Suivi

Re:Re:En effet


Re: Re:En effet -- Julien
Posté par Platecarpus , Jan 09,2003,16:20 Index  Forum

>Toujours aussi rigolo et naïf. À l’époque de Darwin, le registre fossile était trop incomplet pour dire si l’évolution est viable comme hypothèse ou non. C’est pourquoi la version « gradualiste » tenait le coup dans l’imaginaire des évolutionnistes. Aujourd’hui, elle n’a plus de sens parce que le registre fossile l’invalide. Les évolutionnistes se rabattent alors sur une version qui ressemblent à la théorie créationniste en ce qu’elle prédit la non-nécessité de transition niveau espèce (discontinuité).

Euh, non. Les évolutionnistes n'ont jamais prédit la nécessité de transition niveau espèce - que cela soit bien clair. On a compris très vite que les spéciations étaient des événements rapides, bien trop rapides pour être fossilisés. Darwin ne le savait pas (il ignorait tout de la génétique et n'a jamais fait une seule expérience), mais il l'a soupçonné à plusieurs reprises - et les expériences ainsi que les observations dans la nature l'ont superbement démontré.

En clair, vous réclamez des évolutionnistes des preuves qui non seulement contredisent leur théorie mais qu'ils ne pourront de toute façon pas produire. Ce n'est pas mal.

>Bien qu’il soit évolutionniste, David Raup admet : [blablabla, blablabla]

Tiens, encore cette citation de Raup. J'aurais parié n'importe quoi que vous alliez la ressortir. On dirait que vous avez oublié que la technique de la citation décontextualisé ne vaut pas un centime scientifiquement. Vous ne semblez pas non plus vous être souvenu que j'ai lu les publications de Raup (dont cet article), et que je sais que sa pensée est très précisément à l'opposé de ce que suggère votre citation.

En réalité, ce que David Raup pense, c'est que la théorie darwinienne de l'évolution (le changement évolutif n'implique pas de grandes discontinuités à grande échelle, il se fait essentiellement sous la pression de la sélection naturelle régulière et prévisible, etc.) n'est pas totalement cohérente avec les données paléontologiques. Ce en quoi il a parfaitement raison (pour prendre l'exemple le plus populaire et le plus évident, l'extinction simultanée de 75 % des espèces suite à la chute d'une météorite n'est pas un processus darwinien - cet exemple nous vient de la paléontologie).
Il ne nie pas du tout la réalité de l'évolution. En réalité, quand il écrit "nous avons même moins d'exemples de transitions évolutives qu'au temps de Darwin", il entend (c'est très clair dans le contexte, où il définit l'usage qu'il fera de certains mots) "nous avons moins d'exemples de transitions darwiniennes". D'ailleurs, sa phrase "plusieurs des cas classiques de changement darwinien ont été modifiés ou supprimés" (il cite l'évolution du cheval : autrefois considérée comme une transformation linéaire impliquant une série d'espèces successives de plus en plus perfectionnées, on y voit aujourd'hui un vaste buisson, où de nombreuses lignées latérales sont apparues puis ont disparu pour des raisons parfois étrangères à la sélection naturelle) devient sous votre plume : "certains des cas classiques de Darwin sur le changement", ce qui est bien différent (cela voudrait dire que l'évolution du cheval était un exemple de changement proposé par Darwin, mais que ce n'est plus le cas aujourd'hui - autrement dit, que maintenant que nous avons de meilleurs renseignements, ce n'est plus un exemple d'évolution).
D'ailleurs, dans le même article, Raup écrit aussi : "Nous avons toujours une documentation fossile qui montre incontestablement le changement évolutif". Vous le savez. Vous savez probablement aussi qu'il a protesté contre la manière dont les créationnistes déformaient ses propos, et a confirmé que sa phrase ne concernait que la théorie darwinienne de l'évolution, pas l'évolution elle-même. Je parie que ce ne sera pas assez pour vous faire lâcher prise, étant donné le degré auquel vous ne pouvez voir que ce que vous voulez voir.

>Voyons ! C’est hors du cadre scientifique puisque c’est 100% subjectif. Pourquoi ne pas dire, un coup parti, que la levure est l’ancêtre de l’humain puisqu’elle a quelques caractères communs avec l’humain (niveau cellulaire) « mais pas tous » !! Pas besoin de transition entre les deux !! À ce compte, aucune observation directe ne pourra jamais invalider votre version (illogique) de l’évolution.

Un peu de logique, s'il vous plaît. Quand j'écris "un organisme ayant quelques caractères de Chordé, mais pas tous", je ne voulais évidemment pas dire n'importe quel organisme. Telle que vous la présentez, la prédiction de la théorie de l'évolution serait très floue - et ne pourrait pratiquement plus être infirmée (votre exemple de la levure est très net). En réalité, il devait évidemment s'agir d'un organisme semblable aux premiers animaux très primitifs du Précambrien que l'on considérait déjà comme les ancêtres des vertébrés déjà découverts, mais avec quelques caractères de Chordés en plus. Dickinsonia n'aurait eu aucune valeur si ça n'avait pas été une forme transitoire de ce type - si ç'avait été un insecte avec une chorde dorsale, par exemple, ou s'il avait eu des caractères d'un autre embranchement n'étant pas considéré comme l'ancêtre des Chordés. Il aurait même été disqualifié s'il avait eu des éléments du plan d'organisation nettement différents de ceux des Chordés.

En réalité, les prédictions relatives à Dickinsonia étaient bien plus précises que vous ne voulez l'admettre (je les ai d'ailleurs détaillées dans mon message, et vous les avez esquivées juste pour faire croire que pratiquement n'importe quel fossile ressemblant vaguement à un Chordé aurait pu convenir). On aurait presque pu tracer son portrait-robot avant de le découvrir (d'accord, on n'aurait pas pu prévoir qu'il serait ovale, ni qu'il ne serait pas forcément très épais - mais le plus important, le type de segmentation, les différents organes, leur positionnement dans le corps, l'existence d'une chorde dorsale, la position de cette chorde dorsale, le plan d'organisation d'ensemble... aurait été là).

Si on prend les prédictions évolutionnistes dans tous leurs détails, sans les déformer, on se rend compte que votre exemple absurde de la levure s'évapore aussitôt. La levure a des éléments importants du plan d'organisation et du mode de vie qui ne sont communs ni avec l'homme ni avec aucun de ses ancêtres présumés. On n'aurait pas pu tracer son portrait-robot avant de l'avoir découverte, même très grossièrement. Rien à voir avec les véritables fossiles transitoires, donc.

>Sur le plan scientifique, il faut voir les caractères morphologiques « apparaître » successivement chez des espèces **proches morphologiquement** pour pouvoir dire qu’il s’agit de transition évolutive.

Nous avons de nombreux exemples de transitions évolutives qui vérifient précisément cette condition, en effet (des reptiles aux oiseaux, des reptiles aux mammifères, des singes aux humains, pour ne citer que les plus connues parmi les centaines existantes). Ceci dit, nous parlons de fossiles, je le rappelle, très anciens (-540 à -600 millions d'années), d'organismes très petits et se fossilisant très difficilement (aucune partie dure : ni coquille, ni squelette). Autant dire que nous n'avons pratiquement rien.

Je traduis : vous exigez une transition totalement complète, ce qui impliquerait des dizaines de fossiles. Le problème, c'est que nous n'avons que quelques très rares fossiles de ce type d'organisme datant de cette époque. Autrement dit, vous demandez encore une fois aux évolutionnistes de vous fournir des preuves qu'il ne pourraient de toute façon pas produire. En réalité, si l'évolution s'était produite, nous devrions nous attendre à voir exactement ce que nous voyons : que les quelques fossiles que nous avons soient des mosaïques de caractères curieuses, montrant une transition entre invertébrés et vertébrés. Que cette documentation soit faible, je le constate avec vous et je le regrette.

Quant à la "proximité morphologique" entre Dickinsonia et Haikouella, elle est nettement plus importante que ce que vous affirmez. Ils ont le même plan d'organisation (celui de Dickinsonia est plus simple, mais c'est exactement le même dans ses caractéristiques fondamentales), les mêmes organes au même endroit. D'accord, Dickinsonia était un animal ovale, et Haikouella l'était moins. D'accord, certains auteurs ont suggéré que Dickinsonia était peu épais (ce n'est pas sûr), et il y a de faibles chances qu'Haikouella l'ait été plus. Mais ce ne sont que des caractères - d'une extrême superficialité. Si vous regardez tous les autres - si vous analysez plus en profondeur le fossile - vous vous rendez très vite compte que Dickinsonia vérifie parfaitement les prédictions évolutionnistes sur ce que nous devrions trouver chez un "proto-Chordé".

>La conclusion de tout ça est que vous refusez de voir la réalité de l’apparition sans prédécesseur des vertébrés. Vous me donnez toute une occasion de démontrer la malhonnêteté de votre démarche. Vous auriez dû vous en tenir à « pour l’instant, les vertébrés les moins complexes semblent être apparus sans prédécesseur ».

Des vertébrés ?? Il y a déjà les Céphalocordés, qui sont plus anciens et que tout le monde reconnaît comme leurs ancêtres. Ce sont des précédecesseurs parfaits. Leur génome a été séquencé en grande partie, et on a découvert que c'étaient des versions simplifiées de celui d'un poisson - ce que nous savions déjà grâce à la théorie de l'évolution, et qui aurait suffi à la faire boiter sérieusement si ça s'était révélé faux (en réalité, la théorie de l'évolution aurait été réfutée des dizaines de fois si elle n'avait pas été vraie : les occasions où on l'a mise à l'épreuve ont été trop nombreuses). Et puis il y a Haikouella, qui n'est pas un vertébré moderne. Il est plus simple que le plus simple des poissons. Il possède plusieurs caractéristiques en plus par rapport aux Céphalocordés, mais ce n'est pas un poisson pour autant.

On ne peut donc pas dire que les vertébrés soient apparus sans prédécesseurs dans l'état actuel des connaissances. Nous en avons plusieurs : ce sont les Chordés les plus simples. Dickinsonia, lui, est un prédécesseur des Chordés (c'est à dire de l'échelon en-dessous), qui s'inscrit parfaitement entre leurs ancêtres présumés de l'époque géologique précédente et eux. Même à des périodes aussi anciennes, dont nous possédons si peu de fossiles, même avec des organismes aussi difficilement fossilisables, nous arrivons à vérifier les prédictions évolutionnistes et à distinguer des lignées évolutives nettes.


Suivi