Lionel Naccache:
.....Justement, dans votre dernier ouvrage, Le cinéma intérieur, vous expliquez comment nous construisons tous notre propre perception, à la fois du monde qui nous entoure et de nous-même. Quels sont les facteurs clés qui façonnent cette perception? L’expérience personnelle, l’éducation, la société ou encore l’époque dans laquelle nous vivons?
Il y a évidemment une multitude de facteurs qui nous influencent, dont la plupart opèrent à notre insu de manière inconsciente. Tous vont impacter notre interprétation du réel et de nous-mêmes. Dans toutes les situations notre cerveau n’a de cesse de produire des significations subjectives. C’est ce que j’appelle depuis un essai intitulé Le Nouvel inconscient publié en 2006 des « fictions » : fictions non pas pour affirmer par là qu’elles sont nécessairement incorrectes ou inexactes, mais plutôt pour souligner que leur essence est précisément de « faire du sens », pour l’hôte qui les abrite et les produit. En cela nous sommes bien des créatures de fiction. Cette idée fondamentale est devenue un lieu commun aujourd’hui lorsqu’on songe aux fictions qui nous sont les plus chères (vie affective, politique, spiritualité, etc.). Mais c’est en fait un besoin très élémentaire de notre cerveau, qui cherche du sens en permanence, même juste quand il voit un simple objet. Tout cela opère de manière non consciente et produit notre propre interprétation du monde. Autrement dit, ce Cinéma intérieur tourne en nous en permanence, même dans les actes les plus banals du quotidien, et le savoir permet de remonter aux sources de nos fictions complexes.
Par où commencer si l’on veut « changer de film », et modifier notre cinéma intérieur ?
La première étape est évidemment de prendre conscience que c’est nous qui construisons nos propres histoires. Il faut donc apprendre à mieux se connaitre, à prendre de la distance. En effet, si l’on manque de recul, on ne voit alors que ce que l’on recherche et ce qui est en accord avec nos interprétations, et on passe à côté de tout le reste. Quand on prend conscience de cela, il faut aussi prendre garde à ne pas tomber dans une sorte de « relativisme intégral », en se disant que tout n’est qu’une interprétation. Car il ne faut pas s’y tromper : notre interprétation du monde personnelle n’est pas seulement individuelle, elle fait partie du monde et nous engage car elle va guider des actions. Et on sait bien qu’au nom d’une interprétation ou d’une conviction, l’être humain est capable du meilleur comme du pire.
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https://www.lombardodier.com/fr/content ... nacca.html
Le deuxième paragraphe correspond aux propos d'ABC, qui a livré sa définition du "libre-arbitre".
Les neuroscientifiques s'accordent sur plusieurs points, au-delà de leurs divergences.
Leur domaine est si étendu et si pointu, en demandant une masse ahurissante de connaissances, que des vues sur le "libre-arbitre" exprimées sur un mode binaire leur paraissent dérisoires, surannées,...
Naccache s'intéresse aux lésions de zones cérébrales produisant des comportements atypiques chez les patients, qui interrogent quant aux réponses adaptatives dont ils font preuve, pertinentes ou pas en fonction de l'environnement considéré.
Ces patients ne sont pas que des sujets d'étude, mais des personnes qui nécessitent des prises en charge avec des réponses que les praticiens s'efforcent, autant que faire se peut, de leur fournir.
Dans certains cas (cf. vidéo citée de la conférence de Lionel Naccache), la question de la potentialité de l'existence d'un "libre-arbitre" apparaît proprement absurde.
Rappelons que le propre d'un organisme vivant est d'assurer sa survie, pour se maintenir en vie et permettre sa reproduction, c'est à dire d'agir dans et sur un environnement. Des "interrogations" telles celles relatives aux avantages évolutifs de la "conscience", avec des actions mesurables pour elle-même apparaissent ainsi absurdes parce que si réductrices qu'elles en sont dénuées de sens. Â part si on continue de se complaire dans le monde de la rhétorique langagière, ce qui évite, illusion oblige, de se confronter aux difficultés de l'investigation scientifique qui demande efforts, rigueur et exigences.
Lionel Naccache, conférence :
viewtopic.php?p=659168&hilit=Naccache#p659168
Jean-Jacques Hublin:
viewtopic.php?p=659245&hilit=Hublin#p659245
Ce qui donne un certain nombre d'éléments relatifs aux questions des réponses adaptatives, ni bonnes, ni mauvaises, mais fonction de contexte environnemental, de niche écologique.
On ne peut s'exprimer péremptoirement ni dans un sens, ni dans l'autre. Il y en a cependant un qui permet davantage d'apports, les preuves ne manquent pas *.
On ne peut pas faire l'impasse sur les processus évolutifs liés, très complexes. Avant de s'interroger sur la conscience, le libre-arbitre ou je ne sais quoi, il semble fondamental de se questionner au sujet de la vie, du vivant, de son apparition, de ses développements, de ses particularités, et d'essayer d'avoir une approche globale, holistique (sans toutefois verser dans les enfumage pseudo-scientifiques).
* Un scientifique comme Stéphane Charpier ne sort pas de nulle part

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https://m.youtube.com/watch?v=-94x3frcUG4
Une autre conférence passionnante avec des connaissances actualisées de 2024 sur des aspects de la conscience en situation particulière.
Persister à prétendre qu'il existe "autre chose" que ce que les neuroscientifiques abordent, sans jamais réussir à apporter des sources, autres que des réflexions philosophiques datant de plusieurs décennies, est d'un stérile épuisant.