienne mais j'ai le sentiment de comprendre Einstein (quelque soit l'époque) parce que Einstein relie toujours ce qu'il dit à une implication observationnelle (y compris quand ça à l'air métaphysique à priori).
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#152

Message par richard » 28 févr. 2024, 17:47

ABC a écrit : 14 févr. 2024, 00:11 Les positivistes croient que seul existe, en un sens auquel on puisse donner un sens réfutable (physique et non métaphysique donc) ce qui est observable directement ou indirectement par notre interaction avec ce qui est observé.

La notion de "réalité objective" est une illusion. Elle découle de préjugés métaphysiques, un effet d'hystéresis de notre science fin 19ème où l'on a pu croire en une réalité possédant des propriétés objectives, indépendantes de la "classe des observateurs macroscopiques" (les êtres vivants) et de leur grille de lecture thermodynamique statistique. L'écoulement irréversible du temps, l'indéterminisme, les traces du passé, le principe de causalité... existent puisqu'ils sont observables grâce à notre grille de lecture, notre myopie d'observateur macroscopique.
On est en droit de se poser la question.
Contre: Une expérience quantique confirme qu’il n’existe pas de « réalité » objective.

Pour: Est-ce qu'il existe une réalité objective?
Il est juste et normal que les autres sciences telles que la mécanique et la physique supposent l’existence d’un monde objectif indépendant de la conscience humaine. Par contre, la philosophie ne peut pas en faire autant.
Et sur le réel et la réalité.
Le réel est un concept ontologique qui désigne ce qui existe en dehors et indépendamment de nous, en tant qu'humains percevant et connaissant. Il se définit par rapport à celui de réalité empirique, qui, lui, désigne ce qui existe pour nous grâce à notre expérience.
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#153

Message par externo » 28 févr. 2024, 18:40

Gwanelle a écrit : 28 févr. 2024, 17:44 j'ai le sentiment de comprendre une interprétation si j'arrive à comprendre les implications observationnelles d'un concept spécifique à une interprétation.
Par conséquent je n'ai par exemple pas le sentiment de comprendre l'interprétation Lorentzienne mais j'ai le sentiment de comprendre Einstein (quelque soit l'époque) parce que Einstein relie toujours ce qu'il dit à une implication observationnelle (y compris quand ça à l'air métaphysique à priori).
Les implications observationnelles Lorentziennes sont que la matière en mouvement se déforme ce n'est pas compliqué.
Einstein dit exactement la même chose sauf que lui prétend qu'il n'y a pas de mouvement donc en fait son système s'autodétruit conceptuellement, car comment les objets peuvent ils se déformer lorsqu'ils se déplacent s'ils ne se déplacent jamais.

Il est impossible que toi ou personne comprenne la version d'Einstein car elle est incompréhensible.

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#154

Message par ABC » 28 févr. 2024, 19:04

Gwanelle a écrit : 28 févr. 2024, 17:44Le sens de l'influence (supraluminique) entre Alice et Bob. Puisque soit Alice influence Bob, soit Bob influence Alice. (dans certaines interprétations réalistes).
Juste pour être sûr que l'on comprend la même chose concernant l'interprétation réaliste de l'état quantique EPR corrélé et de la mesure quantique.

1/ Où, entre A et B, doit être placé l'émetteur I de photons EPR corrélés selon toi pour qu'Alice et Bob reçoivent leurs photons en même temps, au sens d'une hypothétique simultanéité absolue, si AB se déplace (par exemple) à vitesse v = 150 000 km/s par rapport au supposé référentiel quantique privilégié de l'interprétation réaliste (la règle de 3 se fait de tête) ?

2/ Disons que A est "à gauche", B est "à droite". Alice et Bob réalisent tous deux des mesures de polarisation horizontal vertical. En appelant I0 la position définie en 1/, de quel côté de I0 selon toi doit-on placer l'émetteur I pour que se soit la mesure d'Alice qui soit la cause du changement d'état de la paire de photons et le résultat de mesure de Bob soit un effet ?
Gwanelle a écrit : 28 févr. 2024, 17:44j'ai le sentiment de comprendre Einstein.
Je ne pense pas. Einstein avait précisément une interprétation réaliste (et non pas purement observationnelle) de l'effet EPR (cf les éléments de réalité). Toutefois, il était aussi convaincu d'un respect sans faille de l'invariance de Lorentz et de la causalité relativiste. La conjonction de ces deux objectifs entre en conflit avec les faits d'observation : la violation des inégalités de Bell (démontrée par Alain Aspect en 1982).

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#155

Message par Gwanelle » 29 févr. 2024, 08:27

ABC a écrit : 28 févr. 2024, 19:04 1/ Où, entre A et B, doit être placé l'émetteur I de photons EPR corrélés selon toi pour qu'Alice et Bob reçoivent leurs photons en même temps, au sens d'une hypothétique simultanéité absolue, si AB se déplace (par exemple) à vitesse v = 150 000 km/s par rapport au supposé référentiel quantique privilégié de l'interprétation réaliste (la règle de 3 se fait de tête) ?
l'émetteur doit être placé tel que:
AI=(1/2c)(c+v)AB=(3/4)AB
ABC a écrit : 28 févr. 2024, 19:04 2/ Disons que A est "à gauche", B est "à droite". Alice et Bob réalisent tous deux des mesures de polarisation horizontal vertical. En appelant I0 la position définie en 1/, de quel côté de I0 selon toi doit-on placer l'émetteur I pour que se soit la mesure d'Alice qui soit la cause du changement d'état de la paire de photons et le résultat de mesure de Bob soit un effet ?
A gauche pour que Alice soit la cause
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#156

Message par Gwanelle » 29 févr. 2024, 08:29

externo a écrit : 28 févr. 2024, 18:40 Les implications observationnelles Lorentziennes sont que la matière en mouvement se déforme ce n'est pas compliqué.
Et dans le cas de particules ?
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#157

Message par externo » 29 févr. 2024, 10:16

Gwanelle a écrit : 29 févr. 2024, 08:29
externo a écrit : 28 févr. 2024, 18:40 Les implications observationnelles Lorentziennes sont que la matière en mouvement se déforme ce n'est pas compliqué.
Et dans le cas de particules ?
Les particules sont de la matière donc elles se déforment aussi. La raison en est que ce sont des oscillateurs et quand elles sont en mouvement elles subissent un effet Doppler des ondes qui se déplacent vers l'avant et de celles qui se déplacent vers l'arrière. Les transformations de Lorentz c'est juste un double effet Doppler.

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#158

Message par ABC » 29 févr. 2024, 11:14

ABC a écrit : 28 févr. 2024, 19:041/ Où, entre A et B, doit être placé l'émetteur I de photons EPR corrélés selon toi pour qu'Alice et Bob reçoivent leurs photons en même temps, au sens d'une hypothétique simultanéité absolue, si AB se déplace (par exemple) à vitesse v = 150 000 km/s par rapport au supposé référentiel quantique privilégié de l'interprétation réaliste (la règle de 3 se fait de tête) ?
Gwanelle a écrit : 29 févr. 2024, 08:27l'émetteur doit être placé tel que: AI=(1/2c)(c+v)AB=(3/4)AB
Tout à fait. Je détaille parce que ça peut intéresser d'éventuels autres lecteurs de ce fil :
  • Alice se rapproche à vitesse absolue v = c/2 du point du référentiel quantique privilégié supposé où ses photons ont été émis. Du coup, les photons d'Alice se rapprochent d'elle à la vitesse c+v = 1,5 c (1)
    .
  • Bob cherche à s'enfuir à vitesse absolue v = c/2 du point du référentiel quantique privilégié supposé où ses photons ont été émis. Las, ses photons sont plus rapides que lui et le rattrappent à vitesse c-v = 0.5 c
Comme les photons d'Alice se rapprochent d'elle 3 fois plus vite que les photons de Bob et que cependant les photons d'Alice l'atteignent en même temps que les photons de bob, la distance AI est donc 3 fois plus grande que la distance IB.

AI = 3 IB donc AB = 4 IB, IB = AB/4 et IA = 3 IB.

C'est juste un calcul en RR avec les longueurs, durées et la simultanéité d'un seul et même référentiel (et du coup, le calcul devient alors un bête calcul de composition additive des vitesses, comme en physique Newtonienne)
ABC a écrit : 28 févr. 2024, 19:042/ Disons que A est "à gauche", B est "à droite". Alice et Bob réalisent tous deux des mesures de polarisation horizontal vertical. En appelant I0 la position définie en 1/, de quel côté de I0 selon toi doit-on placer l'émetteur I pour que se soit la mesure d'Alice qui soit la cause du changement d'état de la paire de photons et le résultat de mesure de Bob soit un effet ?
Gwanelle a écrit : 29 févr. 2024, 08:27A gauche pour que Alice soit la cause.
Tout à fait. C'est le prix à payer pour pouvoir :
  • conserver un principe de causalité se voulant objectif, cad un principe de causalité qui ne devrait rien aux limitations d'accès de l'observateur à l'information. Cette limitation d'accès à l'information consiste en l'accès aux seules traces du passé. Il s'agit des états microscopiques restant confinés dans un état d'équilibre, une classe d'équivalence d'états indistinguables du point de vue de la grille de lecture thermodynamique statistique des êtres vivants (pas besoin de se restreindre à la classe des êtres conscients) (2).
    .
  • adopter, suivant en cela la préférence réaliste d'Einstein, une interprétation objective de l'état quantique. Il s'agit de préférer voir l'état quantique comme la description objective d'un objet physique et non comme un outil prédictif d'inférence statistique propre aux connaissances incomplètes dont dispose un observateur (point de vue au contraire positiviste à la Fuchs).
    .
  • adopter, selon le point de vue réaliste, une interprétation objective de la mesure quantique. Il s'agit de considérer la réduction du paquet d'onde comme un phénomène physique objectif, un phénomène qui ne devrait rien à ni l'observateur, ni à ses limitations d'accès à l'information (une limitation sans laquelle il n'y aurait pas d'information du tout, cf. Incomplete description and relevant entropies)

    Cela demande d'accepter de considérer la mesure d'Alice comme une interaction réelle, physique, objective, instantanée à distance sur le photon de Bob. En raison de la violation des inégalités de Bell (validant les prédictions de la physique quantique) le respect d'une interprétation réaliste de la physique quantique souhaitée par Einstein implique des interactions sortant du cône de causalité relativiste (des spooky actions at a distance) en violation de sa propre théorie.
ABC a écrit : 28 févr. 2024, 13:59Ce qui serait un fait nouveau par contre, se serait (comme indiqué dans mon message) la possibilité de transmettre une information à vitesse supraluminique. Ce serait le cas si, par exemple, le changement instantané d'état du photon de Bob induit par la mesure était un réel réel laissant une trace observable (bref si ce changement d'état créait de l'entropie du côté de Bob). C'est à cette condition que l'interprétation lorentzienne passerait du statut d'interprétation à celui de théorie.
Gwanelle a écrit : 29 févr. 2024, 08:27là j'imagine peut être mieux le fait nouveau , mais malheureusement on entre dans un domaine (création d'entropie) pour lequel je manque vraiment de compétence.
La physique demande des preuves reproductiblement observables. Seules sont observables des traces du passé. Les traces du passé sont la caractérisation incomplète d'états microscopiques restant confinés dans une classe d'équivalence, un état macroscopique.

C'est grâce à l'incomplétude de l'information de l'observateur macroscopique (sa myopie intersubjective, sa grille de lecture d'être vivant) sur les états microscopiques que l'information détenue par l'observateur reste stable, donc reproductiblement lisible, gage de son intersubjectivité. Ce sont des traces de ce que l'observateur macroscopique appelle le passé, traces dont émerge l'écoulement irréversible du temps.
Gwanelle a écrit : 29 févr. 2024, 08:27C'est probablement mon manque de connaissances scientifiques dans tous les domaines qui me fait penser qu'il ne peut exister ce fait nouveau (ni aujourd'hui, ni demain)
Pour ma part, je pense au contraire que c'est une foi excessive dans une vision de la science qui prévalait fin 19ème (l'idée d'un monde mécanique, objectif, dont l'observateur serait une marionette) qui continue à nous maintenir dans une vision objective et déterministe de l'univers et de ses lois, une "mind projection fallacy" comme dirait Jaynes... ...Jaynes qui, pourtant, se classe dans la catégorie des réalistes.

Il n'est pas facile de sortir de la croyance réaliste mise à mal d'abord par la relativité et ensuite par la physique quantique car elle reste très forte dans notre culture. Une partie des physiciens reste attachés à une vision réaliste de la physique, mais les physiciens positivistes, dans la lignée de Bohr, Heisenberg, Born, Gell-mann, Rovelli, Peres, Bitbol, Grinbaum, Zwirn... me semblent désormais assez largement majoritaires...

...argument auquel on peut répondre que, heureusement, la science ne se décide par des votes au suffrage universel mais par l'aptitude des modèles proposés à faire des prédictions correctes (or l'interprétation réaliste n'engendre pas de prédictions fausses. Elle ouvre la porte à des prédictions à ce jour inobservables).

L'interprétation réaliste ajoute l'hypothèse non réfutable d'objectivité de principes dits fondamentaux et propriétés de notre univers (une réalité ojective que la science aurait alors pour rôle de décrire le plus fidèlement possible). Cette interprétation est en fait un héritage de la vision que nous donnait du monde la physique de la fin 19ème siècle. Un tas d'apparents paradoxes de la physique quantique disparaissent quand on finit par accepter de remettre l'observateur au centre du jeu.

(1) La composition des vitesses reste aditive, même en RR, quand durées, longueurs et simultanéité sont mesurées dans un seul et même référentiel inertiel, un point qui n'est pas toujours très bien connu.

(2) L'information est une notion à caractère statistique. Elle n'a pas besoin de conscience mais juste d'une grille de lecture faisant émerger des informations sous forme de traces dites du passé. C'est cette grille de lecture qui confère à l'univers les lois et les propriétés que nous lui attribuons.
Dernière modification par ABC le 29 févr. 2024, 12:08, modifié 1 fois.

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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#159

Message par Akine » 29 févr. 2024, 11:43

ABC a écrit : Il n'est pas facile de sortir de la croyance réaliste mise à mal d'abord par la relativité et ensuite par la physique quantique car elle reste très forte dans notre culture. Une partie des physiciens reste attachés à une vision réaliste de la physique, mais les physiciens positivistes, dans la lignée de Bohr, Heisenberg, Born, Gell-mann, Rovelli, Peres, Bitbol, Grinbaum, Zwirn... me semblent désormais assez largement majoritaires...
Ce phénomène ne pourrait-il pas provenir du fait que, tout simplement, c'est là une façon naturelle d'appréhender le monde ?
Existe-t-il, au contraire, d'autres cultures humaines dont la vision de l'Univers serait plus proche d'une conception positiviste que réaliste ?
ABC a écrit : C'est grâce à l'incomplétude de l'information de l'observateur macroscopique (sa myopie intersubjective, sa grille de lecture d'être vivant) sur les états microscopiques que l'information détenue par l'observateur reste stable, donc reproductiblement lisible, gage de son intersubjectivité. Ce sont des traces de ce que l'observateur macroscopique appelle le passé, traces dont émerge l'écoulement irréversible du temps.
Cela signifie-t-il que, dans un système non isolé (mais tout de même suffisamment pour que l'intérieur n'ait aucune possibilité de reçevoir une information de l'extérieur) tel que l'entropie y diminuerait graduellement (en fuyant hors du système), l'écoulement irréversible du temps pourrait s'inverser pour un hypothétique observateur ?
Dernière modification par Akine le 29 févr. 2024, 13:30, modifié 2 fois.

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#160

Message par ABC » 29 févr. 2024, 12:52

ABC a écrit :Il n'est pas facile de sortir de la croyance réaliste mise à mal d'abord par la relativité et ensuite par la physique quantique car elle reste très forte dans notre culture. Une partie des physiciens reste attachés à une vision réaliste de la physique, mais les physiciens positivistes, dans la lignée de Bohr, Heisenberg, Born, Gell-mann, Rovelli, Peres, Bitbol, Grinbaum, Zwirn... me semblent désormais assez largement majoritaires...
Akine a écrit : 29 févr. 2024, 11:43Ce phénomène ne pourrait-il pas provenir du fait que, tout simplement, c'est là une façon naturelle d'appréhender le monde ?
Oui, d'accord. Comprendre un phénomène c'est parvenir à le ramener dans un cadre qui nous est familier donc n'entrant pas en conflit avec une intuition reposant sur notre expérience vécue.

Acquérir une intuition sur des phénomènes qui sortent de ce cadre c'est long. C'est pour ça que les non physiciens ont autant de mal avec la perte d'objectivité du présent, des longueurs et des durées propre à la RR, et du coup, on a vite fait de se laisser tenter par l'interprétation lorentzienne (1)...
...En même temps, encore aujourd'hui, certains physiciens refusent l'interprétation positivite intégriste à la Bohr de la physique quantique dite interprétation de Copenhague (2).
ABC a écrit : C'est grâce à l'incomplétude de l'information de l'observateur macroscopique (sa myopie intersubjective, sa grille de lecture d'être vivant) sur les états microscopiques que l'information détenue par l'observateur reste stable, donc reproductiblement lisible, gage de son intersubjectivité. Ce sont des traces de ce que l'observateur macroscopique appelle le passé, traces dont émerge l'écoulement irréversible du temps.
Akine a écrit : 29 févr. 2024, 11:43Cela signifie-t-il que, dans un système non isolé (mais tout de même suffisamment pour que l'intérieur n'ait aucune possibilité de reçevoir une information de l'extérieur) tel que l'entropie y diminuerait graduellement (en fuyant hors du système), l'écoulement irréversible du temps pourrait s'y inverser pour un hypothétique observateur ?
De ce point de vue, j'avais imaginé une expérience de pensée assez rigolote : un petit "moulin" dont les pales laisseraient difficilement passer les molécules d'air d'un côté et facilement de l'autre, bref, un cycle monotherme tranformant de la chaleur en travail en violation de l'énnoncé de Kelvin du second principe de la thermo...
...Wouahou !! Ca y est, on a sauvé la planète de la catastrophe climatique induite par nos émissions de CO2, un problème que nous refusons de prendre à bras le corps (3).

Il y a aussi la machine (de principe, la technologie n'est pas encore très au point :mrgreen:) à faire remonter le temps à un système, c'est à dire le ramener dans un état antérieur, en utilisant les mesures faibles. Cf. The two state vector formalism, an updated review, Y. Aharonov, L. Vaidman,2007 §4 The quantum time-translation machine et plus particulièrement 4.5 The probability of the success of the quantum time machine.

(1) Quoi que si ça se trouve l'interprétation lorenztienne permettant de faire jouer un rôle à un éther, un milieu de propagation des ondes, est peut-être correcte quand même, cf. Ether theory of gravitation, why and how. Le point de vue positiviste n'en serait pas remis en cause pour autant. Les propriétés et lois de la physique demandent des observations reproductibles, donc des traces du passé (des informations irréversiblement enregistrées, donc une création d'entropie, i.e. une fuite d'information hors de portée de l'observateur macroscopique, donc la grille de lecture propre aux êtres vivants).

(2) A noter toutefois que (selon moi) la version de Fuchs est meilleure. Il n'y a pas d'appareil classique. Bohr le savait parfaitement comme l'a décodé E.T. Jaynes, mais le mode d'expression de Bohr à ce sujet pouvait laisser penser qu'il le croyait (certains de ses disciples se sont laissés abuser) alors qu'il ne se plaçait pas au plan ontologique mais au plan épistémique, celui de l'information accessible à l'observateur.
cf. E.T. Jaynes, Clearing up mysteries, Bohr/Einstein, confrontation or réconciliation, 1988.

(3) Ca demande trop de changements de priorités. On préfère se contenter de pointer du doigt des coupables : les autres, ou de dire que ça n'existe pas, ou de dire qu'ya rien à faire, c'est foutu, ou de dire qu'il y a réchauffement mais qu'il n'est pas de nature anthropique, ou de dire oui mais eux d'abord. Les stratégies de fuite ou de déni sont nombreuses.

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#161

Message par externo » 29 févr. 2024, 16:32

J'aimerais qu'on analyse l'explication de Milo Wolff. Le paradoxe est un faux paradoxe car l'information de polarisation des photons est connue tout le long du trajet avant même que les photons soient émis :
viewtopic.php?t=16978&start=50#p630750
(Voir 1.7 Théorie quantique : explication par Wolff de l'expérience d'Einstein, Podolsky, Rosen (EPR) et autres prédictions
'The Ultimate Paradox - Bell's Theorem' de Milo Wolff, Exploration de la physique de l'univers inconnu, 1994)

Il donne même une expérience à faire pour prouver ses dires :
Prouver l'existence des In-Waves (et donc l'interconnexion préexistante des électrons avec le reste de l'appareil) serait une telle expérience critique. Cela peut probablement être accompli avec un appareil du type utilisé par Aspect, Dalibard et Rogers (1982) sauf qu'au lieu d'effectuer un réglage aléatoire du filtre pendant le temps de passage d'un photon, le réglage du filtre doit avoir lieu pendant la période de temps précédant le départ du photon .. Le but est de contrecarrer la communication par les In-Waves. Comme les In-Waves sont nécessaires au processus d'échange d'énergie, le résultat de l'expérience serait une relation linéaire entre la différence angulaire des deux filtres. Ce serait le résultat initialement attendu par Albert Einstein pour l'expérience EPR.
Cette explication est la conséquence de la nature ondulatoire de la matière. Toutes les particules reçoivent des ondes longitudinales
entrantes émises par le reste de l'univers et les renvoient sous forme d'ondes sortantes par l'intermédiaire du spin, qui est une rotation de l'espace-temps au centre de la particule, ces mêmes ondes deviendront les ondes entrantes des autres particules de l'univers. C'est le seul moyen pour que les particules soient constituées d'ondes sphériques stationnaires durables, et c'est en accord avec la théorie de l'absorbeur de Feymann-Wheeler, les ondes entrantes étant les fameuses ondes retardées. Le réseau d'ondes émises par toutes les particules de l'univers constitue un réseau stationnaire qui contient l'énergie du vide, et qui ne se manifeste que par les rebonds locaux d'énergie d'un noeud sur l'autre (fluctuations quantiques). C'est par ce réseau que transite l'information de polarisation et c'est aussi par ce réseau que transite la lumière, qui est une modulation transverse secondaire de l'onde longitudinale.

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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#162

Message par richard » 01 mars 2024, 20:40

Ce soir sur Canal+ ABC contre Poirot c’est l’histoire d’un tueur en série qui envoie des lettres signées «ABC».
:hello: A+

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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#163

Message par ABC » 03 mars 2024, 18:52

ABC a écrit : 14 févr. 2024, 00:11 Les positivistes croient que seul existe, en un sens auquel on puisse donner un sens réfutable (physique et non métaphysique donc) ce qui est observable directement ou indirectement par notre interaction avec ce qui est observé.

La notion de "réalité objective" est une illusion. Elle découle de préjugés métaphysiques, un effet d'hystéresis de notre science fin 19ème où l'on a pu croire en une réalité possédant des propriétés objectives, indépendantes de la "classe des observateurs macroscopiques" (les êtres vivants) et de leur grille de lecture thermodynamique statistique. L'écoulement irréversible du temps, l'indéterminisme, les traces du passé, le principe de causalité... existent puisqu'ils sont observables grâce à notre grille de lecture, notre myopie d'observateur macroscopique.
.
richard a écrit : 28 févr. 2024, 17:47On est en droit de se poser la question Une expérience quantique confirme qu’il n’existe pas de « réalité » objective.
Effectivement très intéressant ce document et surtout l'article scientifique qui en est la source : Experimental test of local observer-independence, Science Advances 20 Sep 2019: Vol. 5, no. 9, eaaw9832,
Massimiliano Proietti, Alexander Pickston, Francesco Graffitti, Peter Barrow, Dmytro Kundys, Cyril Branciard, Martin Ringbauer, Alessandro Fedrizzi.

Grâce à un dispositif expérimental assez difficile à bien comprendre, cet article établit la preuve expérimentale de la validité des conclusions de l'expérience de pensée de l'ami de Wigner. Dans cette expérience, antérieurement seulement de pensée :
  • Un résultat de mesure quantique peut exister pour l'ami de Wigner. L'ami peut avoir enregistré et observé un résultat de mesure. Du point de vue de l'ami de Wigner, travaillant enfermé dans son labo, sa mesure quantique est terminée.
    .
  • Wigner, situé à l'extérieur du labo de cet ami, peut au contraire (au plan du principe) faire des mesures (sur l'ensemble système mesuré + appareil de mesure + son ami + labo de son ami) lui prouvant que son ami n'a pas encore terminé sa mesure quantique. Autrement dit Wigner est sensé pouvoir réaliser des mesures d'interférence lui prouvant que l'ensemble formé du système observé par son ami, par l'appareil de mesure de cet ami et par le système observé par son ami est toujours dans un état quantique superposé.
Bref, l'expérience de pensée de Wigner, basée sur la physique quantique actuellement connue, établit la non objectivité de la réduction du paquet d'onde. Cette réduction peut avoir eu lieu du point de vue des résultats d'observation d'un observateur O1 (l'ami de Wigner). L'appareil de mesure et le système observé sont alors :
  • soit dans l'état résultat 1 mesuré : système dans l'état 1 et appareil de mesure indiquant que le système est dans l'état 1 = A1 S1
  • soit dans l'état résultat 2 mesuré : système dans l'état 2 et appareil de mesure indiquant que le système est dans l'état 2 = A2 S2
Pour Wigner au contraire (l'observateur O2), la mesure quantique du système S par lappareil de mesure A peut ne pas encore être terminée. Le système (A,S) est alors :
  • soit dans l'état superposé S1A1 + S2A2
  • soit dans l'état superposé S1A1 - S2A2
Evidemment, dans l'expérience réalisée par Massimiliano Proietti et ses collègues, il n'y a pas d'ami et de labo en état superposé. Il y a juste un système observé, un appareil de mesure et un observateur. Plus précisément :
  • La grandeur mesurée est la polarisation d'un 1er photon.
  • L'appareil de mesure est un 2ème photon que l'on fait interagir avec le 1er via un type-I fusion gate.
La vérification que la mesure puisse être réalisée sur le 1er photon du point de vue du 2ème photon (l'ami de Wigner) mais que, au contraire, l'ensemble des 2 photons puisse toujours être dans un état superposé du point de vue d'un observateur (Wigner) est établie via un dispositif expérimental plus complexe toutefois. Il fait intervenir :
  • 2 observateurs : Alice et Bob
  • une paire de photons EPR corrélés en polarisation issus d'une source S0 située entre Alice et Bob
  • une paire de photons EPR corrélés en polarisation issus d'une source SA située du côté d'Alice
  • une paire de photons EPR corrélés en polarisation issus d'une source SB située du côté de Bob
Sur la base de l'hypothèse de localité (L) Et de l'hypothèse de libre choix des mesures par Alice et Bob (F = free), la non objectivité du résultat de mesure du photon 1 par le photon 2 est établie (aux loopholes près signalés dans l'article) par la violation d'une inégalité de type inégalité de Bell :

〈A1B1〉 + 〈A1B0〉 + 〈A0B1〉 − 〈A0B0〉> 2
  • où A1 désigne le résultat +1 ou -1 quand Alice mesure l'ensemble (photon 1, photon 2) dans l'un des 2 états superposés de polarisation possibles (correspondant à l'un des 2 états possibles de l'ensemble (photon 1, photon 2) dans le cas d'une mesure de polarisation du photon 1 par le photon 2 pas encore terminée du point de vue d'Alice.
    .
  • où A0 désigne de résultat +1 ou -1 quand Alice mesure l'ensemble (photon 1, photon 2) dans l'un des 2 états non superposés de polarisation possible (correspondant à l'un des deux états possibles de l'ensemble (photon 1, photon 2) dans le cas d'une mesure de polarisation du photon 1 par le photon 2 terminée du point de vue d'Alice.
    .
  • B1 et B0 ont la même signification, mais du côté de Bob.
Voilà qui démontre expérimentalement (aux loopholes près qui restent à "boucher") la non objectivité de la réduction du paquet d'onde, cad sa dépendance à l'enregistrement irréversible d'information Lorsqu'une mesure quantique est terminée, donc une création d'entropie dite pertinente caractéristique d'une classe d'observateurs macroscopiques (une fuite d'information hors de portée de la classe d'observateurs macroscopiques que sont les êtres vivants).

Image
.
FIG. 2. Experimental setup. Pairs of entangled photons from the source S0, in modes a and b, respectively, are distributed to Alice’s and Bob’s friends, who locally measure their respective photon in the {h, v}-basis using entangled sources SA, SB and type-I fusion gates. These use nonclassical interference on a polarising beam splitter (PBS) together with a set of half-wave (HWP) and quarter-wave plates (QWP). The photons in modes α′ and β′ are detected using superconducting nanowire single-photon detectors (SNSPD) to herald the successful measurement, while the photons in modes α and β record the friends’ measurement results. Alice (Bob) then either performs a Bell-state measurement via non-classical interference on a 50/50 beam splitter (BS) on modes a and α (b and β) to measure A1 (B1) and establish her (his) own fact, or removes the BS to measure A0 (B0), to infer the fact recorded by their respective friend; see Supplementary Materials for details.

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richard
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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#164

Message par richard » 04 mars 2024, 16:56

ABC a écrit :Il n'est pas facile de sortir de la croyance réaliste mise à mal d'abord par la relativité et ensuite par la physique quantique car elle reste très forte dans notre culture.
Il n'est pas facile de sortir de la croyance positiviste mise à mal au XXe siècle.
Le paradigme positiviste a été mis question sur plusieurs points au XXe siècle :
- On s'est aperçu qu'en réalité, les faits et la théorie interfèrent toujours à des degrés divers.
- Les évolutions en physique (la thermodynamique, les théories atomiques) obligent à une ontologie minimale.
- Dans les grandes théories physiques (relativité, gravitation), l'aspect déductif domine.
La relativité et la quantique ne peuvent être résolues que dans le cadre du réalisme.

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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#165

Message par externo » 04 mars 2024, 21:22

richard a écrit : 04 mars 2024, 16:56
ABC a écrit :Il n'est pas facile de sortir de la croyance réaliste mise à mal d'abord par la relativité et ensuite par la physique quantique car elle reste très forte dans notre culture.
Il n'est pas facile de sortir de la croyance positiviste mise à mal au XXe siècle.
J'ai montré sur ce forum que l'éther (avec état de mouvement) était ce qu'indiquaient les équations et toutes les expériences de pensées. Il n'y a aucune raison de sortir du réalisme.
Dernière modification par externo le 05 mars 2024, 11:00, modifié 3 fois.

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Lambert85
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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#166

Message par Lambert85 » 04 mars 2024, 21:46

AMEN ! :roll:
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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#167

Message par ABC » 05 mars 2024, 15:10

richard a écrit : 04 mars 2024, 16:56La relativité et la quantique ne peuvent être résolues que dans le cadre du réalisme.
Pas très convaincant (et sans lien avec cette affirmation) le document de Juignet Patrick Le positivisme scientifique.

L'association déterminisme/positivisme dans l'article de Juignet
L'association déterminisme/positivisme dans son article ne me semble pas pertinente. Pourquoi un positiviste devrait-il croire, lui aussi, à l'interprétation réaliste attribuant au déterminisme des lois de la physique (et, d'une façon plus générale aux lois "de la nature" qualifiées de fondamentales) un caractère de propriété intrinsèque, de propriété objective de la nature ?

C'est une confusion entre positivisme et opinion contradictoire de certains scientifiques de la fin du 19ème (cf. le déterminisme de Laplace). Certains se réclamaient du positivisme et attribuaient pourtant, en même temps, un caractère fondamental (objectif) aux constantes de la physique et à certaines lois de la nature :
  • déterminisme
  • réversibilité
  • principe de causalité (demandant, au passage, un écoulement irréversible du temps incompatible avec la réversibilité)
auxquelles s'ajoutent désormais :
  • la symétrie CPT,
  • l'invariance de Lorentz et le principe de causalité désormais relativiste
    (impossibilité d'interactions sortant du cône de causalité relativiste)
  • un bon nombre de no-go theorems de la physique quantique (cf. no-go theorem)
    • no-cloning theorem,
    • no-communication theorem,
    • no-hiding theorem,
    • quantum no-deleting theorem,
    • no-teleportation theorem...
  • les constantes fondamentales de la physique : G, c, h, charge électrique des quarks et de l'électron, masse de l'électron...
C'est quoi l'interprétation réaliste de la physique (pour un physicien réaliste) ? C'est l'hypothèse selon laquelle ces lois fondamentales :
  • seraient des propriétés intrinsèques de la nature
    (à d'éventuels manques près que les avancées de la physique combleraient peu à peu)
  • ou seraient proches de propriétés de la nature qui existeraient et, cependant, seraient objectives.
En gros le point de vue (des physiciens) réaliste(s), c'est le point de vue que Patrick Juignet prète aux positivistes. A mon avis, son article repose sur une grille de lecture philosophique datant de la fin du 19ème siècle. Il s'agit d'une perception de la science n'ayant pas encore intégré le changement de paradigme induit par la relativité de l'espace et du temps et la physique quantique (tout particulièrement, le problème dit de la mesure quantique).

L'association positivisme versus démarche exclusivement inductive dans l'article de Juignet
Par ailleurs, son hypothèse positivisme ==> mode de raisonnement exclusivement inductif ne me semble pas pertinente non plus. Où est-il aller chercher l'idée selon laquelle le positivisme limiterait l'usage de la démarche déductive ?...
...du moment que celle-ci s'appuie sur une base de lois solidement validées par des observations reproductibles ? A mon avis Juignet estime implicitement fructueux (et probablement sans en être conscient) de promouvoir une démarche déductive reposant sur des hypothèses validées par le bon sens paysan ! Aïe !

Par ailleurs, sa conclusion me semble être l'expression d'un acte de foi. Aucun des 4 points cités en conclusion par Juignet n'est utilisé (et je le crains utilisable) pour valider l'existence d'une réalité qui aurait des propriétés intrinsèques, des propriétés qui ne devraient rien à ce qui est reproductiblement observable : les traces du passé engendrées par la grille de lecture thermodynamique statistique de l'observateur macroscopique (les êtres vivants).

Des auteurs défendant l'interprétation réaliste de la physique
Les 5 documents et 2 vidéos ci-dessous défendent une position réaliste. Ils me semblent bien plus pertinents que l'article de Juignet. Leurs auteurs sont des scientifiques professionnels. Leur compétence scientifique est utile pour apporter un éclairage scientifique sur ce sujet délicat.
  • Clearing up mysteries E.T. Jaynes y explique de façon très claire en quoi se distingue :
    • le point de vue réaliste d'Einstein (attaché aux "éléments de réalité", cf. EPR) sur l'incomplétude de la physique quantique
    • du point de vue positiviste de Bohr défendant la complétude de la physique quantique mais, comme E.T. Jaynes le met en lumière, une complétude sous un angle purement épistémique.
    Cf. § EPR et § Confrontation or Reconciliation.
    .
  • Comprenons-nous vraiment la Mécanique Quantique ? (Vidéo) Frank Laloë, Institut des Hautes Études Scientifiques
    .
  • Everett many-worlds interpretation | Wikipedia audio article (Vidéo) L'interprétation des mondes multiples Wiki, H. Everett. C'est une interprétation réaliste de la fonction d'onde. Cela sauve déterminisme, réversibilité, préservation de l'information, invariance de Lorentz, causalité relativiste et réalité physique objective de l'état quantique...
    ...mais ça a un coût très élevé : cette interprétation implique, du coup, l'existence d'une fonction d'onde objective de l'univers et la création, à chaque mesure, d'une multitude d'univers parallèles inobservables...

    ...ainsi, évidemment, que la disparition du temps en cosmologie quantique, cf. L'équation de Wheeler-Dewitt. C'est normal. Il n'y a plus d'observateur donc plus de phénomène physique irréversible, donc plus de traces du passé marquant le passage du temps (grâce à une création d'entropie, une fuite d'information hors de portée de l'observateur macroscopique).
    .
  • Environment as a Witness: Selective Proliferation of Information and Emergence of Objectivity in a Quantum Universe
    Harold Ollivier, David Poulin, Wojciech H. Zurek
    Là on a affaire à des physciens dont, au moins Zurek, se réclamait du réalisme (je ne sais pas si c'est toujours le cas). Le document en lui-même est extrêmement intéressant. Il permet notamment de faire apparaître une base hilbertienne privilégiée dans l'interaction entre système observé et environnement ET la redondance des informations enregistrées dans l'environnement grâce au phénomène de décohérence.

    Cette (très forte) redondance permet de garantir l'intersubjectivité des informations ainsi reproductiblement observables et de ce fait devenant classiques (1). Il n'y a pas de souci mathématique ou physique avec cet article. Par contre, un peu à la Prigogine, Zurek à un moment donné dans le passé, tirait (me semble-t-il) l'interprétation de ses pédictions dans un sens répondant à son attente réaliste mais semblant aller au delà de ce que ses études prouvaient.

    A ce moment là, Zurek pensait (ce n'est plus le cas) avoir résolu le problème de la mesure quantique grâce à la décohérence. Las, comme toute évolution dynamique à laquelle on se refuse d'accorder un rôle à l'observateur, la décohérence est unitaire, déterministe et réversible. La décohérence préserve l'information : pas de création objective d'entropie. C'est normal, l'entropie n'est pas une grandeur physique objective.

    L'information sur le système soumis à décohérence par intrication avec un appareil de mesure (puis son environnement) n'est jamais objectivement perdue (cf. les échos de spin). Elle va "se cacher" sous forme d'intrication avec l'environnement sans jamais disparaître objectivement. C'est cette observation qui a conduit à proposer l'interprétation des mondes multiples. Cette interprétation est inévitable dès lors que l'on attribue à l'état quantique un caractère de grandeur objective.

    "Résoudre" le problème de la mesure quantique, c'est quoi ? C'est tenter de trouver une modélisation de la mesure quantique qui puisse se passer du rôle de l'observateur sans entrer en conflit avec la loi d'évolution quantique des systèmes physiques (une évolution unitaire, déterministe, réversible, conservant l'information cad l'entropie, comme en physique classique).

    Je crains que cet objectif ne soit la poursuite d'une chimère, l'illusion persistante d'un univers qui possèderait des propriétés objectives, des propriétés qui ne dépendraient nullement de l'observateur macroscopique et de sa grille de lecture thermodynamique statistique.
    .
  • On the reality of the quantum state, Matthew F. Pusey, Jonathan Barrett, Terry Rudolph, Nature Phys. 8, 475 (2012). Ce document défend une interprétation réaliste de l'état quantique. L'expérience proposée est parfaitement légitime et le résultat très intéressant obtenu est le suivant : un même état physique ne peut pas appartenir à deux états quantiques différents (un point qui, à un moment donné, était objet de débat).

    Par contre prouver "l'objectivité/réalité" d'un état quantique se serait prouver la correspondance biunivoque (bijective) entre état physique et état quantique. Cela demanderait que 2 états physiques distincts ne puissent pas appartenir à un même état quantique. Dans la formulation standard de la théorie quantique (à un seul vecteur d'état) c'est faux.

    Ce point n'est certes pas explicitement affirmé dans l'article. Toutefois, l'attribution au résultat de son expérience d'un caractère de preuve d'objectivité/réalité de l'état quantique repose implicitement sur l'hypothèse de bijectivité du lien état physique état quantique (de la formulation standard à un seul vecteur d'état). Or l'article prouve seulement l'injectivité de la relation état quantique --> état physique (ce qui est déjà un résultat très intéressant et pas du tout évident avant qu'il n'aient écrit cet article).

    On se trouve, une fois de plus, confronté aux difficultés de ce type de réflexion touchant au domaine de nos certitudes. Une certitude peut être tellement forte que son caractère d'hypothèse passe inaperçu, aux yeux de celui qui l'accepte implicitement, tant elle présente un caractère d'évidence (2).
    .
  • Weak measurement elements of reality, L. Vaidman, 1996
Dans ce document, Vaidman défend de manière très intéressante et très convaincante l'interprétation réaliste des résultats de mesure faible. Il donne de cette façon raison à Einstein quand il posait la question de l'incomplétude de la physique quantique.

Vaidman, y détaille une explication très subtile distingant :
  • statistiques des résultats de mesure faible basées sur une caractérisation (incomplète) de l'état quantique reposant sur la seule présélection
  • statistiques des résultats de mesure faible basées sur une caractérisation (plus complète) des états quantiques reposant sur les résultats de présélection et de postsélection.
Although measuring weak value requires an ensemble, it is argued that the weak value, similarly to an eigenvalue [et non à une moyenne, une grandeur caractérisant statistiquement un ensemble], is a property of a single pre- and post-selected quantum system
Son article a d'ailleurs fait l'objet de contestations par des auteurs qui (selon moi) n'en ont pas saisi certaines subtilités (cf. Weak value controversy, Vaidman, 2017). La principale difficulté d'interprétation du point de vue de Vaidman se trouve dans la citation ci-dessus.

Certaines difficultés de progression de la science (3) me semblent imputables à un biais dans l'approche positiviste quand elle tombe dans l'intégrisme : l'idée que, quand un phénomène n'est pas (encore) reproductiblement observable, on devrait considérer son inexistence comme une vérité définitive (le piège dans lequel est tombé Ernst Mach avec son rejet de l'hypothèse métaphysique, à son époque, d'existence des atomes). C'est un piège qui peut conduire à se montrer catégorique quant à l'inexistence d'un référentiel privilégié attaché au milieu de propagation des ondes (cf. Ether theory of gravitation why and how).

Par contre, il existe aussi le piège inverse, celui d'un réalisme intégriste : par exemple, affirmer l'existence d'un tel référentiel privilégié, sans nuance (et parfois pire, sans compétence), sans preuves solidement confirmées par des observations reproductibles validées par publication dans des revues à comité de lecture, et ce depuis un moment suffisant pour que l'on puisse être confiant dans la solidité de ces preuves.

Bon, d'une façon générale, l'intégrisme, l'incapacité d'être à l'écoute de points de vue différents (défendus de façon correcte et sérieuse), c'est pas terrible. Ca donne même parfois lieu (selon le domaine) à des tensions dont il serait très bénéfique de pouvoir se passer.

(1) des informations classiques c'est à dire simultanément observables. Mathématiquement, ça se traduit par une algèbre d'observables commutative contrairement à l'algèbre des observables en physique quantique. En physique quantique, quand 2 observations correspondent à des observables qui ne commutent pas, la 2ème observable change l'état du système engendré par la 1ère mesure ("Unperformed measurements have no results" cf. Asher Peres, un grand positiviste devant l'éternel ;) ).

De plus, les informations enregistrées dans l'environnement résistent aux agressions de l'environnement et à des lectures successives. C'est ce qui garantit l'intersubjectivité des traces du passé ainsi laissées dans l'environnement. C'est le mécanisme engendrant l'émergence d'un écoulement irréversible du temps pour les observateurs macroscopiques que sont les êtres vivants.

(2) Pour ma part, je me suis fait avoir une fois avec une tentative d'utilisation de l'effet tunnel pour transmettre de l'information à vitesse supraluminique et m'en servir pour détecter un référentiel inertiel priviégié. J'avais imaginé une expérience de pensée basée sur cet effet mais reposant implicitement, via les équations modélisant cette expérience, et ce sans que je m'en aperçoive au début, sur le référentiel privilégié que l'expérience était sensée mettre en évidence.

Je me suis fait avoir une autre fois avec cette fois l'hypothétique possibilité de mesurer la durée objective supposée d'une mesure quantique de polarisation sur un système individuel (un photon) en vue de distinguer, par d'hypothétiques durées de mesure de polarisation différentes :
  • un mélange statistique parfait (polarisation horizontale, polarisation verticale)
  • d'un mélange statistique parfait (polarisation à +45, polarisation à - 45°) dans le cadre de l'expérience EPRB...
...un piège réaliste accordant une réalité objective à l'état quantique d'un système individuel, une réalité objective au résultat de mesure quantique d'un système individuel et à la fin d'une mesure quantique. Bref, une rechute réaliste.

(3) Parfois, au vu ce que l'on fait des progrès scientifiques et technologiques, on s'interroge pour savoir si cette (très relative) lenteur est regrettable ou bénéfique.
Dernière modification par ABC le 06 mars 2024, 06:01, modifié 1 fois.

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Dominique18
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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#168

Message par Dominique18 » 05 mars 2024, 17:20

Fort intéressant exposé, ABC.

Patrick Juignet, qui est-il donc?
Quels sont ses compétences et ses domaines de compétence?
en 1952 à Paris, j'ai effectué des études de médecine et parallèlement en psychologie à l'Université de Nice. Une spécialisation en psychiatrie et une formation psychanalytique m'ont conduit à une installation en libéral. Parallèlement, j'ai enseigné la psychopathologie en tant que chargé de cours en psychiatrie et en psychologie clinique.

J'ai ensuite soutenu un DEA en histoire des idées et un Doctorat en Philosophie et Sciences de l'homme. Nommé directeur de programme au Collège International de Philosophie en 2007, j'y ai poursuivi une recherche sur l'approche de l'humain au travers des idées d'information et de représentation.

Le Centre de Recherche en Histoire des Idées de l'Université de Nice Sophia Antipolis m'a accueilli depuis 2015 et j'y suis toujours affilié actuellement. Je dirige la revue Philosophie, Science et société (https://philosciences.com). Philosophie science et société est une revue universitaire généraliste. Les articles doivent pouvoir être lu par les non-spécialistes de la discipline. Son positionnement intermédiaire entre la recherche et la vulgarisation en fait une référence sérieuse, mais qui reste claire et accessible.
https://cv.hal.science/patrick-juignet?langChosen=fr

Pour aborder la physique, il me semble raisonnable de faire appel à des physiciens, pas à des philosophes qui ne peuvent que disposer, comme références d'étude, que de superficialité des faits et événements.
Juignet a trempé, le pauvre, dans la psychanalyse.
Comme un certain Lacan qui se targuait de faire des mathématiques... et de proposer des modèles explicatifs...
Redoutable, ça, la psychanalyse...
Des prétentions inouïes, de l'enfumage à tous les étages.
...En gros, le point de vue (des physiciens) réaliste(s), c'est le point de vue que Patrick Juignet prète aux positivistes. A mon avis, son article repose sur une grille de lecture philosophique datant de la fin du 19ème siècle. Il s'agit d'une perception de la science n'ayant pas encore intégré le changement de paradigme induit par la relativité de l'espace et du temps et la physique quantique (tout particulièrement, le problème dit de la mesure quantique).
Juignet me paraît largué, mais il réussit à compenser son ignorance par la puissance rhétorique. Il se fait illusion et il propose de l'illusion. Tant qu'on ne sort pas du niveau d'organisation à l'intérieur duquel il s'exprime, ça peut passer. Dès qu'on passe au niveau supérieur, ça coince.
Une référence instructive en ce sens, le dialogue qui eut lieu entre Jean Bricmont et Régis Debray, "A l'ombre des lumières" (2003 ). Il peut servir d'illustration.

Une critique...
https://www.afis.org/A-l-ombre-des-lumi ... ax_redir=1

A noter que l'histoire semble avoir donné raison à Bricmont. La religion, après avoir adopté une posture de recul, tout en faisant un pas de côté, face aux progrès de la science pour permettre d'élaborer des scénarios, quant à la compdu monde, reposant sur des bases scientifiques, revient au grand galop dans l'esprit des jeunes générations.
Les plus âgées résistent mieux.

Juignet me rappelle des individus du calibre de Bruno Latour.
Aptes à discuter de l'objet, brillamment, avec force références, effets de style et de manche, mais indépendamment de la rigueur exigée par la méthode scientifique, qui requiert des connaissances... scientifiques.
Bref, ces individus sortent de leur champ réel de compétence, mais ils savent pérorer.
Dernière modification par Dominique18 le 05 mars 2024, 18:03, modifié 5 fois.

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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#169

Message par richard » 05 mars 2024, 17:21

Salut ABC ! Tu es partisan du positivisme, moi du réalisme. Nous ne serons donc jamais d’accord. Le positivisme est tributaire des observations, donc des sens. De plus il faut que les observateurs soient d’accord sur ce qu’ils ont observé. C’est une objectivité faible, tandis que si l’on parvient à atteindre la chose en soi, l’accord se fait sur cette réalité bien plus objective, et l’objectivité c’est ce que recherche la science.
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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#170

Message par Gwanelle » 05 mars 2024, 18:49

ABC a écrit : 05 mars 2024, 15:10
L'association positivisme versus démarche exclusivement inductive dans l'article de Juignet
Par ailleurs, son hypothèse positivisme ==> mode de raisonnement exclusivement inductif ne me semble pas pertinente non plus. Où est-il aller chercher l'idée selon laquelle le positivisme limiterait l'usage de la démarche déductive ?...
...du moment que celle-ci s'appuie sur une base de lois solidement validées par des observations reproductibles ? A mon avis Juignet estime implicitement fructueux (et probablement sans en être conscient) de promouvoir une démarche déductive reposant sur des hypothèses validées par le bon sens paysan ! Aïe !
Je pense que la réponse est dans le paragraphe 1 : où il admet que le positivisme est un empirisme.
or l'empirisme (Bacon,Hobbes,Locke) s'est construit par opposition au rationalisme (Descartes,Leibniz,Spinoza) considérants que ces dernier donnaient trop d'importances au déductions (plutôt qu'aux généralisations d'observations particulières, donc aux inductions)

Le positivisme a énormément changé de toute façon, si on l'analyse d'un point de vu historique il faut toujours préciser de quel siècle on parle .
Juignet part de loin étant donné qu'il parle au départ de l'opposition à la métaphysique religieuse, or à cette époque tous les positivistes étaient déterministes par exemple (bref si on ne précise pas le siècle, on peut tout dire et son contraire concernant le positivisme)

Toujours est il que cet article parle surtout du positivisme "obsolète" (et très "réaliste" en un sens) d'avant le XX ème, dont l'interet est seulement historique.
Tandis que toi , tu l'emplois au sens du XXème siècle (c'est à dire "l'école de copenhague") par opposition à "la tradition réaliste".
ABC a écrit : 05 mars 2024, 15:10 Certaines difficultés de progression de la science (3) me semblent imputables à un biais dans l'approche positiviste quand elle tombe dans l'intégrisme : l'idée que, quand un phénomène n'est pas (encore) reproductiblement observable, on devrait considérer son inexistence comme une vérité définitive (le piège dans lequel est tombé Ernst Mach avec son rejet de l'hypothèse métaphysique, à son époque, d'existence des atomes). C'est un piège qui peut conduire à se montrer catégorique quant à l'inexistence d'un référentiel privilégié attaché au milieu de propagation des ondes (cf. Ether theory of gravitation why and how).

Par contre, il existe aussi le piège inverse, celui d'un réalisme intégriste : par exemple, affirmer l'existence d'un tel référentiel privilégié, sans nuance (et parfois pire, sans compétence), sans preuves solidement confirmées par des observations reproductibles validées par publication dans des revues à comité de lecture, et ce depuis un moment suffisant pour que l'on puisse être confiant dans la solidité de ces preuves.
Ne "suffit" (*) il pas d'appliquer le critère de Popper, c'est à dire (pour résumer) savoir distinguer une hypothèse irréfutable (c'est à dire "définitivement" inobservable) d'une hypothèse réfutable (c'est à dire "seulement à ce jour" inobservable).
Si on ne peut imaginer une expérience (de pensée) qui puisse réfuter l'hypothèse par l'observation alors le positiviste a raison de la critiquer, tandis que si on peut en imaginer une (même si on ne peut la réaliser à ce jour) alors l'hypothèse est "seulement à ce jour" inobservable (et dans ce cas là, oui le positiviste à tort de la critiquer).

(*) sans doute plus facile à appliquer aux hypothèses des autres qui nous sont beaucoup moins chères que les nôtres (surtout si on y a investi des dizaines d'années de notre vie)
Ôte-toi de mon soleil !

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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#171

Message par Gwanelle » 05 mars 2024, 19:29

richard a écrit : 05 mars 2024, 17:21 Salut ABC ! Tu es partisan du positivisme, moi du réalisme. Nous ne serons donc jamais d’accord. Le positivisme est tributaire des observations, donc des sens. De plus il faut que les observateurs soient d’accord sur ce qu’ils ont observé. C’est une objectivité faible, tandis que si l’on parvient à atteindre la chose en soi, l’accord se fait sur cette réalité bien plus objective, et l’objectivité c’est ce que recherche la science.
En disant "objectivité faible", tu reprends la terminologie de D'espagnat , mais pour comprendre ABC ( et donc décoller du stade "J'suis pas d'accord !" ) traduis le par intersubjectivité.
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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#172

Message par ABC » 05 mars 2024, 21:38

Gwanelle a écrit : 05 mars 2024, 18:49Cet article parle surtout du positivisme "obsolète" (et très "réaliste" en un sens) d'avant le XXème, dont l'intérêt est seulement historique. Tandis que toi, tu l'emploies au sens du XXème siècle (c'est à dire "l'école de Copenhague") par opposition à "la tradition réaliste".
Tout à fait.
ABC a écrit : 05 mars 2024, 15:10Certaines difficultés de progression de la science me semblent imputables à un biais dans l'approche positiviste quand elle tombe dans l'intégrisme.
Gwanelle a écrit : 05 mars 2024, 18:49Ne "suffit"-il pas d'appliquer le critère de Popper, c'est à dire (pour résumer) savoir distinguer une hypothèse irréfutable (c'est à dire "définitivement" inobservable) d'une hypothèse réfutable (c'est à dire "seulement à ce jour" inobservable).
Pas si facile que ça. Par exemple, en 1930, le neutron était une hypothèse spéculative, sans possibilité de confirmation expérimentale à cette époque. Le professeur Rutherford, à l'Université de Cambridge, expérimentait plusieurs approches et spéculait sur l'existence d'une particule subatomique sans charge électrique (inobservable à cette époque)...
...mais certaines lois reposant sur des faits reproductibles, eux, suggéraient cette existence, et, finalement, le neutron a été observé en 1932 par Chadwick. On peut dire la même chose des neutrinos. Ils ont été envisagés "par Pauli en 1930 pour résoudre le problème du spectre des électrons dans la désintégration béta", sur la seule base de la conservation de l'énergie, puis intégrés dans la théorie de l'interaction faible en 1933 par Fermi avant leur découverte en 1956 par Fred Reines.
Gwanelle a écrit : 05 mars 2024, 18:49Si on ne peut imaginer une expérience (de pensée) qui puisse réfuter l'hypothèse par l'observation alors le positiviste a raison de la critiquer, tandis que si on peut en imaginer une (même si on ne peut la réaliser à ce jour) alors l'hypothèse est "seulement à ce jour" inobservable (et dans ce cas là, oui le positiviste à tort de la critiquer).
Pas bien sûr. Pas très noir ou blanc tout ça. On peut imaginer une expérience de pensée permettant de violer le no-communication theorem et, en même temps, la causalité relativiste...
...mais il faut admettre la possibilité spéculative de violer les statistiques quantiques (la règle statistique de Born, implicitement contenue dans le formalisme de l'opérateur densité base du no-communication theorem).

A ce jour rien, rien du tout, nada, peau d'balle, ne laisse à penser que ce soit possible...
...sauf si on accorde un degré de confiance tellement élevé au déterminisme qu'on le pense applicable à la mesure quantique (1) à une échelle d'observation à ce jour inaccessible, par exemple quelques ordres de grandeurs au-dessus de l'échelle de Planck (ou, pire encore, à l'échelle de Planck elle-même).

Dans un colloque sur les interprétations de la physique quantique qui s'est tenu à Paris le vendredi 14 et le samedi 15 avril 2023 Quantum Mechanics Paris Meeting organisé par Joseph Kouneiher (2), un participant a demandé à Frank Laloë ce qu'il pensait de l'hypothèse spéculative d'une possibilité (au plan du principe) de biaiser le hasard quantique (grâce à un contrôle/maintien hyper rigoureux de l'état du polariseur d'Alice et son environnement à une échelle et avec une précision inaccessibles à ce jour) en exploitant un hypothétique déterminisme de la mesure quantique (soigneusement caché derrière un manque d'information et les gros doigts maladroits de l'observateur macroscopique).

Sans toutefois se prononcer, Laloë a répondu qu'on ne pouvait pas préremptoirement déclarer cette hypothèse définitivement inenvisageable. Laloë a d'ailleurs présenté, lors de son intervention, une idée de principe pour mesurer la durée d'une mesure quantique. Sa proposition, très audacieuse, a suscité un vif intérêt de la part d'Alain Aspect.

Le point que tu soulèves en citant Popper est d'autant plus cocasse que feu Karl Popper lui-même, lui précisément, était favorable, comme Bell et Bohm, à une interprétation réaliste et respectueuse du principe de causalité (3) donc explicitement non locale de l'effet EPR.

Voilà ce que nous dit K.R. Popper en 1982 à ce sujet, défendant l'interprétation bohmienne (cf. Pilot-wave theory, Bohmian metaphysics, and the foundations of quantum mechanics Lecture 5, mais ce ppt a malheureusement disparu du net)
We have to give up Einstein’s interpretation of special relativity and return to Lorentz’s interpretation and with it to . . . absolute space and time. . . . The reason for this assertion is that the mere existence of an infinite velocity entails [the existence] of an absolute simultaneity and thereby of an absolute space. Whether or not an infinite velocity can be attained in the transmission of signals is irrelevant for this argument: the one inertial system for which Einsteinian simultaneity coincides with absolute simultaneity . . . would be the system at absolute rest - whether or not this system of absolute rest can be experimentally identified.
Un texte en parfaite violation du principe de réfutabilité dont il est lui-même l'auteur. Bref, feu Popper était un ardent défenseur du positivisme, mais bon, au point d'attribuer une absence d'objectivité à l'état quantique de la paire de photons EPR corrélés, là, faudrait tout de même pas exagérer ;).

Bref, l'approche positiviste, c'est quoi ? En fait, c'est l'application du rasoir d'Occam. Il s'agit de privilégier l'abandon de toute hypothèse non strictement requise pour rendre compte des faits d'observation (comme, par exemple, l'abandon de l'hypothèse d'existence/observabilité d'un référentiel de repos du milieu de propagation des ondes).

Doit-on appliquer ce principe sans s'encombrer de nuances ? Ben non, il faut faire preuve d'un peu de souplesse/mesure/discernement quand certaines lois (ou même de simples analogies, cf. les ampériens d'Ampère), ayant bien marché par le passé (comme la conservation de l'énergie, la conservation de certaines symétries ou encore la conservation de l'information...), suggèrent l'existence d'une entité physique ou d'un phénomène physique en apparence inobservable...
...parfois même quand d'autres lois de type no-go theorems (solides elles-aussi) suggèrent/prouvent que c'est imposible (cf. la conservation de l'information en voie d'être (r)établie rigoureusement dans le paradoxe de l'information des troux noirs, malgré le no hair-theorem relatif à la radiation de Hawking).

(1) Une mesure quantique interprétée comme une évolution quantique réelle, physique, objective, donc unitaire, déterministe, réversible, respectueuse de la conservation de l'information, une évolution soumise donc, à l'insu de l'observateur macroscopique, à un déterminisme masqué par la myopie et les gros doigts maladroits de l'observateur macroscopique.

C'était comme ça que je voyais l'effet EPR il y a une quinzaine d'années avant de virer (très difficilement) positiviste, convaincu finalement par la conjugaison des informations suivantes :
  • les articles de Carlo Rovelli, Christopher Fuchs et Asher Peres.
    .
  • L'interprétation time-symetric de l'effet EPR ne nécessitant pas de violation d'invariance de Lorentz. En fait, elle ne nécessite pas, non plus, de violation du principe de causalité relativiste si, contrairement à Aharonov, Cohen, Elitzur et Vaidman, on adopte une interprétation positiviste du principe de causalité. Il s'agit d'une interprétation attribuant le principe de causalité à l'ignorance du futur par l'observateur macroscopique. Cette ignorance joue un rôle crucial : elle élimine le paradoxe du grand-père. En effet, l'observateur n'a aucun moyen de se servir de relations de corrélation allant dans le sens futur --> présent : il ne peut pas s'en servir car il ignore le futur. Grâce à sa connaissance du passé, il peut au contraire se servir d'une relation de corrélation pour provoquer un effet futur et ainsi transformer, par son action, cette relation de corrélation en cause provoquant un effet choisi.
    .
  • Le caractère invariant de Lorentz du franchissement par effet tunnel d'une barrière de potentiel à vitesse supraluminique et pourtant, sans violation d'invariance de Lorentz donc, certes, en violation du principe de causalité relativiste si l'on adopte une interprétation réaliste du principe de causalité, mais sans cette violation si on note que l'observateur ne peut pas se servir de ces actions qui remontent le temps (pas moyen de se passer du rôle des limitations d'accès de l'observateur à l'information).
    .
  • L'interprétation qu'E.T. Jaynes propose de l'effet EPR. Il pointe une erreur d'interprétation de Bell à ce sujet. La violation des inégalités de Bell peut s'interpréter comme une inférence statistique bayesienne, une exploitation optimale de l'information maximale pouvant être recueillie par l'observateur, cf. CLEARING UP MYSTERIES, §EPR. Il signale ainsi l'inutilité du recours à l'hypothèse d'une violation de localité... ...et pourtant, malgré cet argument de poids pour réintroduire l'observacteur (et ses limitations d'accès à l'information) dans le champ de la physique, Jaynes est définitivement un réaliste. E.T. Jaynes n'aime pas, notamment, l'approche purement épistémique de Bohr et l'interprétation positiviste de la physique quantique dont Bohr est l'un des pères (avec Born et Heisenberg).
(2) Avec des historiens des sciences, des philosophes des sciences et des physiciens dont 2 prix Nobel de physique : Roger Penrose et Alain Aspect.

(3) Un principe de causalité "Lorentzien", cad reposant sur un passé absolu et un futur absolu séparés par un hyperplan de simultanéité absolu associé au putatif référentiel quantique privilégié de l'interprétation réaliste (lorentzienne) de la Relativité Restreinte.

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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#173

Message par Gwanelle » 07 mars 2024, 11:07

Ce dont Jaynes tient compte, c'est de quoi le vecteur d'état est objectivement la représentation .

Si la réponse à cette question est : il est objectivement la représentation des connaissances d'un observateur, alors il n'y a pas de quoi s'étonner que celui-ci saute d'une position à une autre dans la sphère de Riemann chaque fois que l'observateur effectue une mesure.

Il sauterait aussi si on parlait de chaussettes classiques droite/gauche envoyées à Alice et Bob si ce vecteur d'état ne représentait pas la chaussette "réelle" (indépendante d'Alice et Bob) mais les paris faits par Alice ou Bob à propos de ces chaussettes.
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Re: Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme

#174

Message par externo » 07 mars 2024, 16:17

ABC a écrit : 05 mars 2024, 15:10 Par contre, il existe aussi le piège inverse, celui d'un réalisme intégriste : par exemple, affirmer l'existence d'un tel référentiel privilégié, sans nuance (et parfois pire, sans compétence), sans preuves solidement confirmées par des observations reproductibles validées par publication dans des revues à comité de lecture, et ce depuis un moment suffisant pour que l'on puisse être confiant dans la solidité de ces preuves.
Le mouvement par rapport au référentiel de repos est observé chaque fois qu'on accélère, ce n'est que dans les mouvement de translation uniforme qu'il n'est pas observable, donc ce référentiel existe.
Le paradoxe des jumeaux ne s'explique pas sans référentiel de repos.
Je pense que cette idée d'absence de référentiel de repos est aujourd'hui dépassée, elle ne vit que sur son élan, sa présence dans l'enseignement et dans les anciens livres, mais sa crédibilité est proche de zéro chez les scientifiques informés.
Nous discutons de l'évolution de la relativité restreinte et montrons que l'interprétation originale basée sur la vitesse de la lumière et l'invariance de Lorentz est exclue, théoriquement, par les paradoxes et, expérimentalement, par les effets optiques de type Sagnac. Ce changement de paradigme permet de mesurer la vitesse unidirectionnelle de la lumière.
Comme dans le cas d’autres théories physiques, la théorie de la relativité a été critiquée par de nombreux physiciens et épistémologues, donnant lieu à de longs débats intéressants et controversés. Le postulat de la relativité est pratiquement inchangé depuis l’époque de Galilée. Il est cependant important de souligner un aspect fondamental de la relativité restreinte qui a évolué au fil du temps avec la théorie, même si son évolution est restée inconnue de la majorité des physiciens. Nous faisons référence au postulat d'Einstein sur l'invariance de la vitesse de la lumière.
Après des décennies de controverse, les progrès récents dans les expériences optiques semblent justifier les premières critiques de Lorentz et de l’invariance de la vitesse de la lumière, indiquant qu’un changement de paradigme naissant se produit inaperçu depuis des décennies dans la théorie de la relativité. Ainsi, dans la section 2, nous révisons brièvement l'évolution de la relativité restreinte sur plus d'un siècle, en présentant dans la section 3 les arguments et les avancées qui, à notre avis, justifient le changement de paradigme mentionné qui a été et est actuellement en cours dans la théorie. . Certains détails techniques sont donnés en annexe.
https://www.qeios.com/read/95U7HM
https://www-qeios-com.translate.goog/re ... r_pto=wapp

https://www.researchgate.net/publicatio ... ansformati

https://www.qeios.com/read/6C4WDR
https://www-qeios-com.translate.goog/re ... r_pto=wapp

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#175

Message par Gwanelle » 07 mars 2024, 17:11

externo a écrit : 07 mars 2024, 16:17
ABC a écrit : 05 mars 2024, 15:10 Par contre, il existe aussi le piège inverse, celui d'un réalisme intégriste : par exemple, affirmer l'existence d'un tel référentiel privilégié, sans nuance (et parfois pire, sans compétence), sans preuves solidement confirmées par des observations reproductibles validées par publication dans des revues à comité de lecture, et ce depuis un moment suffisant pour que l'on puisse être confiant dans la solidité de ces preuves.
Le mouvement par rapport au référentiel de repos est observé chaque fois qu'on accélère, ce n'est que dans les mouvement de translation uniforme qu'il n'est pas observable, donc ce référentiel existe.
Le paradoxe des jumeaux ne s'explique pas sans référentiel de repos.
Je pense que cette idée d'absence de référentiel de repos est aujourd'hui dépassée, elle ne vit que sur son élan, sa présence dans l'enseignement et dans les anciens livres, mais sa crédibilité est proche de zéro chez les scientifiques informés.
Le fait que tu te sentes obligé de répondre concernant le réalisme dogmatique montre que tu te sens visé.
externo a écrit : 07 mars 2024, 16:17 Je pense que cette idée d'absence de référentiel de repos est aujourd'hui dépassée, elle ne vit que sur son élan, sa présence dans l'enseignement et dans les anciens livres, mais sa crédibilité est proche de zéro chez les scientifiques informés.
Théière de Russell (Tu renverses la charge de la preuve) ...
il y a absence de postulat de référentiel au repos et non pas postulat d'absence de référentiel de repos .
Il n'y a donc aucun postulat "dépassé" puisqu'il n'y en a pas !
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