Salut Denis,
Denis a écrit :À propos de l'âme, tu dis que, selon les catholiques,
Son état naturel est d'être unie à un corps. Néanmoins, elle peut subsister séparément, quoique cela soit accidentel et temporaire pour elle. L'âme séparée du corps n'est donc pas la personne au sens plénier du terme mais seulement une de ses composantes.
Si cette composante résiduelle (sans organe pour organiser quoi que ce soit) est
exactement identique pour moi, pour ma chatte et pour une morue, ça me va. C'est si elle dépend du cerveau
qu'on n'a plus que ça me va moins.
Il me semble que tu soulèves là un point sensible au niveau théologique. La doctrine catholique sur l'âme et le corps (qui est en fait celle de Thomas d'Aquin) est dérivé de l'aristotélisme, mais ne se confond pas avec. Pour Aristote, en effet, l'âme étant une Forme pure de toute matière est impersonnelle, c'est-à-dire la même pour tous, la matière étant ce qui individualise. Évidemment ça n'arrangeait pas trop les affaires de Thomas d'Aquin, qui ne veut pas revenir à un dualisme platonicien car, attentif aux données de l'expérience, il voit bien qu'entre l'âme et le corps, il y a une union réelle (on n'est pas juste le pilote d'un corps qui ne serait qu'un simple véhicule). Mais d'un autre côté, sa foi catholique lui commande de croire en une possibilité de survie personnelle. Donc, si j'ai bien compris, Thomas d'Aquin suppose que l'âme, bien qu'étant une Forme immatérielle, possède une individualité, même si elle ne l'a pas en propre (c'est le corps avec lequel elle est naturellement unie qui la lui confère). Je résume peut-être mal la pensée thomassienne...
Denis a écrit :Tu dis aussi que (toujours selon les catholiques) :
L'union de l'âme et du corps est nécessaire à l'existence de la conscience (au moins la conscience personnelle, la conscience du "moi").
Leur séparation implique la disparition de la conscience, quand bien même les éléments séparés puissent continuer de mener une forme d'existence.
Leur nouvelle union (résurrection) implique la reformation de la conscience.
Les éléments séparés dont tu parles sont l'âme et le corps.
Tu dis que
l'existence séparée de l'âme n'est pas consciente. Ça me va puisque je ne vois
aucune différence subjective entre être un homme inconscient, un chat inconscient ou une morue inconsciente. Toi, en vois-tu une?
Non, mais ce n'est pas de moi qu'il s'agit
Denis a écrit :Quant à l'existence séparée du corps, j'admets que mes 65 kg d'atomes vont continuer à réagir chimiquement avec leur entourage. Est-ce de cette "existence séparée" dont tu parles ou d'une autre sorte d'existence séparée d'un corps après la mort? De quelle autre sorte d'existence du corps peut-il s'agir?
Non, c'est de cette existence cadavérique, puis complètement désorganisé, dont je parle.
Denis a écrit :Quant à la nouvelle union, sera-ce avec le même corps, le même cerveau, les mêmes connections synaptiques? Beau puzzle à reconstruire à partir d'atomes dispersés, surtout pour ceux qui, historiquement, ont fait partie du corps de plusieurs individus successifs.
Non, la chair et le sang n'héritent pas du Royaume de Dieu, selon l'apôtre Paul. Il s'agit d'un nouveau corps, un corps spirituel. En gros, la version 2.0, avec un code source revu et corrigé, les bogues supprimés, et enrichie de nouveaux modules, fonctions et extensions majeurs
Évidemment, ça pose un petit souci d'identité personnelle qui n'a pas manqué de tourmenter les théologiens : comment faire le lien entre ce nouveau corps et l'ancien ? Comment peut-on dire qu'en un certain sens, c'est le même, vue que la continuité matérielle a été rompue ?
Un philosophe analytique de la religion contemporain, Peter Van Inwagen (Peter Van Inwagen, « The Possibility of Resurrection » in Philosophy of Religion : An Anthology, L. Pojman ed. ; p. 389-392), a suggéré une solution théorique à ce problème :
Dieu, contre toute apparence, « préserve nos cadavres », et : « au moment de la mort de chaque homme, Dieu retire son cadavre et le remplace par un simulacre qui est ce qu’on brûle ou ce qui pourrit. » . Il faut envisager, sur le modèle de la résurrection du Christ (qui, selon P. Van Inwagen, « devint un cadavre mais sans cesser, même dans son humaine nature, d’exister ») que le corps vivant passe du côté de la mort mais sans être détruit. Le paramètre temporel conserve une continuité sans faille, mais le corps se dédouble en un corps sans vie dont l’intégrité physique et l’identité numérique est préservée, d’une part, et en un simulacre voué à la destruction d’autre part, dont l’identité apparente (par ressemblance avec le premier) n’est qu’un leurre.
Cette discussion m'embête un peu. Elle me rappelle trop un Redico que j'ai déjà tenu (sur l'astrologie) avec Jojo et un personnage fictif (Astro).
Échantillon. C'est Jojo qui répondait au nom de l'astrologue imaginaire. C'est pas facile de détordre un personnage imaginaire (voir
Caractéristique 16), surtout quand il s'abstient à tour de bras.
Avec ton catholique quasi théorique, c'est un peu la même affaire.
Penses-tu qu'il accepterait de débattre avec nous deux en mode Redico. Ça pourrait faire une partie pas mal juteuse.
Je vais lui demander
S'il n'est pas intéressé à débattre pour vrai, peut-être que toi, tu l'es encore. On pourrait alors reprendre
cette belle partie (d'il y a plus de 5 ans) ou en commencer une nouvelle.
Si ton catho y participe, on aura un zézé, un zozo et un neuneu.
Ah mais je ne suis pas du tout neuneu mais bien zézé (au moins sur cette question)

Même si je donne l'impression - afin de la présenter - d'endosser cette conception des rapports de l'âme au corps, je ne lui accorde qu'une plausibilité a priori d'environ 0,1% (grosso modo à la louche).
Amicalement,
Mikaël