C’est pas mal mais l’analyse est très insuffisante.
La créativité dont je vous parle n’est absolument pas comparable à une discussion. Je la comparerais plutôt au chant d’un merle. Il chante et il crée spontanément sans réfléchir, comme tous les animaux qui créent instinctivement d’ailleurs. Mais la grande différence avec l’être humain c’est que quand ce dernier crée une œuvre musicale cette œuvre est « pondue » dans un carcan théorique d’une telle complexité qu’il est absolument impossible d’y réfléchir ne serait-ce qu’un millième de seconde sans stopper radicalement la création. Même la chanson copacabana, d’apparence simple, est très compliquée lorsqu’on en analyse les mécanismes théoriques : Ligne mélodique rythmée et carrée s’encastrant dans une ligne harmonique relativement complexe.
Donc si vous réfléchissez vous devez :
-1 créer la ligne mélodique
-2 créer la ligne harmonique
-3 créer la ligne rythmique
-4 tout ceci doit-être parfaitement synchronisé et carré, c.à.d. basé sur des mesures à 4 temps qui elles-mêmes sont multipliées par 4 et 4 fois.
On est loin d’une conversation parlée ! Il a bon dos le cerveau !
La nuance sur laquelle je suis d’accord c’est que l’œuvre n’est pas tirée du néant comme le ferait une bonne fée avec sa baguette magique pour un objet, mais elle est créée sur un support que sont les notes, les rythmes et les harmonies ou la toile, les couleurs et les formes. Ce support vous l’appelez le « langage déjà connue ».
Je me demande ce que Mozart pouvait connaître comme langage lorsqu’il composa son premier menuet à l’âge de 6 ans et sa première symphonie à l’âge de 12 ans ! Il savait jouer du piano avant même de savoir parler correctement.
Il est indispensable de distinguer la créativité inspirée et spontanée de la créativité déductive. Je suis formel, l’arrangement stylistique n’intervient qu’après la création. Il faudra me présenter un musicologue qui oserait affirmer le contraire car il y a fort à parier qu’il n’y connaisse rien en musique et qu’il soit incapable de jouer d’un instrument quelconque. N’importe qui peut manipuler des notes de musique, mais peu peuvent les agencer spontanément de telle manière à former une œuvre inexistante auparavant.
Stéphane. Si vous ne savez rien, vous ne créerez rien.
Gene. En réfléchissant on trouve tous les cas de figure. Je peux vous donner un à un tous les ingrédients pour créer une oeuvre musicale et vous ne créerez jamais rien non plus. Il existe même de très grands exécuteurs musicaux qui ne seront jamais capable de créer une quelconque oeuvre musicale (même et surtout dans les grands orchestres symphoniques). Par contre j’ai connu des gens non musiciens qui ne connaissent absolument rien en musique et qui sont capables de composer une mélodie dans les règles de l’art. Beaucoup de chanteurs ne connaissant absolument rien en musique en sont capables aussi. Il faut donc être doué pour ça. Alors d’où vient ce don ? De l’héritage génétique ? Et quand les informations se sont-elles inscrites dans les gènes pour la première fois puisque de toute façon pour commencer il faut être doué ?
D’autre part sachez que contrairement à vos raisonnements purement rationalistes, pour bien composer on ne se concentre pas pour réfléchir, mais on se concentre au contraire pour faire le vide !!
Lorsque Beethoven a créé la fameuse 5ème symphonie il aurait pu vous la chanter sans savoir jouer d’aucun instrument et sans savoir aucune note de musique (d’ailleurs j’ai souvent joué avec des musiciens qui ne connaissent aucune note de musique et qui ont de part ce fait même une créativité décuplée). Cette fantastique mélodie très caractéristique est sortie littéralement de rien puisqu’inexistente auparavant. Je vous mets au défit de trouver quelque chose de ressemblant. Toute tentative d’en imiter même ne serait-ce que le style tombe dans le plagia. Elle est là et bien là, et elle est créée à jamais pour l’éternité. La créativité de Beethoven était à tel point développée qu’il a même continué à composer tout en étant sourd ! Donc sans aucune aide instrumentale et matérielle quelconque.
La perfection d’une œuvre musicale crée spontanément est telle qu’elle semble avoir toujours existé et que le seul fait d’en changer une note la détruit.
Stéphane. L'imagination n'est jamais que la réinterprétation de la mémoire.
Gene. Tout à fait d’accord! Il n’est pas question d’imagination mais de création. Si j’ai pris pour exemple la musique c’est bien pour une raison. En quoi l’imagination vient stimuler la création musicale ? Vous vous représentez la musique en image ? Comment faites-vous ?
Stéphane. Il y a une «généalogie» derrière toute invention, et non pas une idée de génie radicalement originale.
Gene. Dans toutes les formes d’art il y a les précurseurs et les révolutionnaires qui ont des idées de génie radicalement originales. Mais je peux admettre une certaine relativité, ça ne change en rien le processus créatif spontané comme je l’ai expliqué ci-dessus.
Stéphane. Quand vous conversez, vous devez créer un argument en réponse à votre interlocuteur, et vous devez le faire en «real time»… La phrase ne vous arrive pas toute faite comme par miracle.
Gene. En musique on ne converse pas (à part certaines fois lors d’improvisations avec plusieurs musiciens en simultanées, comme dans la musique New Orleans par exemple). Mais le sujet n’est pas la conversation mais la création. J’accepte plus volontiers la comparaison avec la poésie. Mais la différence fondamentale entre la musique et la poésie c’est le temps de réflexion. Je ne m’y connais pas particulièrement en poésie mais je pense qu’on accepte plus volontiers l’idée de la réflexion. Chose impensable pour la création musicale. J’ai un ami musicien compositeur qui s’est réveillé un matin avec une mélodie dans sa tête toute faite. Ça lui a pris le temps de la mélodie (c.à.d. 4 minutes) pour l’enregistrer sur son magnétophone. Cette mélodie ne ressemble à aucune autre et a été gravée sur CD. Si elle n’est pas arrivée toute faite par miracle, comment est-elle arrivée ? Composons-nous quand nous dormons ? Ca ne me gêne pas de le croire, c’est seulement que si vous êtes d’accord nous n’allons pas en déduire les mêmes conclusions.
Stéphane. il faudra trouver un autre mot que «spontané» pour décrire ce qui se passe durant une conversation.
Gene. Ce n’est pas moi qui ai employé ce mot pour décrire ce qui se passe durant une conversation, puisqu’il n’a jamais été question de conversation, mais bien de création spontanée. Vous voulez démontrer que cette création spontanée n’existe pas en prenant un exemple qui n’est pas comparable à la musique, sauf dans certaines circonstances qui justement ne concernent pas la créativité spontanée.
Les mêmes démonstrations peuvent se faire avec les deux autres qualités de « l’esprit »: la volonté et l’amour. Un amour venant de « l’esprit » ne sera pas réfléchi. Tout est évidemment encore relatif et comme je l’ai déjà dit à J. François cela nécessite un important développement. Mais dans ce cas là l’argumentaire est beaucoup plus incisif qu’avec la créativité. Si j’ai commencé par cette dernière, c’est parce qu’il y a moins de tabou à son sujet.
On peut affirmer sans crainte de se tromper que de part le style de leurs créations non agressives des compositeurs-auteurs de la trempe de « Riccardo Cocciante », Pascal Obispo, J.J. Goldman et Francis Cabrel, ils sont forcément croyants. Le lien est évident et indissociable, ils ont les trois qualités fondamentales de l’être (ou « l’esprit ») : L’amour, la créativité et la volonté. Allez-y, faites votre enquête, si je me trompe vous n’entendrez plus jamais parler de Gene. Ca vaut la peine ! Quel bon débarras !
Cette fois-ci c’est sûr, je parts en vacances. Je ne pourrai malheureusement répondre à votre prochain message qu’à la rentrée (si réponse il y a).
Merci d'avoir fait le ménage dans la cuisine métaphorique.
Cordialement
Gene
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