Une fois que l’on a compris qu’il existe nécessairement un instant présent pour l’Univers, on doit aussi admettre que mouvement et évolution de l’état de l’Univers vont de pair. Et, comme l’évolution de l’état de l’Univers ne peut pas être sans cause, cela permet d’affirmer que tout mouvement implique une cause actuelle. C’est sans doute une argumentation un peu rapide, mais c’est un point à creuser. En effet, une réalité qui se transforme ne peut pas le faire sans cause, et l’espace-temps peut, d’une certaine manière, être considéré comme un objet physique qui se transforme
(1). Et c’est à partir de là que l’on peut arriver à la question du principe moteur de l’Univers, en cherchant à découvrir quel peut être son mode d’action. En effet, on s’aperçoit, à partir du moment où l’on comprend que tout mouvement implique une cause actuelle, que cette cause actuelle ne peut pas être dans tous les cas de figure mécanique. Pour saisir cela, il suffit d’analyser le mouvement de projection, car, dans ce mouvement, « la cause mécanique » « par contact » ne dure qu’un temps
(2). Avec le mouvement de projection, on peut découvrir, une fois que l’on a admis la nécessité d’une cause actuelle pour tout mouvement, la nécessité d’une cause actuelle non mécanique. Se posera alors la question de savoir ce qui peut jouer le rôle de principe moteur une fois que l’on a considéré cet aspect des phénomènes.
J’appelle « action mécanique » une action « par contact » entre deux corps, ou grâce à un médium quantifié agissant « par contact ». Une action à distance ne nécessitant pas de médium quantifié pourrait être considérée, d’après la définition qui précède, comme non mécanique. Une action par contact peut aussi revêtir un aspect non mécanique si le résultat de l’action n’est pas en totale dépendance de l’action par contact. La matière dans sa réalité quantitative ne peut agir, par elle-même, que par contact. Donc, si l’on découvre la nécessité d’un autre type d’action, cela oblige à poser un autre principe que la matière quantifiée
(3). Et se posera alors la difficile question de la nature de ce principe et de son mode de présence dans la matière. Dans le mouvement de projection n’apparaît aucune raison que cette cause actuelle non mécanique intervienne juste à la fin du mouvement de projection en se conformant, le cas échéant, à l’intention de celui qui a projeté le corps. Il faut donc que cette cause actuelle soit présente depuis le début de l’action. D’ailleurs, l’inertie pour un corps, c’est aussi bien l’état de repos que de mouvement. Donc, si l’on a besoin d’une cause actuelle pour le mouvement, il faut aussi qu’elle soit responsable de l’état de repos. C’est, qui plus est, la principale difficulté du sujet.
C’est sans doute seulement dans une approche relationnelle de l’espace qu’une cause actuelle peut être responsable aussi bien de l’état de repos que de l’état de mouvement. En effet, si l’état actuel de l’espace est dû à la relation actuelle que les corps entretiennent entre eux, il en est de même pour l’évolution de l’espace. Ce qui revient à dire que, dans une conception relationnelle de l’espace, tout mouvement implique une cause actuelle, l’évolution de la relation actuelle que les corps entretiennent entre eux. En d’autres termes, dans une conception relationnelle de l’espace, parler de mouvement ou de changement de l’état de l’espace-temps revient au même. Et à tout changement d’état il faut une cause, donc tout mouvement implique une cause actuelle. Or, aujourd’hui, des chercheurs voulant unir la théorie de la relativité et la théorie des quanta tentent d’adopter une approche relationnelle de l’espace-temps. Avec la relativité générale, on admet que la masse courbe l’espace, de même que la courbure de l’espace influence le mouvement. Mais, à mon avis, on peut affirmer que, pour la relativité générale, l’espace est encore un contenant, car ce n’est pas l’évolution de la relation actuelle entre les corps qui est la cause du mouvement, comme cela doit être le cas dans une approche relationnelle de l’espace, et donc dans une approche relationnelle du mouvement. Je ne suis pas certain que les partisans de la gravitation quantique à boucles, qui est une approche relationnelle de l’espace, aient bien repéré toutes les conséquences de ce qui vient d’être dit sur l’approche de l’inertie et de l’impulsion.
Il faut aussi que les partisans d’une approche relationnelle de l’espace se rendent compte que cela les oblige à sortir de la conception du temps associée à la relativité restreinte. En effet, l’existence actuelle de l’espace doit être fonction de l’existence actuelle de corps en relation
(4). Deux raisons expliquent donc l’existence d’un instant présent pour l’Univers : pour être en relation, il faut que l’existence des corps soit actuelle, et il faut aussi que ces relations soient actuelles, sinon l’espace n’existerait plus. Et comme, de mon point de vue, il est nécessaire d’admettre que les corps peuvent être en relation non mécanique les uns avec les autres, dans le sens ou cela a été défini précédemment, on doit également admettre la réalité d’un rapport instantané et à distance entre les corps, sans lequel l’espace n’existerait plus. Mais cela n’est pas contradictoire avec le fait qu’un échange d’informations entre deux corps, s’il s’effectue par le biais d’une particule, prenne du temps. En effet, une particule ne peut pas passer instantanément d’un point à un autre, car, sinon, cela voudrait dire qu’elle serait à plusieurs endroits au même instant.
Note 1 : J’ai plusieurs fois entendu des physiciens dire que l’on pouvait considérer depuis Einstein que l’espace-temps était un objet physique ; je ne me rappelle plus qui. Peut-être était-ce Étienne Klein.
Note 2 : C’est la voie que j’ai utilisée dans mon ouvrage Le Principe Moteur de l’Univers et l’Espace-Temps pour démontrer la nécessité d’un principe moteur distinct de la matière et de la forme. Cette voie de démonstration est sans doute plus simple et plus pertinente que celle que j’ai utilisée dans mon premier livre, À la Recherche de la Théorie de l’Univers, et qui est citée en annexe du livre Le Principe Moteur de l’Univers et l’Espace-temps.
Note 3: On remarquera aussi que, dans l’Univers physique, il faut distinguer les corps et les champs, ce qui va dans le sens d’une approche non mécanique des forces.
Note 4: Parler de relativité de la simultanéité au niveau physique revient à dire qu’un même corps existe « vis-à-vis » d’un observateur et pas « vis-à-vis » de l’autre, alors que les deux observateurs ont « la même position ». Mais, en fait, un corps n’existe pas seulement « vis-à-vis ». En effet, ou bien un corps existe dans l’Univers physique, ou bien il n’existe pas. Si un corps existe dans l’Univers physique, cela revient à dire qu’il existe « vis-à-vis » de tous les autres corps du monde physique. Ce qui signifie qu’il n’y a pas de relativité de la simultanéité au niveau physique, et qu’il y a donc une simultanéité absolue au niveau physique, car il n’y a pas de tierce possibilité. Il n’existe pas de tierce possibilité, car, à partir du moment où l’on considère que tel corps existe « vis-à-vis » de A, ou bien il existe aussi « vis-à-vis » de B, ou bien non. C’est donc le fait même d’exister qui, dans l’Univers physique, implique une simultanéité absolue au niveau physique.
Et il survolait les eaux, Vers une nouvelle vision du monde physique ?