Cyrille Barrette et la nature de l'homme

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Hallucigenia
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Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#1

Message par Hallucigenia » 17 sept. 2007, 00:05

Salut,

Cyrille Barrette a déjà présenté des conférences organisées par les Sceptiques du Québec, il est également consultant pour l'association. En page 51 du magazine des SQ, par l'intermédiaire de Louis Dubé qui a écrit l'article, il explique :
Cyrille Barrette a écrit :la dichotomie entres natures animale et humaine existe
Je suis en désaccord fort avec lui sur ce point. Et je suis même surpris que ce genre de prise de position émane d'un professeur de biologie, sceptique de surcroît.

Voici les cinq arguments avancés dans l'article (et mes commentaires) :

1) Les humains ont évolués depuis au moins 6 millions d'années.

Il y a 6 millions d'années, l'homme s'est séparé du chimpanzé : c'est l'époque de leur ancêtre commun, qui n'était ni un homme ni un chimpanzé... les deux espèces ont évolué. Toutes les espèces ont évolué (ou presque) ces 6 derniers millions d'années. Et les éléphants sont plus récents que les humains, ils ont "évolué" il y a moins de temps que nous... bref, çà ne prouve rien.

2) Depuis 10 000 ans, grâce à l'agriculture, l'humain aurait pu acquérir une "nature différente".

Le code génétique de l'être humain n'a quasiment pas bougé depuis 100 000 ans, effet de stase à la Gould après le dernier équilibre ponctué.

Donc si l'agriculture a sédentarisé l'humain, qu'elle en a changé certains comportements, c'est se mettre le doigt dans l'oeil que de croire que sa nature profonde a changé...même bagage ADN, mêmes instincts !

3) La différence entre l'homme et l'animal, c'est que l'homme s'occuperait de choses inutiles, comme la gastronomie ou la musique.

Une lionne qui s'allonge dans la savane et qui profite des rayons du soleil, le fait-elle dans un but de survie ? La gastronomie et la musique, ce ne sont rien d'autres que l'expression d'une plus grande intelligence, rien à voir avec une nature profondément différente de la nature animale.

4) Le suicide.

Seul l'humain est capable de conceptualiser sa vie à ce point, et sa place dans la nature. Le suicide est la manifestation de celà, il ne prouve aucune différence de genre dans la nature des êtres.

5) Vie sexuelle déconnectée des impératifs de reproduction ("On ne retrouve pas ce comportement chez aucune espèce animale, sauf chez les bonobos dans une moindre mesure").

Justement si on la retrouve dans une moindre mesure chez un autre animal, c'est bien la preuve qu'on est face à des différences de degré et non de genre.



Je ne sais pas qui est l' "auditeur sceptique" qui a posé la question, mais il semblait être en désaccord avec Cyrille Barrette sur ce point... et je suis d'accord avec lui. Penser que l'humain a une nature différente de la nature animale, c'est à mon avis une erreur quasi-anthropocentrique.

D'ailleurs, c'est marrant que ma signature soit celle qu'elle est *, je n'aurais pas trouvé mieux que cette citation de Darwin pour exprimer l'idée : il n'y a aucune dichotomie !

Amicalement,

Hallucigenia

* EDIT : Quand j'ai écrit ce sujet, ma signature sur le forum était : “La différence intellectuelle entre l'homme et les animaux supérieurs, si grande soit-elle, n'est qu'une question de degré et non de genre.” (Charles Darwin)

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Re: Cyrille Barrette : chassez le naturel...

#2

Message par Zwielicht » 17 sept. 2007, 01:30

Je ne connais pas beaucoup les écrits ou travaux de Cyrille Barrette (uniquement ceux qui ont été éclaboussés au Québec dans une cause tristement célèbre), mais je suis tout comme toi en désaccord avec l'existence d'une dichotomie fondamentale entre l'humain et les autres animaux comme le propose m. Barrette.

Il y a bel et bien des différences :roll: (genre de rappel nécessaire quand on écrit sur un forum pour éviter d'être mal compris), mais celles-ci me semblent toujours de degré. Même le langage, qui est parfois énoncé comme différence fondamentale, à mon avis il demeure de l'ordre du degré.
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Re: Cyrille Barrette : chassez le naturel...

#3

Message par Hallucigenia » 17 sept. 2007, 06:38

Salut Zwielicht,
Zwielicht a écrit :Je ne connais pas beaucoup les écrits ou travaux de Cyrille Barrette
Moi non plus, mais son dernier livre a l'air intéressant. Il y traite de sujets qui mélangent socio-biologie et philosophie... en tout cas le résumé du "Québec Sceptique" donne assez envie de le lire.

Mais tout de même, cette histoire de dichotomie m'intrigue.

Hallu

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#4

Message par Jean-Francois » 17 sept. 2007, 14:45

Hallucigenia a écrit :Justement si on la retrouve dans une moindre mesure chez un autre animal, c'est bien la preuve qu'on est face à des différences de degré et non de genre
Oui, mais si la différence de degré est suffisamment importante à l'intérieur de l'échelle qu'on considère, on peut la considérer comme une différence de genre dans certaines analyses*. Je me souviens d'un article sur les différences génétiques entre homme et singe qui laissait fortement à penser que l'évolution de l'homme est passée par une forme de sélection artificielle plus que naturelle, cela ajouterait à l'idée qu'il existe une partie de la "nature" (faut s'entendre sur le terme) de l'homme qui est différente de celle des autres animaux.

Je n'ai pas lu l'article ni vu la conférence, mais je doute que Barrette ait prétendu que l'humain n'est pas un animal. Peut-être que Barrette réagissait contre une tendance "toute sociobiologisante" que l'on retrouve chez certains chercheurs (et sceptiques)? C'est plutôt en décallage avec toutes les observations d'affirmer que l'homme n'est qu'un animal comme les autres.

Jean-François

* Ainsi, à cause de leurs caractéristiques qui en font un groupe biologique, on peut considérer que la "nature" des oiseaux est différente de celle des autres animaux. Cela ne veut pas dire qu'il ne sont pas des animaux.
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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#5

Message par Hallucigenia » 17 sept. 2007, 18:47

Salut,

Il faudrait se mettre d'accord sur le terme "naturel" effectivement : le premier contraire que je lui donne c'est "surnaturel", bien avant "civilisé" ou "artificiel".

Par "nature de l'homme", j'entends "tout ce qui fait qu'il est homme" de façon un peu floue, mais en considérant tant que possible un point de vue biologique.

L'homme a des spécificités bien sûr, mais comme il est un animal, il a par définition une nature animale. Selon moi, les spécificités de l'homme qui font "sa nature" ne peuvent s'exprimer que dans le cadre de cette animalité de principe (brutalement darwinienne).

Malgré toutes les différences qu'on lui trouve avec d'autres animaux, je ne comprends pas qu'on le sorte du groupe pour l'étudier à part : car on parlait bien de "dichotomie" entre la nature animale et humaine.

Si on trouve normal que les comportements d'un bœuf ou d'un lion sont spécifiques à leur espèce, et que leur nature est animale... pourquoi ne pas faire pareil avec l'homme ?

La nature humaine hérite de la nature animale, elle s'est spécifiée sur les bases de cette nature animale, au même titre que tous les autres animaux. Et dans l'homme, on voit probablement tous les aspects communs chez les primates, puis les autres mammifères.

Le chimpanzé aussi est tendre, agressif, curieux, téméraire, bagarreur, profiteur, partageur, etc. Je ne vois pas concrètement au nom de quoi on voudrait exclure du groupe son cousin le plus proche...

De plus, çà me semble faux de dire que le célibat volontaire ou le suicide sont des actes contre-nature : si on observe l'espèce humaine on voit que la démographie explose. Une preuve que l'espèce dans son ensemble a parfaitement intégré le schéma darwinien consistant à transmettre ses gênes à une descendance.

Pour que l'espèce se maintienne, ce n'est pas le succès de reproduction individuel qui compte, mais celui du groupe. Chez l'espèce humaine, la nature s'est toujours accommodée de larges pertes, elle n'a jamais fonctionné sur un schéma dans lequel tous les nouveaux-nés devaient impérativement se reproduire une fois adultes.

Plus concrètement : si je dois placer en deux groupes logiques les trois natures animales suivantes : l'homme, le chimpanzé, et le crocodile, c'est la nature du crocodile que j'isole. Mes ancêtres communs avec le chimpanzé sont plus proches, donc je le sens plus proche de moi dans sa façon de penser que le crocodile.

Si je devais ensuite classer non plus la "nature des êtres" mais leur compétence en calcul différentiel, j'organiserai les groupes différemment bien sûr.

Quand on voit un singe évoluer dans son environnement, on devine assez vite ce qu'il est en train de faire, ce qu'il a dans~derrière la tête, bref on appréhende un peu sa nature propre. Un crocodile qui bronze au soleil, c'est moins facile.
Je me souviens d'un article sur les différences génétiques entre homme et singe qui laissait fortement à penser que l'évolution de l'homme est passée par une forme de sélection artificielle plus que naturelle, cela ajouterait à l'idée qu'il existe une partie de la "nature" (faut s'entendre sur le terme) de l'homme qui est différente de celle des autres animaux.
Qu'une partie soit unique chez l'homme, peut-être bien, je ne serais pas surpris du tout... mais que des différences génétiques imposent que, pour définir la nature de l'homme, on doive le séparer des autres animaux, je n'arrive pas à y croire.

Amicalement,

Hallucigenia

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#6

Message par PKJ » 17 sept. 2007, 20:30

Je rebondis là-dessus avant que commence le pugilat au sujet de la sociobio.

Comme monsieur Barrette, j'oppose deux arguments à une vision strictement biologique de l'humain. Mais j'ai un fort désaccord sur le second. Voici mes deux arguments (je les repique sur mon forum, en présumant que Barrette voulait s'en prendre là la sociobio par ses deux arguments)

1) Pratiquement toute l'évolution qui s'est déroulée dans le génome humain s'est produite dans un environnement qui n'a rien à voir avec celui dans lequel nous vivons. Nos gènes, s'il est vrai qu'ils contrôlent notre comportement, sont adaptés à la chasse et la cueillette. Donc pourquoi la société actuelle est telle qu'elle est? Pourquoi est-ce que nous ne suivons pas le *vrai* programme supposé de nos gènes? Seule solution à ce problème: nos gènes ont évolué avec un but vers leur paroxysme, leur accomplissement ultime, l'humain du 21è siècle, avec ses iPods et sa télé-réalité. Ce qui est absurde.

2) Les gènes ne contrôllent pas le comportement. Ce qu'ils affectent directement et qui s'en rapproche le plus, c'est le développement du cerveau. Notre cerveau s'est modifié au fil du temps et de la pression sélective, altérant également nos comportements sociaux, certes. Mais jamais dans la mesure qu'entend la sociobio. Si on reprend le point #1, notre cerveau n'est pas adapté dans le sens qu'entend la sociobio, c'est-à-dire de manière à maximiser la reproduction. On emploie des contraceptifs, on baisouille par pur plaisir, on se fait ligaturer et vasectomiser. Pour demeurer cohérente la sociobio devrait dire que ces comportements sont inscrits dans nos gènes. Ce qui est, encore une fois, absurde.

Donc vous remarquez que mon point #2 n'est pas le même. Cette histoire de nature humaine, ça me fait plutôt rigoler, que ce soit "les gènes" ou "la culture" qui la forge.
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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#7

Message par Jean-Francois » 17 sept. 2007, 20:37

Hallucigenia a écrit :Malgré toutes les différences qu'on lui trouve avec d'autres animaux, je ne comprends pas qu'on le sorte du groupe pour l'étudier à part : car on parlait bien de "dichotomie" entre la nature animale et humaine
Vu que ce n'est pas Barrette qui a écrit le texte, tu ne devrais pas faire autant attention aux mots. Il est possible que Dubé ait utilisé une formule-raccourci pas très heureuse.
Et dans l'homme, on voit probablement tous les aspects communs chez les primates, puis les autres mammifères
Je ne suis pas sûr de comprendre. L'humain a des aspects particuliers qui ne sont pas la somme de ce qu'on retrouve chez les autres animaux (primates, puis mammifères, puis reptiles, etc.). L'homme n'est pas la "récapitulation" de l'évolution ayant conduit jusqu'à lui.
De plus, çà me semble faux de dire que le célibat volontaire ou le suicide sont des actes contre-nature
S'ils ne sont pas observés chez d'autres espèces, on peut dire qu'ils sont propres à l'humain.
...: si on observe l'espèce humaine on voit que la démographie explose. Une preuve que l'espèce dans son ensemble a parfaitement intégré le schéma darwinien consistant à transmettre ses gênes à une descendance
Heu, le raccourci est plutôt simpliste. Si la démographie explose, c'est dû à pas mal de facteurs pas seulement une parenté avec les rongeurs ou lagomorphes ;)
Qu'une partie soit unique chez l'homme, peut-être bien, je ne serais surpris du tout... mais que des différences génétiques imposent que, pour définir la nature de l'homme, on doive le séparer des autres animaux, je n'arrive pas à y croire
Je pense que personne ne parle de séparer totalement l'homme des autres animaux. Mais, si on veut comprendre ce qui fait la spécificité de l'être humain, il faut bien le séparer pour le savoir. La "nature", dans ce cas-ci est ce qui est spécifique à l'humain.

On part tous (même Barrette, j'en suis sûr) du fait que l'homme est un animal. Mais, nier que l'homme est un animal particulier est contraire à ce qu'on observe: de part la taille et les capacités de son cerveau*, il a des comportements qu'aucun autre animal ne montre et est capable de s'émanciper de la sélection naturelle.

Jean-François

* Une importante partie des différences génétiques entre l'homme et d'autres primates concernerait les gènes qui régulent le développement du cerveau.
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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#8

Message par Zwielicht » 17 sept. 2007, 20:48

PKJ a écrit :1) Pratiquement toute l'évolution qui s'est déroulée dans le génome humain s'est produite dans un environnement qui n'a rien à voir avec celui dans lequel nous vivons. Nos gènes, s'il est vrai qu'ils contrôlent notre comportement, sont adaptés à la chasse et la cueillette. Donc pourquoi la société actuelle est telle qu'elle est? Pourquoi est-ce que nous ne suivons pas le *vrai* programme supposé de nos gènes? Seule solution à ce problème: nos gènes ont évolué avec un but vers leur paroxysme, leur accomplissement ultime, l'humain du 21è siècle, avec ses iPods et sa télé-réalité. Ce qui est absurde.
Sans me prononcer sur les prémisses (si oui ou non les gènes contrôlent notre comportement) y menant, je me demande ce qu'il y a d'absurde dans la constatation d'où l'homme est aujourd'hui.

Comment parler d'un "vrai" programme supposé de nos gènes, et encore plus, se prononcer sur si nous le suivons ou pas??

Enfin, je sais que ce sont des arguments opposants à la sociobio, à laquelle je n'adhère pas non plus.. mais ils s'y opposent d'une façon qui me semble superflue.
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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#9

Message par Hallucigenia » 18 sept. 2007, 18:02

Jean-Francois a écrit :
Et dans l'homme, on voit probablement tous les aspects communs chez les primates, puis les autres mammifères
Je ne suis pas sûr de comprendre. L'humain a des aspects particuliers qui ne sont pas la somme de ce qu'on retrouve chez les autres animaux (primates, puis mammifères, puis reptiles, etc.). L'homme n'est pas la "récapitulation" de l'évolution ayant conduit jusqu'à lui.
Tu plaisantes ? Quelle erreur terrible je ferais de considérer l'homme comme la récapitulation des autres espèces, ou comme l'aboutissement de l'évolution...

En fait, je voulais dire que la plupart des instincts ou des comportements qu'on observe communément chez les primates, on les observe aussi chez l'homme. Et inversement. Puis j'étends l'idée aux mammifères avec lesquels on partage beaucoup.

Un chien ou une vache (ou autres) peuvent témoigner de la tendresse, de l'agitation, de la douleur, et toute une gamme de ressentis qui sont très semblablement perceptibles pour l'homme. Les sentiments que ressentent les animaux ne me semblent pas bien différents de ceux que les humains ressentent et qui plus est, ils les expriment souvent de façon assez similaire.

Il me semble que la nature humaine trouve ses bases ici, dans quelque chose qu'on a en commun avec les animaux, et qui remonte assez loin dans l'histoire évolutive.

La spécificité de l'homme s'ajoute à cela, et c'est pas grand chose d'autre qu'une meilleure conceptualisation des choses, pour simplifier. Et en diminuant cet avantage, la pensée de l'homme finira par être grosso-modo celle d'un chimpanzé (et plus proche encore de celle de notre ancêtre commun avec lui).
On part tous (même Barrette, j'en suis sûr) du fait que l'homme est un animal.
J'en doute pas. Mais traiter séparément les questions de la nature humaine et de la nature animale, c'est impliquer une séparation forte (visiblement assumée par Barrette).

Forte au point de n'être plus une question de degré, mais de genre. Je ne suis pas contre l'idée à tout prix, mais les arguments avancés me semblent assez minces

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#10

Message par Jean-Francois » 18 sept. 2007, 18:53

Hallucigenia a écrit :Tu plaisantes ? Quelle erreur terrible je ferais de considérer l'homme comme la récapitulation des autres espèces, ou comme l'aboutissement de l'évolution...
Une erreur similaire à celle de Haeckel, qui voyait dans le développement embrryonnaire une forme de récapitulation de l'évolution. C'est une vision "échelle de la nature" des choses, ce qu'appuie ton "homme l'aboutissement de l'évolution".

L'homme n'est l'aboûtissement que d'une lignée du vivant - la sienne -, pas de l'évolution en général. De nombreuses espèces vivantes (plantes, animaux, bactéries, etc.) actuelles sont apparues bien après l'homme, à l'intérieur de leur lignée propre. Et, l'immense majorité de ces nombreuses lignées n'a aucun lien direct avec celle de l'homme, dans le sens où il faut remonter très loin pour trouver un ancêtre commun; c'est vrai même pour de nombreuses lignées de mammifères, et même de primates.

(En passant: comment peux-tu affirmer que l'évolution à un aboûtissement? ;) )
En fait, je voulais dire que la plupart des instincts ou des comportements qu'on observe communément chez les primates, on les observe aussi chez l'homme. Et inversement
Pour le "inversement", c'est très clairement faux: l'humain montre énormément de comportements qui ne sont pas observés dans la nature chez les autres primates (s'habiller, par unique exemple). Mais, s'il est indéniable que l'humain montre de nombreux comportements simiens, il ne montre certainement pas tous les comportements simiens. A mon avis, le répertoire comportemental de l'humain (l'éthogramme) ne peut absolument pas être réalisé en additionnant les comportements simiens puis en ajoutant quelque chose.

Plus on s'éloigne phylogénétiquement, moins la tentative de faire des parallèle pourra arriver à quelque chose de sûr. Pour les chats, chiens et cétacés, la tendance à l'anthormorphisme, qui est forte, parasite ce genre de projections. Je ne parle même pas des rongeurs, des insectivores... et c'est encore plus compliqué dans le cas des grenouilles, poissons, etc.

En passant, je ne nie certainement pas que les animaux puissent posséder le substrat neural nécessaire pour éprouver des forme de sentiments* (et d'imagination et de conscience), mais cela ne veut pas dire que le cerveau de l'homme "récapitule" celui-ci ni que tous les sentiments éprouvés par l'homme se retrouve chez les animaux.

* Je n'aime pas beaucoup le terme "ressentis". En partie parce que je l'associe beaucoup au discours des zozos (Ghost ne saurait s'en passer :lol: ); en partie parce qu'il n'est pas spécialement français dans le sens approximatif de "sentiments", malgré le verbe "ressentir". Il est absent de mon Larousse et le "trésor de la langue française" en donne une définition qui ne correspond pas vraiment.
Forte au point de n'être plus une question de degré, mais de genre
Là encore, tout dépend de ce qu'on dit (et non ce qu'un texte suggère): une différence importante peut être traitée comme une différence de genre. Un saumon et un humain, placés devant un problème, ne prendront certainement pas les mêmes moyens pour le résoudre même si ce moyen proviendra certainement d'un organe homologue (au sens biologique). Il y a clairement un fossé entre nous et nos plus proches parents, en tant qu'espèces, à différents points de vue (surtout langagiers, mais aussi cognitifs). On peut très bien aborder l'étude de cette disctinction comme s'il s'agissait d'une différence de genre, même si on demeure conscient qu'il s'agit très probablement d'une différence de degré avec de nombreuses étapes/degrés manquants.

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#11

Message par Hallucigenia » 18 sept. 2007, 19:29

Jean-Francois a écrit :
(En passant: comment peux-tu affirmer que l'évolution à un aboûtissement? ;) )

:ouch: :ouch: :ouch:

Je dis plus haut que c'est une erreur de penser çà.

Quand je dis que c'est une erreur de penser quelque chose, c'est que je ne le pense pas, en général.

Et çà fait deux fois que je dis quelque chose, et que tu m'expliques que j'ai tort de penser l'inverse.

Tu veux jouer à çà pendant encore longtemps ?


(Si je te dis : "C'est une erreur de penser que Dieu existe", tu vas me demander pourquoi j'affirme que Dieu existe, non ?)

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#12

Message par Jean-Francois » 18 sept. 2007, 19:32

Hallucigenia a écrit :Tu veux jouer à çà pendant encore longtemps ?
Désolé, j'ai mal compris. Content de voir qu'on s'entend là-dessus.

Remarque que si tu n'avais pas écris "tu plaisantes?", j'aurais sans doute eu plus de chance de comprendre ta phrase. Ne pense-tu pas qu'il y a une ambiguité potentielle dans: "Tu plaisantes? Quelle erreur terrible je ferais de penser que Dieu existe..."?

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#13

Message par Hallucigenia » 19 sept. 2007, 00:49

Hello,

No pb : mais t'étais à deux doigts de me comparer à Ghost, fais gaffe quand même :a1:

Mon "tu plaisantes" n'était peut-être pas clair non plus, je reconnais.

Bon, si on veut définir la "nature humaine", on a deux choses à prendre en compte:
  1. Ce qui le caractérise en tant qu'animal.
  2. Ce qui le caractérise en tant qu'homme (donc ses particularités comparées aux autres animaux).
Et à mon avis, on étudiera d'abord ce qu'il est en tant qu'animal, parce que c'est dans ce cadre qu'on comprendra mieux ses particularités plus tard.
Jean-Francois a écrit :On peut très bien aborder l'étude de cette distinction comme s'il s'agissait d'une différence de genre, même si on demeure conscient qu'il s'agit très probablement d'une différence de degré avec de nombreuses étapes/degrés manquants.
L'ancêtre commun entre un chimpanzé et un homme devait avoir une certaine "façon de penser". Après des évolutions séparées durant 6 millions d'années, les deux espèces fonctionnent un peu différemment.

Jusque là, on est d'accord.

Pendant ces 6 millions d'années, l'homme s'est transformé plusieurs fois, et seule une espèce d'hominidés est présente aujourd'hui : regardons homo sapiens entre -150 000 (naissance approximative) et -12 000 ans (donc avant le néolithique, cette fois je fais exprès de m'arrêter là). L'espèce s'est développée énormément (explosion démographique), et elle a conquis tous les continents (explosion géographique).

Cette bête-là a une féroce propension à se reproduire, et elle n'a pas attendu la société moderne pour que sa "sexualité ludique" soit un argument en faveur de son animalité. En tout cas, cette sexualité est hyper efficace pour l'espèce globalement, bien avant l'époque moderne.

Et l'homme n'a pas "bougé" génétiquement depuis ce qu'il était avant l'invention de l'agriculture, grosso modo.

Dans sa forme moderne actuelle MAIS à une époque où l'homme vivait à peu près encore comme les animaux, l'homme était déjà ce qu'il est, donc la société moderne n'a pas changé sa nature profonde. Je crois que l'homme n'est pas aussi déconnecté de ses instincts qu'on veut nous le faire croire, et notamment de l'instinct de reproduction.

Il se trouve simplement que, dans les faits, la sexualité de l'homme a toujours été efficace pour l'espèce, même si certains choisissent la chasteté, l'homosexualité ou se suicident.

Les femmes de 25 ans (ou 30 ans si tu veux) qui n'ont pas encore eu d'enfant, en général, soit elles veulent en faire un soit elles commencent à y penser. Et çà, c'est par instinct. Alors les 10 ou 20% d'entre elles qui décident fermement de ne jamais en avoir à cet âge, et dont la décision persiste dans la durée, elle ne sont pas représentatives du groupe, au contraire.

Là encore, la différence entre l'homme et les animaux est bien trop marginale pour le séparer du groupe, même si c'est unique par rapport aux autres espèces.

Même l'homosexualité n'est pas contre nature, à mon sens, puisqu'au niveau de l'espèce elle n'empêche pas un accroissement.

Pareil pour le suicide : la nature humaine, ce n'est pas de se suicider. En général, les êtres humains ne se suicident pas, donc la nature humaine c'est plutôt de ne pas se suicider, exactement comme les autres animaux.

Le suicide, c'est un détail à prendre en compte pour définir l'humain, mais c'est non-représentatif de la nature humaine moyenne. L'homme a juste une capacité intellectuelle un peu supérieure aux autres animaux, donc il se représente le monde de façon plus précise... et quand on voit le bordel que c'est :a2: , pas étonnant qu'il envisage parfois la possibilité du suicide et éventuellement l'applique.

La "nature de l'homme", c'est d'abord d'être un animal. La nature humaine est une nature animale. Qu'on construise un nid, un barrage, ou une tour de 30 étages en béton, dans chaque cas on répond au même besoin : assurer sa sécurité, avoir un chez-soi, dormir tranquille, etc.

Le résultat qu'on observe nous impressionne plus quand on voit une tour en béton : mais çà c'est un point de vue humain, c'est là le problème.

Quant aux habits si tu veux savoir, je crois que çà répond à un besoin de protection du corps, très animal aussi, mais il a aussi un rôle dans la reproduction et les luttes de pouvoir. Bref, un animal qui a perdu sa fourrure (plus sensible au froid), qui s'est mis debout (révélant le ventre, partie fragile) et qui dispose d'une habilité manuelle aussi impressionnante (le pouce en face des autres doigts)... je ne suis pas surpris qu'il ait trouvé une utilité dans les vêtements puis s'en soit fabriqué. Son intelligence a seulement concrétisé l'expression de sa nature animale.

Il a aussi inventé le droit et la loi pour sécuriser sa communauté, il a inventé la religion et la philosophie pour satisfaire sa curiosité instinctive, etc.

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#14

Message par Raphaël » 19 sept. 2007, 03:35

Hallucigenia a écrit :Le suicide, c'est un détail à prendre en ocmpte pour définir l'humain, mais c'est non-représentatif de la nature humaine moyenne. L'homme a juste une capacité intellectuelle un peu supérieure aux autres animaux, donc il se représente le monde de façon plus précise... et quand on voit le bordel que c'est :a2: , pas étonnant qu'il envisage parfois la possibilité du suicide et éventuellement l'applique.
Le suicide n'est pas une exclusivité humaine. Il parait qu'un scorpion, par exemple, se suicide lorqu'il est placé dans un cercle de feu*. Pas besoin d'avoir une capacité intellectuelle supérieure pour passer à l'acte. Le plus important, c'est d'avoir une arme efficace à portée de la main (ou de la queue).

*J'avoue n'avoir jamais tenté l'expérience.

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Jonathan l
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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#15

Message par Jonathan l » 19 sept. 2007, 09:46

Les lemming sont reconnu pour se suicider en masse lorsque leur population devient trop grande.
Cartaphilus a écrit : A propos de la "très grande majorité des gens qui croient en dieu" : 100 milliards de mouches ne peuvent se tromper ; la m...., c'est forcément bon.

Zwielicht
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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#16

Message par Zwielicht » 19 sept. 2007, 09:57

Jonathan l a écrit :Les lemming sont reconnu pour se suicider en masse lorsque leur population devient trop grande.
Je mettrais un bémol là-dessus. J'avais un livre qui expliquait que c'était uniquement parce qu'ils étaient pratiquement aveugles (ou très myopes) et juste faits comme ça..

Juste un hamster, mettons.. ça ne voit pas le danger. Ça peut facilement tomber d'un étage, d'une table de cuisine, etc. Contrairement à un chat.. Le lemming serait comme le hamster. Les cas de mortalités massives du lemming sont souvent : noyade, chute et écrasement par train ou traffic routier.

J'ignore s'il y a une source qui nous permette de trancher.

Un cas animal assez étrange toutefois, que j'avais lu dans le même livre: Quand il y a trop de lemmings, le renne, qui s'en nourrit, ne sait plus où donner de la tête et déprîme, en quelque sorte, jusqu'à en mourir de faim. L'embarras du choix....
anybody in the creation/evolution debate area knows that this is basically a spiritual war. The root of the problem is not a question of what is science or what is truth. [Laurence Tisdall]

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#17

Message par Jean-Francois » 19 sept. 2007, 15:09

Hallucigenia a écrit :No pb : mais t'étais à deux doigts de me comparer à Ghost, fais gaffe quand même
Oui, je fais gaffe. Je le jure! J'ai même pris le temps de m'assurer que la manière dont je m'exprimais ne permettait pas un tel rapprochement... j'espère avoir réussi ;)
Et à mon avis, on étudiera d'abord ce qu'il est en tant qu'animal, parce que c'est dans ce cadre qu'on comprendra mieux ses particularités plus tard
Bien sûr. Mais, comme ton point 1) est un ensemble qui contient ton point 2), il n'est pas illogique de considérer que la "nature humaine" est ton point 2) uniquement. Je rappelle que ce qui te posais problème est la formulation qui pousse à une dichotmoie complète, mais celle-ci n'est pas de Barrette.
Et l'homme n'a pas "bougé" génétiquement depuis ce qu'il était avant l'invention de l'agriculture, grosso modo
Je ne sais pas. C'est l'hypothèse la plus plausible, et celle que je privilégie. Mais si les changements génétiques concernent le développement du cerveau - avec des répercussions sur les capacités cognitives -, cela ne laissera pas forcément de traces anatomiques. J'en doute mais c'est une hypothèse qui pourrait peut-être être vérifiée (par l'étude de l'ADN de mommies, par exemple).
Je crois que l'homme n'est pas aussi déconnecté de ses instincts qu'on veut nous le faire croire, et notamment de l'instinct de reproduction
J'ai l'impression qu'il y a eu un retour de balancier et que, dans certains domaines, on cherche trop à réduire l'homme à ses instincts. Il demeure clair que l'homme peut, par ses capacités cérébrales, transcender ses instincts. L'exemple du suicide demeure valide même s'il n'est pas la règle, l'abstinence ou le refus volontaire de procréer en sont aussi des exemples. Que l'homme ne soit pas biologiquement "adapté" à la société moderne c'est possible (là encore, faudrait définir les termes), mais il y est clairement adapté intellectuellement sinon il n'y aurait pas de "société moderne".

On peut très bien voir la "nature" de l'homme comme cette capacité adaptative intellectuelle. Cela ne veut pas dire que l'homme n'est pas un animal mais que ce qui le caractérise particulièrement, ce qui le distingue en tant qu'espèce (ou genre) animale, est cette capacité.
Quant aux habits si tu veux savoir, je crois que çà répond à un besoin de protection du corps...
Je pense que ce n'est qu'une partie de la réponse. Si c'était vrai, tout le monde vivrait à poil dans les tropiques ce qui n'est pas le cas. Même dans les tribus considérées comme "primitives" il y a une forme de habillement.

------------
Zwielicht a écrit :Un cas animal assez étrange toutefois, que j'avais lu dans le même livre: Quand il y a trop de lemmings, le renne, qui s'en nourrit, ne sait plus où donner de la tête et déprîme, en quelque sorte, jusqu'à en mourir de faim. L'embarras du choix....
Le caribou, un carnivore :shock: Si ta mémoire ne t'a pas fait défaut, pose-toi des questions sur le livre.

Cela dit, oui, les suicides de masse des lemmings tiennent plus de la légende que d'autre chose. C'est sans doute une mauvaise interprétation de la mortalité survenant dans des migrations de masse.
uste un hamster, mettons.. [...] Ça peut facilement tomber d'un étage, d'une table de cuisine, etc. Contrairement à un chat
Les rapports physiques entre masse, surface et volume font qu'un petit animal atteindra lors d'une chute une vitesse maximale moins élevée qu'un gros. C'est très bien expliqué sur ce site (voir "Miniature people confront Galilean science!"). Je pense qu'un hamster est déjà un peu gros, mais un lemmings est plus petit qu'un hamster.

--------
Rapahel a écrit :Le suicide n'est pas une exclusivité humaine. Il parait qu'un scorpion, par exemple, se suicide lorqu'il est placé dans un cercle de feu
Jamais entendu parler. As-tu des références?

Tous les exemples de "suicides" animaux que je voie sont liés à la reproduction: saumons, certaines araignées ou mantes, etc. Dans ces cas, un ou les parents se laissent littéralement mourir pour pouvoir se reproduire.

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#18

Message par Zwielicht » 19 sept. 2007, 18:01

Jean-Francois a écrit :
Zwielicht a écrit :Un cas animal assez étrange toutefois, que j'avais lu dans le même livre: Quand il y a trop de lemmings, le renne, qui s'en nourrit, ne sait plus où donner de la tête et déprîme, en quelque sorte, jusqu'à en mourir de faim. L'embarras du choix....
Le caribou, un carnivore :shock: Si ta mémoire ne t'a pas fait défaut, pose-toi des questions sur le livre.
C'est probablement ma mémoire qui fait défaut.. le livre parlait peut-être du renard arctique. Maintenant que j'y repense..
Jean François a écrit :Les rapports physiques entre masse, surface et volume font qu'un petit animal atteindra lors d'une chute une vitesse maximale moins élevée qu'un gros. C'est très bien expliqué sur ce site (voir "Miniature people confront Galilean science!"). Je pense qu'un hamster est déjà un peu gros, mais un lemmings est plus petit qu'un hamster.
Oui, ça pourrait expliquer pourquoi ils n'ont pas évolué jusqu'à devenir conscient des dangers de chute mortelle (comme nous, comme les chiens, chats, etc), mais un autre facteur pourrait être une reproduction très facile, rapide et nombreuse. Genre que même si plusieurs meurent, ils ont eu le temps de se reproduire déjà.
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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#19

Message par Raphaël » 20 sept. 2007, 03:50

Zwielicht a écrit :Un cas animal assez étrange toutefois, que j'avais lu dans le même livre: Quand il y a trop de lemmings, le renne, qui s'en nourrit, ne sait plus où donner de la tête et déprîme, en quelque sorte, jusqu'à en mourir de faim. L'embarras du choix....
Les rennes mangent des lichens, pas des lemmings ! Attention de ne pas confondre !

En cas de doute, se fier sur la couleur: le lichen est vert et le lemming est brun !

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#20

Message par Raphaël » 20 sept. 2007, 04:09

Jean-Francois a écrit :
Raphael a écrit :Le suicide n'est pas une exclusivité humaine. Il parait qu'un scorpion, par exemple, se suicide lorqu'il est placé dans un cercle de feu
Jamais entendu parler. As-tu des références?
Je n'ai pas de références sérieuses. Seulement des anecdotes comme celle-ci:
Cet été là, j’ai du faire souffrir quelques scorpions que j’attrapais sans appréhension avec un bambou fendu en deux. Je les envoyais sans aucune peine à la mort à la manière de César. Un cercle de feu, un combat singulier de gladiateurs apeurés et le vainqueur se suicidait.
http://moto-rando.blogspot.com/2007_02_01_archive.html

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#21

Message par Hallucigenia » 21 sept. 2007, 06:37

Salut,
J-F a écrit :Je ne sais pas. C'est l'hypothèse la plus plausible, et celle que je privilégie. Mais si les changements génétiques concernent le développement du cerveau - avec des répercussions sur les capacités cognitives -, cela ne laissera pas forcément de traces anatomiques. J'en doute mais c'est une hypothèse qui pourrait peut-être être vérifiée (par l'étude de l'ADN de mommies, par exemple).
On est d'accord, mais j'ai moins de doutes que toi : je pense que la population d'homo sapiens était déjà trop importante il y a 12 000 ans pour qu'une mutation significative ait pu se transmettre à toute la population. Je dois être trop "gouldien" peut-être, mais le dernier "équilibre ponctué" pour notre espèce était il y a environ 150 000 ans, et çà s'est produit comme toujours sur une population réduite.

Depuis j'imagine plutôt une stagnation, même au niveau du pool génétique. En tout cas pour ce qui concerne le cerveau et ses capacités. Les hommes ont vécu quelques modifications mineures (la couleur de peau par exemple, selon les zones géographiques), mais ils ont tous les mêmes capacités intellectuelles "supérieures" aux animaux (suicide, "conscience", etc.).

Donc on peut supposer que la nature de l'homme est devenu ce qu'elle est au tout début de l'apparition de l'espèce.

Pour revenir au sujet maintenant, voyons la position que je critiquais.
Voici un très beau schéma, réalisé par un professionnel (Antoine, 6 ans).

Image

En blanc, ce qu'on appelle la "nature humaine", et en bleu ce qu'on appelle la "nature animale".

On ne peut pas faire mieux comme dichotomie, et comme son nom l'indique, les deux entités sont bien distinctement présentées. Ici, on est par exemple dans le cas des représentations religieuses de la nature de l'homme (le seul à avoir une âme immortelle, donc une nature radicalement différente).

Effectivement, il me semble aussi que le terme de dichotomie est assez malheureux dans l'article, et un gars comme Cyrille Barrette ne peut pas avoir cette vision (à moins qu'il ne soit devenu pasteur entre deux conférences sceptiques :) ). En plus, il ne s'exprimait pas lors d'une conférence, mais dans une interview donc le terme n'était sans doute pas adapté, rien de plus.

Maintenant, Antoine reprend ses crayons et voici ma position :

Image

Pour moi, la nature humaine est une nature animale, par définition (puisque l'homme est un animal). De plus, rien dans son comportement ou son mode de vie ne me fait penser que l'homme aurait vraiment dépassé le cadre de l'animalité. Je le crois encore pleinement guidé par ses instincts, bien que je lui concède une capacité de conceptualisation bien supérieure à tous les autres animaux. Comme je reconnais à l'éléphant une trompe plus grande, ou au tigre ses griffes puissantes.
Tennyson : In Memoriam (56 fragment) 1850 a écrit : ... [ Man ] trusted God was love indeed
And love Creation's final law--
Tho' Nature, red in tooth and claw
With ravine, shriek'd against his creed--
Maintenant, la position que tu sembles défendre, et qui en toute vraisemblance est celle de Barrette aussi :

Image

En rouge, c'est la zone dont tu parles où il "transcende ses instincts".

Avant tout, il me semble mal-approprié de dire que la nature humaine se limite à la zone rouge, donc de dire que la nature humaine se limiterait à ce qui le différencie des autres animaux. Ce serait refuser d'admettre une base animale de l'homme, pourtant incontestable. En tout cas, s'y limiter ne reflèterait pas la totalité de ce qu'est l'homme.

Ensuite, au même titre que l'idée religieuse d'une "âme humaine", il me semble que si on doit envisager vraiment l'existence d'une zone rouge externe à l'animalité, il faut bien la faire reposer que quelque chose de concret. Non pas que l'âme soit quelque chose de concret, mais au moins la religion base sa différence sur un concept relativement bien défini (un truc surnaturel, détaché~détachable du corps, et qui lui survit après la mort).

Et c'est là où à mon avis l'idée de cette zone rouge pose un problème, c'est que du point de vue biologique elle ne repose sur rien de concret, tout comme l'âme d'ailleurs. A-t-on mis en évidence un gêne du suicide ? Une hormone du célibat ? Ou dans le cerveau humain, des zones ultra-spécifiques à l'homme, au point de n'être pas animales ? A ma connaissance, non.

Pour tenter une comparaison un peu foireuse mais explicite, je dirais que le cerveau de notre ancêtre commun avec le chimpanzé serait un peu comme un vieux Spectrum ZX80, alors que le cerveau humain serait plutôt comme un PC moderne. Si on compare les deux, bien sûr seul le PC moderne pourra lire des DivX, faire des animations 3D, diffuser de la musique etc. Mais la nature même de l'ordinateur, dans le fond, c'est la même : c'est d'interpréter séquentiellement des bits en binaire, des suites de 0 et de 1. Une question de degré, et non de genre.

Je reconnais que dans mon schéma, il manque cette zone rouge, là où dans son comportement l'homme se distingue des autres animaux. Mais pour moi, elle est incluse dans la zone blanche, comme la zone blanche est incluse dans la zone bleue. Exactement comme toutes les autres espèces ont quelque chose en particulier, qui les distingue des autres - mais sans que pour autant, on les exclue du groupe des animaux.

Enfin, et c'est là le point central qui fonde ma critique, l'homme a toujours eu cette tendance à se séparer du groupe des animaux, et il s'est toujours planté. La définition même de l'animal est problématique et reflète cette erreur, puisque dans son acception stricte et classique, il s'agit de "tous les animaux sauf l'homme".

Comme le pensait Sigmund Freud, l'homme se voyait au centre de l'univers et Copernic l'a planté. L'homme se voyait au-dessus des autres animaux, et Darwin l'a planté. Puis l'homme se croyait posséder une liberté critique infinie, et Freud l'a planté.

A chaque fois que l'homme a voulu se considérer différent des autres animaux, à chaque fois qu'il a théorisé une différence de nature, à chaque fois c'était de l'anthropocentrisme et toujours il s'est trompé.
(http://www.alsapresse.com/dossiers_classes/livres/)
Ils sont trois. Trois à avoir fait descendre l'homme de son piédestal. Copernic (1473-1543) nous a appris que la Terre, loin d'être au centre de l'univers, n'en est qu'un des éléments. Darwin (1809-1889), ensuite, soulignera qu'à l'instar des animaux l'être humain ne se succède pas à lui-même par essence divine… mais par le biais d'une sélection naturelle féroce et implacable. Et Freud, enfin, va relativiser l'arrogance de l'homme à se penser comme infiniment doué de raison… en posant l'hypothèse de l'existence de l'inconscient, cette entité souterraine qui nous gouvernerait bien davantage que notre conscience éclairée.
A mon sens, cette zone rouge ne repose sur rien de concret à part des observations comportementales marginales, qui sont tout-à-fait explicables autrement que par une différence de genre (donc tout simplement par une intelligence plus fine)... cette zone rouge, cette supériorité humaine qu'on nous impose par décret (surtout dans la religion bien sûr), c'est juste un doigt anthropocentrique de plus dans notre œil vaniteux.

Et cette tendance à toujours nous croire supérieurs aux autres animaux, elle s'explique aussi par des instincts très animaux (préférence à son groupe d'appartenance, au détriment des autres groupes ou autres espèces) : c'est probablement rassurant quelque part de se croire un peu différent des autres animaux, de se croire supérieur, mais concrètement on est pas près de déterminer la réalité scientifique tangible sur laquelle se base cette "zone rouge".

Bien sûr, il y a des faits intrigants : le suicide, le célibat, etc. Mais ce ne sont que des comportements marginaux au sein de l'espèce, qui sont seulement le reflet de l'intelligence de l'homme et même si on les considère tous en cumulé (alors que le rapport entre tous ces phénomènes est dur à mettre en évidence) ils n'isolent pas sa nature profonde du reste des animaux.

Ce serait comme de dire : "Si on veut étudier la nature de l'homme, on regarde tous les détails qui font qu'il est différent des autres animaux. On constate des différences, donc sa nature est différente." On pourrait faire exactement la même chose pour le hibou ou l'huître, et on arriverait à la même conclusion qu'ils sont hors du groupe, par raisonnement circulaire.

Hallucigenia

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#22

Message par Jean-Francois » 21 sept. 2007, 15:46

Hallucigenia a écrit :Et c'est là où à mon avis l'idée de cette zone rouge pose un problème, c'est que du point de vue biologique elle ne repose sur rien de concret, tout comme l'âme d'ailleurs
Tu veux une différence biologique indéniable: l'homme possède un cerveau qui est significativement plus gros, en rapport au poids, que n'importe quel autre vertébré (avec le corollaire d'un bagage génétique particulier, qui permette d'atteindre ce volume). Ca ne sort pas de la "nature animale" puisque l'homme est un animal à 100%, mais cela distingue l'homme des autres animaux. Non?

Je ne défends pas une "zone rouge" qui dépasserait du domaine animal, et je ne crois pas que Barrette la défende plus. Dans le 3e graphique du Pr. Antoine ;) , c'est comme si l'ensemble des animaux était le carré vert, les primates le rond en bleu (avec l'intersection blanche) et l'humain le rond en rouge (intersection blanche comprise). Le terme "nature" désigne ici - à mon avis, parce que pour en être sûr faudrait demander à Barrette* - ce "qui est particulier à l'humain et permet de le différencier des autres animaux". Je veux bien que l'utilisation du terme "nature" puisse être repproché à cause de l'interprétation que l'on peut en faire, mais lequel proposer?

Si tu veux comprendre les particularités d'un animal ça ne sert à rien d'insister sur les ressemblances partagées par tous les animaux. Et, il est impossible de ne pas voir qu'il existe des différences biologiques entre l'humain et l'éléphant, ou entre l'humain et le bonobo, tout comme on peut faire une distinction entre humain et ET ;) Et, les comportement sont aussi un trait biologique qui peut être utiliser pour établir une distinction.

* Ajout: en attendant, regarde ce qu'il dit sur sa fiche de l'U.Laval, au résumé de la conférence "L'origine de l'Homme": "Contrairement à l’idée d’une création, la notion d’origine exclut l’existence d’un premier humain. De plus, la question de l’origine est indissociable de la question de la définition de l’humain. Cette définition est constituée de l’ensemble des caractères propres à l’humain, c’est-à-dire ceux qui permettent de nous distinguer des espèces de grands singes actuels et des espèces de plus en plus nombreuses de pré-humains fossiles". Ce qu'on peut résumer par "nature", même si le résumé n'est pas totalement juste (est-ce possible de l'être quand on résume en un mot une idée complexe?).
Enfin, et c'est là le point central qui fonde ma critique, l'homme a toujours eu cette tendance à se séparer du groupe des animaux, et il s'est toujours planté
Je suis grandement d'accord mais je pense que la question est différente ici.Je pense encore que tu restes accroché aux mots - surtout à "dichotomie" (qu'il n'a pas écrit; il semble utiliser le terme "nature", par contre) - plutôt qu'à sa position. Je doute qu'un biologiste, surtout un biologiste porte-parole de l'évolution comme Barrette puisse être inconscient que l'homme est un animal à 100%. C'est pourquoi je pense que la distinction qu'il veut établir n'est probablement pas celle que tu crois. Et c'est encore moins vrai si tu ajoutes d'autres notions comme celles de "supériorité/infériorité" qui vont beaucoup plus loin que le problème initial.

Jean-François
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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#23

Message par El Kabong » 21 sept. 2007, 18:19

Salut,
Un inconnu a écrit :On ne naît pas humain, on le devient.
Le constat d'échec est sévère. Un si gros cerveau pour un animal si méchant.

Le cerveau d'origine reptilien a le dessus (trop souvent) sur l'autre cerveau, celui qui s'est développé quand nos ancêtres ont appris a marcher et a parler. Voila le problème. Seul un programme d'éducation sévère peut permettre a tous d'accéder a d'autres désirs que celui du fric et de la puissance. La domination des autres est une maladie mentale devenu incontrôlable.

Si ce problème est éventuellement résolu. Alors, nous pourrons parler d'un nouveau "genre". En attendant, nous ne sommes que des singes violents et destructeurs.

Santé et bananes pour tous et toutes.
Mike Godwin a écrit :Je m'inquiète pour le jour où, dans 10 ou 15 ans, ma fille me demandera : "Papa, tu faisais quoi quand ils ont censuré la liberté de la presse sur Internet ?

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#24

Message par curieux » 21 sept. 2007, 22:40

je dirais que le cerveau de notre ancêtre commun avec le chimpanzé serait un peu comme un vieux Spectrum ZX80, alors que le cerveau humain serait plutôt comme un PC moderne.
J'ai eu l'occasion de pianoter et de programmer le Z80 du spectrum, bein je peux t'assurer que sur ce forum, il y a des raisonnements d'inscrits qui ne rivalisent pas avec ses possibilités. :nerd:
C'est tout de même une piste sérieuse qui démontre que l'homme et le chimpanzé ont un ancêtre commun.
Le rôle de la physique mathématique est de bien poser les questions, ce n'est que l'expérience qui peut les résoudre. [Henri Poincaré]

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Re: Cyrille Barrette et la nature de l'homme

#25

Message par Hallucigenia » 24 sept. 2007, 09:53

Salut,
Jean-Francois a écrit :C'est pourquoi je pense que la distinction qu'il veut établir n'est probablement pas celle que tu crois.
Probablement.

On verra bien : je me suis commandé un bouquin de lui, dans lequel il présente sa vision de l'homme. Je vais me faire mon idée en le lisant.

Amicalement,

Hallucigenia

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