A) Einstein a remis en cause l’idée de simultanéité absolue en évoquant la relativité de la simultanéité, et les scientifiques en sont venus aujourd’hui à penser que l’on ne peut plus parler ni de simultanéité absolue ni de relativité de la simultanéité.
Dans une conférence
(1), Marc Lachièze-Rey signale qu’Einstein a constaté en premier que la notion de simultanéité ne peut pas exister. Une des raisons évoquées serait qu’il est impossible pour des observateurs distants de se mettre d’accord sur ce qui est simultané et ce qui ne l’est pas.
« L’impossibilité de se mettre d’accord sur une réponse (…) nous indique non seulement que la simultanéité n’existe pas, mais aussi que la notion de temps ne peut pas exister. »
Mais, en fait, ce n’est pas parce que, d’un point de vue opérationnel, on ne peut pas savoir si deux événements distants sont simultanés, que la simultanéité entre eux ne peut pas exister. Avoir une vitesse, c’est passer d’un point à un autre en un certain temps, et, pour que le rayon lumineux puisse parcourir une distance par rapport à tel observateur, il faut bien qu’il soit à tel instant à telle distance de celui-ci. Quand le rayon lumineux était à telle distance, l’horloge de l’observateur marquait telle heure. Il y a simultanéité entre les deux événements, même s’il est difficile de le savoir, à la réception du rayon lumineux, de manière précise
(2). Ce point étant admis, on s’aperçoit que, dans le cadre d’une simultanéité absolue, la vitesse de la lumière ne peut plus être invariante, même si l’on fait varier l’approche des durées et des distances
(3). C’est d’ailleurs pour cette raison que l’invariance de la vitesse de la lumière implique la relativité de la simultanéité au niveau physique. Cette dernière est impliquée par l’expérience de pensée du train d’Einstein, même si ce n’est pas dit explicitement, ladite expérience ne faisant qu’étudier les conséquences de la supposée invariance de la vitesse de la lumière par rapport à tous les référentiels inertiels
(4)
« Des événements qui sont simultanés par rapport à la voie ferrée ne sont pas simultanés par rapport au train et inversement (relativité de la simultanéité). Chaque corps de référence (système de coordonnées) a son temps propre ; une indication de temps n’a de sens que si l’on indique le corps de référence auquel elle se rapporte
(5). »
Cela implique le principe de relativité de la simultanéité au niveau physique ainsi formulé : lorsque les deux observateurs sont à la même distance des deux sources lumineuses – c’est-à-dire quand ils sont l’un en face de l’autre –, le rayon lumineux à l’arrière du train est censé exister vis-à-vis de l’observateur de la gare et non vis-à-vis de celui du train
(6). La physique n’a pas forcément explicitement exprimé les choses de cette manière-là, car cela implique un raisonnement plutôt philosophique. Il n’y a pas d’invariance de la vitesse de la lumière possible sans relativité de la simultanéité au niveau physique, et cela même sur de très petites distances. Cela conduit à l’objection de la navette et du missile, et on voit bien que c’est impossible à partir du moment où l’on considère l’existence du missile en fonction de ce qui est montré sur le diagramme d’espace-temps. Le principe de relativité de la simultanéité au niveau physique, tel qu’il a été formulé, nous conduit immanquablement à cette interprétation des choses. On s’aperçoit d’ailleurs, dès lors que l’on prend en compte l’existence du missile, que l’on aboutit à deux raisonnements mathématiquement contradictoires (se reporter à mon livre et au texte ci-joint). Nous verrons aussi plus loin que l’idée de relativité de la simultanéité au niveau physique est nécessaire pour rendre en théorie possibles, avec la relativité générale, les boucles temporelles semi-fermées. Elle est impliquée par le formalisme des deux théories de la relativité : l’invariance de la vitesse de la lumière, admise comme postulat, en est la cause. C’est l’origine d’une nouvelle conception du temps que l’on retrouve, par exemple, dans le paradoxe des jumeaux. Mais, en fait, on peut très bien aborder la comparaison des durées selon un angle d’approche complètement différent. En effet, on comprendra plus tard, même si je ne vais pas vraiment aborder cette question dans cette lettre, que deux horloges « identiques », placées dans des conditions spatiales différentes, peuvent très bien tourner simultanément à des rythmes différents.
Note 1 : Le temps existe-t-il vraiment, ou est-ce simplement un concept ?
Marc Lachièze-Rey TEDx Chambery
Note 2 : Limites d’une approche purement opérationnelle des choses, si l’on veut réfléchir au monde physique, et plus particulièrement ici à la simultanéité :
Opérationnalisme : « Pour les tenants de cette philosophie, un symbole (par exemple une équation) n’a de sens physique que dans la mesure où il se rapporte à l’une des multiples opérations humaines possibles ; il s’ensuit que la physique ne concerne pas la nature, mais certaines opérations (essentiellement des mesures et des calculs) » (Mario Bunge, Une philosophie de la physique, page 13, Seuil, 1975).
Ce n’est pas parce que deux événements ont été perçus comme simultanés qu’ils ont été simultanés. Ce n’est pas parce qu’on ne peut pas savoir si deux événements ont été simultanés qu’ils n’ont pas été simultanés.
Ce qui montre qu’une approche, seulement opérationnelle, de la simultanéité, est insuffisante. Il s’agit de juger du cadre conceptuel dans lequel on se retrouve avec la relativité. Or, ce cadre conceptuel, en ce qui concerne le temps, repose, du moins à son origine, sur la relativité de la simultanéité. Einstein, dans son expérience de pensée du train, en partant d’une approche opérationnelle, parle de relativité de la simultanéité. Il ne dit pas, de manière explicite, ce que cela implique physiquement : l’invariance de la vitesse de la lumière implique la relativité de la simultanéité au niveau physique, telle qu’elle est définie dans le dernier paragraphe de la section A.
Note 3 : À ce sujet, je cite une partie de la note 17 de mon livre Et si Einstein s’était trompé sur un point capital dans son analyse aboutissant à la relativité restreinte ?, mais c’est un point qui pourrait sans doute être explicité d’un point de vue mathématique : (…)
(Ce point est mieux exposé dans le livre « Et il survolait les eaux, Vers une nouvelle vision du monde physique ? » et dans le livre « Paradoxe sur l'invariance de la vitesse de la lumière ».)
Note 4 : Il n’existe pas de vitesse instantanée, car, dans l’instant, il n’y a pas de mouvement. Quand on mesure une vitesse, il s’agit toujours d’une vitesse moyenne entre deux points. Or, avec la relativité restreinte, on postule que la vitesse de la lumière entre deux points n’est pas seulement une vitesse moyenne, mais aussi une vitesse constante invariante (supposée invariance de la vitesse de la lumière dans le vide). Et cette vitesse constante invariante, vis-à-vis des différents référentiels inertiels, implique la relativité de la simultanéité au niveau physique, telle qu’elle est définie plus loin dans le dernier paragraphe de la section A.
On a constaté, avec l’expérience de Michelson et Morley, que la vitesse de la lumière était invariante par rapport à la Terre, du moins dans certaines conditions et à proximité. Comme la Terre est un corps en mouvement, l’idée défendue par la relativité restreinte est de généraliser ce qui est vrai pour la Terre aux autres corps en « état d’inertie ». Mais, en fait, ce n’est absolument pas nécessaire, car il y a d’autres solutions possibles. Pour ma part, je penche pour une approche relationnelle de l’espace et du mouvement, dans laquelle il y aurait une adaptation constante de la vitesse de la lumière à la configuration spatiale.
Note 5 : Einstein, A., La théorie de la relativité restreinte et générale, pages 28-29, Gauthier-Villars.
Note 6 : Le texte ci-joint, L’erreur d’interprétation d’Einstein, explicite ce point. Parler de relativité de la simultanéité au niveau physique revient à dire qu’un même corps existe « vis-à-vis » d’un observateur et non « vis-à-vis » de l’autre, alors que les deux observateurs occupent « la même position ». Mais, en fait, un corps n’existe pas seulement « vis-à-vis ». En effet, ou il existe dans l’Univers physique, ou bien il n’existe pas. Dans le premier cas, cela revient à dire qu’il existe « vis-à-vis » de tous les autres corps du monde physique. Ce qui signifie l’absence de relativité de la simultanéité au niveau physique, et donc la présence d’une simultanéité absolue au niveau physique, car il n’y a pas de tierce possibilité. Il n’y a pas de tierce possibilité, car, à partir du moment où l’on considère que tel corps existe « vis-à-vis » de A, ou bien il existe aussi « vis-à-vis » de B, ou bien non. Mais plutôt que d’opposer une conception métaphysique à une autre, on peut se placer dans le cadre de la relativité de la simultanéité au niveau physique et observer ce que cela va impliquer dans le raisonnement. Cette démarche aboutit à l’objection de la navette et du missile, et on voit bien que c’est impossible à partir du moment où l’on prend en compte l’existence du missile en fonction de ce qui est indiqué sur le diagramme d’espace-temps.
la lettre circulaire du 14/02/2018 citée dans mon livre
Et il survolait les eaux, Vers une nouvelle vision du monde physique ?