Mirages a écrit : 11 juil. 2024, 14:03
Akine a écrit : 11 juil. 2024, 13:25
L'équivalence n'est pas légitime.
La question de l’existence ou non d’un Dieu particulier présente une importance immédiate et très pragmatique, étant donné qu’elle implique celle d’un ensemble de règles, morale, prescriptions et injonctions ayant le potentiel d’exercer une influence directe sur les comportements humains.
Et lors d'un jugement pour un délit/crime ? (Question rhétorique

). Ou si tu veux en pratique, la détermination de la responsabilité quand il y a une altération du discernement.
Et si le libre-arbitre n'existe pas, ton argumentaire tombe à l'eau.
La métaphysique...
Bon, désolé d'avance pour la masse de texte au-dessous. C'est juste la conclusion provisoire de mes réflexions au stade présent. Ne te prive pas pour la critiquer vertement si tu t'en sens l'envie. Toi ou qui que ce soit d'autre d'ailleurs. Il est fort possible qu'elle recèle des faiblesses que je n'ai pas relevées, J'accueillerai comme d'habitude avec plaisir réfutations ou contre-exemples.
Mon argument est justement que le statut métaphysique du LA est superflu pour porter un tel jugement.
Il est en l’état actuel (et même à un niveau fondamental selon à qui tu t'adresses) impossible de distinguer par une expérience une décision libre (au sens LA) de son équivalent déterminé (au sens causal, incluant donc les états objectifs cérébraux et subjectifs de la personne).
Un tenant du LA doit donc définir un critère pour savoir si un acte a été commis en conscience (grâce au LA) ou non (que ce soit avec drogues, maladie mentale, sombambulisme, par inattention, etc.). Et très souvent, c’est l’intention qui sera prise en compte
(qu’elle ait été contemporaine ou préalable à l’acte (par ex. conso de stupéfiants)). Ce qui vaut également pour une personne convaincue de l'inexistence du LA qui agirait selon un système moral donné. Intention qui me paraît d'ailleurs être indispensable à tout examen éthique.
Or il me paraît clair que si l’on peut (dans un système moral A qui à une "action" de l'individu fait correspondre un "jugement" donné choisi dans un ensemble E où le LA est un postulat de base) condamner l’acte X commis grâce au LA (et donc
de facto l’intention suivie de la réalisation du crime), il sera toujours possible de condamner (dans un système moral A' choisi dans E’ où c’est cette fois le déterminisme qui est posé comme axiome), d’une façon identique quant aux conséquences pratiques, cette même intention (et du coup non plus en tant qu’apparition
ex nihilo suscitée par la « liberté absolue », mais produit déterministe de l’état du système « individu+reste de l’Univers » à n’importe quel instant !).
On ne juge pas le même objet dans les deux cas, et on pourrait même arguer que l'on utilise deux notions du "jugement" bien distinctes, mais le résultat "effectif"
(comprendre en tant qu'ensemble d'attitudes, rétorsions, punitions, etc. porté par la société sur l'individu) peut parfaitement être identique (et en tous cas ne dépend pas « en soi » du choix (même préalable) de E ou E’ vu que les 2 présentent un espace de conséquences possibles largement semblable*) ! Et un "système LA" peut aussi juger, de la même façon qu'un coupable, un individu ayant poussé un autre à l'immoralité, tout comme un système "déterminisme" peut le faire...
Mais ceci ne vaut, certes, que d’un point de vue purement éthique, donc en mettant de côté les comportements humains réels. Et je suis d’accord avec le fait que le choix de l’hypothèse LA (resp. déterministe) risque, indiscutablement, d’avoir une influence sur le choix de A (resp. B) au sein de E (resp.E’).
Il s’agit alors non plus de métaphysique, mais bel et bien de biais humains…
...Et encore puisque le fonctionnement actuel de la justice, s’il pose le libre arbitre comme hypothèse par commodité et souci d’accord avec l’intuition, agit généralement d’une façon au moins partiellement utilitariste en proportionnant l’intensité de la peine à l’influence (supputée et estimée d’une pléthore de façons) de celle-ci sur le bien public. Il est vrai que cette influence a des chances d'être traitée et imaginée différemment par un juge tenant du LA que par un déterministe, ce qui en soi n’est pas du tout, du tout rationnel, vu que l’on sait très bien que les actes humains sont influencés par tout un tas de processus, LA ou pas, sur lesquels il est possible d’agir d’une façon statistiquement efficace et documentée, qui est la même dans les deux cas (vu que les études portant sur le sujet restent souvent purement phénoménologiques et ne font pas d'hypothèses dans un sens ou dans l'autre). Cette bizarrereie devrait paraître évidente après étude approfondie de la métaphysique… Mais il reste qu’un juge «LA » a fréquemment tendance à minimiser cet impact, tout comme un déterministe pourra facilement la surestimer - au moins d'après mon expérience personnelle (mais cela ne m'étonnerait pas que des expériences aient été conduites à ce propos).
Cette contradicton peut s'expliquer par le fait qu'une confusion apparaît souvent entre déterminisme "absolu" et déterminisme socio-environnemental, qui paradoxalement laisse moins de latitude à toutes les autres variables plus difficilement (voire pas du tout) compréhensibles par les observateurs macroscopiques que nous sommes (interactions sociales, état d'esprit indivuduel, génétique, effet papillon sur des systèmes chaotiques) mais tout autant "déterminantes" en ce qui concerne leurs conséquences sur les choix individuels. Et c'est à mon sens ce qui nourrit a) une partie de la différence de traitement entre l'attractivité d'un système A ou B (resp. A' ou B') une fois E (resp. E') choisi, et b) le biais mentionné plus haut dans l'estimation des conséquences de la punition.
Il paraîtrait donc que la métaphysique a une influence sur les décisions de justice dans l’exacte mesure où elle est mal comprise… Ce qui constitue un paradoxe intéressant mais finalement pas si étonnant que cela quand on sait que l’humain n’est jamais purement rationnel dans un monde qui ne lui en laisse de toutes façons pas la possibilité matérielle, et, pour agir, se débat comme il le peut entre logique, émotions et intuitions en fonction des circonstances.
Le fait est aussi, me semble-t-il, que la distinction entre responsabilité et non-responsabilité
(au moins dans les systèmes moraux que je connais) recoupe assez largement celle faite entre efficacité et inefficacité de la punition vis-à-vis de l’amélioration de la société, ce qui brouille encore plus les frontières entre comportement de type utilitariste guidé par le déterministe et éthiciste guidé par la croyance au LA.
Pour un cas où une personne a commis un crime sous l'empire de drogues, le jugement devra prendre en compte aussi bien la continuité du soi (la personne que je peux punir maintenant est-elle la même que celle qui a mal agi ?), la possibilité/volonté qu'elle avait d'empêcher le crime avant la prise de substances (connaissances des conséquences possibles et des mesures à prendre pour les empêcher), de l'immoralité du crime "en soi", etc... La question de l'existence du LA étant assez "transparente" à mes yeux car son absence peut tout à fait donner lieu à un jugement identique selon un système moral point par point semblable à part pour la substitution de variable "intention ex nihilo/déterministe", au contraire de celles mentionnées précédemment, qui reflètent amha en premier lieu la possibilité "empirique" d'agir par la punition (ou autre) sur la probabilité de récidive.
En conclution : le statut du LA n'a que peu d'incidence sur la possibilité de construire un système moral applicable. Et, de toute manière, avec ou sans, les institutions, juridique et humaine, fonctionnent sans grand souci des contradictions métaphysiques, car elles demeurent fortement influencées par les contraintes matérielles relatives au contexte (y.c. idéologique) dans lequel elles s'inscrivent.
*Je pense à ce stade que l'espace des conséquences possibles de E est inclus dans celui de E', mais que les systèmes moraux X' de E' n'ayant pas leur équivalent dans E (du style "il faut condamner l'ensemble de l'Univers conscient et non-conscient chaque fois qu'un crime est commis") sont sufisamment contre-intuitifs, absurdes ou inapplicables pour ne pas invalider l'explication précédente. La prise en compte de l'intentionnalité étant justement le dénominateur commun des systèmes que je considère concrètement réalisables. Il suffirait de remplacer l'intention "absolument libre" de E par l'intention de E' "déterminée" mais toujours objet de jugement potentiel (car, fondamentalement, rien ne l'empêche de l'être). Même un raisonnement nihiliste "Si Dieu n'existe pas, tout est permis" est valide (non-contradictoire) dans les deux ensembles à la fois.