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Re:Re:Re:5 Une humanité sans dieu


Re: Re:Re:5 Une humanité sans dieu -- Yvette M.
Postée par decroix rené , Sep 19,1999,03:26 Index  Forum

(...) car je m'intéresse beaucoup à l'histoire de la religion Depuis que j'ai l'âge de concience, je me pose des questions (...)
Alors bienvenue au club des sciences des religions et au royaume des questions ...
Et ne t'inquiète pas de la longueur de tes interventions : pour t'inciter, je vais être long.

Ton premier message apportait sur la relation entre violence et religion une approche qui semblait promettre plus de nuances qu'un ensemble de déclarations habituelles sur le sujet, machiavéliques et dichotomiques. Parfois, une première déclaration est faite d'idées générales, plus ou moins lieux communs, saupoudrées de cas particuliers, mais entre le ponctuel et le général, rien, pas de construction démonstrative. Alors en essayant de demander des précisions, c'est une manière d'essayer d'obtenir ces essais démonstratifs. Plusieurs fois, il m'a semblé constater que ce genre de demandes coupait le débat ... Aussi est-ce avec un réel plaisir que je viens de lire ton " je vais essayer de préciser le fond de ma pensée."

D'après ton texte, tes premières questions sur la religion se sont adressées aux religions bibliques. Il se trouve que dans ta réponse, il y a trois éléments que l'on peut voir à l'oeuvre dans quelques parties précises de la Bible : nationalisme, monothéisme, loi.
D'une part tu parles de "princes" (au sens large) guerriers sans motivations spécialement religieuses, d'autre part tu parles de la loi , enfin tu parles peut-on dire de visées ethniques, en reliant particularisme culturel et racisme.
Tu peux voir une articulation de cet ensemble, articulation donc entre religion et politique, dans la partie historique ( je veux dire : qui se fait récit historique) de la Bible , en consultant les textes qui correspondent à l'époque du retour d'exil , avec le désir de reconstituer un royaume ( l'exil marquait la fin du royaume de Juda : une partie fut exilée à Babylone, une autre se réfugia en Egypte ) . Au passage, ce n'est qu'à partir de cette époque que l'on peut parler de judaïsme .
A ma connaissance, c'est seulement alors que l'on peut voir s'implanter un véritable monothéisme, et son implantation n'est pas triste : les textes sont clairs, il y a une persécution systématique des cultes polythéistes en présence dans le peuple, avec destruction des lieux et instruments de cultes, avec extermination des prêtres et pratiquants. (Au passage : un judéo-chrétien pourra sans doute s'attrister de la présence de ces textes, qui ne sont d'ailleurs pas les seuls échos bibliques à la barbarie ordinaire, et de fait les théologiens et autres prédicateurs ferment plutôt les yeux en tournant bien vite de telles pages, mais il y a aussi à mon avis une autre manière de regarder les choses : c'est la sincérité du rédacteur bibliste : à Jamnia, au Ier sicèle de notre ère, les Juifs qui arrêteront le canon biblique n'essaieront pas de gommer ces réalités de l'histoire ...fin de cette longue parenthèse) . Or il est particulièrement clair dans ces épisodes que le monothéisme accompagne alors une reconstruction nationale, centralisée sur Jérusalem. Une attitdue des Perses favorisait la chose : contrairement à la domination qu'ils avaient démantelée et qu'ils remplaçaient ( Cyrus restera un grand homme aux yeux des Juifs) , leur politique visait le style protectorat, en laissant les zones culturelles passablement autonomes, en pratiquant une totale tolérance des religions locales, etc., sous condition que n'y règne pas l'anarchie : donc plutôt monothéisme et autorité politico-religieuse centralisée... Mais aussi, sur le plan théorique, sur le plan des idées, les Perses étaient déjà porteurs de monothéisme (Mazda, Zoroastre ...) , et sous réserve d'erreurs de ma part, notre monothéisme vient pour une bonne part de cette culture perse ... ( sans oublier bien sûr qu'à cette même époque, la Grèce portait toute une théologie-philosophie de l'Un..., sans oublier non plus que bien avant les hébreux avaient appris des Egyptiens ... il y a rarement une source pontuelle pure et exclusive...). Et dans ce contexte de genre nationaliste tu trouveras tout à fait explicitement une illustration du lien que tu évoques entre communauté culturelle ( et on rejoint la question générale du communautarisme...) et racisme . Pudiquement, certains auteurs parlent d'ethnocentrisme, mais c'est un oeuphémisme au vu de certains épisodes bibliques dans cette histoire...
Mais à travers cet ensemble, il a aussi une observation intéressante à faire sur l'autre sujet que tu évoques : la composotion des lois.
Ici, tu pourras voir un passage ou on dit avoir retrouvé Le Livre dans le temple ( époque de Josias, c'est donc avant l'exil , mais une particularité importante, à ne pas oublier dans la lecture de tels textes : l'histoire est écrite après coup , et même s'il existe un texte antérieur, on peut le modifier à la lumière de ce que l'on sait avoir été le prolongement des faits, on peut aussi le modifier à la lumière de ce que l'on souhaite voir arriver maintenant ...) .
Or cette restauration de type nationaliste n'aura pas d'avenir ( en tout cas pas avant la création de l'Etat d'Israël après la Shoa...) , mais ce qui aura un avenir, c'est le thème central de La Loi. Ce que je propose d'y voir d'essentiel, c'est qu'en fait la royauté, disons plus généralement l'autorité incarnée dans un homme, disparaît au profit d'une autorité "incarnée" dans un texte : c'est révolutionnaire dans ces lieux et en ces temps ... D'autant qu'il ne se reglissera pas d'intermédiaire dictatorial entre le texte et le peuple, comme le fera le christianisme avec le Magistère, autorité aboslue de la lecture et de l'interprétation ; le judaïsme sera tout le contraire , avec les discussions interminables entre rabbins... .
Bon j'arrête là . Si la choses t'intéresse et si tu ne sais pas trouver facilement les textes concernés, dis-le, je te préparerai un petit parcours touristique dans ces contrées.
PS : on trouvera peut-être que je suis animé d'un a priori très favorable envers le judaïsme. Inutile d enier : on aura raison, sauf que j'espère qu'in ne s'agit pas d'un a priori mais d'un constat, et sauf qu'il ne s'agit pas d'une admiration inconditionnelle.


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  • Judaisme --- Gaël (Sep 19, 09:51, 1999) (0 reads) (3536 bytes)