Heureux de vous relire encore. Encore plus heureux d'apprendre que je ne suis pas le seul à estimer que nos avis se ressemblent (modulo un décalage linguistique).
Je saute tout de suite aux probabilités subjectives.
Vous me demandez un exemple.
Considérons la proposition suivante:
A : La Californie est plus étendue (en superficie) que le Canada.
Imaginez maintenant que nous convenons d'un pari. Je mets $1 sur la table et je vous invite à mettre $5. C'est vous qui choisissez votre option (OUI ou NON, pour la proposition A). Ensuite, on vérifie la réponse (dans un atlas, par exemple). Si vous avez raison, le $6 est à vous. Si vous avez tort, le $6 est à moi.
Je pense que vous accepteriez ce pari (et j'aurai été bien sot de vous le proposer). Vous savez certainement que le Canada est un peu plus grand que les États-Unis et que la Californie, morceau des États-Unis, est donc certainement beaucoup plus petite que le Canada. Vous allez accepter le pari, vous allez parier pour "NON" et vous allez me pocher $1.
Étant donné les mises inégales (1$ pour moi, 5$ pour vous), le pari vous paraîtra avantageux si vous jugez que votre probabilité de le gagner est supérieure à 5/6. C'est certainement le cas dans le cas de la proposition A où on compare la Californie et le Canada.
Maintenant, remplaçons la proposition A par une autre:
B : La Californie est plus étendue que la Suède.
Je pense que, si on remplace A par B, vous refuserez le pari. A moins que vous soyez un crack en géographie, vous ne savez probablement pas (avec confiance supérieure à 5/6) si la réponse est OUI ou NON. Pour vous, la "probabilité" que la Californie soit plus étendue que la Suède, DANS L'ÉTAT ACTUEL DE VOS CONNAISSANCES, est trop proche de 1/2 pour que le pari vous paraisse avantageux (même si c'est vous qui choisissez l'option). Parmi les deux-cents-quelques pays qui existent sur Terre, on pourrait certainement en trouver quelques uns tels que si la proposition était "La Californie est plus étendue que X", vous hésiteriez entre accepter ou non le pari. Si X="Russie" ou si X="Monaco", vous allez probablement accepter le pari, malgré les mises inégales. Si X="Suède", vous allez probablement refuser le pari. Si, pour un certain pays X vous hésitez entre accepter ou refuser le pari, c'est que vous estimez (subjectivement) que votre probabilité de gagner le pari est voisine de 5/6.
On pourrait faire des paris analogues avec d'autres propositions:
A' : Christophe Colomb est né avant Einstein.
B' : Christophe Colomb est né avant Copernic.
Il n'y a pas plus de hasard que dans le premier exemple. C'est uniquement dans notre tête que le hasard joue.
Il y a une foule de propositions pour lesquelles je ne sais pas si la réponse (la "vérité") est OUI ou NON. Quand j'avais 12 ans, je ne savais pas si moi et mon chat avions des ancêtres communs. Maintenant je suis tout-à-fait confiant que la réponse est "OUI" (même si ce n'est plus le même chat). :-) De la même façon je ne sais pas s'il y a des extra-terrestres intelligents dans notre galaxie. Dans le souque-à-la-corde que se livrent les arguments du OUI et ceux du NON, aucun des deux côtés ne me paraît avoir suffisamment le dessus sur l'autre pour que je parvienne à avoir une opinion ferme. J'étais à peu près dans la même situation, à 12 ans, face à l'évolution.
Grosso modo: plus on s'y connaît (sur le domaine en question), plus on a de chances d'avoir des probabilités subjectives voisines des probabilités objectives (qui sont souvent 0 ou 1). Grosso modo aussi, quand une probabilité subjective est voisine de 1, on est pas loin d'avoir une certitude. Mais c'est dans la tête que ça se passe. Il ne faut pas confondre "certitude" et "vérité".
Cordialement,
Denis
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