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Re:Ajout


Re: Ajout -- Joanne
Posted by Soumaya , May 01,2001,15:02 Index  Forum

Étant étudiante en anthropologie médicale à McGill et ayant moi-même vécu un accouchement sans épidurale (et donc, douloureux!), je me permet de contribuer à votre intéressante discussion.

Tout d’abord, je pense que la désignation ‘anti accouchement sans-douleur’, bien que logiquement correcte, tend à ne faire voir qu’un aspect du choix d’un accouchement. La majorité des femmes qui choisissent un accouchement dit naturel ne sont pas nécessairement ‘anti accouchement sans douleur’! En fait, certaines peuvent avoir des vues bien précises à propos des risques de l’épidurale mais ce n’est pas le cas de toutes les femmes faisant ce choix. En tous cas, il n’est pas question d’aimer la douleur de l’accouchement. Personne n’aime la douleur, il s’agit de décider l’attitude que l’on prend face à celle-ci.

Pour comprendre cette décision, il faut savoir que le recourt à l’épidurale, en plus d’être lui-même controversé, entraîne quantité d’autres manipulations médicales qui peuvent être inutiles et au détriment du bien-être psychologique de la femme accouchant et de l’enfant à naître. Par exemple, une femme qui reçoit l’épidurale doit nécessairement être reliée à un moniteur qui enregistre les contractions ainsi que les battements du cœur du fœtus. Or, certaines études démontrent que l’utilisation du moniteur est relié à un taux plus élevé de césariennes que l’écoute à intervalle réguliers du cœur du foetus. On peut soupçonner que bon nombres de césariennes inutiles auraient pu être évité sans l’usage du moniteur.

Ensuite, lors de l’expulsion comme telle, il est impossible pour la femme sous anesthésie de savoir à quels moments elle doit pousser, ainsi elle se fait diriger par une infirmière qui compte à voix haute : ‘Poussez :1,2,3,4..’ et ainsi de suite jusqu’à 10. Certaines femmes, en choisissant l’accouchement dit ‘naturel’ choisissent par le fait même d’avoir le contrôle sur ce qui se passe dans leur corps. Puisqu’elle ressent le besoin urgent de pousser, la femme pousse comme elle sait qu’elle doit le faire, au moment où elle sait qu’elle le doit. Ceci entraîne un sentiment d’accomplissement chez elle.

Une infirmière avec laquelle j’ai discuté disait que l’expression de la douleur dans l’hôpital dans lequel elle travaillait était mal perçu. À une femme accouchant qui pousse des cris, on propose l’épidurale. Si elle refuse, on lui propose une nouvelle fois. Si elle refuse encore, on lui dit : ‘Bon, si vous voulez souffrir…’ Aucune présence ne lui est offerte, alors qu’il s’agit de l’élément le plus significatif dans la ‘gestion de la douleur’. On présume simplement qu’elle est maso. Plus la femme est vocale, bruyante, plus c’est intolérable à entendre et décontenançant pour l’appareil médical. Vite, piquez-la quelqu’un!

Une des intervenantes sur ce forum affirmait qu’aucun ‘spécialiste de la douleur’ne soutiendrait que la douleur est normale ou saine. Qui est spécialiste de la douleur? L’anesthésiste? Le physiologiste? La praticienne de la méthode Bonapace? L’anthropologue médical spécialisé dans ce domaine? J’aimerais savoir de quel spécialiste vous parlez parce que, en matière de douleur, il n’y a pas qu’une perspective.

L’anesthésiste moyen n’a d’autre attitude face à la douleur que celle de prescrire une piqûre. Il ne lui viendrait pas à l’esprit que l’on peut faire face à la douleur avec une attitude différente. Certains chercheurs, physiologistes, obstétriciens (le nom de Michel Odent me vient à l’esprit), sage-femmes et spécialistes des sciences sociales pensent au contraire que le phénomène de la douleur est composé d’un aspect social à prendre sérieusement en compte.

Le support moral que l’on obtient, notre éducation au sein d’une société, nos valeurs et notre attitude sont toutes des variables qui changent notre tolérance face à la douleur (de l’accouchement). Si une femme enceinte décide que oui, la douleur de l’accouchement est saine puisqu’il signifie que son col d’utérus s’ouvre pour faire passer son bébé, qu’elle est en situation de contrôle, qu’elle peut exprimer sa douleur, qu’elle est bien supportée et que somme toute, ça a une toute autre signification pour elle qu’un coup de marteau sur le pouce et bien, cette douleur sera plus facile à vivre et même, elle sera positive.

Pas besoin d’être fondamentaliste religieux, ou fondamentaliste tout court.




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