Le problème pour un gars comme Gene c'est la communication. Comment expliquer aux autres, qui n'ont pas cette expérience, qu'on lévite la fin de semaine? Un Gene n'offre pas de preuve. C'est sans doute que ce dont il parle n'existe pas; mais en fait il est évident qu'il ne sait pas ou n'est pas intéressé à faire la différence entre «preuve», «indice» ou «idée». Même si les preuves de ce qu'il avance existaient, je ne crois pas qu'il pourrait les reconnaître. Pour lui, il suffit de penser quelque chose pour que ce soit «vrai», cad valide à l'intérieur de son propre système. Donc, «prouver» est superflu, puisque la validité est selon lui intrinsèque à tout concept. Pourtant, quand chacun a son système de vérité, personne ne comprend plus rien, il ne sert à rien de discuter, d'investiguer, etc. puisqu'au fond on finira toujours par une fragmentation des opinions sur la nature des choses. Alors communiquer, pour Gene, c'est imposer par la parole.
Toute communication s'inscrit dans un jeu de pouvoir mais on voit tout de suite une différence fondamentale entre Gene et un chercheur: le chercheur tente principalement d'étendre son pouvoir (la technologie, mais bien avant: la connaissance, la compréhension) sur la nature, alors que Gene exerce son pouvoir (rhétorique, sectaire) sur les autres. C'est pourquoi il prêche l'ignorance béate. Quand il dit, «chacun a sa vérité», il dit vraiment «mais la mienne est supérieure». Sinon pourquoi dirait-il «à chacun sa vérité privée» *en public?* À l'opposé, la science n'est «supérieure» que quand elle apporte un nouveau bagage de connaissances universellement valides (attention, je parle de tendance générale ici: je ne dirais jamais que la science ne se trompe jamais ni qu'il n'existe pas de scientifiques fraudeurs).
Heureusement, la vérité culturelle peut s'éloigner de la réalité, mais jusqu'à un certain point seulement. Il y a moins de yogis alpinistes ou parachutistes que d'athées dans les tranchées.
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