Dans sa vidéo
10 Quantum Myths, Debunked, Sabine Hossenfelder évoque la citation attribuée à Einstein, presque toujours relativement à l'effet EPR, de "
Spooky action at-a-distance". Sabine fait remarquer qu'en fait, dans le texte d'Einstein qu'elle a retrouvé, cette "Spooky action at-a-distance" concerne l'étrange caractère non local (du moins dans une interprétation réaliste de l'état quantique et de la mesure quantique) de la réduction du paquet d'onde lors d'une mesure quantique de position.
Ma question arrive, en rouge, à la fin du texte ci-desous
En fait, concernant la "Spooky action at-a-distance" évoquée par Einstein, peu importe qu'elle concerne le collapse, par exemple, d'une fonction d'onde se propageant sphériquement, ou la question d'Einstein de savoir si la théorie quantique doit ou non être considérée comme une description complète de la réalité physique (dans son
article EPR de 1935). En effet, dans les deux cas, l'enjeu est l'interprétation de la non-localité quantique lors d'une mesure quantique.
Ce débat entre Bohr et Einstein, concernant l'interprétation de la non-localité de la mesure quantique (plus spécifiquement lorsqu'elle est appliquée à une paire de particules EPR intriquées, qu'elles soient intriquées en impulsion-position ou en spins comme dans la proposition EPRB de Bohm) a été soigneusement mis en perspective par E.T. Jaynes dans «
Clearing up mysteries » 1988 §Confrontation or reconciliation.
Dans ce paragraphe, Jaynes souligne que l'affirmation de
Bohr, selon laquelle la formulation quantique standard serait une description complète de la réalité physique, relève implicitement d'un point de vue
épistémologique (positiviste). Bohr a donc raison de ce point de vue-là. Au contraire, lorsqu'
Einstein exprimait ses doutes quant à la complétude de la description de la réalité par la physique quantique standard, il posait cette question d'un point de vue
ontologique (réaliste).
Bien qu'ignorant à cette époque le
formalisme quantique à 2 vecteurs états (2001) d'Aharonov et Vaidman, Jaynes a été en mesure de comprendre qu'Einstein avait également raison de son point de vue ontologique. Le formalisme quantique standard à
un seul vecteur d'état ne modélise pas l'état d'un système individuel, souligne Jaynes ; il modélise l'état d'un
ensemble de systèmes présélectionnés dans un même état quantique. Par conséquent, l'information que fournit l’état quantique unique propre au formalisme standard fournit une
information incomplète sur l’état physique d’un système
individuel.
De plus, Jaynes souligne, dans ce même paragraphe de son article, que l'attribution d'une action instantanée à distance à la violation des inégalités de Bell relève d’une erreur d’interprétation, la confusion entre une
relation causale et une
probabilité conditionnelle.
L'article de 2014 «
Each instant of time a new universe » §Measurement of EPR states, d'Aharonov, Popescu et Tollaksen confirme parfaitement les remarques de Jaynes concernant l'interprétation de la corrélation EPR. L'information manquante, la
variable cachée suggérée par Bell après ses travaux de 1964, existe bel et bien. Cette variable cachée est le
vecteur d'état évoluant du futur vers le présent. Ce vecteur futur est modélisé dans le
formalisme quantique time-symmetric à 2 vecteurs d’état. C’est cette variable cachée
dans le futur que signalent d'Aharonov, Cohen et Elitzur dans «
Can a future choice affect a past measurement's outcome? » §Conclusion b)
Ainsi, l'affirmation d'Einstein selon laquelle la théorie quantique standard (donc à un seul vecteur d’état) était une description incomplète de l'état physique d'un système, était
exacte de son point de vue
ontologique… …Néanmoins, l'affirmation de Bohr selon laquelle il s'agissait d'une représentation physique complète, était également
correcte de son point de vue
épistémologique. En effet, l'observateur macroscopique n'a
pas accès aux résultats des mesures quantiques
futures. Cette information manquante ne peut être obtenue que plus tard, par post-sélection.
Enfin, Jaynes avait également raison de rejeter l'interprétation réaliste de la non-localité de l'effet l'EPR, l'interprétation réaliste (cf. notamment les remarques de Bell, Popper et Bricmont à ce sujet par exemple) selon laquelle la violation des inégalités de Bell pourrait être interprétée comme une action instantanée à distance (cachée). Comme le souligne l'article «
Each instant of time a new universe » §Measurement of EPR states (concernant les expériences EPRB), la mesure du spin d'une particule de spin 1/2 d'Alice ne provoque
pas de collapse objectif instantané (caché) du spin de la particule de Bob, contrairement à ce que pourrait suggérer la formulation standard de la physique quantique.
En effet, une mesure de spin de la particule de Bob entre les instants t1 et t2, supposément induite par la mesure d'Alice à l'instant t compris entre les instants t1 et t2, provoquerait une perte de la 2-time correlation O(t2) - O(t1)
\(\ne\) 0 (où O désigne une mesure de spin sur la particule de Bob et t1 < t < t2 désignent des instants mesurés dans un même référentiel inertiel). L'article d'Aharonov, Popescu et Tollaksen «
Each instant of time a new universe » §Measurement of EPR states prédit au contraire la conservation de cette 2-time corrélation relative à la particule de Bob, malgré la mesure de spin de la particule EPR corrélée d'Alice à l'instant t compris entre t1 et t2.
Cette prédiction transforme l'interprétation réaliste de la corrélation EPR, selon laquelle la mesure de spin de la particule d'Alice provoquerait un
collapse physiquement objectif instantané (caché) du spin de la particule de Bob, en une prédiction
falsifiable et prédite comme étant
fausse (1).
Pas de doute, à mon sens, que la
conservation de la 2-time correlation du spin de la particule de Bob (lorsqu'Alice effectue une mesure de spin de son côté dans des expériences EPRB ou similaires) est bien respectée. Cette conservation prouve que le spin de la particule de Bob ne subit aucun collapse instantané objectif (caché) qui serait dû à la mesure de spin d'Alice.
Cependant,
à ma connaissance, aucune expérience n'a été réalisée pour vérifier cette prédiction. Est-ce le cas ?.
J'ai demandé si une telle vérification expérimentale aurait pu être effectuée dans «
Effet EPR, non-localité, positivisme, réalisme » et, à ce jour, je n'ai pas obtenu de réponse à ce sujet.
(1) Cette interprétation réaliste de l'état quantique d'une paire de photons EPR corrélés en polarisation et de son collapse objectif, instantané, donc objectivement non local, par mesure de polarisation sur un seul des 2 photons (en violation de l'invariance de Lorentz à un niveau interprétatif) m'a longtemps tenté, cf.
Special relativity and possible Lorentz violations consistently coexist in Aristotle space-time.