Avant que l'on ne commence à constater l'augmentation du nombre de cas d'ESB, il n'y avait aucune raison de supposer que de nourrir des herbivores avec des protéines animales pouvait entraîner une telle épidémie chez les bovins - d'ailleurs la nature du mécanisme par lequel le prion déclenche la maladie, est encore contesté.
Bien que les vues rétrospectives soient forcément biaisées, dans ce contexte, utiliser les farines animales ne me semble pas être une manière "d'éviter un problème économique mineur", mais de le résoudre d'une façon rationnelle.
Bien sûr il en va autrement aujourd'hui. Les farines animales ont été interdites dès que de très vagues soupçons ont commencé à peser sur elles (en 1988 en Grande-Bretagne), comme quoi ce petit problème économique n'a plus pesé bien lourd une fois qu'on a commencé à supposer qu'il pouvait peut-être mener à un problème d'un tout autre ordre de grandeur.
André : «Comment ceux-ci peuvent-ils désormais faire confiance à des spécialistes qui les ont déjà leurrés?»
Imaginons que les spécialistes aient parlé un peu plus bruyamment des risques dès le début des années 90 :
- La crise chez les consommateurs aurait eu lieu de même, mais elle aurait commencé plus tôt, et donc duré plus longtemps et fait plus de dégats économiques.
- Les réactions de méfiance du grand public face aux scientifiques auraient probablement été presque aussi fortes, étant donné que ce qui est avant tout reproché à la science ce n'est pas seulement d'avoir caché un risque potentiel, mais surtout d'avoir joué à l'apprenti-sorcier en transformant des herbivores en carnivores, d'avoir "troublé l'ordre naturel" en rendant des animaux cannibales, comme s'il y avait là une sorte d'interdit qui venait d'être brisé. Cette peur intuitive est absurde, mais c'est pourtant cet argument sans valeur qui, dans les médias, revient le plus souvent chez les détracteurs des farines animales comme charge contre les scientifiques.
Du moins c'est mon impression.
André : «Ils doivent se forger une opinion en se fondant sur les demies vérités servies autant par les spécialistes et les politiciens que par les activistes.»
La plupart des gens sur la plupart des sujets scientifiques se font une opinion fondée sur des demi-vérités présentées de façon partiales par des non-spécialistes (des journalistes scientifiques). Qui saura que des spécialistes ont réellement fait de la rétention d'information ? C'était vrai dans le cas de L'ESB, mais ça aurait aussi pu être faux, ça n'aurait pas empêché les consommateurs de penser que c'était vrai...
C'est ce qui se passe dans le cas des additifs comme dans celui des lignes THT : dans ces domaines, vu le nombre d'études qui ont été menées, l'absence de risques est certaine, mais ça n'empêche pas beaucoup de personnes de croire qu'il existe un danger mais qu'on nous le cache pour des raisons économiques. Les magazines écologistes nous ressortent régulièrement ce genre de délires qui constituent leur fond de commerce, et même à la TV il n'est pas rare de voir un reportage ou un documentaire dénoncer la "loi du silence" qui est sensée regner autour des risques des lignes THT, des additifs ou autres...
Parce que évidemment, quel producteur irait financer un reportage sur une non-information telle que l'absence de risques du téléphone portable (d'autant plus que le journaliste y perdrait en crédibilité car il serait automatiquement soupçonné d'être vendu aux industriels) alors qu'il est tellement plus facile de faire de l'audience avec un reportage alarmiste jouant sur les peurs irrationnelles des gens ?
Qui ira vérifier ? Et même avec la volonté de vérifier, combien de consommateurs ont la capacité de faire le tri entre les informations et les expérimentations contradictoires, pour ne retenir que celles qui sont fiables ?
Je crois que quand on touche à des peurs telles que celle que peut générer l'ESB, l'irrationnalité des comportements engendrée par ces peurs est telle que la vérité n'a pas une grande influence sur les croyances qui peuvent se former autour d'elle.
Mais tout cela n'est que spéculations gratuites de ma part, autour d'un sujet bien complexe.
Gaël.
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