Type I - Perception du corps et de sa position dans l'espace depuis un point extérieur à celui-ci, impression de mouvements et/ou de légèreté, le tout sans perception de quoi que ce soit d'extérieur au corps : cette expérience est reproductible par stimulation électrique corticale, et peut être due à une activité spontanée de la zone impliquée, sans qu'il soit besoin de parler d'épilepsie. Lors de l'endormissement, dans certains états de conscience "intermédiaires" ainsi que lors de l'activité onirique, il peut persister ou survenir une activité autonome dans certaines zones cérébrales, en particulier quand ces dernières ne sont plus connectées à leur environnement habituel. Les images hypnagogiques, les bourdonnements ou bruits divers qui apparaissent lors de l'endormissement en sont un bon exemple. Toute expérience présentant ces caractéristiques peut donc, dans le doute, être classée dans la catégorie des illusions somatosensorielles, lesquelles ne sont pas obligatoirement pathologiques.
Type II - Il peut exister une expérience intermédiaire, avec perception du corps (toujours depuis un point extérieur) mais aussi de son environnement, le point fondamental résidant dans le fait que ce dernier est familier ou du moins connu du sujet. Dans ce cas un doute subsiste : en effet, certaines zones du cerveau sont spécialisées dans la mémorisation et la reconnaissance de l'environnement, et il est tout à fait possible qu'un fonctionnement atypique du cerveau soit à l'origine
d'une illusion perceptive, rajoutant à la perception du corps celle de son environnement immédiat. Dans le doute, et en l'absence d'éléments objectifs et vérifiables, cette catégorie est, comme la première, à classer comme possible illusion somatosensorielle et environnementale.
Type III - Perception de détails environnementaux, d'objets précis, inconnus du sujet au préalable et vérifiés ultérieurement, le tout depuis un point de vue extérieur au corps, le plus souvent avec un état fonctionnel cérébral incompatible avec une quelconque perception : ce type d'expérience est caractérisé par une perception objective, quoique inexplicable, et n'a jamais pu être reproduit expérimentalement par des moyens artificiels. C'est celle qui est la plus courante lors des premiers stades des EMI, et elle peut être considérée comme OBE ou EHC "authentique".
La validité des recherches sur les EMI est parfois mise en cause du fait de leur caractère apparemment subjectif. Ces expériences comportent en fait un certains nombre d'éléments objectifs, et j'ai essayé dans de précédents articles (5) de montrer comment leur étude approfondie pouvait nous permettre d'avancer dans nos recherches. Lorsque l'expérience débute par une OBE/EHC, certaines perceptions (environnement, personnes, dialogues, détails d'objets ou autres) ne peuvent être qualifiées de subjectives si elles ont pu être
vérifiées ultérieurement, et ce sont elles, entre autres, qui permettent de penser qu'il y a dans les EMI beaucoup plus que des hallucinations dues à une souffrance cérébrale ou à un mode de défense psychologique.
L'expérimentation que nous venons d'étudier nous permet de mieux cerner les limites entre subjectif et objectif, c'est à dire entre perception illusoire d'une réalité "intérieure" opposée à celle, objective, d'une réalité extérieure partagée par d'autres personnes présentes. Les réactions qu'elle a suscité montrent l'intérêt d'une approche scientifique de ces phénomènes qui sont encore mal connus et donc difficiles à cerner. Cette recherche nécessite rigueur et honnêteté, si l'on veut éviter de rester dans un flou artistique propice à tous les égarements.
Il conviendra donc dorénavant d'être prudent avant de qualifier une expérience d'authentique, puisqu'il est possible qu'un certain nombre de cas jusqu'à présent classées comme EHC ou OBE soient des illusions somatosensorielles d'origine cérébrale (Types I et II).
En revanche, les cas documentés où il y a eu perception objective, vérifiée, d'éléments extérieurs au corps et inconnus du sujet au préalable (Type III) n'ont toujours aucune explication. Ils restent à explorer et posent la question de la possibilité d'une perception sans intervention des organes sensoriels, et au bout du compte celle de la localité ou de la non-localité de la conscience (5) (6).
REFERENCES
1- Blanke Olaf, Ortigue Stephanie, Landis Teodor, Seeck Margitta. "Stimulating illusory
own-body perceptions", Nature 419, 269 - 270 (2002) olaf.blanke@hcuge.ch
Résumé de l'article
(disponible sur le site de la revue : http://www.nature.com/nature/ )
'Out-of-body' experiences (OBEs) are curious, usually brief sensations in which
a person's consciousness seems to become detached from the body and take up
a remote viewing position. Here we describe the repeated induction of this
experience by focal electrical stimulation of the brain's right angular gyrus in
a patient who was undergoing evaluation for epilepsy treatment. Stimulation
at this site also elicited illusory transformations of the patient's arm and legs
(complex somatosensory responses) and whole-body displacements (vestibular
responses), indicating that out-of-body experiences may reflect a failure by the
brain to integrate complex somatosensory and vestibular information.
2-Chez les droitiers, le gyrus angulaire droit intègre les informations sensorielles (visuelles et
somesthésiques, c'est à dire en provenance des membres) relatives à la perception du corps et à sa position dans l'espace, ce qui en permet la représentation mentale. La même zone à gauche est, elle, plutôt impliquée dans la compréhension du sens du langage, ainsi que dans l'intégration de ce dernier avec la vision et le repérage spatial.
3- c'est à dire en rapport avec l'organe et la zone corticale responsables de l'équilibre et de la
notion de position du corps dans l'espace.
4- Penfield W., "The Role of the Temporal Cortex in Certain Psychical Phenomena", Journal of Mental Science, 1955.
5- Jourdan Jean-Pierre." Les dimensions de la conscience", Cahiers de IANDS-France, N°7,
janvier 2001.
6- Ransford Emmanuel. "Conscience non-locale et NDE : une hypothèse", Cahiers de
IANDS-France, N°7, janvier 2001.
7- Sabom M.B., Light and Death : One doctor’s fascinating account of near-death experiences. Grand Rapids, MI ; Zondervan 1998.
8-Van Lommel Pim & al., « Near-Death Experience in survivors of cardiac arrest : a prospective study in the Netherlands », The Lancet, vol 358, Décembre. 2001
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