Pour jouer l'avocat du diable, je dirai qu'il y a quand même au moins une dizaine de milliers de canaux par cellule, et qu'il y a des milliards de cellules dans le cerveaux. Seulement, c'est du calcul qui ne sert à rien: tous les canaux ou toutes les cellules ne sont pas actifs en même temps et l'activité cérébrale totale n'"émet" qu'en champ restreint (à la rigueur, avec des appareils très sensibles, quelques mm de la surface du crâne).
De plus, même si on pouvait considérer que le cerveau "émettait" réellement, il resterait la question du récepteur. Par exemple, certains poissons ont la propriété d'émettre des champs électro-magnétique assez puissants grâce à des fibres MUSCULAIRES spécialisées assemblées en organes; c'est le cas de la "célèbre" anguille électrique, mais aussi de la torpille (une raie) ou des gymnotes (petits poissons osseux). On sait que ces champs peuvent servir à transmettre de l'information (à "communiquer") entre deux poissons, car on sait comment cette information est captée: grâce à des récepteurs particuliers, situés dans la ligne latérale. On a donc un support au transfert d'information (le champs électrique), un émetteur (l'organe électrique du poisson A) et un récepteur (la ligne latérale du poisson B). Les "télépathophiles" ont ni support, ni émetteur, ni récepteur à montrer... tout juste un "phénomène" faible qui apparaît lors de la manipulation mathématique des données d'expérience. A mon avis, ça fait pas un dossier fort.
Sébastien: "En fait, l'idée, c'est qu'un EEG mesure une combinaison linéaire de plusieurs ondes (Est-ce vrai ?)"
Oui, ce que tu enregistres c'est l'activité de cellules réparties sur plusieurs couches du cortex. Ces couches ont des fonctions différentes et ne sont pas forcément actives en même temps, ce qui influence le tracé.
[Sébastien: "Le terme 'bascule' sgnifirait de passer de 'off' à 'on' puis à 'off'. à quel point ce modèle est valable ?"
Parfaitement. A ma connaissance on n'utilise pas le terme "basculer", mais dans certains systèmes (la vision par exemple) on considère les cellules comme étant "on" ou "off" selon qu'elles réagissent ou non à un stimulus visuel. Le "on" correspond donc à l'émission des potentiels d'action, donc au passage au "+60".]
Sébastien: "Et donc rien ne nous dit que ces quatres types d'ondes signifie que les cellulles cérébrales 'basculent'* à ces fréquences"
Exactement, comme l'EEG est la résultante de ce qui est capté par la machine, il faut l'interprêter en ayant conscience qu'il s'agit de plusieurs processus cocommitants.
Sébastien: "Par analogie, on peut supposer qu'il en est de même pour le cerveau et tout le système nerveux. 0.5 à 30 Hz, il me semble que c'est lent en mautadit, pour retirer sa main du feu... Et donc est-ce que les cellules nerveuses sont en mesure de répondre à es fréquences plus élevées ?"
Tu touches là des questions différentes dont certaines sont âprement discutées, et sur lesquelles je n'ai pas forcément de réponse. Les histoires de réaction à des fréquences données (les "effets de résonnance") donne lieu à des modéles mathématiques dont je ne comprends pas toujours la portée biologique. Toutefois, je peux te dire plusieurs choses: la fréquence de décharge* n'est pas toujours indicatrice de la vitesse de la réponse comportementale (chez certains vertébrés, un seul potentiel d'action peut entraîner une réponse motrice), bien qu'il semble que ce soit le cas dans les zones corticales (on constate, par exemple, des corrélations positives entre fréquence de décharge de certains neurones du cortex moteur et la vitesse d'un mouvement). Ce qui est important, c'est l'intensité de la décharge (si beaucoup de cellules déchargent une seule fois de manière synchrone, ça revient au même que moins de cellules déchargeant plusieurs fois dans un court laps de temps) et la vitesse de propagation de l'influx nerveux (qui peut être de l'ordre du 100-150 m/s pour les cellules corticospinales). En plus, il ne faut pas oublier que l'on parle d'un système biologique qui n'est donc pas poussé à des extrèmes technologiques: les fréquences dont on parle (entre 0.5 et 80 Hz) sont biologiquement significatives. Même si on trouve toujours des exceptions, des fréquences très rapides conduisent généralement à la mort cellulaire et/ou sont signes de dérèglements physiologiques.
Sébastien: "Que l'EEG ne mesure qu'en effet global, qui n'a rien à voir avec les processus au niveau cellulaire ?
Non, il y a quand même des rapports entre entre ce qui est mesuré par l'EEG et le comportement cellulaire. Simplement, en ce qui concerne le cortex, l'activité d'une seule cellule ne veut pas dire grand chose. Les cellules ayant des fonctions similaires agissent généralement en synergie. La décharge d'une seule cellule ne sera pas assez forte pour "mettre en branle la machine", comme la décharge d'un seul motoneurone ne fera pas bouger le bras (tout au plus, elle provoquera la contraction d'une fibre musulaire). C'est seulement chez les vertébrés qui possède un système nerveux moins complexe que l'on trouve des cellules uniques qui ont une grande influence, à elles seules, sur l'organisme (la cellule de Mauthner des poissons, par exemple). Toutefois, la réponse globale que mesure l'EEG est un ensemble de phénomènes différents, que l'on sait grandement analyser et dont on cherche encore à tirer tous les enseignements.
Jean-François
* décharge: émission d'un ou plusieurs potentiels d'action.
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