ABC a écrit : 13 févr. 2024, 18:35Le référentiel privilégié induit par l'interprétation réaliste de l'état quantique reste à ce jour inobservable.
La position réaliste de Bernard d'Espagnat vis à vis de l'intrication quantique est effectivement très succinctement présentée en La causalité relativiste est-elle remise en question par l'expérience d'Aspect ? . Ci-dessous la description des 2 types d'interprétation réaliste de l'effet EPR.
1/ Le point de vue des physiciens réalistes refusant d'attribuer un caractère subjectif au principe de causalité.
1-1/ Les physiciens réalistes ET attachés à une interprétation objective du principe de causalité
Effectivement, la position de Bernard d'Espagnat vis à vis de l'effet EPR est bien celle des physiciens réalistes ET interprétant le principe de causalité comme un principe physique objectif (comme Bohm, Bell, Aspect, Bricmont, Valentini, Scarani, Goldstein, Percival, Popper...). Selon ce point de vue, il n'y a pas 2 photons, mais une paire de photons formant un tout indissociable. Dans cette interprétation là, quand Alice fait une mesure de polarisation de son côté, le photon de Bob change objectivement instantanément d'état (au sens, donc, de la simultanéité absolue propre à un hypothétique référentiel quantique privilégié à ce jour inobservable).
1-2/ Interprétation réaliste de l'état quantique, du principe de causalité et référentiel quantique privilégié
L'interprétation réaliste de l'état quantique et de l'effet EPR, combinée à une interprétation objective du principe de causalité viole donc l'invariance de Lorentz à un niveau interprétatif. Autrement dit, cette interprétation ne respecte pas le principe de relativité du mouvement impliquant l'absence de référentiel inertiel privilégié. Elle requière donc un référentiel quantique privilégié, donc une interprétation lorentzienne de la Relativité Restreinte.
1-3/ La modélisation réaliste de l'effet EPR ET respectueuse du principe de causalité dans l'espace-temps d'Aristote
Cette interprétation réaliste, ainsi que les longueurs, durées et la simultanéité absolues qu'elle induit (mesurées dans un référentiel quantique privilégié supposé) trouvent toutefois leur place dans l'espace-temps d'Aristote. Cet espace-temps est, en effet, un peu moins contraignant en termes de symétries que l'espace-temps de Minkowski. Les violations d'invariance de Lorentz y sont autorisées...
...mais on peut toutefois y construire les transformations de Lorentz. Heureusement, sinon il y aurait incompatibilité avec la modélisation de l'invariance de Lorentz des phénomènes respectant cette invariance (tous aux dernières nouvelles). Les phénomènes un peu disciplinés (ceux que nous savons observer à ce jour) respectent en effet l'invariance vis à vis de ces transformations.
Cette invariance est l'expression mathématique du principe de relativité du mouvement combiné à une limitation de vitesse finie de propagation des interactions (isotrope, constante dans l'espace et constante dans le temps). Les autres phénomènes, ceux qui violeraient (en cachette) l'invariance de Lorentz (cad le principe de relativité du mouvement), s'ils existent, se font à ce jour très discrets.
1-4/ La villa de Minkwoski bâtie sur le terrain d'Aristote, un club privé réservé à une élite observable respectueuse de l'invariance de Lorentz
En quelque sorte, on peut construire la villa de Minkowski (où cravate et costard invariants de Lorentz sont requis) sur le terrain d'Aristote un peu plus tolérant. Sur le terrain d'Aristote seule une tenue correcte, respectueuse de l'invariance par translation spatiale (1), par rotation spatiale (2) et par translation temporelle (3) est requise. Dans cet espace-temps là, l'invariance vis à vis des transformations de Lorentz, cad le principe de relativité du mouvement, n'est pas requis. Dans l'espace-temps d'Aristote, en dehors de la villa de Minkowski, de putatives interactions se propageant à vitesse supraluminique sont autorisées. Cf. "Special Relativity and possible Lorentz violations consistently coexist in Aristotle space-time".
1-5/ Les phénomènes (à ce jour) putatifs violant l'invariance de Lorentz
L'hypothèse d'existence de ces phénomènes un peu indisciplinés (ils ne respectent pas la limite de vitesse de 300 000 km/s. Ils ne voudraient pas faire l'objet d'un retrait de permis. Ca explique probablement leur grande discrétion) découle automatiquement d'une interprétation réaliste de l'état quantique. Il s'agit de l'hypothèse selon laquelle l'état intriqué de l'ensemble des 2 photons décrit la réalité. De ce fait, cette réalité supposée change instantanément des 2 côtés quand Alice (ou Bob) fait une mesure, pourtant locale, de son côté.
Si on attend suffisamment longtemps pour qu'un signal d'Alice puisse être transmis à Bob à la vitesse maximale autorisée par la causalité relativiste, alors, la relation de corrélation acausale entre polarisation du photon d'Alice et polarisation du photon de Bob se transforme brusquement (sans raison jugée valable si on est réaliste) en une relation de causalité.
Des violations locales d'invariance de Lorentz peuvent aussi se manifester dans un cadre plus général (intégrant l'interaction gravitationnelle) par d'éventuels effets gravitationnels fins, pas encore observés. C'est le cas dans le modèle de la gravitation dans le cadre d'un éther fluide proposé par Mayeul Arminjon).
2/ Le point de vue des physiciens réalistes refusant d'attribuer un caractère subjectif aux relations de causalité.
2-1/ Les physiciens réalistes mais préférant l'interprétation réaliste des relations de causalité à l'interprétation réaliste du principe de causalité
Les "rétrocausalistes" (Aharonov, Elitzur, Cohen, Vaidman, Popescu, Tollaksen, Bamber, Hosten, Elitzur, Lundeen, Kwiat... ) sont aussi des réalistes. Ils considèrent que la réalité possède des propriétés objectives. Selon ces physiciens, les propriétés et lois exigeant la prise en compte des limitations d'accès de l'observateur à l'information ne sont pas partie intégrante des lois de la physique. En particulier, selon ces physiciens, les relations de causalité (et non le principe de causalité) sont objectives. Elles sont sensées ne rien devoir rien ni à l'observation, ni à la grille de lecture de l'observateur.
Du point de vue de ces physiciens, ce qui compte et présente un caractère objectif, c'est la symétrie (CP)T des lois de la physique (impliquant l'unitarité des évolutions donc leur réversibilité et la conservation de l'information) et l'invariance de Lorentz, cad le respect du principe de relativité du mouvement (et non le respect du principe de causalité). Ces physiciens refusent d'attribuer un rôle fondamental aux limitations d'accès à l'information de l'observateur, notamment leur ignorance des évènements futurs.
2-2/ Traces reproductiblement observables du passé, absence de traces reproductiblement observables du futur, absence de caractère objectif du principe de causalité
La seule raison qui interdise d'attribuer à des corrélations un sens causal dans le sens futur --> présent, c'est le manque d'information de l'observateur sur les évènements futurs. Les observateurs ne peuvent en effet pas se servir des relations de corrélation dans le sens futur --> présent puisqu'ils ne connaissent pas le futur (en raison de leur incapacité à recueillir et décoder les traces de ce que, du coup, ils appellent le futur).
Cette distinction repose donc sur les limitations d'accès de l'observateur à l'information. Elle n'est donc pas objective. De ce fait, il n'est pas jugé légitime par ces physiciens de refuser un caractère causal aux relations de corrélation au pretexte qu'elles sont orientées dans un sens futur --> présent ne permettant pas à l'observateur de s'en servir. Les corrélations entre mesures fortes antérieures et mesures fortes postérieures à des mesures faibles intermédiaires sont donc toutes deux considérées comme une cause du résultat des mesures faibles intermédiaires.
Et du coup, c'est le principe de causalité qui morfle.
Les positivistes croient que seul existe, en un sens auquel on puisse donner un sens réfutable (physique et non métaphysique donc) ce qui est observable directement ou indirectement par notre interaction avec ce qui est observé.richard a écrit : 14 févr. 2024, 13:33Les positivistes croient que ce que l’on perçoit est la réalité alors que n’est que ce que l’on peut percevoir de cette réalité.
Quand on rejette (à la réaliste) le rôle physique de la myopie de l'observacteur macroscopique, on rejette le caractère physique des traces du passé, donc aussi le caractère physique de l'écoulement irréversible du temps et donc aussi le caractère physique du principe de causalité (et d'ailleurs aussi le caractère physique de l'indéterminisme).
La notion de "réalité objective" est une illusion. Elle découle de préjugés métaphysiques, un effet d'hystéresis de notre science fin 19ème où l'on a pu croire en une réalité possédant des propriétés objectives, indépendantes de la "classe des observateurs macroscopiques" (les êtres vivants) et de leur grille de lecture thermodynamique statistique. L'écoulement irréversible du temps, l'indéterminisme, les traces du passé, le principe de causalité... existent puisqu'ils sont observables grâce à notre grille de lecture, notre myopie d'observateur macroscopique.
Si nous n'étions pas myopes, nous serions aveugles
(1) Conservation de l'impulsion
(2) Conservation du moment cinétique
(3) Conservation de l'énergie
(4) Pour les "rétrocausalites", la modélisation complète de l'état quantique est une modélisation à 2 vecteurs d'état :
- un vecteur d'état modélisant l'évolution de l'état du système considéré du passé ves le présent
- un 2ème vecteur d'état modélisant l'évolution du futur vers le présent, un 2ème vecteur d'état tout aussi objectif que le 1er vecteur d'état selon eux, avant même post sélection, mais inconnu de l'observateur avant cette post sélection.
Les résultats de mesure faible, découverts en 1988, apportent une confirmation expérimentale du besoin de ce 2ème vecteur d'état. Le formalisme à deux vecteurs d'états, en plus de respecter la symétrie T de la mesure quantique (l'asymétrie T n'apparait que si l'on néglige la prise en compte des résultats de mesure de post sélection inconnus de l'observateur avant cette 2ème action), offre une information plus complète de l'état quantique d'un système donné entre 2 mesures quantiques (fortes).
Einstein n'avait donc pas tort quand il soupçonnait le formalisme quantique standard de donner une description incomplète de "la réalité"... ...Mais Bohr (se plaçant lui sur un plan épistémique) avait raison quand il considérait cette théorie comme complète du point de vue des informations accessibles à l'observateur (cf. E.T. Jaynes, CLEARING UP MYSTERIES, Bohr Einstein debate, confrontation or reconciliation ?)