Hélène a écrit :Comme je tente de l’expliquer, la Bible est comme un oignon qu’on épluche : il y a plusieurs couches et sous-couches !
Je peux comprendre que quand on a devant soi un texte rédigé dans une autre langue et à une autre époque, celui-ci sera moindrement équivoque et nous apparaîtra (souvent, à raison), poétique. Ainsi, selon le nombre de lectures qu'on en fait, la fréquence de celle-ci, et la réflexion qu'on lui accorde, on finit par trouver dans certains mots multiples sens.
Parfois, on associe fortement une réalisation faite dans la vie, par expérience, à un passage. Parfois, un passage nous aide à réaliser quelque chose. Parfois, un passage nous inspire. Ça vaut aussi pour la bonne poésie, pas juste pour les textes anciens ou de tradition orale.
Ça ne vaut pas que pour les religions. Ça peut être des philosophes de l'Antiquité ou des récits homériques, des auteurs médiévaux ou de la renaissance, des poètes maudits, le surréalisme, etc. On peut interpréter certains passages de l'Odyssée et en tirer une morale. Regarder la Bhagavad Guita comme une bataille intérieure, plutôt qu'une guerre. Et ce n'est pas toujours de la fabulation, ni une perte de temps, j'en conviens. La lecture et la réflexion philosophiques sont des actions agréables, utiles et parfois, nécesssaires. La promenade, en forêt, ou ailleurs, ou le vélo, le jogging, etc.. le sont aussi.
Je puis comprendre que les premiers versets de l'évangile de Jean soient poétiques. Qu'à y penser, on peut s'imaginer plein de choses : "la lumière luit dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l'ont point connue". Ça fait penser au paradoxe d'Olbers.. Mais à un moment donné, tout ça est interrompu par un récit narratif. Entre en scène Jean Baptiste.. et les images d'un film sur Jésus nous viennent à l'esprit. Le reste de la lecture sera telle que telle. On se rappellera tel ou tel cours de pastorale, si on en a déjà eu. Ou une citation sur un poster, de type "Je suis la lumière du monde" avec un coucher de soleil en arrière-plan. C'est là que mon enthousiasme diminue.. et la raison est difficile à expliquer, mais grosso modo, elle est la suivante :
c'est qu'il est difficile, voire impossible, d'avaler l'
idée de la Bible. Ou même, l'idée des Testaments. Je parle de l'
idée que la Bible (ou même un des deux Testaments pris individuellement)
constitue un tout. Je ne peux pas accepter cette idée, à moins peut-être de m'adonner à une séance d'auto-hypnose assistée par ingestion de barbituriques dans un sauna pendant 10 jours sans manger.
Si je veux avoir une chance d'apprécier l'évangile selon Jean, je dois considérer ce qu'il est : un livre écrit en grec, dans un monde méditerranéen sous l'emprise de Rome mais présentant un carrefour de cultures, probablement au 2e siècle, avec un but, et réflétant tant soit peu le style intellectuel et littéraire, comprenant bien sûr les influences de l'époque.
Mais qu'on mette l'évangile selon Jean dans le même bouquin que le Deutéronome, c'est douteux. Qu'on ose nous dire que tout ça émane d'une même volonté cachée et divine, et non d'une poignée d'auteurs différents, je trouve ça grotesque et insultant. Pas parce que je considère le Deutéronome mal écrit et que l'évangile de Jean est meilleur ou vice-versa, mais juste parce que ça n'a pas rapport.
C'est comme si, dans 1800 ans, on prenait un exemplaire quelconque du Reader's Digest et qu'on disait que tous ces textes sont mis ensemble pour propager une vision commune.
Et ce n'est pas juste un problème entre les deux Testaments. C'est un problème entre l'Écclésiaste et l'Exode. Entre l'épître aux Corinthiens et l'évangile selon Marc. Il n'y a rien, ou presque, de commun entre chacun de ces textes.
Oui, il y a des références volontaires à l'Ancien Testament dans certains évangiles (mort de Jésus et Psaumes, etc), et il y a des livres qui vont de paire.. ou qui traitent du même sujet (les évangiles canoniques, par exemple). Donc à la limite je peux comprendre que ça soit dans le même volume, surtout certains textes de l'Ancien Testament (mais l'Écclésiaste, franchement!) qui constituaient la loi à une certaine époque, ou les lettres attribuées à Paul, etc.
Mais je ne peux accepter le concept religieux, qui sous-tend tes affirmations ici, que tout ça est "guidé" et que les "couches" dont tu nous parles, sont volontaires et guidées d'une main divine. Comme j'ai dit plus haut, ces "couches" sont le résultat de ta propre expérience que tu intégres dans des mots. Ce n'est pas une propriété strictement biblique. Ce phénomène, comme je dis, se fait dans tout texte poétique ou allégorique. Les paroles de chansons populaires, par exemple. De plus en plus d'essais, parfois rigolos, sont faits sur la signification profonde de refrains simplistes, et je te dirais.. parfois ce n'est pas fou.
Tu espères beaucoup des non-croyants :
1)De passer outre le fait que le code moral religieux tel que la plupart ont appris est censé tirer son autorité de la Bible, alors que vraisemblablement, il y a eu un tri arbitraire (et heureusement, quoiqu'à mon avis, pas parfait) car on retrouve dans la Bible l'approbation - même si due au contexte historique comme tu nous le rappelles - de certaines violences et préjugés que le code moral ne devrait pas permettre (l'argument historique n'est pas en béton, car pourquoi ne pas l'adopter aussi quand il est question de questions morales maintenues mais que nous jugeons trop restrictives ?)
2)De se laisser présenter les textes de la Bible comme un tout ficellé et pré-guidé, ce qui va à l'encontre de principes aussi naturels et fondamentaux que la casualité et la chronologie, car ce sont des fragments de différentes époques et langues mis ensemble
3)Que parmi toute la richesse des textes écrits par les peuples de la Terre dont nous disposions aujourd'hui, ceux qui sont dans la Bible reçoivent une attention spéciale des non-croyants, qui tout à coup se metteraient à en faire une lecture méditative (cela n'est pas aidé non plus du fait que la lecture, surtout de textes anciens, entre en compétition avec les jeux vidéos, les films, etc)
Ces points ne sont pas exhaustifs, mais je trouve qu'ils devraient t'aider à comprendre pourquoi ton message n'est pas bien reçu, que c'est normal qu'il en soit ainsi, et non injuste.