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Re:Definition


Re: Definition de l'intelligence -- Jean-Francois
Postée par Gaël , Jul 26,1999,15:41 Index  Forum

J’ai une expérience personnelle à te soumettre, qui me semble pouvoir servir d’exemple par rapport à plusieurs aspects ou tentatives de qualifications de l’intelligence que tu as proposé : la capacité à se fixer un but, la capacité à l’atteindre, la violence, et la capacité de “manipulation”, peut-être en partie reliée à la violence.
Mon expérience est en elle-même assez ridicule et ressemble plutôt à un contre-exemple par rapport à ces idées.

Voilà : il y a quelques jours, je me suis réveillé, vers midi, allongé sur le carrelage des WC, chez un ami. J’étais recroquevillé autour d’une bouteille de scotch vide, mais je n’avais pas encore la gueule de bois (pour la bonne raison que j’étais encore un peu bourré). Je me suis vaguement souvenu que j’avais passé une bonne partie de la soirée à discuter du “paranormal” et de l’astrologie; et tout d’un coup, à cet instant où mon esprit était dans les plus mauvaises conditions pour avoir une idée valable, j’ai eu un éclair de génie : j’ai brutalement décidé de devenir astrologue.

Quelques heures plus tard, alors que j’avais retrouvé un état quasi-normal, j’ai réfléchi à nouveau à la question et il m’est apparu que, pour diverses raisons, cette idée n’était pas une lubie temporaire mais bien une excellente solution à diverses questions que je me posais ces derniers temps (entre autre : où trouver les fonds pour rénover totalement mon appartement sans entamer mon captial boursier, et comment briser mon ennui quotidien tout en satisfaisant mon goût pour la mystification). Or, si nous voulons que la capacité à se fixer un but dépende de l’intelligence, ne serait-il pas étrange que je me sois fixé ce but dans un moment où mon cerveau était à une pointe d’inefficacité ? C’est pourquoi je me demande si la capacité à se fixer un but ne dépendrait pas souvent de considérations annexes n’ayant pas grand chose à voir avec l’intelligence : de petits hasards, d’un ensemble de causes floues, d’accidents psychologiques qui feraient de temps en temps sortir des idées de manière un peu aléatoire, certaines d’entre elles pouvant par chance se révéler bonnes.

Voilà pour la capacité à se fixer un but. Pour la capacité à l’atteindre, mon expérience amène aux mêmes conclusions, car mon but est relativement facile à atteindre : il ne dépend pas tant de mon intelligence que de la crédulité humaine, et celle-ci est incontestablement favorable à mon projet. Pour être un bon astrologue, il suffit de quelques notions de psychologie (pour être capable de donner de simples réponses de bon sens aux questions des clients, en jugeant ceux-ci correctement), d’un certain manque de scrupules, et d’un bonne compréhension des mécanismes de la crédulité. Tout ceci dépend surtout d’un mélange de connaissances et d’expérience, bien moins d’aptitudes intellectuelles élémentaires.

Pour ce qui est de la manipulation, c’est encore la même chose. Il faut y ajouter une bonne part de cynisme, et c’est dans l’ampleur de ce cynisme que réside la violence, et non dans l’intelligence.

Bref, j’ai l’impression que tu parles de processus ou d’attitudes qui peuvent avoir un lien avec l’intelligence, mais aussi avec beaucoup d’autres choses difficiles à ramener à celle-ci, ce qui induit un biais très important.
Je n'ai rien contre ta tentative de définition de l'intelligence, mais elle nous amène clairement à considérer celle-ci comme multiple, insaisissable, dépendant de la culture et du milieu social et de quantités d'autres facteurs. Je ne veux pas dire : une intelligence dépendant de la culture, mais : une conception de l'intelligence variant selon le temps et la culture, et même selon les individus et leurs buts, ce qui revient à nier la notion même d'intelligence. Dès lors, pourquoi chercher à la qualifier (ou la quantifier) ? Une définition n'aurait ici plus aucune utilité.


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