-----------------------------------Certains sujets semblent maudits. Il en est ainsi des très controversés phénomènes paranormaux. Pourquoi en est-il ainsi? D'abord parce que nous éprouvons toutes les peines du monde à les faire entrer au laboratoire. Ensuite, et c'est plus grave, car ils vont à l'encontre de notre acquis scientifique, ils sont un véritable défi au plus élémentaire bon sens.
Mais qu'est-ce que le bon sens ? Qu'est-ce qui est raisonnable et qu'est-ce qui ne l'est pas ? Au nom de quoi peut-on décréter que ceci est sensé et cela est folie ? Nous avons une fâcheuse tendance à nous comporter comme si c'était nous qui avions créé l'univers. Comme si nous en connaissions tous les tenants et les aboutissants alors que notre ignorance dépasse encore de loin nos connaissances. Et nous pontifions : ceci est juste, cela est faux.
Cette attitude a bien entendu une explication. Nous vivons dans un univers que nous ne comprenons pas et qui nous dépasse totalement. Ce que nous demandons à la science, et ce que les scientifiques lui demandent en premier lieu, c'est de nous rassurer. Dieu est-il fou ? Y a-t-il un sens à tout ce qui nous entoure ? Et la science répond. Oui, il y a des lois. Oui, il y a une logique. Non, Dieu n'est pas fou.
Mais cette belle certitude s'émiette à la moindre hypothèse un tant soit peu audacieuse. Qui dit nouveauté dit danger. Etes-vous sûr que ce n'est qu'une brèche dans le bâtiment ? Etes-vous bien certain que tout ne va pas s'effondrer ? Pouvez-vous m'affirmer que Dieu n'est pas fou ? En vérité, personne ne peut affirmer quoi que ce soit. Ni que Dieu soit fou, ni qu'Il soit sain d'esprit, ni que les mots fou et sain d'esprit aient un sens, ni même que Dieu existe, ni encore qu'exister veuille dire quelque chose. Nous ne sommes que des petits humains sur une petite boule perdue dans une immensité fabuleuse. Et nous nous grattons le crâne.
Et c'est ce que nous allons faire tout au long de ce livre, nous gratter le crâne. Que pouvons-nous faire d'autre ?
CHAPITRE 1 : A PROPOS DU PARANORMAL
Si l'on fait abstraction de la grande majorité des gens qui se moquent du paranormal comme un ectoplasme de son premier poltergeist, il reste un petit noyau de passionnés divisés en deux camps farouchement irréductibles, les pour et les contre. Les uns ayant en commun avec les autres d'être persuadés de faire partie d'une élite éclairée face au clan des idiots congénitaux. Après mûres réflexions et pour être tout à fait impartial, je crois qu'il est honnête de penser qu'intelligence et idiotie sont équitablement réparties dans les deux camps. Il n'est que de lire l'abondante littérature partisane pour s'en convaincre. Quant à savoir qui a réellement raison...
Il y a de très nombreux arguments qui militent en faveur de la réalité des phénomènes paranormaux, mais ils sont tout aussi nombreux ceux qu'on peut leur opposer. Aussi, plutôt qu'envenimer une polémique qui s'est toujours avérée stérile et qui relève plus de la foi que de la raison, allons nous suivre une voie très différente. Nous allons choisir. Arbitrairement. Nous allons choisir le camp des pour. Mais nous ne ferons rien pour défendre ce choix. Notre seul but sera de se demander ce que notre choix implique. Car rien ne se décide impunément. Tout acte, toute décision entraîne nécessairement des conséquences. Si vous décidez de vous établir en Laponie, personne n'aura le droit de juger si votre choix est intelligent ou stupide. C'est votre choix, un point c'est tout. Par contre, sur le plan des conséquences, on ne risque pas de se tromper en affirmant que vous ne serez pas incommodé par la chaleur.
Nous aurions pu tout aussi bien choisir le camp des contre. Mais dans ce cas notre propos aurait tourné court. A partir du moment où l'on décide qu'une chose n'existe pas, il devient difficile de discourir sur les conséquences de cette chose inexistante. Pour le seul plaisir du raisonnement notre choix s'imposait en quelque sorte.
En résumé donc, nous ferons semblant de croire à la réalité du paranormal et nous allons voir où cela va nous mener. En toute logique.
Ne nous le cachons pas, nous nous sommes embarqués dans une singulière galère. Reposant presqu'uniquement sur des témoignages, les phénomènes paranormaux semblent faire preuve d'une curieuse allergie à l'analyse expérimentale et se complaire plutôt dans l'inattendu spectaculaire. Quelle serait donc cette force à la fois inquiétante et malicieuse susceptible de déplacer un piano dans une maison hantée et incapable de mouvoir une allumette dans un laboratoire ? J'exagère bien sûr, mais c'est un peu ce qui se passe. Le phénomène ne se laisse pas manipuler facilement. Mais n'en est-il pas de même avec tout ce qui touche au vivant, et plus spécialement au mental ?
Si l'on verse de l'acide sulfurique sur du cuivre on obtient du sulfate de cuivre et un dégagement de gaz hydrogène. Cela est vrai et vérifiable dans tous les laboratoires du monde et à toutes les époques imaginables. Par contre, si j'attrape un fou rire en voyant un film comique, il n'y a pratiquement aucune chance pour que cela se reproduise si l'on me projette le même film en laboratoire. Je peux même affirmer que plus on me passera le film, et moins j'aurai envie de rire. De cette absence de rire les expérimentateurs pourront en conclure le plus logiquement du monde que je n'ai jamais ri et que mon histoire de fou rire c'est, si j'ose dire, du vent. Mais peut-être pensez-vous qu'il n'y a pas lieu de comparer des faits matériels, comme une réaction chimique, à des faits psychiques, comme un fou rire ? Il se trouve que si les phénomènes paranormaux existent et sont tels qu'on les décrit, on doit alors accepter qu'ils sont toujours déclenchés par la présence physique d'un être humain dans un état psychique particulier. Cette dépendance phénomène-sujet-psychisme peut expliquer à elle seule la difficulté qu'il y a à expérimenter en laboratoire, lieu peu inspirant s'il en est.
Autre obstacle, propre au paranormal, est la difficulté qu'éprouvent ceux qui l'ont vécu à expliquer leur expérience. Mais si c'est frustrant pour le chercheur ce n'est pas tellement étonnant en soi. Déjà, dans la vie courante, des phénomènes que l'on croit banals se révèlent redoutables à expliquer.
Rien n'est plus évident que la vue. Pourtant, pour l'aveugle de naissance, il s'agit là d'un phénomène tout aussi extraordinaire que le paranormal peut l'être pour nous. Pour l'aveugle, la position d'un objet se détermine par le toucher. Si nous lui disons qu'à dix mètres de nous se trouve un fauteuil, il imaginera que nous, les voyants, avons une sorte de sens mystérieux qui nous permet de toucher à distance. On lui expliquera alors que ce n'est pas du tout ainsi que ça se passe et de prendre alors comme exemple la radio qu'il n'est pas besoin de toucher pour en connaître approximativement l'emplacement. Après quoi il imaginera que tous les objets ont un son mais que lui ne les entend pas, à l'exception des postes de radio. Et de toute façon cela n'explique toujours pas comment nous pouvons entendre qu'une table soit ronde ou carrée...
Nous le savons, il n'est pas possible de décrire la vue à quelqu'un qui n'a jamais vu. Même le vocabulaire est inapproprié. Car si l'aveugle de naissance peut concevoir ce qui est rond ou carré, que dire de termes aussi hermétiques que: clair, obscur, brillant, mat, transparent, blanc, rouge ou bleu ? Comment expliquer les couleurs à un aveugle alors que nous ne savons pas nous-mêmes de quoi il s'agit. Voir des couleurs nous est tellement naturel que nous en oublions à quel point ce phénomène est invraisemblable. La lumière est composées d'ondes électromagnétiques dont les différentes fréquences correspondent aux différentes couleurs. Normalement notre cerveau, qui analyse les signaux reçus par l'oeil, devrait nous dire que ce rideau nous envoie des ondes de telle fréquence et que ce tapis uni nous en envoie de telle autre fréquence. Et il devrait en être de même pour tout ce que nous regardons.
Or, très bizarrement, au lieu de recevoir comme renseignement un nombre caractérisant la fréquence de l'objet observé, nous recevons une sensation de couleur qui est inventée de toutes pièces par notre cerveau. Ce fait est tellement extraordinaire que nous sommes incapables d'expliquer comment notre cerveau en est arrivé là. Et pourtant le cerveau avec lequel nous raisonnons est le même que celui qui a inventé les couleurs! Comment s'étonner alors que celui qui a déclenché un phénomène paranormal ne puisse pas nous renseigner sur la manière dont il a procédé. Sans compter qu'il semble bien que tout se passe au niveau de l'inconscient.
Mais malheureusement, le paranormal c'est pire encore que des phénomènes se dérobant à l'expérience ou défiant notre perception. C'est aussi et surtout cet incroyable foisonnement d'aspects sous lesquels il se présente à nous. Qu'on en juge par le bref résumé qui suit.
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