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Re:Re: Le go et les échecs


Re: Re: Le go et les échecs -- Évariste
Posté par Denis , Oct 11,2002,16:11 Index  Forum

Salut Évariste,

Ta lettre est pas mal longue (11111 bytes, on rit p'us). Je n'ai pas le courage de tout commenter en détails.

Tu dis : Je connais des joueurs (dont un entraîneur ex-soviétique coté à 2400 et des poussières) qui font BEAUCOUP PLUS de points avec les Blancs qu'avec les Noirs. Oui ! oui ! beaucoup plus de points.

(le gras est de moi) Est-ce un lapsus? Voulais-tu dire le contraire? Le reste de ton argument le laisse supposer.

Au sujet de l'avantage des blancs (et de la fréquence des nulles), on remarque que plus les deux joueurs (de même force) sont forts, plus il y a de nulles et plus les non-nulles vont plus souvent à Blanc qu'à Noir. Entre deux poches, par exemple (disons, deux joueurs de cote 500), les nulles sont pas mal rares et l'avantage d'avoir Blanc est négligeable. Je pense que si deux dieux (sacrilège!) s'affrontaient, ils ne feraient que des nulles. Si on traçait le graphique illustrant la fréquence f(x) des nulles en fonction de la cote x des adversaires (de même force), on pourrait estimer la cote de Dieu en extrapolant la courbe et en voyant pour quelle valeur de x on obtient f(x) = 1. On pourrait faire la même chose pour le go. Plus les adversaires (de même force) sont forts, plus les scores sont serrés. Entre deux champions, la moitié des parties sont gagnées par moins que 5 points (à l'oeil) alors qu'entre deux joueurs 1er dan, la moitié des parties sont gagnées par moins que, disons, 25 points. Entre deux dieux, la variation serait zéro. Je pense que dieu serait autour de 13~14ième dan.

ÉVARISTE : il n'est pas a priori déraisonnable de penser que l'avantage des Blancs ne soit que statistique et non pas théorique.

Moi, je pense que l'avantage des Blancs est bien réel (malgré ton exemple de Pelts). Lors d'une partie d'échecs, la moitié du "temps" les Blancs ont joué un coup de plus que les Noirs (et l'autre moitié du "temps", les deux ont joué le même nombre de coups). C'est ce demi-coup d'avance (dans le développement des pièces, etc.) qui leur donne un avantage. Plus la partie avance, plus ce demi-coup d'avance s'estompe. Il serait intéressant de voir si, statistiquement, la proportion de victoires des Blancs (parmi les parties non-nulles) décroit en fonction de la longueur de la partie. Disons que c'est une prédiction de ma "théorie". C'est la "pierre de touche" d'une bonne théorie que de permettre de faire des prédictions qui se réalisent. Si tu peux me trouver des données là-dessus, je me charge des calculs. ;-)

ÉVARISTE : Y'a queukchose qui cloche dans ta coche ;-)
La formule Elo des cotes a été construite de manière que si deux joueurs ont 200 points de différence, alors, statistiquement, le plus faible fera 25% des points contre le plus fort. Donc le plus fort ne fera «que» 75% des points... et non pas 90%.

Selon mes "calculs", si deux joueurs ont une différence de cotes de 400, le plus fort devrait amasser autour de 90% des points. Est-ce à peu près ça, selon ton feeling et ton expérience? Mon raisonnement est le suivant. J'interprète un partage 25%-75% sous la forme "le plus fort est 3 fois plus lourd que le plus faible". Un troisième joueur, encore plus fort que notre premier plus fort (200 cotes de plus, encore 3 fois plus lours), serait 9 fois plus lourd que le plus faible du départ. Une différence de cotes de 400 donne donc un quotient des poids 9/1, ce qui correspond à un partage des points 90%-10%.

Ce calcul grossier donne, pour une différence de cotes de 600 points, un partage des points de 96.4%-3.6%. Selon toi, est-ce à peu près ça qu'on observe?

Pour les échecs, donc, mes "coches" correspondraient à une différence de cotes de 400 points. Quelle est la cote d'un débutant moyen? Disons, QI de 100 et qui a une vingtaine d'heures de pratique. 400? 600? Tu sais ça mieux que moi. Partant d'un "super-champion du monde", disons, de cote 2800, on obtient la chaîne suivante où chacun score à 90% contre le suivant:
2800, 2400, 2000, 1600, 1200, 800, 400.

Il suffit de 6 "coches" pour passer du débutant au champion (ou l'inverse). C'est encore moins que la dizaine que j'avais supposé dans ma lettre précédente.

Au go, c'est beaucoup plus "dispersé". Les champions du monde sont 9ième dan. Moi, je suis 1er dan. Si je voulais jouer une partie "à chances égales" contre le champion, je devrais jouer en recevant, en début de parties, 8 pierres de handicap. Un débutant "typique" est autour de 25ième kyu. (en bas de 1er dan, c'est 1er kyu, puis 2ième kyu, etc.)

Dans le voisinage des forces 1er kyu - 1er dan, une différence de 2 rangs correspond à à peu près un partage de 90%-10% dans les victoires. Dans ce bout-là, une "coche" correspond donc à 2 rangs. Pour les joueurs très forts (7ième dan à 9ième dan), les coches sont plus fines. Je dirais qu'entre un 8ième dan et un 7ième dan, le plus fort va scorer à 90%. Pour les débutants, les coches sont plus larges. Je dirais qu'à ce bout du spectre, un partage 90%-10% correspond à peu près à 5 kyus d'écart (ex. 20ième kyu contre 25ième kyu). Si on imagine une "parade" de joueurs telle que chacun score à 90% contre le suivant et à 10% contre le précédent, ça aurait grosso modo l'air de ça:

9d, 8d, 7d, 5.5d, 3d, 1d, 2k, 4k, 6.5k, 9k, 12k, 16k, 20k, 25k.

Ça prend environ 13 "coches" (toujours à 90%-10%) pour traverser le "spectre des forces" d'un bout à l'autre. Là aussi, apparemment, j'ai surestimé l'affaire avec mon 20~25 de ma lettre précédente.

Mais le résultat reste à peu près le même: il y a environ 2 fois plus de coches au go qu'aux échecs. C'est dans ce sens que je disais que le "pouvoir discriminant" du go est supérieur à celui des échecs. Il suffit qu'un joueur soit "un tipeu plus fort qu'un autre" pour qu'il gagne presque toujours. Aux échecs, c'est moins le cas.

Si on remplaçait les parties d'échecs par des "4 dans 7 de parties d'échecs", il suffirait alors qu'un joueur soit un tipeu plus fort qu'un autre pour gagner presque tous ses "4 dans 7" et pour qu'on obtienne 12~15 coches (plutôt que 6) entre un champion du monde et un débutant.

Faut vraiment tout t'expliquer! ;-) ;-)

ÉVARISTE : De plus, le QI n'a pas grand chose à voir. Selon un sondage auprès de forts joueurs, le principal ingrédient pour devenir fort aux échecs est LA VOLONTÉ DE VAINCRE.

Moi, je vois plutôt ça comme un produit. La performance serait le produit de trois facteurs:
1 - Le "talent naturel"
2 - Le training, l'expérience.
3 - La volonté de vaincre.

Dans un produit, il n'y a pas de terme plus "principal" qu'un autre. Pour calculer le volume d'une boîte, est-ce sa longueur, sa largeur ou sa hauteur qui, selon toi, est le "facteur principal"?

ÉVARISTE : Prenons le cas de ton frère. Coco Labelle a déjà dit que son QI est dans les 160. Moi aussi, remarque, sauf que lui c’est en Celsius et moi en Fahrenheit.

160? C'est vraisemblable. C'est vrai qu'il est pas trop mongol, le p'tit frère. Jouer 17 parties simultanées à l'aveugle, c'est mieux que 16. J'aime bien quand il a des p'tites lueurs comme ça. Ça me montre que j'ai pas trop raté son "training" intellectuel. ;-) ;-) ;-)

ÉVARISTE: Mais moi qui ai très bien connu Coco, je me permets de répéter ce que j’ai déjà dit à Coco-veut-un-biscuit : si ce n’était que de son talent, qui est IMMENSE, il devrait être grand-maître depuis belle lurette. Mais je suis absolument certain que Jacques a manqué de confiance en soi.

Il a peut être aussi compris que les échecs, c'est une sorte de "trou sans fond" et qu'il n'y a pas que ça dans la vie. Socio-économico-culturellement parlant, faire un Ph.D. au M.I.T. a un bien meilleur rapport qualité/prix que pousser des morceaux de bois.

ÉVARISTE : Par ailleurs, le jeu d’échecs est connu et pratiqué sur un bien plus grand nombre de grandes villes du monde.

Pas si sûr. Je pense qu'il y a au moins autant de joueurs go (disons, qui y jouent 10 heures par année ou plus) en Chine-Japon-Corée qu'il y a de joueurs d'échecs en Occident (Russie comprise). Et qu'on y trouve autant de grandes villes.

ÉVARISTE : Alors, même s’il des efforts sérieux sont faits pour concocter un programme pour bien jouer au go, je suis certain qu’il y a beaucoup plus d’efforts consacrés à produire un programme d’échecs qui viendrait à bout du champion du monde.

Je te donne raison là-dessus. J'ajoute que si il y a beaucoup plus d’efforts consacrés à produire un programme d’échecs qui viendrait à bout du champion du monde, c'est parce que l'objectif (rejoindre le champion du monde) était accessible. Au go, il ne semble pas l'être, du moins, à court ou moyen terme. Ça démotive pas mal.

Mais je ne pense pas que le "quotient des efforts", dans les deux programmations de jeux, soit aussi disproportionné que tu le supposes. Je suis près à t'accorder du 2 pour 1, même du 3 pour 1, mais certainement pas du 10 pour 1. Le Japon n'est pas epsilonesque, en science & technologie.

DENIS d'avant : Mais, en fin de compte, je suis prêt à te proposer la nulle.

ÉVARISTE : Moi qui suis pacifique, j’accepte.

Ye! J'aime mieux ça d'même. Une sorte de nulle de grands maîtres (toutes proportions gardées) pour pas trop se forcer et garder nos énergies pour les autres parties qui ont lieu sur le forum. ;-)

ÉVARISTE : Ouf ! J’ai fini par le pondre, ce texte !
Bonne nuit.
Évariste Galois-exténué

Idem.

Fais de beaux rêves, avec plein de Laetitia Casta, de Claudia Schiffer et d'Estella Warren. ;-)

Denis

P.S. J'espère que tu apprécies que je n'aie pas mis de guillemets à mes italiques.

P.P.S. J'espère que j'aurai autant de vizou-chanceux que toi dans le nombre de bytes.

Fine tuning. Objectif 9999.

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--modified at Fri, Oct 11, 2002, 16:19:06


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