ABC a écrit :"syndrome de St Thomas" (Droits d'auteur Jancovici).
dumat a écrit : 19 mars 2024, 22:40le tabac est nocif, mais l'expérience subjective serait plus forte.
C'est un bon exemple. A cette difficulté s'ajoute son caractère addictif.
Concernant les crises climatique et écologique, là aussi, au syndrome Saint Thomas s'ajoute un frein très puissant, notre
addiction au toujours plus de tout tout de suite. Cette addiction et certains biais cognitifs favorisent le
déni et/ou la
focalisation de notre attention sur une partie importante mais très
insuffisante des causes, des causes qui seraient sans effet sans notre participation (une participation pas toujours consciente dont nous refusons parfois, pour des raisons émotionnelles, d'assumer la responsabilité).
Certaines causes, captant une grande part de notre attention, sont (en partie) celles que nous avons envie de voir et de croire... ...or il y a urgence à surmonter notre très forte difficulté à acquérir une vision
globale, systémique et non biaisée des
crises écologique et climatique auxquelles nous sommes confrontés.
ABC a écrit :De ne pas être enfermés dans un "cluster cognitif"
dumat a écrit : 19 mars 2024, 22:40voir des sources qui servent de support à du racisme, de la LGBT phobie ou du sexisme me hérisse le poil.
Les cas d'hérissage de poil ne se limitent pas toujours à de très claires violations de notre système de valeurs. Parfois, des aspects à
caractère technique suffisent à provoquer un rejet violent et rapide. Ce rejet risque alors de nous faire passer à côté de la "plus mauvaise des solutions"...
...
à l'exception de toutes les autres.
Pourquoi je soulève ce point ? Parce que
nous détruisons notre planète et notre avenir à grande vitesse. Et oui, nous y avons tous une part de responsabilité. Y faire face demande dialogue et négociation avec diverses personnes, y compris des personnes que nous n'aimons pas...
...parfois à juste titre, parfois de façon excessive et parfois même à tort. Cela demande :
- la reconnaissance de notre part de responsabilité (à nos propres yeux. Se battre la couple serait nuisible à la négociation)
- des qualités de patience, d'écoute, de respect, des négociations lucides et parfois musclées...
...mais sans tomber dans un conflit mortel pour tous (possiblement au sens propre) déstabilisant encore plus une société mondiale déjà instable. Les conséquences, déjà anticipables, des crises écologique et climatique renforcent encore le besoin de maintenir notre société dans un état suffisament stable pour limiter leurs conséquences :
- l'acceptation d'arbitrages entre différents objectifs que nous considérons tous non négociables (biais de valeur sacrée)...
...mais si nous refusons le remède à cause de ses effets "secondaires" (très lourds toutefois en comparaison de ce que nous avons eu la chance de connaître jusqu'à présent... ...sans en réaliser la fragilité) c'est l'échec "grave" assuré (c'est un euphémisme).
ABC a écrit :Pourtant, les causes sur lesquelles nos actions devraient porter en priorité sont celles sur lesquelles nos actions seraient les plus efficaces.
dumat a écrit : 19 mars 2024, 22:40Je ne suis pas sûr de comprendre. Est ce de l'utilitarisme ?
C'est un point important. Derrière cette question se trouvent des notions de rentabilité et d'efficacité ayant souvent mauvaise presse. Cette image négative s'avère non justifiée si on prend le temps de suffisamment rentrer dans les détails. C'est nécessaire pour identifier où sont, en fait, les causes de dommages qui leur sont injustement imputés.
1/ La rentabilité/profitabilité
Une activité rentable/profitable c'est quoi ? C'est une activité lors de laquelle la valeur créée (évaluée par un prix découlant de nos achats et intentions d'achat) est supérieure à la valeur détruite. Parfois, l'application de ce principe d'économie (évident à la base) conduit au résultat inverse ! La valeur de ce qui est consommé ou détruit par le processus de production est alors supérieure à la valeur de ce qui est créé !... ...et pourtant, la rentabilité, telle que nous la mesurons,
semble positive !!
Pourquoi ? Parce que ce principe est mauvais ? Non, parce que :
- la valorisation des biens et services consommés lors du processus de production est parfois erronée,
- la valeur que nous accordons aux biens et services produits est parfois erronée aussi.
Cette erreur provient, pour une large part, de la façon collective dont nous prêtons (par nos achats et intentions d'achat) telle ou telle valeur à tel ou tel bien ou service et telle ou telle absence de valeur à tel ou tel autre bien.
Un investisseur
ne peut pas répondre à nos besoins. Ce serait la faillite assurée. Il est donc
tenu de répondre à nos attentes ou, éventuellement, à des attentes suscitables à condition que ça ne soit pas à un coût publicitaire exhorbitant.
Nous interprétons comme une cause, le choix et la profitabilité d'investissements parfois nuisibles ce qui, assez souvent, est au contraire
un effet de nos
préférences d'achat et de nos modes de consommation, au besoin avec un peu de pub pour "nous pousser dans le sens où nous avons envie de tomber", cf. le "papé"=Yves Montant dans "Jean de Florette" donnant des conseils à "Galinette"=Daniel Auteuil (et parfois, en délivrant une information mensongère sur le produit ou le service vendu. Ca fait partie des biais rendant rentable/profitable un produit qui, en fait, ne l'est pas).
A cela s'ajoute un problème technique. Nos prix n'intègrent, à ce jour, que
la valeur ajoutée (à quelques timides quotas et taxes près). Les ressources gratuites que nous offre la nature
ne sont pas payées par le supplément de prix requis pour
éviter leur gaspillage/
destruction par surconsommation.
Protéger les ressources naturelles non renouvelables ou
insuffisamment vite renouvelables par des taxes ou des quotas ne peut pas être une décision imposée sans un large et très difficile travail préalable d'information, de formation, de motivation et de négociation suivi d'une adhésion collective. En effet, de tels choix contraignants demandent préalablement une
adhésion collective à de fortes contraintes sur notre
pouvoir d'acheter :
- de la viande, notamment celle des ruminants,
- des m² de surface habitable,
- des km parcourus de façon motorisée (y compris, à un degré moindre, par des véhicules électriques),
- des produits de consommation,
- du numérique = 3 à 4% des émissions de GES (soit à peu près les GES des voitures et 1.5 fois les GES de l'aérotransport).
S'imaginer qu'il serait possible de mettre en place les mesures
cohersitives requises sans une forte
adhésion collective préalable, ce serait l'échec assuré.
Ajoutons à cela qu'il nous faut parvenir, peu à peu, à entrainer l'ensemble des pays dans cette direction. Surmonter ce problème demandera donc des négocations commerciales très difficiles (concernant les taxes et quotas notamment), dans un contexte géopolitiquement instable. Réussir un pareil tour de force demande, entre autres, un fort appui de l'
opinion publique mondiale (bref, ya du taf).
Par ailleurs, l'adaptation, forte réduction et/ou reconversion de secteurs entiers de production demande un accompagnement financier (agriculture, industrie automobile, industrie aéronautique, secteur de la production d'énergie...). Quels que soient les choix, la poche des "riches" est d'une taille très très insuffisante pour suffire à assurer ce financement. Là encore donc,
ce ne sera gratuit pour personne. Quels que soient les choix, le système, les mesures, les méthodes, les moyens envisagés, 2+2 - 1, ça ne peut pas faire 4 (ça aurait pu avec de la croissance).
2/ L'efficacité.
Atteindre un but visé dans un délai court (la planète se dégrade à grande vitesse) avec une planète dont les ressources sont en contraction, demande une
utilisation efficace et rationnelle des moyens disponibles (tant que notre société mondiale est en capacité de produire ce dont nous avons besoin pour vivre ET pour limiter les dégâts écologiques et climatiques). Pour résoudre nos problèmes dans un temps limité, avec des ressources en contraction, il faut faire des choix qui :
résolvent les problèmes importants et urgents...
...mais avec un
bon ratio (importance x urgence)/(difficultés et moyens à mobiliser dans ce but)
(La rapidité de résolution de nos problèmes demande donc une mise en oeuvre des solutions dans l'ordre des ratios décroissants).
En respectant le critère suivant :
- les moyens envisagés doivent être inférieurs ou égaux aux ressources disponibles (il faut accepter de faire des choix, donc surmonter le biais dit de valeur sacrée)
- la valeur de ce qui est créé dans un processus de création de biens ou de services doit être supérieure à la valeur de ce qui est détruit ou consommé au cours du processus de production. Une "bonne action" ne respectant pas ce principe est, en fait, une mauvaise action.
ABC a écrit :Les causes que nous attribuons (parfois à juste titre, parfois à tort) à telle ou telle catégorie de non appartenance que nous sommes heureux de pouvoir détester et considérer comme coupable de 90% de nos problèmes.
dumat a écrit : 19 mars 2024, 22:40Je dois avouer que c'est pratique de désigner un coupable, de lui attribuer tout les maux de la terre, dans mon fil en l'occurrence les milliardaires, ou les rentiers. Cependant.... Non en fait je suis d'accord avec ta phrase. Même si bon, entre nous....
Là, on va se retrouver en plein dans l'application du principe précédemment évoqué, à savoir l'utilité d'écouter un argumentaire, sans rejet trop rapide, alors que, de prime abord, certains éléments pourraient sembler inentendables.
1/ D'une part si, début 18ème, on avait parqué dans des camps toutes les personnes qui ont fait fortune en développant une activité industrielle, nous aurions fait l'économie des fortunes qu'ils ont gagné, certes. Ils ne nous auraient pas exploités, certes...
...mais l'économie du pouvoir d'achat qu'ils ont gagné et la suppression de notre exploitation auraient aussi supprimé le développement fulgurant de notre pouvoir d'achat qu'a permis, en 2 petits siècles, leurs choix d'investissement et leurs choix d'organisation des moyens matériels, humains et de nos compétences.
En 2 siècles, notre pouvoir d'achat a été multiplié par environ 100 (exemple : chute considérable de la mortalité infantile). Comment ?
Grâce à l'usage des énergies fossiles conjugué à l'efficacité et à la pertinence (1) des investissements et à la pertinence du choix et de l'organisation des moyens humains et matériels exploités pour développer notre industrie, notre agriculture...
...et notre pouvoir d'achat.
2/ D'autre part, focaliser notre attention sur une catégorie sociale donnée, jugée coupable de 90% de nos problèmes, nous détourne d'une approche qui, au contraire, doit être rationnelle, globale et systémique. La solution ne passe pas par la punition d'un petit nombre de coupables mêmes si certains mériteraient quelques baffes (en proportion pas nécessairement plus grande que dans les autres catégories (2)). C'est toute notre société qui est remise en question par la crise écologique et la crise climatique. C'est l'ensemble des modes de production et de consommation, de nos attentes et priorités qui doit être revu pour faire face à cette situation inédite dans l'histoire de l'humanité.
ABC a écrit :
"La maison brûle et nous regardons ailleurs". Il nous faut donc :
- chercher, avec un objectif commun, négocier, trouver et nous mettre d'accord sur les solutions et moyens à mettre en place,
- trouver les moyens de diffusion d'informations, de formation et de motivation requis pour faire face à la situation actuelle,
- selon une hiérarchisation des actions cohérente avec les ratios (importance x urgence)/(importance et difficultés des moyens à mobiliser)
dumat a écrit : 19 mars 2024, 22:40Pour ton premier point, l'objectif commun et les moyens d'y réussir, je trouve qu'à chaque problème, on discute d'une affaire déjà virtuellement résolue. Je m'explique : pour le réchauffement climatique, on a l'objectif commun (réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre). Et la solution (sobriété énergétique, fin du fossile, etc...) Et nous avons déjà des plans d'actions concrets. On a pour ainsi dire une feuille de route à suivre.
Le problème est le suivant. Au plan des moyens matériels et des solutions
matérielles, nous les avons pour résoudre nos problèmes...
...mais ça a un prix, un prix que, pour l'instant, nous (un nous international) ne sommes pas prêts à identifier et encore moins à payer.
dumat a écrit : 19 mars 2024, 22:40Il faut tout réinventer de zéro pour convaincre l'autre.
On est 8 Mds d'individus. Il faut parvenir, peu à peu, à nous mettre d'accord sur le fait qu'il y a bien un problème et qu'il est une conséquence de nos modes de production et de consommation (c'est pas gagné mais il n'existe pas d'alternative), puis nous mettre d'accord sur les solutions à mettre en place (là non plus il n'y a pas d'alternative). Les tensions géopolitiques n'aident pas.
Dire qu'il s'agit là de yaka focon ne résout absolument rien, bien au contraire, cela contribue à nous envoyer dans le mur en persuadant ceux qui seraient prêts à avancer de ne surtout rien faire parce que c'est perdu d'avance. Pas loin de 50% du problème consiste à nous convaincre de la nécessité d'oublier que "c'est impossible" ou, à défaut, de refuser à ce sentiment la légitimité de justifier l'immobilisme.
On doit relever ce très difficile défi et réussir. Jouer perdant, c'est la garantie de l'échec. Cet échec est bien trop grave pour ne pas tenter de l'éviter. Les conséquences sont trop graves pour que la probabilité (d'ailleurs inconnue) d'échec soit une raison suffisante pour décider ne ne rien tenter. Par quoi commencer ? Se former, s'informer et se motiver pour éviter :
- de promouvoir de fausses bonnes solutions,
- de bloquer des solutions jugées mauvaises par une analyse incorrecte,
- de provoquer des réactions de blocage par un mode de communication raté.
(1) Hors problèmes écologiques et climatiques qui n'étaient pas prévisibles à cette époque mais le sont depuis les 50 ans de retard que nous accumulons collectivement.
(2) Les erreurs ou fautes des décideurs se voient bien plus car, par personne, les dommages collectifs induits sont bien plus grands. Les bénéfices aussi d'ailleurs, si ces décideurs sont compétents et corrects, mais ça se voit moins. Un non accident, ça ne risque pas de faire la 1ère page d'un journaL