Maurice Grevisse a écrit :Le verbe des propositions introduites par si se met à l'indicatif ; [...] il faut insister sur le fait que [...] le futur et le conditionnel sont exclus [...].
Il s'agit de l'usage considéré comme correct. En effet, la langue populaire met assez souvent le conditionnel [...].
Certes, tout cela est bel et bon, mais c'est l'usage établi. Bon, j'avoue après avoir consulté mes livres d'ancien français, j'ai en partie tort et en partie raison.
En latin, on exprime les conditions ou les hypothèses avec
ceci:
Proposition introduite par si
La condition correspond au conditionnel français. Il y a trois façons d'envisager la condition :
Elle pourra éventuellement se réaliser : potentiel;
Elle n'est pas actuellement remplie : irréel du présent;
Elle n'a pas été remplie : irréel du passé.
Le mode de la condition est le subjonctif, avec même temps et même mode dans la subordonnée.
Potentiel : subjonctif présent (dans les deux propositions) Si cras pecuniam habeat, mihi det. "Si demain tu avais du flouze, tu me le filerais *"
Irréel du présent : subjonctif imparfait (dans les deux propositions). Si cras pecuniam haberet, mihi daret. "si demain tu avais du fric, tu me le donnerais (mais ce n'est plus le cas) **"
Irréel du passé : subjonctif plus-que-parfait (dans les deux propositions). Si pecuniam habuisset, mihi dedisset. "si le lendemain, tu avais eu de l'oseille, tu me l'aurais donné***"
Remarque : L'indicatif est parfois employé à la place du subjonctif en latin. Les tournures suivantes peuvent avoir ce sens conditionnel à l'indicatif :
Les verbes marquant la possibilité ou l'obligation (possum, debeo). Possum : «Je pourrais...» (Sauzy, § 346).
Les expressions du type longum est («Il serait long de...»), difficile est, aequum est;
L'adjectif verbal en -ndus suivi du verbe être.
* ** *** la traduction est de votre serviteur.
Les catégories de "potentiel", "irréel du présent", "irréel du passé" se retrouve dans les grammaires classiques du français:
[quote="
Sur le "conditionnel", Wikipédia"]Fait soumis à une condition
C'est cet emploi qui a valu au conditionnel son nom. Les exemples suivants sont appelés par les grammaires traditionnelles potentiel, irréel du présent et irréel du passé, selon un schéma calqué sur le latin :
Potentiel : « Si tu venais demain, je serais content. » (sous-entendu : tu as encore le temps de venir)
Irréel du présent : « Si tu venais aujourd'hui, je serais content. » (sous-entendu : tu es trop loin pour venir rapidement)
Irréel du passé : « Si tu étais venu hier, j'aurais été content. » (sous-entendu : tu n'es pas venu de toute façon).
On note qu'en français, au contraire du latin, il n'existe aucune distinction morphologique entre le potentiel et l'irréel du présent : la différence est sémantique et se fait grâce au contexte.
On peut également traduire certaines clauses conditionnelles par le futur de l'indicatif ; on parle de futur à valeur modale de conditionnel ou hypothétique :
Hypothétique : « Si tu viens demain, je serai content. »[/quote]
Le mode conditionnel n'existant pas en latin, il a fallu du temps pour qu'il se développât:
:docteur: a écrit :La généralisation des périphrases dans les langues romanes
Dans le latin classique habeo suivi de l' infinitif, surtout du verbe "dire", signifiait « être capable de ». On trouve
déjà la tournure chez Cicéron habeo polliceri (je puis promettre), habeo ad te scribere (je peux t'écrire). Elle est
similaire de la construction du grec ekho eipein. Il existait plusieurs autres formes avec auxiliaire pour remplacer le
futur simple disparaissant comme facere incipio, facere volo, facere debeo mais aussi les formes participiales
dicturus sum, dicendum habeo et même au passif dicendum est. Le tour avec habeo répond à l'idée de nécessité
chez Sénèque : quid habui facere ?
En roman, on a employé le verbe habeo "j'ai" à la suite de l'infinitif. Le premier exemple se trouve chez Tertullien
au IIIe s. (exire habebat). Le tour était généralisé dans la langue parlée au VIe s. en France et en Italie. La structure
périphrastique existait dans les langues germaniques et ces futurs se répandent après les grandes invasions.
La Romania a été divisée en deux : l'une qui a utilisé scribere habeo à l'ouest, l'autre qui a utilisé scribere volo
à l'est. Cette deuxième forme concerne le roumain. Mais il existe aussi des formes sur *venio scribere en romanche
dans les Grisons sous l'influence de l'allemand ich werde+infinitif. Les formes romanches sont encore analytiques :
venel fa en romanche, ven far en engandinois (avec un /n/ palatalisé) pour « je ferai ». Néanmoins volo a pu servir
autrefois d'auxiliaire : jaû vi, ti vol. Le futur du Frioul, du Tyrol en revanche est synthétique et formé avec avoir.
Si l'on veut parler d'influence probable du grec, elle se situe en Roumanie : voiŭ cinta (volo cantare) comparable
à thélô+infinitif. Cette construction existait déjà chez Cicéron (volo commemomare) et elle se retrouve chez le
poète africain Corripus du VIe s.
D'où la formation dans les langues romanes :
Latin cantare habeo je chanterai
cantare habes
cantare habet
cantare habemus
cantare habetis
cantare habent
Italien canterò (ho)
canterai (hai)
cantarà (ha)
cantaremo (abbiamo)
cantarete (avete)
cantareno (hanno)
Espagnol cantaré (he)
cantarás (has)
cantará (ha)
cantaremos (hemos)
cantareis (habéis)
cantarán (han)
Portugais cantarei (hei)
cantarás (hás)
cantará (há)
cantaremos (havemos)
cantareis (haveis)
cantarão (hão)
Occitan cantarai (ai)
cantaràs (as)
cantarà (a)
cantarèm (avèm)
cantarètz (avètz)
cantaràn (an)
Französich chanterai
chanteras
chantera
chanterons
chanterez
chanteront
C'était la conjugaison. La syntaxe à présent: j'ai appris dans mon livre de grammaire d'ancien français que la forme Si + imparfait, proposition principale au conditionnel existait aussi au Moyen Age

Quid alors de l'influence latine alors ? Où est la forme subjonctive dans les deux propositions ?
[quote="Joseph Anglade, dans le chapitre 8 de sa "Grammaire de l'ancien français" et dont le

lien ne veut pas s'afficher en BBCode est le suivant:
https://fr.wikisource.org/wiki/Grammair ... Chapitre_8"]Propositions conditionnelles
L’ancienne langue connaît toutes les formes de la proposition conditionnelle que présente la langue actuelle. Mais grâce à l’emploi de l’imparfait et du plus-que-parfait du subjonctif, elle possède un plus grand nombre de combinaisons.
Voici d’abord des cas où l’hypothèse, la condition sont indiquées par le verbe à l’imparfait du subjonctif, sans qu’il soit nécessaire de le faire précéder de la conjonction si, se, qui sert à introduire les propositions conditionnelles. Ex. :
Car la tenisse en France e Bertrans si i fusset,
A pis et a martels sereit aconseüde. (Pélerinage, 327.)
Car si je la tenais en France et que Bertrand y fût, à coups de pics et de marteaux elle serait vite démolie.
Quer oüsse un serjant...
Jo l’en fereie franc. (Alexis, 226.)
Si j’avais un serviteur... je le ferais libre.
Fust i li reis, n’i oüssons damage. (Rol., 1102.)
Si le roi y était, nous n’y aurions pas de dommage.
Au vers 1717 de la Chanson de Roland, la même idée est exprimée par la tournure : S’i fust li reis...
On peut considérer ces subjonctifs comme des subjonctifs optatifs ; mais en fait il y a dans la pensée une hypothèse.
Hypothèse marquant la possibilité.
Si l’hypothèse le rapporte au futur ou si elle est considérée comme simplement possible, le verbe de la proposition conditionnelle peut se mettre à la plupart des temps de l’indicatif (y compris le futur, à la différence de la langue actuelle) ; le verbe de la principale peut être à l’indicatif ou au conditionnel.
Ce sont les règles de la syntaxe moderne, sauf en ce qui concerne l’emploi du futur dans la proposition conditionnelle. Cet emploi du futur est très rare d’ailleurs et ne se trouve guère que dans des textes traduits du latin.
Ex. :
Se truis Rolland, de mort li doins fidance. (Rol., 914.)
Si je trouve Roland, il peut être sûr de sa mort (mot à mot : je lui donne confiance de mort).
Il est inutile de donner des exemples de toutes les cons- tructions possibles, qui sont nombreuses. Voici un exemple de l’emploi du futur dans la conditionnelle.
Ex. :
Si je monterai el ciel, tu iluec iés ; si je descendrai en enfer, tu iés. (Psautier d’Oxford, 138, 7.)
Si je monte (monterai) au ciel, tu es là ; si je descends en enfer, tu y es présent.
Quelquefois, mais rarement et principalement avec une négation, le verbe de la proposition conditionnelle est au subjonctif présent.
Ex. :
S’en ma mercit ne se colzt[10] a mes piéz,
Et ne guerpisset la lei de chrestiiens,
Jo li toldrai la corone del chief. (Rol., 2682.)
Si en ma merci il ne se couche pas à mes pieds et s’il n’abandonne pas la loi des chrétiens, je lui enlèverai la couronne de la tête.
Mode irréel.[modifier]
Le mode irréel, c’est-à-dire l’hypothèse se rapportant au passé ou à un présent irréalisable, s’exprime de différentes manières.
Le verbe de la proposition conditionnelle est : 1) ordinairement à l’imparfait du subjonctif (ou plus rarement au plus-que-parfait) ; 2) quelquefois, comme dans la langue moderne, à l’imparfait ou au plus-que-parfait de l’indicatif ; 3) plus rarement au conditionnel.
Le verbe de la proposition principale est à l’imparfait ou au plus-que-parfait du subjonctif : très souvent au conditionnel.
Imparfait du subjonctif (ou plus-que-parfait) dans la proposition conditionnelle.
Ex. :
Se vedissons Roland...
Ensemble od lui i donrions granz colps. (Rol., 1804.)
Si nous voyions Roland... ensemble avec lui nous y donnerions de grands coups.
S’i fust li reis, n’i oüssons damage. (Rol., 1717.)
Si le roi y était, nous n’y aurions pas de dommage.
Se·m creïssez, venuz i fust mis sire. (Rol., 1728.)
Si vous m’aviez cru, mon seigneur y serait venu.
S’altre·l desist, ja semblast grant mençonge. (Roi., 1760.)
Si un autre l’avait dit, cela semblerait un grand mensonge.
E s’il volsist, il l’eüst mis a pié. (Cour. de Louis, 1095.)
Et s’il avait voulu, il l’aurait renversé.
Vos l’eüssiez destruit, se vos eüst pleü. (Aye d’Avignon, 3732.)
Vous l’auriez détruit, si cela vous avait plu[11].
Imparfait ou plus-que-parfait de l’indicatif dans la proposition conditionnelle (construction moderne). Cette combinaison n’apparaît guère qu’au xiie siècle ; elle paraît inconnue à la plus ancienne langue.
Ex. :
S’il le saveit, vos seriés vergondé. (Huon de Bordeaux, 4003.)
S’il le savait, vous seriez honni.
S’or vos aloie lor terre abandonner,
Tuit gentil home m’en devroient blasmer. (Raoul de Cambrai, 839.)
Si maintenant j’allais vous abandonner leurs terres, tous les gentilshommes m’en devraient blâmer.
Emploi du conditionnel dans la proposition conditionnelle (construction rare). Ex. :
Se tu ja le porroies a ton cuer rachater,
Volentiers te lairoie arière retorner. (Fierabras, 623.)
Si jamais tu pouvais le racheter avec ton cœur, volontiers je te laisserais revenir en arrière.
Des exemples de cette construction existent encore au xviie siècle[12].
Je meure si je saurois vous dire qui a le moins de jugement. (Malherbe, II, 634.)
Dans ces trois cas, le verbe de la proposition principale est, comme nous l’avons dit plus haut, au conditionnel (présent ou passé), à l’imparfait ou au plus-que-parfait du subjonctif. Il ne semble pas qu’on puisse établir de règle précise au sujet de ces emplois. Notons seulement que la formule la plus courante, quand les deux propositions du mode irréel concernent le présent ou le futur, paraît être : si j’osasse — je demandasse (= en fr. mod. : si j’osais, je demanderais) .[/quote]
Pour ceux que cela intéresse, voici un passage du "Bourgeois gentilhomme"
en français du XVIIe s. reconstitué. On prononce toutes les lettres comme au Moyen Age.