Postée par Ch.Bertrand , Aug 26,2000,11:38 | Index | Forum |
Revoir Close Encounter of the Third Kind aujourd'hui, en le considérant comme un reflet assez fidèle des représentations et croyances populaires relatives à l'idée de l'existence d'une intelligence extraterrestre, est instructif, et soulève bien des questions.
Avec quelque trente ans de recul, Close Encounter of the Third Kind apparaît nettement comme une vision peace and love du phénomène. Ainsi, si l'on compare le film aux représentations actuelles :
1) le type de témoignages n'allait pas au-delà de la rencontre dite du troisième type (contact avec des entités), alors que maintenant, nous en sommes au quatrième type (contact et enlèvement) ;
2) le type de rencontre, dans les années soixante-dix, ne comportant guère ou pas du tout d'agressivité, tandis que maintenant, aux États-Unis en particuliers, la rencontre supposée conduit presque tout le temps à un quelconque traumatisme ;
3) l'esthétique de la technologie extraterrestre apparaît presque à l'eau de rose chez Spielberg, alors que maintenant, nous en sommes à des représentations d'engins volants beaucoup plus sévères ;
4) l'étendue du phénomène, les endroits où il se manifeste, traduisait, dans les années soixante-dix et dans le film de Spielberg, une dimension mondiale, tandis que de nos jours, il me semble, le phénomène dans ce qu'il a de plus caractéristique est devenu surtout ou davantage états-uniens.
On peut se demander ce qui, dans la société nord-américaine notamment, a pu changer pour que l'illustration du phénomène offerte par Close Encounter... ne colle plus à la réalité. Je suggère les pistes de réponse suivantes.
1) Le type de témoignages. - La croyance à la procréation par intelligence extraterrestre interposée trahirait une conscience planétaire plus aiguë qu'avant, ou encore un souci inconscient de perpétuation de la race (terrienne s'entend...). Quant à l'apparition des histoires d'enlèvements, je me perds en conjectures ; serait-ce peut-être une compensation au fait que la guerre froide terminée, l'on se sent instinctivement le besoin d'avoir un ennemi étranger (étranger au sens figuré) à combattre ?
Mais s'il est vrai que s'il y a, de nos jours, une certaine violence dans les histoires rapportées, ce n'est tout de même une violence du même genre que celle qui émergeait des représentations d'avant Close Encounter..., représentations d'extraterrestres belliqueux auxquelles Close Encounter... se voulait une réponse. Aussi, on peut se demander si, de cette dernière époque à de nos jours et en passant par l'époque de Close Encounter..., le phénomène n'aurait suivi une dialectique thèse-antithèse-synthèse.
2) Le type de rencontre. - Si le passage du troisième type au quatrième type n'est dû qu'à la croissance en quelque sorte naturelle de la croyance, on peut se demander, avec humour, si, dans quinze ans, on n'entendra pas parler de rencontre du cinquième type... qui serait... allez donc savoir ! Quant à la dimension traumatique qui s'est ajoutée, il me semble que c'est le reflet naturel de cette tendance yuppiesque et nouvelâgeuse à l'introspection, avec psy comme révélateur et mythologie personnelle à la clef.
3) L'esthétique de la technologie extraterrestre. - Les spécialistes et passionnés d'aéronautique pourraient mieux que moi expliquer l'évolution de cette esthétique. On peut tout de même imaginer que les représentations des ovnis ont tendance à épouser plus ou moins les designs aéronautiques militaires et civils connus du grand public (on pensera ici, bien sûr, à l'avion furtif), et donc évoluer avec eux.
4) L'étendue du phénomène. - Il serait difficile de ne pas expliquer au moins partiellement cet aspect par l'hégémonie étatsunienne en matière de représentations médiatiques, qui, dans les années de Close Encounter..., n'avait tout de même pas, il me semble, la force et l'étendue qu'elle a de nos jours.
Parallèlement à ces différences, à un autre niveau, on remarquera que Close Encounter of the Third Kind fut un peu un précurseur en illustrant des aspects du phénomène qui étaient peu montrées dans le temps, et qui sont de nos jours des lieux communs ; on pourrait citer comme exemples :
1) Le lien entre ufologie et paranormal, représenté par toutes ces manifestations dans la maison de Melinda Dillon (la mère de l'enfant qui se fait enlever), et que le délire d'un Witney Streiber (Communion) devait plus tard illustrer de façon éloquente ;
2) La dimension psychologique de l'expérience d'une rencontre, avec traumatisme d'enfance à l'appui, dimension qu'allait fait connaître plus tard le controversé John Mack ;
3) La vision d'une présence tenue pour avérée, car devant tout cet enjolivement de la représentation des extraterrestres et de leur technologie, on peut se demander si Spielberg ne souhaitait pas, dans le fond, que les gens tiennent cette présence irrégulière et intermittente d'entités extraterrestres parmi nous comme allant de soi, comme parfaitement intégrée, bien que dissimulée, à leur vie, alors qu'on sait que de nos jours, toute bonne série B travaillant ce sillon traite cette présence de cette façon, en détaillant les soubresauts diversement.
Charles Bertrand
|