En réalité, comme leur nom l'indique, les fluctuations du vide quantique ont réellement lieu dans un espace vide - sans énergie, ni matière. Mais elles peuvent conduire à l'émergence spontanée d'un peu de matière/énergie.
Cela n'a strictement rien à voir avec le phénomène évoqué par Jean-François, qui permet de fabriquer une certaine quantité de matière (et, ce qui est plus intéressant, d'antimatière à la même occasion) à partir d'énergie.
Je récapitule pour ceux qui ne connaîtraient pas forcément : avant Einstein, on considérait qu'il existait en physique deux entités distinctes : la matière (par exemple un caillou, un ordinateur, n'importe quoi) et l'énergie (lumière, électricité...) Le grand apport d'Einstein a été sa démonstration que ces deux objets étaient en fait une seule et même entité sous deux formes différentes. Et, plus étonnant encore : il a montré que de la matière pouvait être désintégrée pour donner de l'énergie.
En l'occurrence, très peu de matière suffit à donner beaucoup d'énergie : la relation E=MC² signifie : l'énergie (qui peut être produite par la désintégration d'une masse M) est égale à la valeur de cette masse multipliée par le carré de la vitesse de la lumière (c²).
C'est cette relation qui est mise en pratique lors de la production d'énergie nucléaire : les atomes radioactifs ont en effet la particularité de se transformer, partiellement et très lentement, en énergie.
Dans le cas de la radioactivité "classique", seule une faible fraction de la matière est transformée en énergie. Un simple stylo, par exemple, équivaut à une quantité d'énergie potentielle énorme : mais pour le transformer totalement en énergie, il est nécessaire d'utiliser un moyen plus radical. Il faut le mettre en contact avec de l'antimatière - un "anti-stylo", en quelque sorte.
L'antimatière est rarissime dans notre environnement immédiat. J'ignore ce qu'on sait exactement de sa présence dans l'univers, mais je ne crois pas qu'on en ait détecté beaucoup pour l'instant. Quoiqu'il en soit, si une antiparticule rencontre une particule, les deux se désintègrent sous forme d'énergie pure.
Pour étudier le comportement de l'antimatière (que nous connaissons mal), il est nécessaire d'en produire. Comment ? Eh bien, c'est très simple : la relation matière+antimatière->énergie fonctionne dans les deux sens. Avec une quantité énorme d'énergie (appelons-la x), on pourra produire une petite quantité de matière (x/c²) - mais aussi, simultanément, la quantité équivalente d'antimatière.
C'est ce qu'on a fait récemment pour obtenir - c'est, je crois, une première - une quantité substantielle d'atomes d'antihydrogène. Ce cas est très intéressant, mais il n'a strictement rien à voir avec le vide quantique : ici, il n'y a que transformation. Rien de nouveau n'apparaît (et rien d'existant ne disparaît non plus, d'ailleurs). Ce fait est en accord avec le premier principe de la thermodynamique selon lequel, dans un système qui n'effectue pas d'échanges avec l'extérieur, la quantité de matière/énergie reste constante : l'énergie n'émerge pas spontanément de rien, pas plus qu'elle ne manifeste de tendance à disparaître sans crier gare.
Le principe de conservation de l'énergie (pour intégrer les innovations einsteiniennes, on peut dire conservation de la matière/énergie) est très intéressant, et assez utile pour concevoir des machines. Malheureusement, il est faux. Eh oui.
A l'échelle des particules élémentaires, qui obéissent aux lois de la physique quantique, il se produit parfois des "fluctuations du vide" (si vous ne comprenez pas comment le vide peut fluctuer, c'est normal : personne n'est jamais arrivé à conceptualiser la physique quantique) qui font émerger des quantités infinitésimales de matière, d'antimatière ou d'énergie qui n'existaient pas. Autrement dit, le premier principe de la thermodynamique, tout comme le deuxième, est une charmante approximation grossière, qui a une certaine utilité technique mais n'est pas approprié à toutes les échelles. On ne peut pas décrire le comportement d'un champ quantique en s'appuyant sur le principe de conservation de l'énergie - parce qu'il est faux à cette échelle, tout simplement. La quantité de matière/énergie "nouvelle" qui émerge est trop faible pour avoir un impact à l'échelle des objets que nous manipulons couramment(c'est pourquoi on continue d'utiliser le premier principe), mais il n'en est évidemment pas de même en physique des particules.
Autrement dit, il n'est pas invraisemblable de penser que toute la matière/énergie de notre univers a pu émerger à partir de fluctuations d'un champ quantique "vide". Ce sont des concepts qui nous dépassent tous : on ne peut les manipuler facilement qu'avec des équations (ce que je suis loin de maîtriser parfaitement, d'ailleurs). Mais ils nous fournissent des clés intéressantes pour comprendre l'histoire de notre monde.
Quant à votre question finale (« « Si avant le BB tout n’était que néant (le Vide-vide), alors ces fluctuations évoluaient dans quel espace ? Il n’y avait alors pas d’espace, pas de dimension … »), je ne crois pas être suffisamment compétent pour y répondre.
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