richard a écrit : 26 août 2022, 16:22En philosophie, le réalisme désigne la position qui affirme l’existence d’une réalité extérieure indépendante de notre esprit.
le réalisme s'oppose à l'idéalisme, lequel soutient que le monde n’est qu’une représentation et n’a pas d'existence autonome.
wikipedia.
Remarques intéressantes. Je poursuis.
Le point de vue opposé au réalisme n'est pas du positivisme mais du
solipsime. Le positivisme, quant à lui, ne se différencie pas autant que parfois supposé du réalisme. En particulier le positivisme ne s'oppose absolument pas à l’existence d’une réalité extérieure indépendante de notre esprit. Par contre, il se contente de remarquer l'impossibilité d'attribuer quelque propriété que ce soit à quelque système ou phénomène physique que se soit sans procéder à des observations.
Nous ne pouvons nous exprimer que sur ce que nous sommes en mesure d'observer, que ce soit de manière directe ou indirecte (par les conséquences d'un type d'interaction donné).
Pour aller un peu plus vers de l'applicatif, la distinction positiviste/réaliste devient plus concrète (et peut suggérer des voies de recherche différentes) quand il s'agit d'interpréter l'état quantique, la mesure quantique et la non localité quantique.
Pour un physicien réaliste :
- la mesure quantique est un phénomène physique objectif, indépendant de toute considération d'observateur.
- L'irréversibilité de la mesure quantique est elle aussi objective. Elle ne doit rien aux limitations d'accès à l'information de l'observateur (1)
- L'irréversibilité de l'écoulement du temps est lui aussi objectif selon un point de vue réaliste. L'écoulement irréversible du temps est un fait de nature, physique, objectif, valide à toutes les échelles d'observation. Il ne doit rien ni à l'observateur, ni à ses limitations d'accès à l'information. C'est le point de vue réaliste de feu Prigogine et de l'école de pensée qu'il a impulsée, l'école de pensée dite de Bruxelles-Austin.
- La croissance de l'entropie des systèmes isolés (le second principe de la thermo) est une conséquence et non une cause de l'écoulement irréversible du temps. (2)
La réduction du paquet d'onde est donc (toujours pour un réaliste) un phénomène physique objectif violant l'invariance de Lorentz à un niveau interprétatif. Il existe alors bien
une simultanéité absolue cachée, celle propre au référentiel quantique privilégié supposé. La simultanéité absolue, invariante par changement de référentiel inertiel, est celle de la réduction du paquet d'onde en même temps du côté d'Alice et du côté de Bob quand, par exemple, Alice procède à une mesure de polarisation de son côté.
Clairement, c'était le point de vue dont j'étais convaincu au moins jusqu'en 2015. C'est pour cela que je me suis interessé, dans les années 2000, à l'interprétation lorentzienne de la RR (3).
Dans cette interprétation (ne contestant nullement l'invariance locale "effective" de Lorentz des 4 interactions fondamentales connues) il y a bien une simultanéité absolue. Cette simultanéité absolue correspond à celle propre à un référentiel quantique privilégié. C'est dans ce référentiel quantique privilégié supposé (car jusqu'à ce jour inobservable) que la fonction d'onde (l'état quantique si on préfère) de la paire de photons EPR corrélés,
considérée comme une description physique objective de l'état de polarisation de cette paire de photons, est instantanément réduit.
Dans cette
interprétation réaliste de l'état quantique et de la mesure quantique (une interprétation attribuant un caractère objectif, cad indépendant de l'observateur, à la fonction d'onde, à la mesure quantique et à son irréversibilité), la mesure d'Alice
provoque une action instantanée à distance. Elle consiste en la projection instantanée du photon de Bob dans un état de polarisation bien défini. Cette action instantanée à distance
ne permet toutefois pas de transmettre instantanément de l'information (cf. le
no-communication theorem) en raison de l'impossibilité de biaiser les statistiques de mesure quantique (4) (le déterminisme des évolutions quantique ne nous permet pas d'influer sur les statistiques des résultats de mesure quantique. Ils dépendent, en fait, du futur. Cf.
Can a future choice affect a past measurement's outcome ?).
A l'époque, je préférais interpréter l'invariance de Lorentz comme une émergence à caractère thermodynamique statistique (que je supposais pouvoir être violée à une échelle d'observation à ce jour inatteignable) plutôt que de considérer l'état quantique comme un modèle de la seule connaissance détenue par un observateur sur l'état d'un système. Je trouvais cette interprétation positiviste de l'état quantique presque insupportable...
...Mais bon, même quand on est très fortement convaincu de quelque chose, la curiosité et la recherche ("débiaisée") d'informations avec l'envie de comprendre peuvent nous amener à changer d'avis.
Pour un positiviste,
La fonction d'onde ne caractérise pas l'état d'un système, mais caractérise la
connaissance maximale que peut posséder un observateur d'un système donné et, dans ce cas, faire les meilleures prédictions qu'il lui soit possible de faire relativement à ce système.
La réduction du paquet d'onde ne peut alors pas non plus (toujours selon le point de vue positiviste) se passer de la grille de lecture d'une classe d'observateurs (et non de la présence d'un observateur. Cette présence n'est absolument pas nécessaire bien sûr). Un système a subi une évolution qualifiée d'irréversible quand l'information qui permettrait de connaitre l'un de ses états antérieurs est devenue inaccessible à une classe d'observateurs...
...et c'est de cette inaccessibilité à certaines informations ("myopie" de l'observateur macroscopique, inaccessibilité aux informations situées hors de son cône de passé et absence de traces observables du futur) qu'émerge à la fois :
- l'indéterminisme quantique d'une part (connnaissance incomplète du futur d'un système donné)
- l'irréversibilité de la mesure quantique d'autre part (connnaissance incomplète du passé d'un système donné)
Nier l'existence de l'indéterminisme au prétexte qu'il découle des limitations d'accès à l'information de l'observateur est de même nature que nier l'écoulement irréversible du temps qui en découle tout autant (ces deux notions sont, en fait, T-symétriques l'une de l'autre).
J'ai basculé dans le camp positiviste quand je me suis rendu compte (5) que le
franchissement d'une barrière de potentiel à vitesse de groupe supraluminique était invariante de Lorentz (6).
Le miracle dans tout ça, c'est que comme nous avons la même grille de lecture, l'intersubjectivité est préservée. Cette intersubjectivité nous donne ainsi une trompeuse impression d'objectivité. Ce chausse-trappe interprétatif n'était pas facile à détecter fin 19ème eu égard aux progrès absolument prodigieux que la science avait faits depuis l'époque de Newton. Cela donnait aux physiciens de cette époque l'impression que ça y était, on savait tout des "lois de l'univers" interprétées comme objectives, un progrès fulgurant de la science en quelques siècles probablement très fortement favorisé par la large diffusion des connaissances qu'avait permis l'invention de l'imprimerie...
...Tout ça a considérablement accéléré le progrès de nos connaissances. Le "fameux pouvoir d'achat" (d'achat de nourriture, d'achat de vêtements, d'achat de moyens de transport, d'achat d'appareils électroménagers, d'accès à l'éducation nationale, d'accès aux soins et au système de santé...) dont nous parlons sans cesse n'existerait pas sans les découvertes scientifiques et les développements industriels réussis par quelques industriels inventifs qui ont su investir, prendre des risques, exploiter ces découvertes, organiser le travail et créer ainsi efficacement de la valeur ajoutée (une valeur ajoutée sans laquelle nous n'aurions aucun "pouvoir d'achat")...
...et maintenant nous sommes confrontés au monstre que nous avons créé, un monstre dont nous sommes pas mal esclaves tous autant que nous sommes dans les pays développés.
(1) Dire d'une mesure quantique qu'elle est irréversible signifie qu'après une mesure de spin horizontal (par exemple) le résultat est...
...un spin horizontal (right ou left). L'information sur le spin antérieurement possédé est détruite. Une fois qu'il a subi une mesure de spin horizontal, un spin (1/2) antérieurement vertical up, s'il est remesuré verticalement après mesure de spin horizontal, a 50% d'être trouvé up et 50% d'être trouvé down.
Cette observation d'un spin unique ne permet absolument pas de nous renseigner, de quelque façon que se soit,
sur le spin qu'il avait avant cette mesure. Mieux, du point de vue positiviste, le simple fait de dire
qu'il avait un spin avant cette mesure, sans référence à une mesure antérieure, est une erreur. Un état quantique est, définitivement, selon le point de vue positiviste
, la propriété d'un couple observateur-système observé...
... et du coup, la majeure partie des "paradoxes quantiques" disparaissent avec l'acceptation de cette interprétation positiviste à la Fuchs, Peres, Rovelli, Grinbaum, Bitbol, Gell-mann et compagnie (une affirmation bien entendue rejetée par le camp, maintenant nettement minoritaire, des
physiciens réalistes).
(2) A noter un fait pas connu de tous. On dit souvent d'Einstein qu'il se classait dans le camp des réalistes. C'est vrai du point de vue de la fonction d'onde et de la réduction du paquet d'onde, mais c'est faux du point de vue de sa préférence pour une interprétation de la relativité se passant d'éther. L'éther, ou plutôt le référentiel de repos supposé de l'éther, n'est pas nécessaire à l'établissement de la Relativité Restreinte. L'hypotèse d'un référentiel de repos de l'éther introduit un référentiel inertiel privilégié inobservable.
Le positiviste privilégie le principe d'Occam. Il laisse donc de côté toute hypothèse superflue pour rendre compte de ce qui est observable (même si certaines analogies rendent quand même l'hypothèse d'existence d'un référentiel de repos du milieu de propagation des ondes lumineuses et des ondes quantiques de matière drôlement tentante). Il suffit de formaliser mathématiquement les invariances observées (l'invariance de Lorentz, c'est à dire l'invariance relativiste de la loi de propagation des ondes électromagnétiques) sans demander aux ondes électromagnériques et aux ondes de matière de se propager à une vitesse déterminée par rapport au référentiel de repos supposé (il est inobservable) de leur milieu de propagation (le vide quantique du champ considéré).
L'attribution d'une étiquette foncièrement réaliste à Einstein est fausse aussi concernant l'écoulement irréversible du temps. De ce point de vue, Einstein se plaçait très clairement, là aussi, dans le camp des positivistes (cf. le courrier écrit par Einstein quelques mois avant sa mort où il s'y exprimait sur le sujet de l'écoulement irréversible du temps. Il le qualifiait d'illusion persistante, dans un courrier destiné à la famille en deuil de l'un de ses amis suite à la mort de cet ami).
(3) Au départ, en 2000, j'ignorais que l'interprétation lorentzienne de la Relativité Restreinte existait déjà et qu'elle portait ce nom. Ne la connaissant pas, je l'avais baptisée Relativité synchrone. C'est JP Vigier qui m'a appris, en 2002, que cette interprétation réaliste des effets relativistes (contraction de Lorentz objective, dilatation temporelle de Lorentz objective et simultanéité absolue associée à un référentiel inertiel privilégié caractérisant l'état de mouvement supposé de l'éther, le milieu de propagation des ondes de matière et de lumière) existait déjà. Les positivistes (Einstein en tête) considèrent que l'éther, le milieu de propagation des ondes de lumière et de matière,
n'a pas d'état de mouvement puisque cet état de mouvement est à ce jour inobservable...
(4) Mathématiquement, le no-communication theorem découle du fait que toute observable locale (opérateur hermitien dans un espace de Hilbert) côté Alice commute avec toute observable locale côté Bob. Les statistiques des résultats de mesure de Bob ne dépendent donc aucunement de l'orientation du polariseur d'Alice. Bob ne peut donc tirer aucune information sur ce que fait Alice en tentant de se servir des corrélations entre ses mesures de polarisation et celles d'Alice (et "lycée de Versailles") malgré la quelque peu surprenante
violation des inégalités de Bell.
(5)...après m'être laissé tenter quelques semaines par la recherche d'une sorte de Morley-Michelson quantique basé sur l'effet Hartman. Mon idée était d'exploiter le caractère supraluminique de la vitesse de groupe à la traversée, par effet tunnel, d'une barrière de potentiel, pour rendre mesurable notre vitesse absolue, notre vitesse par rapport à un hypothétique référentiel quantique privilégié, le référentiel de repos supposé d'un milieu de propagation des ondes quantiques. Evidemment ça ne marche pas parce que cet effet est bien évidemment invariant de Lorentz. Cela rend ce fameux référentiel quantique privilégié (s'il existe) inobservable à ce jour (c'est à dire tant qu'aucune violation d'invariance de Lorentz n'est observable).
(6) Cet effet, dit
effet Hartman, se moque donc allègrement de notre projection anthropocentrique du principe de causalité sur les équations time-asymétrisées que nous privilégions pour modéliser les évolutions...
...alors que les lois (à ce jour) fondamentales de la physique sont CPT symétriques. A noter toutefois que
l'effet Hartman continue à être objet de controverse, controverse dans laquelle le lien wiki cité ci-dessus prend, à mon sens imprudemment, un peu position.
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