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Re:Re:Re:Re:Re:Re:Re:un peu hors sujet mais...


Re: Re:Re:Re:Re:Re:Re:un peu hors sujet mais... -- Sébastien
Postée par decroix rené , Jun 08,2000,08:29 Index  Forum

D’après ce que je me souviens avoir lu, les tentatives de reconstitution de la genèse de la Relativité, et donc en fait de la Relativité restreinte, ont accumulé des montagnes d’essais, sans pouvoir conclure. A propos du voyage à cheval sur un rayon de lumière, Eisntein eut cette idée vers 16 ans , et la réponse, beaucoup plus tard ( il y en eut d’intermédiaires, au moins une que je connais), fut : la question n’a pas de sens, puisque rien ne peut atteindre la vitesse de la lumière.

Mais il existe une anecdote en tout cas fort significative : se promenant dans un parc de Jérusalem avec un ami (je ne sais plus en quelle année), Einstein lui dit : « Si l’expérience de Michelson-Morley est fausse, alors la relativité est fausse. » (Au passage, on pourra remarquer un énoncé incorporable à la théorie selon le critère de Popper.) On s’est demandé si cette expérience avait été décisive dans le cheminement d’Einstein, à ma connaissance on n’en sait rien, et la présente anecdote n’y prouve rien puisqu’il aurait pu se faire la réflexion après avoir construit sa théorie.

S’il nous faut renoncer à décrire précisément ce qui s’est passé « dans la tête » d’Einstein, par contre l’histoire de ce qui est successivement « sorti des têtes » est plus abordable. Et à ce propos je voudrais signaler à Ody, mais aussi à beaucoup d’autres, qu’à mon avis il ne faut pas exagérer le côté révolutionnaire de la découverte jusqu’à en faire quelque chose comme tombé du ciel, non seulement ne devant rien à ce qui précède mais se construisant contre ce qui précède. Je crois qu’une certaine lecture de l’histoire des idées de la physique montre au contraire que la naissance arrive tout naturellement (surtout si on inclut les disputes dans le moteur, comme des bielles se contrariant sur un vilebrequin, ou les jambes du marcheur toujours en contradiction…). Révolutionnaire oui, mais sur le mode du saut en avant, plutôt que de la rupture, et le saut suppose le tremplin.

Ce que je vais proposer maintenant sera beaucoup trop court, plein de trous, bien trop simplifié, je ne vais pas aller chercher les références dans mon tas de livres, etc. Mais c’est un mot improvisé en passant, et des pistes y sont indiquées facilement reprenables plus soigneusement par qui le souhaiterait (une journée dans une bonne bibliothèque, déjà…). Disons que je vais m’habiller d’un peu de physique comme un cochon à qui on mettrait une cravate ( comme une cravate à un cochon, c’est une expression commune par chez nous). On dira qu’on est en train de boire l’apéro et qu’on discute … pour les musulmans, jus de fruit de chez Tolérance à disposition.
En tout cas je vais supposer que le lecteur a lu Sébastien dans le deux fois et le trois fois "Re".

Schématiquement on pourrait dire je crois : « Au Commencement » était Newton : il l’expose très explicitement : son modèle mécanique requiert les notions de temps et d’espace indépendants des phénomènes qui leur sont donc extérieurs ; alors la gravitation est assimilée à une force à distance ( d’où bien des embarras philosophico-religieux avec cette force mystérieuse… n’y revenons pas) ; alors aussi la claire distinction entre mouvements absolus et mouvements relatifs ; on l’oublie, mais l’exemple classique du train, avec des voyageurs immobiles dans le train et d’autres se déplaçant dans le train, plus un observateur immobile au passage à niveau … exemple toujours présent avec Einstein, c’est déjà Newton ( et il faudrait que je vérifie, mais Aristote …)) ; et alors aussi : la lumière = grains de lumière obéissant à la mécanique ordinaire.
Ce temps et cet espace absolus sont refusés par beaucoup, et là non plus ce n’est pas nouveau, ça commence avec les grecs ( toujours nos grecs, et surtout (tendresse personnelle ?), pour la science, nos Présocratiques …plus tard bien sûr : Alexandrie.), Einstein le rappellera lui-même dans un petit livre.

A l’étape suivante, électromagnétisme aidant, c’est la notion de champ qui remplace la notion d’espace « vide » lieu des forces à distance, et c’est la notion d’onde qui concurrence les corpuscules lumineux de Newton. Mais l’expérience des ondes, les ondes visibles, avait toujours montré un milieu de propagation qui soit un support matériel : d’où l’idée ( l’idée naturelle, obstacle épistémologique, dira bien Bachelard) que l’espace est un support matériel, et on appellera éther cette « substance » remplissant l’espace. A mon avis, il faut bien remarquer qu’avec d’une part la notion de champ, d’autre part la disparition de tout espace vide , et il faut insister : le non sens de l’idée même d’un espace vide ( Einstein dira que finalement c’est Descartes qui avait raison contre Pascal …), alors si nous abandonnons la question de savoir ce qui se passait dans le fin fond de la tête des physiciens ( et si on me permet : vous le savez vous ce qui se passe dans le fin fond même de la votre ?) une chose est claire : dans la « tête de la physique » ( on me taxera d’idéalisme …) tout se mettait en place, l’accouchement se préparait.

Puis il y eut un autre matin …. Michelson et Morley se demandèrent : quelle est l’influence du mouvement de la Terre dans l’éther sur la vitesse de la lumière ?
Réflexe spécifique à la « tête physicienne » : pour répondre, il faut trouver une expérience qui nous répondra … inutile de baratiner (pour le cas où Jean-François passerait par ici : le biologiste, c’est tout aussi sympa …).
Là encore je voudrais insister : le fond de la question vient du non-Newton, et pourtant c’est un cas de figure classique des compositions de vitesses selon la mécanique newtonienne que nos deux physiciens vont appliquer à la lumière. Peut-être vous souviendrez vous d’un problème à l’école (moi j’y étais pas, c’est venu plus tard…), avec la rivière et son courant, et des barques qui ou bien veulent traverser ou bien font des aller-retour dans la direction de la rivière, etc. ( Ah oui : le lecteur qui ne se souvient pas va dire que ça ne va pas, aller et retour avec une seule direction : mais la rivière c’est la direction, et sur cette direction il y a deux sens possibles, voilà, au cas où.) , eh bien l’expérience de Michelson et Morley, c’est du pareil au même. La seule différence, c’est la difficulté technique pour réaliser l’expérience, difficulté venant de l’énorme disproportion des vitesses en jeu : on savait déjà que pour la lumière il y allait du 300 000 km/s environ, alors que la vitesse de la Terre sur son orbite était estimée à 37 km/s.

Le principe de l’expérience fut le suivant : on émet une lumière et on la coupe en deux , de sorte que les deux faisceaux, à l’origine en phase, s’en aillent perpendiculairement l’un à l’autre, l’un parallèlement au flux de l’éther et l’autre donc lui étant perpendiculaire, pour parcourir des distances égales puis être réfléchis sur un même « écran » (je simplifie); en vertu des lois mécaniques newtonniennes, les distances parcourues étant égales, mais une vitesse se composant avec le flux d’éther et l’autre non, les temps de parcours doivent être différents, et à la réception on doit observer une différence de phase, des franges d’interférences, d’où l’on pourrait déduire ( ici : vérifier) la vitesse du flux d’éther (vitesse relative : par rapport au mouvement de la Terre.)

L’expérience fut difficile à mettre en oeuvre , et lorsqu’elle put être convenablement montée elle fut répétée jusqu’à certitude absolue (si si, ça existe encore …): pas de différence de phase, les temps de parcours étaient égaux. Trois conclusions immédiates possibles :
1) la Terre est immobile ;
2) la Terre et l’éther se déplacent ensemble (si on veut (bof…): comme l’atmosphère terrestre et la Terre), donc par rapport à l’éther c’est comme si la Terre était immobile ;
3) l’éther n’existe pas.

1) et 2) étaient éliminés par d’autres énoncés de la physique, 3) renvoyait l’électromagnétisme, y compris la notion de lumière , à la case départ. Alors bien des physiciens se dirent : il y a une quatrième conclusion, la bonne, mais elle fait intervenir quelque chose que nous ne connaissons pas encore.

Et dans ce contexte, relevons que ce n’est pas Einstein qui pense d’abord au rétrécicement des objets en mouvement ( dans leur dimension orientée selon le mouvement) : c’est Fitzgerald ( il risquait sans doute la camisole …). Au passage, une première limite, sans recours à une physique quantique, de l’observation : belle hypothèse mais comment expérimenter ? Si je veux mesurer le rétrécissement il faut que j’emmène un instrument de mesure avec l’objet : mais lui aussi va rétrécir … catastrophe, le piège .

Pas d’expérience envisageable, mais un pouvoir explicatif extensible : Lorentz intervient pour dire : c’est compatible avec notre modèle atomique ( je simplifie…je simplifie) : le corps se déplace, ce sont des charges électriques qui se déplacent, d’où champ électromagétique, d’où modification des forces internes entre particules, d’où resserrement de ces particules. ( C’est beau non ?, même rapporté aussi primairement … )

Immédiatement dans cette foulée, viendra le passage du calcul d’une position à la Galilée au calcul à la Lorentz : la transformation de Lorentz, qui fait intervenir la vitesse de la lumière (le rapport de la vitesse de l’objet en question avec la vitesse de la lumière) , considérée comme une constante. Je passe le truc mathématique, pourtant très simple ( mais déjà, vous avez vu comment Sébastien est obligé d’écrire ses équations, à chaque fois on dirait un Van Gogh transformé par un traitement d’image en vectoriel , ou bien une soupe sans sel, faudrait un traitement de texte avec tous les symboles mathématiques … mais surtout continue quand même Sébastien.). Le fait important pour l’histoire version très courte, c’est que la vitesse de la lumière intervient dans les fonctions de telle sorte que si la vitesse de l’objet considéré est égale à la vitesse de la lumière on se retrouve avec une fraction à dénominateur nul : division par zéro, ça n’existe pas ; donc l’égalité entre les deux vitesses est impossible. (Si la vitesse d’un corps approche de plus en plus la vitesse de la lumière, sans l’atteindre pour que le calcul reste possible ( les grecs (dispute éléate) avaient imaginé un truc du genre, avec Achille et la tortue pour la parabole la plus connue…), alors sa masse tend vers l’infini.)

Parmi toutes les questions que se posaient Einstein depuis sa chevauchée sur le rayon lumineux, il y a celle-ci, que vous vous êtes peut-être sans doute déjà posée tant elle est aussi fascinante que simple : en mécanique classique, on peut toujours imaginer une vitesse plus grande : alors pourquoi, comment, ce mur ? ( Sur le forum il fut question de l’expansion de l’univers : oui mais…, etc.) Einstein refuse de considérer différemment cette histoire de vitesse en mécanique et en électromagnétisme , et il dit : 1) la vitesse de la lumière est une constante (pour tout observateur) ; 2) la vitesse de la lumière est une limite.
D’un point de vue mécanique, on se retrouve donc avec l’exception de la lumière : pas de composition des vitesses comme pour l’observateur sur la berge et la barque sur la rivière.
Mais l’exception, ce n’est pas physique ça, c’est très insatisfaisant, et pour tout dire, surtout pour Einstein peut-être, inadmissible. Le pluralisme, c’est pas vraiment une catégorie scientifique …
Mais voici qui fait rentrer dans l’Ordre, dans le Rang, pincé entre les deux talons dans un grand claquement (la science est totalitaire jugulaire, tout le monde vous le dira) …. Ce n’est pas la physique qui va éclater, c’est la notion d’événements simultanés, c’est notre pauvre « maintenant », qui n’en peut mais … « maintenant » ne veut plus rien dire (j’exagère un peu) .
Imaginons une première ligne droite. Sur cette ligne droites, deux émetteurs de signaux lumineux à une certaine distance l’un de l’autre. Pile au milieu, un observateur. Sur cette droite, les trois éléments sont immobiles.
Parallèle à cette première droite, une seconde droite, à une certaine distance. Cette droite est la trajectoire suivie par un second observateur .
Pour simplifier, nous allons situer l’évènement qui vient au « moment » ( y a un grain de sable, étant donné l’objectif poursuivi, j’y pense en l’écrivant, mettons que n’auriez rien vu …) où les deux observateurs sont sur la même perpendiculaire commune aux deux droites. L’observateur mobile et les deux sources lumineuses forment donc les sommets d’un triangle isocèle.
L’événement est le suivant : les deux sources émettent un signal de lumière.
Nous observons les observations.
Pour le premier observateur, les deux signaux sont perçus au même instant, les deux temps de propagation étant égaux. Il y a simultanéité.
Pour le second observateur : eu égard au temps de propagation, lorsqu’il perçoit quelque chose le triangle n’est plus isocèle. Il percevra donc d’abord le signal correspondant au plus petit côté, et l’autre plus tard. Il y a pour lui deux événements séparés dans le temps. Il n’y a pas simultanéité.
Le maintenant de l’un n’est pas le maintenant de l’autre.

Hypocrite lecteur mon frère ( Baudelaire, environ…), voici que tu te demandes : mais qui donc a vu en vrai ? Ce n’est pas grave, et c’est de saison autant que de raison : voici le Soleil, et on recommande quelques protections d’acclimatation : verres fumés, crèmes de bronzage …

Et puisque Baudelaire s’est joint à l’apéro, cette évaporation du « maintenant », c’est peut-être ce que la Relativité restreinte pourrait appeler : Mon cœur mis à nu …



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