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Re:La censure aux USA


Re: La censure aux USA -- Denis
Posté par Florence , Jul 19,2002,09:11 Index  Forum

Essayons de nous détordre mutuellement les idées. Ça a failli réussir, la fois d'avant où on ne voyait pas les choses de la même façon. Profitons-en. La plupart du temps, on tire dans le même sens. Difficile alors de détordre quelle qu'idée que ce soit.

Quoi ? parce que tu t'imagines vraiment que TES idées sont détordues depuis la dernière fois ? :-)

Tu dis: "Il existe une censure de fait aux USA, certains sujets ne peuvent y être abordés."
Je penses que tu caricatures. Je dirais plutôt qu'aux USA comme ailleurs, il y a beaucoup de sujets au menu et que tous les sujets n'intéressent pas tout le monde. Quand un sujet, de lui même, devient intéressant, plus de gens s'y intéressent et ça débouche sur le politique car, aux USA, il ne se passe pas 4 ans sans élection. Sans compter les initiatives de référendums souvent tenus au niveau des états.

Ts, ts, ts, ts! Que vient faire là-dedans la fréquence des élections, votations, référendums et autres consultations populaires ? à ce tarif, il n'y aurait jamais la moindre discussion sur le moindre sujet en Suisse, où l'on vote au minimum chaque mois sur tout et sur rien et où un des sports nationaux est le lancer d'initiative populaire et de référendum !

C'est quoi, le sujet intéressant auquel tu voudrais que réfléchissent les américains? Qu'ils sont gouvernés par une clique de comploteurs qui manipulent insidieusement (et pour leur profit) l'ébullition socio-culturelle du pays? C'est bien ça, ta lubie ton idée? ;-)

Sois poli, jeune homme ! à mon âge, on n'a plus de lubie, juste quelques eccentricités ;-) ceci étant, oui, il existe de puissants lobbies, non seulement aux USA, qui ont tout avantage à ce que les populations ne posent pas certaines questions (genre "est-ce que Ken Lay devra un jour rendre les sous qu'il a volé à Enron?")


Pourrais-tu l'exprimer toi-même dans tes propres mots? Plus ce sera concis, plus ça limitera la dispersion des sujets et plus le noeud sera facile à détordre. Dans un sens ou dans l'autre.
Tiens, pour te faciliter les choses, j'en fais une question Q1: C'est quoi ton sujet intéressant auquel leurs dirigeants interdisent aux américains de s'intéresser?

Mauvaise formulation, car la subtilité consiste à ne rien interdire, mais à conditionner la population à ne pas s'intéresser aux "sujets qui fâchent". Ca commence à l'école (information courtesy of mes copains américains à Genève + ma belle-famille en AZ + la lecture de manuels scolaires US), où l'on apprend aux élèves que l'Amerique est le paradis sur terre et que la critique de ses institutions ou de son mode de vie est "un-american" et équivaut à une haute trahison ou, lorsqu'elle provient d'un étranger, qu'elle relève de la pure jalousie car il est bien connu qu'on ne vit bien qu'aux USA et que ceux qui critiquent souffrent du syndrome des raisins verts ("ils sont trop verts et bons pour les goujons"!). Ca fait que le citoyen américain qui n'est jamais sorti de chez lui ne s'intéresse à ce qui se passe à l'étranger que si cela le touche directement, et est conditionné à ne jamais tenir compte des critiques émanant de l'extérieur, y compris de ses compatriotes qui vivent à l'étranger, les vils traitres.

Q1: C'est quoi ton sujet intéressant auquel leurs dirigeants "interdisent" aux américains de s'intéresser?

R1a: La prise en compte de la critique sans qu'elle soit immédiatement comprise comme une attaque, un symptôme de jalousie/envie, un soutien à "l'ennemi" ou une justification des malheurs infligés au pays.

R1b: La reconnaissance de la légitimité fondamentale du droit à disposer d'eux-mêmes des autres pays, communautés, cultures.

R1c: La réalisation de la toute relativité de l'exemplarité du modèle américain, en matière politique, sociale, économique, et surtout morale (ou autrement formulé, l'abandon de la mentalité de "might makes right" et "with us or agains us").

et surtout R1d: La réalisation des conséquences inéluctables (ce qui ne signifie pas forcément méritées) du maintien de l'attitude décrite en point R1c.


Tu dis aussi: "Il y a des constations objectives (on peut parler de "retard" économique et technologique) et des appréciations subjectives qui ne nous autorisent pas à les jauger en termes qualitatifs (les droits individuels qui nous semblent évidents et désirables ne le sont que parce que NOUS les définissons comme tels, pas par démonstration objective de leur supériorité)."
J'admets que les retards économiques et technologiques sont les plus aisément quantifiables et comparables. La liberté, la démocratie, la qualité de la vie, ça se mesure avec moins de décimales. C'est en grande partie du subjectif et, donc, question de goût.

Aaah, là tu commences à te "détordre les idées" … ;-)

Penses-tu que les humains sont suffisamment différents pour que le chocolat de l'un soit le caca de l'autre, socio-politiquement parlant? La sécurité, par exemple, ou la prospérité, ou plus de liberté d'action. Je pense que ce sont là des goûts communs. À moins, bien sûr, que tu me refasses la passe du Ladhak en me sortant une obscure tribu, en Papouasie profonde, où les gens aiment se dépeigner les uns les autres dans la misère noire.

On est dans le relatif, et la misère n'est ressentie comme telle que si elle peut être comparée à l'opulence d'une même catégorie de population: les sud-africains noirs n'ont commencé à se révolter sérieusement que lorsqu'ils ont pris connaissance des conditions de vie d'autres noirs ailleurs dans le monde et réalisé que leur situation n'était ni universelle, ni inéluctable. La majorité des gens manque de l'imagination nécessaire à concevoir que la sécurité puisse signifier davantage que pouvoir protéger ses 3 meubles des appétits du voisin, ou la liberté être plus que le choix de la céréale qu'on va planter dans son champ. Le papou qui a à manger chaque jour pour lui et ses enfants ne sait pas qu'il est misérable …

Après l'abolition du cannibalisme, puis celle de l'esclavage, puis l'éclosion des démocraties laïques, on a fait beaucoup de progrès. À mon goût tout au moins. Et je trouve que ceux qui n'ont pas les mêmes goûts ont de drôles de goûts. Quels drôles d'humains que ces gens-là. Tu es sûr qu'ils existent?

L'abolition du cannibalisme a été une erreur: si on avait continué à bouffer les missionnaires, on serait près de la laïcité dans un tas de pays du tiers-monde ! ;-)


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