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Biochimie, évolution et probabilités : la suite (partie 1)


Posté par Platecarpus , Mar 01,2003,21:01 Index  Forum

On a pas besoin d’expliquer le rôle de l’absence de qqchose si ce « qqchose » ne semble pas nécessaire !

Je vous l'accorde. L'absence d'histones dans l'ADN mitochondrial est un des nombreux éléments convergents en faveur d'une origine bactérienne des mitochondries (avec leur code génétique, leur unique chromosome circulaire, leur taille, leur fonctionnement et leur génome) mais il n'est pas absurde sans la lumière de l'évolution.

Ne sautez pas sur l'occasion pour m'accuser de contradiction, car je n'ai pas évoqué le cas de l'absence d'histones dans l'ADNmt (c'est vous qui en avez parlé) ; mon exemple était celui du code génétique mitochondrial. Et oui, cette donnée-là est incompréhensible si vous ne faites pas référence à l'origine et à l'évolution des mitochondries.

L’argumentation que vous utilisez ici est semblable à celle des organes vestigiaux. Parce qu’on ne comprend pas le « pourquoi », on qualifie le caractère de vestige de l’évolution. C’est une approche ridicule et infructueuse puisqu’on fini la plupart du temps par trouver un « pourquoi » ou une « explication fonctionnelle ».

En effet, il est pratiquement toujours possible d'imaginer une explication fonctionnelle ad hoc à tel ou tel organe. Les créationnistes excellent dans cet exercice. Regardez les petites pattes arrière de la baleine Basilosaurus ou les pattes avant du Tyrannosaure que mentionnait Gilles : les créationnistes n'hésitent pas à reprendre des spéculations très audacieuses comme quoi les premières auraient pu permettre au mâle et à la femelle de se maintenir lors de l'accouplement, tandis que les secondes auraient aidé le dinosaure à se relever après une bonne sieste. Peut-être était-ce réellement le cas - comment savoir ? Mais ces spéculations, toutes intéressantes qu'elles soient, ne sont pas des faits aussi solides que les séries de fossiles où l'on observe une réduction progressive de ces organes (menant, dans le cas des baleines, à leur disparition quasi-totale*). Les données permettant d'identifier certains organes visiblement très réduits et peu ou pas fonctionnels, au terme de ces séries, comme des "vestiges de l'évolution" sont donc bien plus solides que vous ne l'affirmez.

* Les baleines actuelles conservent encore, dans leur squelette, un vestige de bassin et de membres postérieurs extrêmement réduits ; contrairement aux membres minuscules de Basilosaurus et de ses apparentés, ceux-ci ne sont pas visibles de l'extérieur. La réduction des membres antérieurs n'est pas allée aussi loin chez les dinosaures (ils se sont éteints avant), même si on connaît un genre de théropode, Mononykus, qui représente un peu le paroxysme de cette tendance - ses bras étaient devenus aussi petits et peu reconnaissables que le bassin et les membres vestigiaux chez une baleine actuelle (voir http://dinosauricon.com/images/mononykus-ma.html ). Cependant, ce genre isolé n'est pas particulièrement représentatif de l'ensemble du groupe.

Vous pouvez continuer à nier, ça ne sert pas à grand-chose ; il est évident que vous êtes dans l’erreur. David* a souligné et justifié le fait que vous avez tort et Bruno aussi, implicitement.

Vous êtes plus doué pour argumenter à partir de ce que les gens n'ont pas dit(la citation de Crick et, maintenant, les propos "implicites" de Bruno) qu'à partir de ce qu'ils pensent vraiment (et des arguments qu'ils utilisent). Bruno a apporté un exemple en faveur de l'affirmation selon laquelle l'évolution apportait beaucoup à la biochimie - je n'ai rien dit d'autre (sans l'évolution, la biochimie telle que nous la connaissons ne pourrait pas exister - ou ce serait un ensemble très bancal de faits disparates, difficiles à comprendre et à interpréter. Il est probable que beaucoup n'auraient même pas pu être découverts).

Quant à David, son seul commentaire à ce sujet concernait l'exemple de Noé sur la méthode d'identification de sites actifs des protéines. Il n'a rien écrit sur mon affirmation plus générale concernant la biochimie et l'évolution ; il n'a fait que défendre la position selon laquelle on aurait pu élaborer les méthodes d'identification des sites actifs sans l'évolution (ce avec quoi je ne suis pas d'accord ; la variabilité des sites inactifs entre les espèces peut être prédite correctement si on sait que les êtres vivants dérivent d'un ancêtre commun par mutations génétiques. Le créationnisme, ou tout simplement une approche non-évolutionniste, ne permet aucune prédiction sur cette variabilité).

C’est par interprétation à postériorité quelle le fait, elle est donc inutile à la biochimie.

Ben voyons. Comprendre la différence de code génétique gènes nucléaires/gènes mitochondriaux, c'est inutile à la biochimie ? On en apprend tous les jours.

Pourtant, on comprend tout en biochimie sans l’évolution. Le rôle de la mitochondrie y compris. Si vous voulez absolument comprendre pourquoi il n’y a pas d’histones dans l’ADN mt, cherchez dans les connaissances de la biochimie, pas dans l’évolution. Ça sera beaucoup plus fructueux. Vous risquez de trouver qu’ils ne sont juste pas nécessaires. Là vous allez me dire « oui mais ce n’est pas tout en biochimie, il faut comprendre pourquoi ils ne sont pas nécessaires … »

Pas du tout. Je veux bien admettre que l'absence de caractères non-nécessaires peut être convenablement comprise sans l'évolution : en l'occurrence, c'est ici la biochimie qui nous aide à comprendre l'évolution (en nous donnant des indices sur l'origine des mitochondries) et non l'inverse. C'est un bel exemple de l'interconnection des disciplines scientifiques, en somme.
En revanche, la présence de caractères qui paraissent aberrants d'un point de vue fonctionnel (le code génétique mitochondrial) devient parfaitement logique dès qu'on dispose de la possibilité de se référer à l'histoire du vivant. Dans d'autres cas de figure, l'évolution permet de faire des prédictions très précises qui sont utiles à la biochimie et qu'on aurait été incapable d'obtenir autrement - c'est le cas de la méthode « Evolutionary Trace » dont parlait Noé. La même chose est vraie des recherches de Bruno sur les mécanismes de la morphogenèse des membres : c'est grâce à des données sur l'évolution des pattes obtenues grâce aux fossiles d'amphibiens primitifs (un champ a priori très éloigné de la biochimie) que l'on a pu découvrir certains mécanismes génétiques. L'évolution est donc aussi utile à la biochimie que la biochimie est utile pour comprendre l'évolution.

En décrivant les réactions chimiques, on déduit du même coup les rôles. Le produit d’une réaction chimique dans la cellule est étroitement relié à son rôle, comme la molécule ATP dans le cycle de Krebs.

Vous n'allez pas un peu vite, là ? Le simple fait de savoir que l'ATP existe et la connaissance précise de sa composition moléculaire ne suffit pas à déduire son rôle. Il faut aussi savoir que le "rôle" d'un être vivant est, in fine, de se répliquer - et de comprendre en quoi l'ATP (donc le cycle de Krebs) permet d'atteindre ce but. La description des réactions chimiques est une étape obligée de cette compréhension. Nécessaire, mais pas suffisante.

La biochimie est, à la base, de la chimie (et non ! la base n’est pas le mythe de l’évolution). Ce qu’il y a de particulier avec la biochimie est que les réactions chimiques étudiées ont des rôles dans un ensemble (la cellule). Et ces rôles ne sont pas déduits à l’aide de l’évolution. De toute façon, aucun exemple de votre part n’a été fourni dans ce sens. Vous ne faites que radoter qu’on peut mieux comprendre les données avec l’évolution : C’EST FAUX ÇA AUSSI. On peut interpréter sur la base de l’évolution, ça oui ! On peut aussi interpréter les mêmes données sur la base de la n’importe quelle théorie ! Dans ce cas, la compréhension des données est subjective : chacun l’adapte à sa théorie et tout le monde à raison ! Bravo.

Pas du tout. On peut comprendre des cas de figure biochimiques très étranges, sans explication fonctionnelle, qui deviennent parfaitement explicables dès qu'on les considère dans une perspective évolutionniste. On peut même faire des prédictions qui sont d'une utilité remarquable à la biochimie : à ma connaissance, elles se sont toutes vérifiées. Vous avez affirmé que l'hypothèse "Les protéines sont le support de l'information génétique" (une vieille idée notoirement erronée) était issue de l'évolution, ce que Gilles a clairement réfuté dans son rappel historique. Vous avez même aggravé votre cas en affirmant que l'expérience de Miller avait été "propulsée sur cette fausse route" alors que l'on savait depuis longtemps que l'ADN était le support de l'information génétique quand Miller a commencé ses travaux.

bon. Disons que vous aviez raison, comment l’évolution nous a mené à comprendre le rôle [vous aimez parlé de « rôle »] des ARN dans le transfert de l’information génétique ?
Comment l’évolution nous a permis de découvrir le rôle des enzymes indispensables à la réplication de l’ADN, (hélicases, polymérases, protéines qui maintiennent l’ADN en un brin simple, les amorces d’ARN, …).
Selon vous, sans l’évolution, on aurait été incapable de découvrir les rôles de ces biomolécules. Merci de nous faire la démonstration.

Vous m'avez déjà servi ce passage, si je me souviens bien. Bruno et moi y avons répondu de manière sensiblement identique : l'évolution est très utile en biochimie. C'est un fait. Ça n'implique pas que toutes les découvertes en biochimie ont impliqué le recours à l'évolution : les mécanismes de transcription, de traduction et de réplication de l'ADN ont pu être compris sans faire référence à l'histoire du vivant.

Vous me prêtez une position absurde, que je n'ai jamais soutenue, selon laquelle aucune découverte biochimique n'a été faite sans l'évolution. Ce n'est pas le cas : beaucoup l'ont été sans référence à l'histoire de la vie. Mais beaucoup d'autres ont nécessité l'utilisation de données apportées par la biologie de l'évolution. Si vous supprimiez toutes ces découvertes (donc, du même coup, toutes celles qui ont pu être faites à partir d'elles), il ne restera plus grand-chose de la biochimie telle que nous la connaissons. Dans le meilleur des cas, un assemblage disparate de faits isolés, difficiles à synthétiser, parfois absurdes et souvent incompréhensibles.

Selon vous, les sujets cruciaux de la biochimie que sont les mécanismes de transcription et réplication de l’ADN ainsi que les propriétés des enzymes NE POURRAIENT PAS ÊTRE ÉTUDIÉS sans la « base de l’évolution ». C’est ce que vous dites implicitement.

Tiens, encore le coup de « l'affirmation implicite ». Si mes idées étaient vraiment celles que vous me prêtez, je les aurais formulées de manière claire. Manque de chance, j'ai expliqué en détails ma position, et elle reste éloignée de la caricature que vous vous acharnez à démolir en répétant que le rôle des ADN polymérases à été compris sans l'évolution.

(suite dans la deuxième partie)


--modified at Sat, Mar 01, 2003, 21:10:25

--modified at Sat, Mar 01, 2003, 21:53:37


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