Cartaphilus a écrit : 05 sept. 2019, 14:47
Je reviens sur cette affirmation, qui reprend peu ou prou ce que déclarait Étienne Chouard « Même si j'étais antisémite, ce qui est évidemment pas le cas, même si j'étais antisémite,
je devrais avoir le droit d'être antisémite. »
LePsychoSophe a écrit : 04 sept. 2019, 15:52Des pensées antisémites ne donnent pas forcément lieu à de l'antisémitisme acté. Je peux vous garantir dans la même logique que des pensées suicidaires ne donnent pas forcément lieu à un suicide.
Je ne vois guère de rapport entre des « pensées antisémites » et des idées suicidaires — ces dernières résultant d'un processus pathologique ;
Ok, cette analogie est à
chier.
De mon point de vue, la pensée antisémite relève d'un processus pathologique, quasi sociopathique.
La haine de soi et la haine de l'autre... C'est un sentiment de désamour profond, de manque d'affect à l'extrême.
Une pensée même construite reste imaginaire. Et le rapport imaginaire // réel doit être géré par un cadre éducatif, relationnel, légal, sociétal... Et dans notre société actuelle, une pensée antisémite (ou autre de même genre) ne donne pas
forcément lieu à un acte (un vote peut-être considéré comme un acte, on est ok là-dessus

).
1)Une pensée "immorale" doit être sublimée selon les psychanalystes.
2)Une pensée "immorale" doit être éliminée selon la science.
Perso, je pense qu'il s'agit d'un mélange des deux avec des subtilités en plus.
Je m'explique :
Le fait qu'il y est en nous des pulsions de violence est indéniable (sinon, on ne pourrait pas se nourrir, cf. mes interventions sur le végétarisme/véganisme) et normal.
Il y a alors différentes façons de canaliser ses pulsions, selon le modèle bio-psycho-social.
La façon bio-neuro-chimique, la façon psychologique et la façon sociale-sociétale.
Les gens qui ont cette violence (on en a tous un peu) à un point "ingérable" vont se trouver un mauvais objet pour extraire leur pulsion dévastatrice. Cet excès de violence est due à un manque de considération/affect/individuation... (cf. l'étiologie de la psychopathie/sociopathie)
Ils ont besoin de l'évacuer OU de la gérer : l'évacuation procède alors dans certains cas en modifiant la pulsion en pensée (dite mentalisée, conscientisée). À partir de ce moment-là, il y a plusieurs destins possibles de la pensée.
Soit elle est contenue avec les affects qui sont associés, soit elle passe en acte. Soit elle peut évoluer favorablement par
la mise en scène des conflits dans un cadre "chaleureux".
- Concernant la pédophilie, il paraît qu'au Japon les dessins reproduisant des filles (enfants) nues ou dans des scènes pornographiques sont légales. L'hypothèse sous-jacente à cette légalisation est la question de la sublimation des pulsions pédophiles. Selon cette hypothèse il vaut mieux que ces gens aient une évacuation de leur pulsion sexuelle sur un matériel qui repose à la base sur un papier et un crayon plutôt que sur un matériel ayant un lien avec le réel. Car l'hypothèse considère, sous forme de fatalité, que ces pulsions (comme celles de la violence, qui peuvent y être liées) sont de fait présentes chez l'être humain (chez certains). On ne pourrait pas tout éradiquer donc il vaut mieux trouver un moyen de protéger les potentiels victimes. Après, je ne sais pas si cela est mieux.
Il est pour moi évident qu'il faut éviter que cela passe en acte, en mettant en mots les pensées au travers d'un échange ou d'un débat.
La qualité du débat fera en sorte que la personne peut modifier ses pensées. Mais la qualité du débat peut aussi faire en sorte de renforcer ses idées, ou de les développer. Tout dépend de l'art et de la manière de s'y prendre.
Il s'agit donc d'autoriser l'expression des pensées (d'où mon combat pour la liberté d'expression, que l'on perçoit dans la phrase que vous avez reprise d'Étienne Chouard) donc de ce fait d'autoriser la pensée. Il faut accepter une pensée pour arriver à la modifier.
La mise en scène des conflits que soutient Étienne est effectivement emprunt et basé sur la théorie psychanalytique.
Parlons maintenant de la deuxième hypothèse :
Pour les neurosciences, la psychanalyse se trompe sur la question : "que doit-on faire des pulsions, et des objets de projection des pulsions?"
Élimination

. Il s'agit donc d'éliminer les discours, les pensées, les objets... tout ce qui va contenir une représentation de quelque chose considérée par la société comme mauvais. Ici on parle de l'antisémitisme, mais cela est valable pour d'autres formes de violence... j'ai beaucoup étudié la violence autour de la perversion et de la pédophilie, mais il faut retenir le concept de violence (ce qui entraîne la souffrance d'un être humain et qui dépasse le seuil toléré par un cadre social/sociétal).
Les neurosciences pensent que de laisser le cerveau des êtres humains dans un bain de pensées, de discours, ou d'objets violents sensibilisent (dans le sens d'excitation neuronale) la partie du cerveau qui est susceptible de programmer et reproduire cette violence. Cette hypothèse conduit à vouloir supprimer la violence un peu partout et surtout chez les jeunes cerveaux.
Et puis on continue dans la même logique à l'appliquer au monde des adultes.
Il y a le fameux
politiquement correct qui veut que dans la scène publique nous nous retenons d'aborder certains sujets ou de dire certaines choses. Je pense que nous sommes allés bien trop loin sur certaines questions.
Supprimer le droit à la parole de haine ou violence est une véritable erreur selon moi. Les personnes gardent alors leur pensées et il n'existe aucune occasion de les confronter puisque c'est "interdit". Ces gens gardent leurs pensées et cela les renforce. C'est ce qu'on va appeler leur part intime.
Et comme vous dites... le jour du vote... puisque c'est anonyme... ils vont se lâcher... je pense que c'est pour cela qu'il y a une montée des extrémismes dans de nombreux pays occidentaux.
Comme je l'ai dit, je pense que les deux hypothèses concernant les pensées violentes sont un peu vrais toutes les deux. Et c'est bien pour ça que c'est compliqué de réguler ces phénomènes.
et assurer que des pensées hostiles à l'égard d'un groupe de personnes n'entraînent pas des « actes », quels qu'ils soient, ne laisse pas de m'étonner de la part d'un psychologue. Une action n'est pas seulement une agression physique, mais peut se traduire par un bulletin de vote, par exemple...

parfois je regrette d'avoir dit que je suis psychologue... mais bon je dois assumer ce choix que j'ai fait.
Je ne sais pas si c'est un homme de paille ou je ne sais quoi... mais vous avez omis le mot
forcément dans la phrase que vous reprenez de mes propos.
Je n'ai pas dit que ça n'entraînait pas des actes...
pardonnez-moi mais j'ai vraiment parfois l'impression que vous me prenez pour un con... peut-être à raison... qui sait?
j'ai dit que ça n'entraînait pas
forcément des actes. Oui parfois une pensée même bien construite ne donne pas lieu à des actes.
Mais là où vous avez raison et je suis bien content que vous prenez cet exemple du bulletin de vote car on va arriver à s'entendre... C'est bien ça le problème. Le bulletin de vote n'est pas un acte comme les autres... c'est un acte plein de paresse, d'hypocrisie et de fausseté... car il est anonyme. Cet anonymat nous permet de nous déposséder de ce que l'on rejette en nous-mêmes... et on le rejette parce qu'on ne peut pas en parler dans la scène publique... je sais pas si vous suivez mon raisonnement et je ne sais pas si j'arrive à le faire suivre... mais c'est très clair dans ma tête.
Et j'ai peur que ce cercle vicieux ne fasse que s'empirer.
Ces fameuses pensées hostiles... on peut les faire évoluer mais pour ça il faut pouvoir les mettre sur la scène publique. Et on ne peut pas la plupart du temps. Ce forum fait figure d'exception. Il est temps d'ouvrir des forums sceptiques dans les villes et les villages (forums réels comme une agora). C'est ce que j'ai essayé de faire lorsque je me suis bougé les fesses pour les gilets jaunes. J'avais prévu plein de choses, j'avais proposé des conférences sur l'esprit critique vis-à-vis de l'information que l'on reçoit des autres personnes et que l'on se construit à l'intérieur de notre tête... mais j'ai fini épuisé dans cette histoire... cela n'enlève en rien à mes projets et mes idées sur cette question.
Je me trompe peut-être totalement... et il faut peut-être éliminer toute violence et toute haine dès qu'elle pointe le bout de son nez. Il y a une différence entre éliminer par la loi et l'autorité... et éliminer par le débat, pour que cette élimination provienne de l'autorité intrinsèque de la personne plutôt que de l'extérieur. Cette façon d'éduquer est selon moi un modèle extraordinaire que l'on peut appliquer également chez les enfants.
Par ailleurs, dussé-je me répéter, ce type de pensée ou de sentiment relève de l’essentialisme : les X sont Y, les X font Z, les X font Z parce qu'ils sont Y... expressions soit d'un préjugé stéréotypé (irréfléchi ?), soit d'un déterminisme biologique (revendiqué ?).
L'usage, conscient ou non, des termes et expressions ils, les, tous, partout, le monde entier participe de cette catégorisation exclusive.
Vous avez raison de pointer ce phénomène. Il ne faut pas tomber non plus dans le panneau inverse. Si je dis que les hommes ont des testicules... je suis dans l'essentialisme et dans un déterminisme biologique tout autant qu'un stéréotype. J'imagine qu'il peut exister des hommes sans testicules... mais cela doit être assez rare.
Et vous voyez où cela va nous emmener...
Pour cela il convient d'affiner son langage et son expression écrite ou orale à fin de diminuer le plus possible la marge d'erreur. C'est ce que nous essayons de faire ici je crois. Mais il faut quelques milliers de messages pour arriver à se faire comprendre... alors dans la vie de tous les jours à la machine à café... c'est mal parti.