Postée par Jean-Francois , Jun 06,2000,05:28 | Index | Forum |
Je critiquerai à fond uniquement le lien que vous avez donné. Je ferai quelques remarques sur d'autres liens, mais sans rentrer dans les détails parce que ce serait rabâcher que l'auteur du site ne comprends pas très bien ce qu'il fait.
Le lien http://www.geocities.com/CapeCanaveral/5103/e1blbbl1.htm :
Gilles a déjà amené, dans un autre message, des critiques valables sur ces photos et ce qu'elles tentent de prouver. J'en vois au moins deux autres importantes : sur les photos, on nous demande de croire que la couleur bleu azur est celle de l'orgone. (Pourquoi ? Comment ça a été démontré ? Je ne le sais pas parce que je ne l'ai pas trouvé sur le site, mais admettons !) L'énergie orgone devrait être, je suppose, répartie uniformément dans la cellule. Pourquoi, dans ce cas, la lumière bleutée se retrouve principalement sur le pourtour des hématies (même pour les cellules saines, grossissement 400X) et disparaît lorsque les hématies se dégradent ? Une explication simple est qu'il s'agit d'un effet d'optique dû à la disparition du rebord bombé de ces cellules particulières. Celles-ci n'ont pas de noyau et ont une forme biconcave, avec une " couronne " plus épaisse entourant un centre plus fin. Lors de leur dégradation, l'apparition des nombreuses vésicules dans la couronne à pour conséquence d'amincir cette dernière et de lui donner des propriétés optiques similaires à celles du centre. Le découpage particulier des illustrations ne facilite pas la comparaison entre le centre et le pourtour des cellules mais, lorsque celle-ci peut être établie, on remarque que seuls les endroits de la couronne possédants la même translucidité que le centre montrent cette couleur bleutée ; bizarrement, le centre possède alors - et par opposition à ce que l'on voit sur le grossissement 400X - la même couleur. Nous avons donc, très probablement, ici un effet d'optique à propos duquel on nous met en garde à http://www.orgone.org/articles/ax6-ioo1.htm . D'ailleurs, on peut remarquer que certaines cellules déformées (plus plates) tirées d'un patient cancéreux ( http://orgone.org/IOOeng/cancerb.htm , fig. 1) montrent une belle couleur bleu azur sur toute leur superficie à un grossissement 200X. Ce qui supporte énormément l'idée que la cause principale de cette couleur est un phénomène optique et non la présence d'une soi-disant énergie bleutée.
Autre commentaires : l'apparition des vésicules dans la couronne et non au niveau du centre. En supposant une répartition homogène de l'orgone dans la cellule, on ne peut expliquer que les vésicules apparaissent uniquement dans la couronne. Si on a recourt à une " polarisation " de cette " énergie ", on rentre vraiment dans de l'échafaudage hyper-hypothétique ; qui ne rebuterait pas des pseudo-scientifiques, mais qui doit être éliminé au rasoir d'Occam. Je crois que cette restriction est plutôt due au fait que les cellules doivent flotter dans une quantité minimale de liquide physiologique, à peine nécessaire pour les recouvrir (sinon, elles ne seraient pas aussi bien alignées perpendiculairement à l'objectif). Ceci force des interactions plus fortes entre la couronne (où se trouve aussi la majeure partie du cytoplasme, donc de la machinerie biochimique) et le liquide physiologique. C'est donc là que ce feront les mouvements de dégradation : mouvements osmotiques, perte de matériel intracellulaire, etc. qui explique la " crénelure " extérieure des globules.
Donc, rien dans ce qui est montré ne permet d'éliminer un effet d'optique. Pire, l'interprétation par l'orgone est une complexification inutile de l'observation du phénomène. Il y aurait plus intéressant à chercher : d'abord, qu'est-ce que sont ces vésicules qui apparaissent et, ensuite, à quoi sont-elles dues ? En présentant l'orgone comme seule responsable du phénomène, on passe à côté de ce qui serait intéressant à tirer de ce que l'on observe. Ces images ne prouvent rien et ne sont surtout pas expérimentales. En effet, il y a le fait que l'on ne peut absolument pas comparer ces résultats à quoi que se soit : l'orgone étant soi-disant présente partout (sauf dans le liquide physiologique, faut croire, même si elle est présente dans l'atmosphère ; bref...) on ne peut l'éliminer pour établir une comparaison entre structures avec orgone et structures sans orgone. Donc, il est impossible de contrôler ces résultats avec quoi que se soit.
Mais, il y a bien un petit essai dans ce sens :
Le lien http://orgone.org/IOOeng/cancerb.htm , " Cancer-blood " :
Une chance qu'on est prévenu que c'est une traduction automatique (au sens d'écriture automatique), parce que parfois il n'y a rien à comprendre. Le point de l'auteur est de faire une comparaison entre ce qu'il suppose être le type même des hématies provenant d'une personne atteinte du cancer et celles d'une personne normale. On est supposé comprendre, aussi, que c'est parce que le cancer affecte l'orgone que les hématies " cancéreuses " n'ont pas une forme normale.
Qu'est-ce que prouve ces images : rien du tout, cela nuit à l'idée de l'orgone au contraire !
D'une part, il est illogique de comparer des structures à des grossissements différents, cela n'apporte rien de précis. D'autre part, il ne semble pas qu'une grande attention ait été portée au techniques de prélèvement des échantillons sanguins, ni au nombre d'observations nécessaires pour établir un jugement. Différents points en découlent : rien ne prouve que l'échantillon " cancéreux " a été traité et observé de la même manière que l'échantillon normal ; rien ne prouve que quelqu'un ayant un autre type de cancer aurait des hématies semblables (je parie même que dans au moins 95% des cancers, la forme des globules rouges n'est pas affectée) ; rien ne dit que le sang doive être affecté par le cancer (qui était du cerveau, et pas une leucémie) ; rien n'est dit sur l'ablation de la tumeur, le point important étant : le sang a été récolté combien de temps après l'ablation (plus c'est longtemps après, moins la forme des globules a de chance d'être due au cancer)… On peut même aller plus loin dans les hypothèses absconses (le sujet était-il victime d'anémie falciforme ?…) parce que rien n'est explicite et que tout demande une grande part de " vouloir croire ". Bref, il s'agit plus d'un jeu avec un microscope qu'une comparaison crédible entre des structures différentes, car aucune variable expérimentale n'a été sérieusement prise en considération. De plus, il n'est prouvé nulle part que le cancer est du à une dérégulation de l'orgone, surtout que, jusqu'à présent nous n'avons toujours pas la preuve de la réalité de l'orgone.
Un autre point inconsistant de la " démonstration " est le point que j'ai relevé plus haut : les hématies " cancéreuses " sont celles qui montrent une plus belle couleur bleutée, soi-disant signe de la présence de l'orgone. (Je suis parfaitement conscient qu'on pourrait m'objecter que " ce n'est pas le même bleu azur ", mais il n'est expliqué nulle part comment on détermine le " bon " bleu azur. Encore un élément manquant qui souligne le peu de soin apporté aux prémisses des expériences, ainsi que la subjectivité générale de toutes les interprétations de résultats.) On ne dispose d'aucun élément pour décider si l'on doit considérer l'orgone comme positive ou comme négative. Soit l'orgone a un rôle pathologique et dans ce cas, on explique mal comment elle permet la création des protozoaires ou autre effets positifs ; ou l'orgone n'a pas de rôle pathologique et on se demande d'où vient la belle couleur bleutée des hématies mal-formées. C'est la deuxième solution qui semble être privilégiée par l'auteur. Il demeure que l'on est en face d'un bel illogisme, qui s'explique facilement par l'obsession de l'auteur a voir l'orgone à la base de tout phénomène et à éviter (volontairement ou non) de commenter les détails gênants.
Le lien http://orgone.org/IOOeng/grasin.htm , " Grass-infusions, Protozoa development from Bions ":
Le titre du lien est mensonger, le vrai titre devrait être : " Protozoa development from Grass-infusions ", ce qui est déjà moins extraordinaire. Et encore, il n'est même pas certains que se soit un protozoaire car on ne voit pas le stade final de la transformation. (Encore une preuve du non-sérieux de l'expérience : on affirme qu'il s'agit d'un protozoaire mais on ne vérifie même pas de quel type. L'auteur du site est un amateur/bidouilleur, pas un véritable chercheur.) Il faudrait se renseigner auprès de quelqu'un plus spécialisé que moi dans la germination des spores, mais c'est grandement ce à quoi ça ressemble ; on pourrait très bien avoir un germe de foin ou d'herbe, ce qui, dans une tisane de foin et d'herbes, n'a rien d'extraordinaire (pas plus que l'éclosion d'un sporule de protozaire). Ici encore, voir des bions quelques part, c'est placer la théorie avant les faits.
On voit quoi exactement dans cette série de photos ? D'abord, une masse de matériel organique contenant une structure sphérique, puis cette structure sphérique prend une forme plus tourmentée. Dans les deux premières figures, certains des bions putatifs (pourquoi l'auteur ne les a-t-il pas indiqués par des flèches ?) sont de toutes évidences des structures ayant un indice de diffraction différent de celui du milieu et variant avec le focus. Dans les trois dernières figures, les bions ne seraient présents que parce qu'on voit du bleu dans les cellules ? Une critique formelle est qu'il est presque impossible de déterminer quoi que se soit de la couleur sur ces photos à cause des interférences mises en évidence par les bandes opaques ou claires.
Bref, ces sites montrent des illustrations peu claires et expliquées dans un langage encore plus obscurs. On peut trouver des erreurs fondamentales sur toutes les expériences et elles présupposent toutes l'existence des bions sans même donner le moyen de les identifier. En effet, il est indiqué nulle part des caractéristiques strictes qui permettent d'identifier les bions (à part la couleur bleue, ce qui est un indice plutôt faiblard). Au contraire, dans ces expériences, il semble que l'auteur prenne des phénomènes très différents pour des bions. Il n'y a aucune évidence de ressemblance entre les " bions " de chaque expérience. (D'ailleurs, vous, Ody/Julia, comment reconnaissez-vous les bions sur ces photos ? Quels sont les éléments indiscutables qui vous ont convaincus ? Je suis prêt à parier qu'il n'y en a pas d'autres que vos présupposés et votre ignorance totale de la microscopie.) Ce ne sont donc pas les expériences qui prouvent la réalité de l'orgone. Tout au plus, si elles n'étaient pas aussi mal conçues, prouveraient-elles qu'on peut observer des bions dans certaines conditions.
Donc, toujours rien de déterminant pour accepter l'idée de l'orgone. De plus, si Reich a montré l'existence de l'orgone dans le système nerveux, je trouve étonnant que vous ne nous ayez pas orienté vers ses expériences à lui. Auriez-vous peur qu'on les analyse ?
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Ody : " Et si tout est faux, j'aimerais bien que vous me convertissiez à votre foi en me démontrant que ce qui est allégué est faux et est remplacé par autre chose de plus "vrai" scientifiquement parlant "
Contrairement à vous, je ne me sens pas l'âme missionnaire et n'ai pas de foi particulière à défendre ; c'est en partie pour ça que j'ai évité de placer un grand nombre de références. (En plus, je ne peux pas démontrer que quelque chose est faux, alors qu'on ne me donne aucune raison de croire qu'il y a quelque chose à voir. Toujours votre manie de renverser la charge de preuve.) Ce que vous m'avez proposé n'est pas scientifiquement intéressant car il manque l'essentiel : la preuve de la réalité de l'orgone. Il y a beaucoup de travaux qui semblent avoir été fait sur le présupposé initial que l'orgone existe, mais aucun pour prouver son existence. De plus, je ne trouve aucune trace de quoi que se soit (ou presque, qui reste anecdotique) concernant les bions et l'énergie orgone sur PubMed, ceci veut dire que rien n'a été publié dans des revue scientifique et analysé par des chercheurs compétents dans les domaines visés. Ou, si cette analyse a été faite, rien n'a été retenu comme suffisamment sérieux pour publication. A l'encontre, des théories comme celle concernant la nature biochimique du fonctionnement neuronal sont des milliers de fois mieux étayées et démontrées. D'accord, elles n'expliquent pas tout et son contraire, elles manquent même plutôt d'ambition de ce côté-là. Mais, c'est justement ce manque d'ambition qui les rend plus pertinentes en ce qui concerne les phénomènes restreints qu'elles tentent d'expliquer. La théorie de l'orgone, qui se veut universellement applicable et extrêmement explicative n'arrive même pas à démontrer ces propres bases.
C'est pourquoi, je reste dans l'expectative et attends des comptes-rendus d'expériences, car vous n'avez toujours pas démontré la réalité de l'orgone. Les textes de DeMeo ont une valeur extrêmement faible, entre autres par leur constante référence à des théories plutôt métaphysiques (pour parler gentiment). Et c'est autours de croyances similaires que semble automatiquement s'articuler les conclusions des " expériences " plus sérieusement menées. Cela peut être intéressant pour ceux qui ont besoin d'une théorie qui explique tout, mais ce n'est pas soutenable scientifiquement parlant. Je préfèrerai, moi, savoir ce que vous avez à me proposer comme preuve véritablement scientifique de la réalité de l'orgone. Je spécifie : les compte-rendus de(s) l'expérience(s) qui a (ont) prouvé l'existence de l'orgone. Voici ce qu'il faut ! Pas des expériences qui présupposent au départ l'existence de l'orgone et qui concluent que l'orgone existe ; ce genre de logique défaillante qui est le fond même de ce que l'on trouve comme preuve sur les sites " orgonomistes ".
Si vous, vous vouliez avoir l' " esprit ouvert ", vous commenceriez par vous renseigner plus sérieusement sur les bases neurophysiologiques du cerveau. Vous finiriez par comprendre l'inutilité du recourt à une " énergie " de type mystique pour expliquer les phénomènes nerveux. Les connaissances actuelles en neurobiologie rendent largement anachronique la théorie de l'énergie orgone. Seul votre ignorance de ces connaissances vous empêche de le voir.
Quelques références à des manuels de base :
- Principles of Neural Science, Kandel, Schwartz et Jessell
- Neurobiologie cellulaire, Hammond et Tritsch
Remarquez que je suis très naïf en vous demandant des compte-rendus d'expérience. Malgré vos effets de poseurs, vous n'avez de toute évidence aucune formation en recherche (n'avez-vous pas écrit que vous étiez avocat et êtes informaticien ?) et n'êtes pas à même de juger de l'intérêt et de la construction d'une expérience. Votre seule " formation " en recherche semble être celle offerte par DeMeo, à base de paranoïa sur la " science officielle ", l'absence de recourt aux preuves factuelles, l'absence de capacité de synthèse et le manque de connaissance sur les théories scientifiques communément admises. C'est tout ce que vous nous aviez offert avant de vous décidez à présenter ces quelques sites où on ne trouve rien qui consiste à construire à partir de la réalité, mais beaucoup qui consiste à construire à partir de la théorie. Je précise aussi que je n'ai pas l'intention de refaire une aussi étude aussi longue et détaillée, et que je considère que c'est maintenant à vous d'établir une démonstration de votre point. Si vous me proposez autre chose, et que ça m'apparaît débile, je dirai que c'est débile. Si vous m'offrez quelque chose d'intéressant (les texte de Reich concernant ces expériences, par exemple), il est beaucoup plus probable que je l'étudie plus à fond.
Pour terminer, je répondrai à la question qui semble vous obséder : non, d'après ce que j'ai pu lire (et que vous m'avez grandement offert, bien que j'aie complété par la suite), l'hypothèse de Reich n'a pas d'assises physiologiques ! Les véritables assises de sa théorie sont de nature mystique (et psychanalytiques, ce qui revient un peu au même quant à moi), le peu d'observations physiologiques qu'il a effectuées sont faussées par ses préjugés et n'ont servi qu'à le conforter dans son hypothèse. Elles ne sont pas le test de la valeur de sa théorie mais font partie intégrante de la théorie.
Jean-François
P.S. : bien que long, cet essai n'a aucune prétention à être une démonstration scientifique publiable. En fait, c'est une discussion de forum un peu plus léchée mais qui à tout du premier jet non poli. Je l'ai écrit parce que j'avais envie de le faire, et dans la rapidité tout de même, sans véritable relecture, et je conçois facilement que des erreurs y soient glissées.
P.P.S. : Florence, Gaël (enfin, si vous vous êtes rendu jusqu'ici !), je sais que vous allez trouver que j'en ai trop fait ;-) Malgré tout, je pense que ce texte creuse en profondeur quelques uns des points négatifs de cette théorie et qu'il était nécessaire de montrer à certains qu'ils nagent dans la superficialité lorsqu'ils prétendent faire de la science.