3ème guerre mondiale?

Ici, on discute de sujets variés...
Jean-Francois
Modérateur
Modérateur
Messages : 27998
Inscription : 03 sept. 2003, 08:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5876

Message par Jean-Francois » 17 oct. 2023, 01:29

Inso a écrit : 16 oct. 2023, 19:15Quel serait l'équivalent d'antisémitisme appliqué aux arabes / musulmans ?
Antisémitisme conviendrait vu que l'arabe est une langue sémite... je suis conscient d'ajouter un peu d'huile sur le feu du chipotage sémantique :mrgreen:

--------------
Dominique18 a écrit : 16 oct. 2023, 20:15Étymologiquement, islamophobie correspond à la phobie de l'islam. L'islam représente une idée, pas un individu.
Islamophobie, c'est essentialiser un individu, le ramener uniquement à sa religion
Les deux phrases me paraissent contradictoires: c'est justement quand on critique l'islam (ou certaines visions de) qu'on ne ramène pas un individu à sa religion... la critique porte sur la religion, sur des actions générales entrainées par celle-ci, pas sur un religieux en particulier*. Est-ce que "phobie" est une "crainte irrationnelle" dans ce cas? Pas si des arguments sérieux sont présentés. Mais si on ne peut répondre aux arguments, on dit "islamophobie" pour contourner toute argumentation.

Jean-François

* Et pas l'origine ethnoculturelle du ou des musulmans. Dire "islam-" n'est pas confondre arabes et musulmans (sauf chez ceux qui pensent qu'on peut vivre en Islamie**).
** Ça existe, j'en ai rencontré. Ça ne voulait pas me croire qu'un arabe pouvait être juif ou chrétien***... c'est dur, parfois, de penser que ça vote. Soupirs!
*** J'ai pas essayé avec athée, je ne pense pas que ça comprenne le concept.
“Belief is the wound that knowledge heals.” (Ursula Le Guin, The Telling)
("La foi est la blessure que le savoir guérit", Le dit d'Aka)

Avatar de l’utilisateur
Dominique18
Messages : 10179
Inscription : 06 oct. 2020, 12:27

Re: 3ème guerre mondiale?

#5877

Message par Dominique18 » 17 oct. 2023, 07:46

@ Jean-François

Le chipotage sémantique, tout à fait, j'en ai bien conscience. Ce n'est pas tant rajouter de l'huile sur le feu que de vouloir se montrer précis et accéder à l'ensemble des informations.
Le terme d'islamophobie est devenu tellement suspect qu'il est préférable de ne pas l'utiliser. Ce terme est constamment source de problèmes, ce n'est pas une vue de l'esprit, genre coupeur de cheveux en quatre.
86lw a mis le doigt sur la cécité intellectuelle nécessaire pour faire passer l'escroquerie.
...Bref, lorsque l'on souhaite dénoncer les agissements de certaines personnes aussi dangereuses que l'étaient fascistes et nazis en leur temps, on se fait taxer de racisme...
Et il faut en plus admettre qu'au niveau rhétorique, c'est superbement joué...
Traiter une personne d'islamophobe est assurément le plus sûr moyen de le désigner comme cible potentielle à tout un tas de cinglés. Khomeini et sa clique ne s'y sont pas trompés. Du chiisme initial on est passé au sunnisme par capillarité. Les frères ennemis se sont très bien accommodés de cette situation qui servaient leurs intérêts respectifs. C'est devenu très vite un étendard pour démarrer une croisade. Samuel Paty en a fait les frais, Salman Rushdie est catalogué définitivement avec le lot de contraintes afférent.

C'est un mot problème, chargé de trop d'ambiguïtés pour être honnête. Et il ne permet pas d'identifier clairement
l'objet de la critique, c'est à dire d'établir le distinguo clair et rigoureux entre islam et islamisme, ce qui arrange bien les affaires des radicalisés.

Le terme ne poserait pas de soucis s'il restait neutre. Or, dès le départ, dans sa version "modernisée", il ne l'a jamais été, et il ne pouvait pas l'être. Ca aurait représenté une contradiction contreproductive. C'est en cela que les "idiots utiles" n'y voient que du feu. En l'employant, avec un minimum de recul et de distanciation, on n'a pas la garantie de savoir où on met les pieds. Ce qui échappe totalement aux "idiots utiles".

De quoi parle-t-on précisément? Que cautionne-t-on exactement ?
Ce n'est pas pour rien que durant la pleine activité de l'ex-CCIF, ses ardents zélateurs, avec le concours indirect d'Amnesty International France, mettaient la pression pour que l'islamophobie devienne un objet juridique.
Le législateur n'est pas tombé dans le piège, et il y a peu de chances, du moins en France, que l'attitude inverse émerge, après les derniers événements qui se sont produits.

A rapprocher d'un autre terme qui ressurgit de temps à autre, pour des raisons analogues : le terme de blasphème.
Souvent les deux sont associés, curieusement...
La question est définitivement réglée par le législateur pour ce dernier. Il n'empêche qu'il est souvent nécessaire, dans le débat public, de rappeler quelques notions juridiques. Une ministre, Nicole Belloubet, s'est d'ailleurs pris les pieds dans le tapis au sujet de l'affaire Mila.

Intellectuellement, on peut toujours s'interroger sur la sémantique d'un terme et en remplir des pages. C'est de la rhétorique qui produit des merveilles et autant d'impasses.
Une société, laïque et républicaine en l'occurrence, ne s'organise pas autour de mots, mais sur des notions de droit, avec un corpus législatif. Il vaut mieux que ce dernier soit clair, précis et ferme.
Ce qui ferme aussi la porte à des intrusions exotiques comme la charia, la loi islamique, où le spirituel supplanterait le temporel.
L'Angleterre connaît quelques soucis à ce niveau, même si "l'emballage" reste encore "soft".

https://www.lepoint.fr/monde/quand-la-c ... 234_24.php

De l'islamophobie à la charia, il n'y a qu'un pas. Il vaut mieux y prendre garde. Le voile islamique, l'abaya, ne sont pas apparus par hasard, et il s'agit de toute autre chose que de "fast fashion" comme nous avons pu l'entendre.
Certains vêtements ou accessoires appartiennent à cette "fast fashion" (top crop par exemple), pas l'abaya ou le voile.
L'artifice du bandana pour couvrir les cheveux n'a pas fait illusion. Les personnels de l'éducation nationale savent à quoi et à qui ils ont affaire, ce sont des professionnels, des experts en leur domaine.
Tous les mouvements intégristes religieux, sectaires, recourent à ces pseudo-concepts et à ces strtagèmes.

J'ai abordé le terme de blasphème.
La Suède et le Danemark ont quelques problèmes à affronter en ce sens.

Identification d'une situation :
https://www.lefigaro.fr/vox/societe/eme ... s-20220421

Réponses gouvernementales :
https://www.slate.fr/audio/expliquez-no ... ligion-131

Il est à noter que ces soubresauts sont tous de facture récente, alimentés par un contexte qui n'a cessé de se développer et de se renforcer.
La laïcité française reste une exception, et elle permet à la démocratie de tenir debout en ces temps très agités par des questions religieuses qui sont loin d'être pacifiques.

Avatar de l’utilisateur
Wooden Ali
Messages : 5070
Inscription : 09 déc. 2006, 21:31

Re: 3ème guerre mondiale?

#5878

Message par Wooden Ali » 17 oct. 2023, 11:37

A propos de sémantique. Le suffixe -phobie a changé de sens. Il signifiait "peur" conformément à son origine comme dans arachnophobie, claustrophobie ... Il est utilisé maintenant pour signifier "haine" comme dans islamophobie, homophobie ... Deux sentiments puissants mais pas forcément liés. Avoir peur des araignées n'est pas répréhensible car elle ne relève pas de la morale contrairement à l'acception actuelle qui rend coupable d'avoir peur. Ajoutez phobie au nom de votre groupe et vous avez désigné l'ennemi, moralement indigne. A quand la macronophobie ou la LFIphobie ?
Aujourd'hui, on ne sait plus comment dire qu'on a peur de l'Islam. Ou si on le dit, on est un salopard de raciste ... et même un nazi (mineur).
Les faits ne pénètrent pas dans le monde où vivent nos croyances. Marcel Proust

Gloire à qui n'ayant pas d'idéal sacro-saint
Se borne à ne pas trop emmerder ses voisins ! Georges Brassens

Mon Dieu ! Mon Dieu ! Pourquoi m'as-tu abandonné ? Dieu

Avatar de l’utilisateur
Dominique18
Messages : 10179
Inscription : 06 oct. 2020, 12:27

Re: 3ème guerre mondiale?

#5879

Message par Dominique18 » 17 oct. 2023, 12:43

@ Wooden Ali

Exact et bien vu pour le rappel.
La puissance de la rhétorique au service de la cavité intellectuelle.
Le glissement sémantique de peur, ou crainte, à haine, ce qui, comme tu le fais remarquer, sont deux sentiments qui ont peu de rapports, l'un envers l'autre, mais qui peuvent en avoir, au terme d'un processus. Les islamistes et leurs affidés ne s'embarrassent pas de ces subtilités linguistiques. Ils pratiquent le binaire bas de plafond et brutal. Marteau et burin...

Ce glissement sémantique, dans le cas de l'homophobie, serait apparu dans les années 70 pour le suffixe phobie.
Ce qui peut s'expliquer, ces années étant caractérisées par des luttes politisées pour la reconnaissance et l'obtention institutionnelles de droits humains.
Dernière modification par Dominique18 le 17 oct. 2023, 12:58, modifié 1 fois.

Florence
Messages : 11489
Inscription : 03 sept. 2003, 08:48

Re: 3ème guerre mondiale?

#5880

Message par Florence » 17 oct. 2023, 12:48

Wooden Ali a écrit : 17 oct. 2023, 11:37 A propos de sémantique. Le suffixe -phobie a changé de sens. Il signifiait "peur" conformément à son origine comme dans arachnophobie, claustrophobie ... Il est utilisé maintenant pour signifier "haine" comme dans islamophobie, homophobie ... Deux sentiments puissants mais pas forcément liés. Avoir peur des araignées n'est pas répréhensible car elle ne relève pas de la morale contrairement à l'acception actuelle qui rend coupable d'avoir peur. Ajoutez phobie au nom de votre groupe et vous avez désigné l'ennemi, moralement indigne. A quand la macronophobie ou la LFIphobie ?
Aujourd'hui, on ne sait plus comment dire qu'on a peur de l'Islam. Ou si on le dit, on est un salopard de raciste ... et même un nazi (mineur).
… une des raisons étant que les racistes et les nazifiants ont délibérément utilisé "islam" pour prétendre que leur cible n'était pas les "Arabes" ou les "noirs" mais la religion à laquelle ces populations sont censées prêter allégeance au détriment des valeurs occidentales …
"As democracy is perfected, the office of President represents, more and more closely, the inner soul of the people. On some great and glorious day, the plain folks of the land will reach their heart's desire at last and the White House will be adorned by a downright moron." - H. L. Mencken

Igor
Messages : 6851
Inscription : 05 déc. 2010, 02:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5881

Message par Igor » 17 oct. 2023, 13:49

Wooden Ali a écrit : 17 oct. 2023, 11:37 A propos de sémantique. Le suffixe -phobie a changé de sens. Il signifiait "peur" conformément à son origine comme dans arachnophobie, claustrophobie ... Il est utilisé maintenant pour signifier "haine" comme dans islamophobie, homophobie ...
J'aurais mis homophobie dans la première catégorie (avec arachnophobie notamment), parce que l'islamophobie, c'est ambigu. Ça peut vouloir dire peur des islamistes seulement, ce qui est plus compréhensible. C'est tout aussi acceptable que anti-cléricale, on ne traite pas les gens de raciste pour ça.

Pour ce qui est de l'arachnophobie et de l'homophobie, c'est justifié pour les mouches surement, mais faut pas être petit, mesquin.
Dernière modification par Igor le 17 oct. 2023, 14:02, modifié 1 fois.

Avatar de l’utilisateur
Lambert85
Messages : 8204
Inscription : 23 nov. 2007, 07:48

Re: 3ème guerre mondiale?

#5882

Message par Lambert85 » 17 oct. 2023, 13:58

De quoi faire grincer quelques dents : https://www.youtube.com/watch?v=O4gCfvLdCKk
Русский военный корабль, иди нахуй ! 🇺🇦 :sniper:

Jean-Francois
Modérateur
Modérateur
Messages : 27998
Inscription : 03 sept. 2003, 08:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5883

Message par Jean-Francois » 17 oct. 2023, 16:56

Wooden Ali a écrit : 17 oct. 2023, 11:37 Aujourd'hui, on ne sait plus comment dire qu'on a peur de l'Islam. Ou si on le dit, on est un salopard de raciste ... et même un nazi (mineur)
À mon avis, comme pour toutes les religions, c'est le fanatisme qu'on a le plus à craindre. Dans le cas de l'Islam, il est clair que le texte prétendument sacré n'incite pas à la paix mais c'est aussi vrai de l'AT. Dans ce sens, peut-être que "coranophobe" et "biblophobe" seraient plus appropriés?

Ça n'empêchera pas ceux qui ne veulent rien écouter de ne rien comprendre... avec le risque de passer, à leur yeux, pour un nazi (à tiques).

Sinon, dans les exemples de reprises opportunistes du suffixe -phobe pour noircir la critique sans argumenter, il ne faut pas oublier celui donné par le tankie: "russophobe", comme dans "tu n'es pas d'accord que la Russie à le droit d'envahir un pays voisin qui n'a manifesté aucune velléité guerrière? T'es qu'un sale russophobe! (sous-entendu: tu hais tous les russes, je le savais!)".

Sinon, gros succès ukrainien dans l'attaque d'une base aérienne militaire russe près de Bedyansk. Pas mal d'hélicoptères de combat et autres machins explosifs mis hors combat, des humains aussi sans doute. Bientôt, les ruspoutiniens vont faire les rues de Moscou pour trouver de nouveaux pneus de protection.

Ça aurait pu inquiéter le chef de la flotte russe de la Mer Noire. Mais je n'ai pas vu de nouvelles récentes concernant Viktor Sokolov. Il semble toujours non-mort non-vivant.

Jean-François
“Belief is the wound that knowledge heals.” (Ursula Le Guin, The Telling)
("La foi est la blessure que le savoir guérit", Le dit d'Aka)

Avatar de l’utilisateur
Lambert85
Messages : 8204
Inscription : 23 nov. 2007, 07:48

Re: 3ème guerre mondiale?

#5884

Message par Lambert85 » 17 oct. 2023, 17:49

Et comment va Kadyrov ?
Русский военный корабль, иди нахуй ! 🇺🇦 :sniper:

Igor
Messages : 6851
Inscription : 05 déc. 2010, 02:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5885

Message par Igor » 18 oct. 2023, 23:24

Jean-Francois a écrit : 17 oct. 2023, 16:56 Mais je n'ai pas vu de nouvelles récentes concernant Viktor Sokolov. Il semble toujours non-mort non-vivant.
Moi non plus (l'avenir n'a pas encore parlé). Dans la même lignée aussi, que doit-on penser de cette frappe sur un hôpital de Gaza? https://www.lapresse.ca/international/m ... e-sang.php

Croyez-vous la version d'Israël?

Pour ma part, j'appliquerai le même raisonnement que celui que j'ai eu dans l'autre affaire, l'avenir le dira surement puisqu'il y aura enquête, et cela ferait trop de tort à Israël de mentir, ils admettraient que c'est un accident à la place. Ou bien ils savent qu'on ne pourra jamais savoir (mais si non, je les crois)?
Dernière modification par Igor le 18 oct. 2023, 23:29, modifié 1 fois.

Jean-Francois
Modérateur
Modérateur
Messages : 27998
Inscription : 03 sept. 2003, 08:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5886

Message par Jean-Francois » 18 oct. 2023, 23:28

Igor a écrit : 18 oct. 2023, 23:24Croyez-vous la version d'Israël?
Qu'un missile égaré par un groupe islamiste soit tombé au mauvais endroit me semble plus probable que le tir volontaire d'un missile israélien sur l'hôpital. Israel n'est pas la Russie poutinienne (qui bombarde indéniablement des cibles civiles en Ukraine, dont des hôpitaux).

Jean-François
“Belief is the wound that knowledge heals.” (Ursula Le Guin, The Telling)
("La foi est la blessure que le savoir guérit", Le dit d'Aka)

Igor
Messages : 6851
Inscription : 05 déc. 2010, 02:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5887

Message par Igor » 18 oct. 2023, 23:40

Jean-Francois a écrit : 18 oct. 2023, 23:28 Qu'un missile égaré par un groupe islamiste soit tombé au mauvais endroit me semble plus probable que le tir volontaire d'un missile israélien sur l'hôpital. Israel n'est pas la Russie poutinienne (qui bombarde indéniablement des cibles civils en Ukraine, dont des hôpitaux).
Effectivement. Et ça serait plutôt contradictoire avec cette aide humanitaire qu'ils viennent d'accorder (en plus de la directive de fuir pour le sud de la bande de Gaza). https://www.lapresse.ca/international/2 ... egypte.php

Avatar de l’utilisateur
Inso
Messages : 4232
Inscription : 11 mai 2013, 22:00

Re: 3ème guerre mondiale?

#5888

Message par Inso » 19 oct. 2023, 07:23

Jean-Francois a écrit : 18 oct. 2023, 23:28 Qu'un missile égaré par un groupe islamiste soit tombé au mauvais endroit me semble plus probable que le tir volontaire d'un missile israélien sur l'hôpital. Israel n'est pas la Russie poutinienne (qui bombarde indéniablement des cibles civiles en Ukraine, dont des hôpitaux).
Cela se confirme avec l'analyse des images disponibles.
Photos issues des réseaux sociaux palestiniens et vidéo d'Al-Jazeera (donc pro Hamas)
Thunderbolt and lightning very, very frightening me (Galileo)

Avatar de l’utilisateur
Dominique18
Messages : 10179
Inscription : 06 oct. 2020, 12:27

Re: 3ème guerre mondiale?

#5889

Message par Dominique18 » 19 oct. 2023, 08:53

Inso a écrit : 19 oct. 2023, 07:23
Cela se confirme avec l'analyse des images disponibles.
Photos issues des réseaux sociaux palestiniens et vidéo d'Al-Jazeera (donc pro Hamas)
Très bon article où il est rappelé l'importance de la mise à distance qui permet le décryptage de l'information, avec les moyens que l'on veut bien se donner.

Ce qui nous conduit à une analyse des croyances au sujet de ce dramatique évènement:
Hamas-Israël : "Les gens vont intégrer une information de sorte qu’elle vienne confirmer leurs croyances"

La vérité sur la responsabilité de la frappe sur l’hôpital de Gaza n’a désormais aucune importance. L’opinion publique a tranché : c’est Israël le coupable. Toutes les explications n’y feront rien », conclut Gérard Araud, ancien ambassadeur à Tel Aviv, sur son compte X (ex-Twitter). De fait, dans ce type de conflit extrêmement polarisé, quel rapport entretient-on avec les faits et la réalité ? Quel est le poids des biais cognitifs, suralimentés par les réseaux sociaux ? Stefano Palminteri, chercheur en neurosciences cognitives à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), revient pour Marianne sur la distorsion de la réalité, dans ce type de conflits, induite par le poids de nos propres croyances et par les réseaux sociaux.
Spoiler
Afficher
Hamas-Israël : "Les gens vont intégrer une information de sorte qu’elle vienne confirmer leurs croyances"
Entretien
Propos recueillis par Chloé Sémat
Publié le 18/10/2023 à 19:30

Au lendemain du bombardement d’un hôpital dans la bande de Gaza, ce 17 octobre, les messages accusant Tsahal, l’armée israélienne, ont aussitôt afflué sur les réseaux sociaux, alors que l'on ne connaît toujours pas avec certitude l'auteur du tir. Selon Stefano Palminteri, chercheur en neurosciences cognitives, ce comportement est révélateur d’un type de biais cognitif, consistant à intégrer de façon préférentielle des informations qui confirment nos propres croyances.

« C’est si dur de condamner les crimes de guerre d’Israël ? », « Pourquoi Gaza, qui se fait bombarder depuis des jours, aurait bombardé son propre hôpital ? […] Drôle de coïncidence »… Sur X (anciennement Twitter), ce type de messages se multiplient après l’explosion, dans la soirée de ce mardi 17 octobre, de l'hôpital Ahli Arab dans la bande de Gaza. Près de 24 heures après les faits, il n’y a toujours aucune certitude sur l’auteur de l’acte. Le Hamas accuse Tsahal, l’armée israélienne, d’être à l’origine du tir. Mais l’État hébreu, lui, renvoie la responsabilité sur le Djihad islamique palestinien, un groupe islamiste armé. L’armée israélienne a notamment diffusé, ce mercredi 18 octobre, la retranscription d'une conversation entre deux dirigeants du Hamas qui évoquent un tir de roquette du Djihad islamique.

La vérité sur la responsabilité de la frappe sur l’hôpital de Gaza n’a désormais aucune importance. L’opinion publique a tranché : c’est Israël le coupable. Toutes les explications n’y feront rien », conclut Gérard Araud, ancien ambassadeur à Tel Aviv, sur son compte X (ex-Twitter). De fait, dans ce type de conflit extrêmement polarisé, quel rapport entretient-on avec les faits et la réalité ? Quel est le poids des biais cognitifs, suralimentés par les réseaux sociaux ? Stefano Palminteri, chercheur en neurosciences cognitives à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), revient pour Marianne sur la distorsion de la réalité, dans ce type de conflits, induite par le poids de nos propres croyances et par les réseaux sociaux.

Marianne : Comment se créent puis se manifestent les biais cognitifs dans une situation telle que le conflit israélo-palestinien, très commenté sur les réseaux sociaux ?
Stefano Palmintero : Dans le cadre de ce conflit – et même si ce n’est pas spécifique à la crise israélo-palestinienne –, on parle d'un biais de confirmation. Il explique cette tendance à intégrer de façon préférentielle des informations qui confirment nos propres croyances préexistantes. Ce réflexe est applicable à beaucoup de situations où le débat est très polarisé, y compris le conflit entre le Hamas et l'État hébreu. Les gens ont des opinions assez fortes en faveur d’un camp ou d’un autre, et vont ainsi intégrer une nouvelle information de sorte qu’elle vienne confirmer leurs croyances. Toutefois, ce n'est pas un acte volontaire : c’est automatique, comme la plupart des biais cognitifs.

Les réseaux sociaux ont-ils tendance à accentuer ce phénomène ?
Même si le biais de confirmation n’est pas un problème spécifique aux réseaux sociaux, leurs algorithmes tendent à enrichir nos fils d’actualité avec des informations qui ont déjà attiré notre attention par le passé et qui sont idéologiquement proches de nos croyances. Et, en effet, cela peut avoir pour effet de court-circuiter et d'empirer les conséquences d’un biais de confirmation. Ce n’est même plus une question de distinction entre les fake news et les « vraies » informations.

Qu’une nouvelle soit vraie ou fausse, si l’utilisateur a manifesté un engagement vers un certain type de contenus – pro-palestiniens ou pro-israéliens, si l’on prend l’exemple du conflit –, l’algorithme va renforcer ce type d’informations et l’utilisateur va se retrouver conforté dans ses croyances. De fait, la vision du problème peut dévier de plus en plus – dans un sens ou dans l’autre – de la réalité du fait de cet ensemble d’informations déjà biaisé qui lui est fourni par le réseau social.

Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, une même information peut apparaître plusieurs fois sur nos fils. Quelles seront les conséquences de cet effet de répétition ?
En effet, s’ajoute à cette accumulation de contenus biaisés, la répétition de dix voire quinze fois la même information, ce qui crée un effet de familiarité et d’importance. De fait, la probabilité subjective et la pertinence de cette information vont être artificiellement gonflées par cet effet de répétition. Peu importe, dans le cadre du conflit par exemple, quels vont être les chiffres réels – combien de structures détruites, de personnes décédées… Si une personne a un fil d’actualité complètement biaisé dans un sens ou dans l’autre, il va automatiquement subir un biais cognitif – c’est-à-dire une déformation de la réalité dans la représentation mentale que l’on peut se faire d’un fait.

Selon une métaphore du philosophe américain Cass Sunstein, dans les années 2000, les réseaux sociaux sont comparés à des « chambres d’échos » car ils amplifient les biais cognitifs.

En réalité, cette théorie précède les réseaux sociaux. Il s’agit d’une situation où une même information est répétée et entendue plusieurs fois. Cette théorie est valable dans toutes les situations où nous nous entourons de personnes qui pensent comme nous. C’est naturel, puisqu’on se rapproche rarement de gens qui ont une opinion contraire à la nôtre. En quelque sorte, nous nous sélectionnons avant de nous rassembler. Et sur les réseaux sociaux, c’est la même chose : nous suivons des comptes de personnes qui vont partager des contenus qui rassemblent à ce que nous aurions pu partager. L’effet « chambre d’échos » va créer une polarisation, c’est-à-dire une extrémisation des positions de chaque groupe.

Quelle incidence de cette polarisation sur notre rapport aux faits et à la réalité ?
La polarisation est intrinsèquement une déformation de la réalité. Elle éloigne notre vision des faits de celle du « camp adverse ». De fait, il devient d’autant plus difficile de trouver un point de rencontre entre les opinions et les croyances des deux groupes. Comment se mettre d’accord si on ne perçoit pas la même réalité ?

Par Chloé Sémat
Dernière modification par Dominique18 le 19 oct. 2023, 08:59, modifié 3 fois.

Avatar de l’utilisateur
Lambert85
Messages : 8204
Inscription : 23 nov. 2007, 07:48

Re: 3ème guerre mondiale?

#5890

Message par Lambert85 » 19 oct. 2023, 08:54

Propagande typique du Hamas.
Русский военный корабль, иди нахуй ! 🇺🇦 :sniper:

Florence
Messages : 11489
Inscription : 03 sept. 2003, 08:48

Re: 3ème guerre mondiale?

#5891

Message par Florence » 19 oct. 2023, 12:44

Lambert85 a écrit : 19 oct. 2023, 08:54 Propagande typique du Hamas.
Ce n'est pas le Hamas qui a inventé le procédé, il est hélas vieux comme le monde et utilisé par les deux toutes les parties à quelque conflit que ce soit : dans un combat entre un petit et un grand, la majorité du public prendra parti pour le petit, quels que soient ses torts, ses actions ou les simples faits; il s'agit ensuite tout simplement de se faire passer pour le petit …

Le Hamas (et tout un tas de mouvements se prétendant libérateurs, anti-impérialistes/colonisation/système) en surjoue, et surfe dessus dans le cas précis, mais les va-t'en-guerre israéliens sont eux aussi passés maîtres dans son usage pour justifier tout un tas d'actions dont on ne peut dire qu'elles soient louables ou même justifiables, ce qui alimente fort commodément le discours de touts les anti-Israel et autres antisémites, hélas!
"As democracy is perfected, the office of President represents, more and more closely, the inner soul of the people. On some great and glorious day, the plain folks of the land will reach their heart's desire at last and the White House will be adorned by a downright moron." - H. L. Mencken

Igor
Messages : 6851
Inscription : 05 déc. 2010, 02:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5892

Message par Igor » 19 oct. 2023, 13:05

Inso a écrit : 19 oct. 2023, 07:23Cela se confirme avec l'analyse des images disponibles.
Photos issues des réseaux sociaux palestiniens et vidéo d'Al-Jazeera (donc pro Hamas)
Cela est très convainquant en effet, notamment l'absence de cratère caractéristique des bombes larguées par l'aviation israélienne (en plus il y a des preuves audio qui ont été interceptées où des combattants palestiniens admettent que le tir vient de leur camp).
Dernière modification par Igor le 19 oct. 2023, 13:21, modifié 1 fois.

Igor
Messages : 6851
Inscription : 05 déc. 2010, 02:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5893

Message par Igor » 19 oct. 2023, 13:08

Dominique18 a écrit : 19 oct. 2023, 08:53 Ce qui nous conduit à une analyse des croyances au sujet de ce dramatique évènement:
Hamas-Israël : "Les gens vont intégrer une information de sorte qu’elle vienne confirmer leurs croyances"

La vérité sur la responsabilité de la frappe sur l’hôpital de Gaza n’a désormais aucune importance. L’opinion publique a tranché : c’est Israël le coupable. Toutes les explications n’y feront rien », conclut Gérard Araud, ancien ambassadeur à Tel Aviv, sur son compte X (ex-Twitter). De fait, dans ce type de conflit extrêmement polarisé, quel rapport entretient-on avec les faits et la réalité ? Quel est le poids des biais cognitifs, suralimentés par les réseaux sociaux ? Stefano Palminteri, chercheur en neurosciences cognitives à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), revient pour Marianne sur la distorsion de la réalité, dans ce type de conflits, induite par le poids de nos propres croyances et par les réseaux sociaux.
Spoiler
Afficher
Hamas-Israël : "Les gens vont intégrer une information de sorte qu’elle vienne confirmer leurs croyances"
Entretien
Propos recueillis par Chloé Sémat
Publié le 18/10/2023 à 19:30

Au lendemain du bombardement d’un hôpital dans la bande de Gaza, ce 17 octobre, les messages accusant Tsahal, l’armée israélienne, ont aussitôt afflué sur les réseaux sociaux, alors que l'on ne connaît toujours pas avec certitude l'auteur du tir. Selon Stefano Palminteri, chercheur en neurosciences cognitives, ce comportement est révélateur d’un type de biais cognitif, consistant à intégrer de façon préférentielle des informations qui confirment nos propres croyances.

« C’est si dur de condamner les crimes de guerre d’Israël ? », « Pourquoi Gaza, qui se fait bombarder depuis des jours, aurait bombardé son propre hôpital ? […] Drôle de coïncidence »… Sur X (anciennement Twitter), ce type de messages se multiplient après l’explosion, dans la soirée de ce mardi 17 octobre, de l'hôpital Ahli Arab dans la bande de Gaza. Près de 24 heures après les faits, il n’y a toujours aucune certitude sur l’auteur de l’acte. Le Hamas accuse Tsahal, l’armée israélienne, d’être à l’origine du tir. Mais l’État hébreu, lui, renvoie la responsabilité sur le Djihad islamique palestinien, un groupe islamiste armé. L’armée israélienne a notamment diffusé, ce mercredi 18 octobre, la retranscription d'une conversation entre deux dirigeants du Hamas qui évoquent un tir de roquette du Djihad islamique.

La vérité sur la responsabilité de la frappe sur l’hôpital de Gaza n’a désormais aucune importance. L’opinion publique a tranché : c’est Israël le coupable. Toutes les explications n’y feront rien », conclut Gérard Araud, ancien ambassadeur à Tel Aviv, sur son compte X (ex-Twitter). De fait, dans ce type de conflit extrêmement polarisé, quel rapport entretient-on avec les faits et la réalité ? Quel est le poids des biais cognitifs, suralimentés par les réseaux sociaux ? Stefano Palminteri, chercheur en neurosciences cognitives à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), revient pour Marianne sur la distorsion de la réalité, dans ce type de conflits, induite par le poids de nos propres croyances et par les réseaux sociaux.

Marianne : Comment se créent puis se manifestent les biais cognitifs dans une situation telle que le conflit israélo-palestinien, très commenté sur les réseaux sociaux ?
Stefano Palmintero : Dans le cadre de ce conflit – et même si ce n’est pas spécifique à la crise israélo-palestinienne –, on parle d'un biais de confirmation. Il explique cette tendance à intégrer de façon préférentielle des informations qui confirment nos propres croyances préexistantes. Ce réflexe est applicable à beaucoup de situations où le débat est très polarisé, y compris le conflit entre le Hamas et l'État hébreu. Les gens ont des opinions assez fortes en faveur d’un camp ou d’un autre, et vont ainsi intégrer une nouvelle information de sorte qu’elle vienne confirmer leurs croyances. Toutefois, ce n'est pas un acte volontaire : c’est automatique, comme la plupart des biais cognitifs.

Les réseaux sociaux ont-ils tendance à accentuer ce phénomène ?
Même si le biais de confirmation n’est pas un problème spécifique aux réseaux sociaux, leurs algorithmes tendent à enrichir nos fils d’actualité avec des informations qui ont déjà attiré notre attention par le passé et qui sont idéologiquement proches de nos croyances. Et, en effet, cela peut avoir pour effet de court-circuiter et d'empirer les conséquences d’un biais de confirmation. Ce n’est même plus une question de distinction entre les fake news et les « vraies » informations.

Qu’une nouvelle soit vraie ou fausse, si l’utilisateur a manifesté un engagement vers un certain type de contenus – pro-palestiniens ou pro-israéliens, si l’on prend l’exemple du conflit –, l’algorithme va renforcer ce type d’informations et l’utilisateur va se retrouver conforté dans ses croyances. De fait, la vision du problème peut dévier de plus en plus – dans un sens ou dans l’autre – de la réalité du fait de cet ensemble d’informations déjà biaisé qui lui est fourni par le réseau social.

Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, une même information peut apparaître plusieurs fois sur nos fils. Quelles seront les conséquences de cet effet de répétition ?
En effet, s’ajoute à cette accumulation de contenus biaisés, la répétition de dix voire quinze fois la même information, ce qui crée un effet de familiarité et d’importance. De fait, la probabilité subjective et la pertinence de cette information vont être artificiellement gonflées par cet effet de répétition. Peu importe, dans le cadre du conflit par exemple, quels vont être les chiffres réels – combien de structures détruites, de personnes décédées… Si une personne a un fil d’actualité complètement biaisé dans un sens ou dans l’autre, il va automatiquement subir un biais cognitif – c’est-à-dire une déformation de la réalité dans la représentation mentale que l’on peut se faire d’un fait.

Selon une métaphore du philosophe américain Cass Sunstein, dans les années 2000, les réseaux sociaux sont comparés à des « chambres d’échos » car ils amplifient les biais cognitifs.

En réalité, cette théorie précède les réseaux sociaux. Il s’agit d’une situation où une même information est répétée et entendue plusieurs fois. Cette théorie est valable dans toutes les situations où nous nous entourons de personnes qui pensent comme nous. C’est naturel, puisqu’on se rapproche rarement de gens qui ont une opinion contraire à la nôtre. En quelque sorte, nous nous sélectionnons avant de nous rassembler. Et sur les réseaux sociaux, c’est la même chose : nous suivons des comptes de personnes qui vont partager des contenus qui rassemblent à ce que nous aurions pu partager. L’effet « chambre d’échos » va créer une polarisation, c’est-à-dire une extrémisation des positions de chaque groupe.

Quelle incidence de cette polarisation sur notre rapport aux faits et à la réalité ?
La polarisation est intrinsèquement une déformation de la réalité. Elle éloigne notre vision des faits de celle du « camp adverse ». De fait, il devient d’autant plus difficile de trouver un point de rencontre entre les opinions et les croyances des deux groupes. Comment se mettre d’accord si on ne perçoit pas la même réalité ?

Par Chloé Sémat
Très bonne analyse effectivement.

Jean-Francois
Modérateur
Modérateur
Messages : 27998
Inscription : 03 sept. 2003, 08:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5894

Message par Jean-Francois » 19 oct. 2023, 13:26

Inso a écrit : 06 sept. 2023, 16:53 Et à aujourd'hui, toujours pas de changement vers Kupyansk (malgré les annonces tonitruantes et répétées de quelques anonymes sur twitter)
Ça ne s'améliorepas vraiment pour les ruspoutiniens à Kupyansk. Et ils semblent avoir décidé de perdre tout ce qu'ils peuvent en hommes et matériel blindé à Avdiivka.

À force de perdre autant d'hommes jeunes sur le terrain, la Russie va finir par être repeuplée par la Chine ou la Corée du Nord ou la Belgique :mrgreen:

Jean-François
“Belief is the wound that knowledge heals.” (Ursula Le Guin, The Telling)
("La foi est la blessure que le savoir guérit", Le dit d'Aka)

Igor
Messages : 6851
Inscription : 05 déc. 2010, 02:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5895

Message par Igor » 19 oct. 2023, 14:01

Jean-Francois a écrit : 19 oct. 2023, 13:26 À force de perdre autant d'hommes jeunes sur le terrain, la Russie va finir par être repeuplée par la Chine ou la Corée du Nord ou la Belgique :mrgreen:
Ou bien avec le recours à une banque si elles préfèrent être entrent elles comme cela a déjà été dit.

Avatar de l’utilisateur
Dominique18
Messages : 10179
Inscription : 06 oct. 2020, 12:27

Re: 3ème guerre mondiale?

#5896

Message par Dominique18 » 19 oct. 2023, 14:17

Une autre analyse portant sur l'externalisation du conflit israélo-palestinien en Europe, et en particulier en France où il a rencontré un écho depuis la fin des années 60. Un rappel et une mise en perspective historiques.
Spoiler
Afficher
Glissade...De la révolution à l'aveuglement sur l'islamisme : 60 ans de dérive de la gauche radicale sur la Palestine

Par Hadrien Mathoux
Publié le 12/10/2023 à 19:56

Au-delà de la tragédie humaine, l'attaque du Hamas contre des civils israéliens a ses conséquences sur la gauche dans l'Hexagone, puisque la France insoumise a déclenché la colère de ses partenaires en renvoyant dos à dos l'organisation islamiste palestinienne et l'État hébreu. Une position qui vient de loin : des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, la gauche radicale a épousé le combat pour la Palestine sous toutes ses formes.
Un juste combat peut-il être mené en utilisant des moyens indignes ?

À ce dilemme philosophique qui traverse l'histoire de la politique, la réponse apportée par Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis, au lendemain d'une effroyable attaque terroriste menée par le Hamas contre des civils israéliens, n'a pas satisfait grand monde.

« Toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu'une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu'elle-même », a jugé Jean-Luc Mélenchon, semblant placer sur un pied d'égalité les ignominies commises par le groupe armé islamiste et la politique, certes éminemment contestable, menée par l'État hébreu. La France insoumise s'est un peu plus enfoncée en refusant de qualifier le Hamas de groupe « terroriste » et en paraissant incapable d'exprimer la moindre compassion pour la population israélienne, préférant placer le curseur sur « le contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne ».

L'extrême gauche a réussi à faire pire, puisque le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a carrément apporté, au lendemain des attentats, « un soutien plein et entier » à « la lutte armée » menée par les Palestiniens, le Hamas étant assimilé à « la résistance » – des propos pour lesquels le mouvement est visé par une enquête pour apologie du terrorisme. Ce même terme a été utilisé par le Parti des Indigènes de la République (PIR), le mouvement décolonial assurant « toute son affection militante » aux criminels islamistes. L'embrassement de la cause palestinienne par la gauche n'a bien sûr pas toujours épousé des contours aussi scabreux. Comprendre la dérive, c'est se replonger dans l'histoire d'un demi-siècle, puisque la naissance du tropisme « pro-palo » remonte au bouillonnement de la fin des années 1960.

LA COMPASSION N'A QU'UN TEMPS
Ce sont alors les courants issus de l'extrême gauche qui s'emparent de la cause de ce peuple sans terre, laquelle entre en résonance avec les passions de l'époque : décolonisation, anti-impérialisme, tiers-mondisme. Avant 1967, « le militantisme était surtout compassionnel », écrit Denis Sieffert, journaliste, spécialiste du conflit israélo-palestinien.

Les choses changent après la Guerre des Six Jours, qui voit Israël écraser ses voisins arabes au cours d'une offensive préventive éclair. Le Palestinien, auparavant considéré exclusivement comme un « réfugié », devient « un combattant. Il quitte un statut passif, victimaire, pour devenir acteur de sa propre histoire. Ce sont les fedayins, les combattants, qui vont évidemment passionner une partie de notre extrême gauche », poursuit le journaliste. Les maoïstes, en plein essor à l'époque, sont les soutiens les plus fervents des Palestiniens. Cinq ans après l'indépendance de l'Algérie et en pleine guerre du Vietnam, ils vivent la question palestinienne « comme un prolongement de la question coloniale » mais surtout comme « une pièce du puzzle planétaire » : la lutte contre un nouvel « axe américano-sioniste » est lancée. D'après Sieffert, un « facteur social et psychologique » intervient également : le « sentiment de marginalité » que les « maos », révolutionnaires insérés dans les marges sociales, retrouvent dans ces Palestiniens abandonnés de tous, y compris des pays arabes voisins.

Chez les trotskistes, l'engagement pro-palestinien est moins passionnel, mais le courant frankiste (proche de la Ligue communiste) s'en empare sur des bases théoriques : alors que toutes les guérillas du monde sont interprétées par l'extrême gauche comme des embryons de révolution, le Proche-Orient apparaît comme le foyer central de la résistance à l'impérialisme américain. Notons aussi la présence importante des chrétiens de gauche (PSU, Témoignage chrétien…), pour qui les luttes anti-coloniales et le tiers-mondisme compassionnel sont des marqueurs identitaires. Pour être complets, notons que cette nouvelle lutte est aussi un moyen pour les « gauchistes » de se poser en rupture face à une social-démocratie acquise à Israël.

LA QUESTION DE LA VIOLENCE
Ces premiers engagements ne vont pas sans faire renaître quelques démons, la plupart du temps de manière inconsciente. « La Guerre des Six Jours constitue un tournant, estime Emmanuel Debono, historien spécialiste du racisme. Elle libère l'expression de préjugés antisémites qui étaient relativement tus depuis la guerre et la révélation de la Shoah. La victoire militaire éclair d'Israël alimente les vieux stéréotypes du juif belliciste, dominateur ou encore manipulateur, à l'extrême gauche mais pas uniquement. » Une chose est sûre : en remportant une éclatante victoire militaire, l'État juif n'est plus le « pays des rescapés » pour toute la gauche : certains le considèrent désormais comme le bras armé de l'impérialisme occidental. Le PCF est emblématique de cette évolution : marqué par le vote de l'URSS en faveur de la création d'Israël en 1947, il s'alignera sur les positions de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à partir de 1970.

L'antisémitisme est à l'époque résiduel à l'extrême gauche. Même si le journal antisioniste militant Fedayin affirme avec Yasser Arafat que « la libération de la Palestine est au bout du fusil », il prône un « État palestinien démocratique et non sectaire » et condamne l'attentat du groupe Septembre noir lors des Jeux olympiques de Munich en 1972. Edwy Plenel, alors militant trotskiste est un des rares à appeler (sous pseudonyme) dans la revue Rouge à « défendre inconditionnellement » les terroristes palestiniens. Dix ans plus tard, le groupe Action directe condamnera les attentats de la rue des Rosiers, qualifiés de « massacre ».

Pourtant, la violence est un mode d'action privilégié par toute une frange du mouvement pro-palestinien. Dans son Histoire du mouvement national palestinien, le chercheur Nicolas Dot-Pouillard décrit par le menu les méthodes des réseaux radicaux armés, qui reconnaissent un « droit de légitime violence » aux Palestiniens et n'hésitent pas soit à les soutenir dans des combats (les militants Nicolas Roubie et Françoise Kesteman meurent en 1981 et 1984 après avoir combattu au Proche-Orient), soit à opérer en France. Souvent issus de la Gauche prolétarienne (une organisation maoïste), ces militants mènent des opérations hostiles aux intérêts israéliens, comme l'incendie de la banque Rothschild en septembre 1969 ou l'attaque de l'ambassade de Jordanie en juillet 1971.

LE PALESTINIEN ET L'IMMIGRÉ

En majorité, le soutien à la Palestine prend toutefois des formes pacifiques, plus ou moins radicales : manifestations, sit-in, boycotts, envoi de militants dans les Territoires occupés, développement de liens avec les organisations palestiniennes, prise à partie d'institutions ou d'organisations internationales… L'Association France Palestine Solidarité et le PCF apparaissent dans les années 1970 et 1980 comme les principaux catalyseurs du militantisme « pro-palo ».

Cette époque voit surtout l'émergence d'une nouvelle dynamique politique, décrite par Denis Sieffert : « L'image de marginaté radicale [des Palestiniens] fusionne dans l'imaginaire gauchiste avec une autre figure fraîchement apparue dans la société française : celle de l'immigré. » Alors que les travailleurs issus du Maghreb et de l'Afrique noire récemment décolonisés affluent sur le territoire français, la gauche radicale voit dans le soutien à la cause palestinienne le moyen de s'implanter dans ces milieux, qui vont progressivement faire figure de prolétariat de substitution pour des intellectuels organiques prompts à fétichiser ces ouvriers venus d'ailleurs. La fondation du Mouvement des travailleurs arabes symbolise cette stratégie.

Dans les années 2000, c'est avec le mouvement altermondialiste que la cause palestinienne fusionne. Les forums sociaux organisés dans le monde entier voient les militants trotskistes, écologistes ou communistes inviter des figures pro-palestiniennes, dans un contexte de contestation de la politique américaine au Moyen-Orient. Ceci amène parfois la gauche à faire concrètement la promotion de l'islamisme, comme lorsque Tariq Ramadan participe au Forum social européen à Saint-Denis en 2003 après avoir dénoncé dans un texte les « intellectuels juifs orientés par un souci communautaire ».

C'est que progressivement, le visage du combat pour la Palestine a changé : les militants laïques du Fatah cèdent du terrain aux islamistes du Hamas, qui transforment une lutte de libération nationale en djihad ouvertement antisémite. Face à cette transformation, la gauche de la gauche reste aveugle, voire complaisante. « Enfermée dans son carcan idéologique, la gauche radicale n'entend rien au conflit entre Israéliens et Palestiniens lequel lui apparaît comme le miroir de ses obsessions les plus chères, peste l'écrivain Laurent Sagalovitsch sur Slate en 2021. D'un côté, un infâme peuple de colonisateurs sans foi ni loi, de l'autre un peuple opprimé dont le cœur se nourrit d'intentions des plus pacifiques. » Pour Françoise Degois, journaliste et ex-conseillère de Ségolène Royal, « la gauche n'a pas de discours critique sur l'islamisme dans le monde arabe, car elle ne le connaît pas. Elle préfère faire du tourisme politique à Gaza plutôt qu'alerter sur l'absence d'élections libres ou la corruption du Fatah et du Hamas. »

CÉCITÉ
Habituée à romantiser la figure du musulman sur le sol français, l'extrême gauche a depuis longtemps abandonné l'intransigeance républicaine au profit d'un mielleux « droit à la différence ». Les combats fusionnent : en 2004, la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPP) s'engage contre l'interdiction du port de signes religieux à l'école, en défense du voile pour les jeunes filles. L'émergence du mouvement indigéniste et décolonial, à la fois pro-palestinien et soutien de l'islamisme, symbolise cette conjonction.

« Une partie de la gauche n'a pas intégré le facteur de l'islamisme, et n'a pas pris conscience de l'extrême radicalisation de la cause palestinienne, soupire Emmanuel Debono. Elle reste dans des réflexes idéologiques, ânonne des slogans comme "Palestine vaincra" ou "Palestine de la mer au Jourdain" sans parfois en comprendre l'origine et la portée. Il y a évidemment des forces agissantes, mais également une masse d'écervelés (ce qui ne les exonère pas de leur responsabilité…) qui pensent être du côté de la justice et d'un peuple palestinien idéalisé, contre un État israélien qui opprimerait par essence. » Plusieurs alertes avaient en réalité précédé les sorties incendiaires de la France insoumise : mise à l'honneur d'anciens terroristes comme Salah Hamouri, dénonciation d'un « régime d'apartheid » en Israël dans une résolution parlementaire communiste en mai dernier…

ON ENTERRE BIEN LE KIBBOUTZ… ET DANIEL BENSAÏD
Parallèlement à cette trajectoire, un cercle vicieux a nourri la dérive de la gauche. L'État d'Israël lui-même a bien changé, loin de l'idéal socialiste des kibboutzim ; le sionisme de gauche est porté disparu, dépassé par la montée d'un nationalisme théologique qui se nourrit de la menace représentée par le Hamas. Sur notre sol, les dernières décennies ont vu les Français de confession juive se détourner peu à peu d'elle, sous l'effet de plusieurs phénomènes conjoints.
La stratégie des frères musulmans. Le Hamas représente la branche armée, les frères ont bien d'autres cordes à leur arc...
L'occident n'est pas au bout de ses surprises... Saura-t-il réagir?
Pour rappel, il y en a combien qui n'ont pas vu venir Khomeini en 1979?
L'Iran est depuis devenu le "number one" en matière de terrorisme, direct, ou indirect: il fait faire le travail par les autres en ce cas.
Spoiler
Afficher
Les Frères musulmans font ce qu’ils disent et disent ce qu’ils font, écoutez-les
TRIBUNE. Les attaques contre l’école et la laïcité ont des soubassements intellectuels explicites de la part des Frères musulmans.

Par Florence Bergeaud-Blackler*

Publié le 19/10/2023 à 07h00, mis à jour le 19/10/2023 à 08h48

On ne comprend pas les attaques islamistes aux sens propre et figuré menées contre l'École et la laïcité si on ne prend pas en compte ses soubassements intellectuels.


Il est peu probable que ces nombreuses attaques menées depuis 1989 avec la retentissante affaire des foulards de Creil se seraient poursuivies avec une régularité sans faille sur trois générations de musulmans nés en Europe, si elle n'avait pas été réfléchie.

Les Frères musulmans européens se sont donnés pour mission d'ériger une société islamique avec les armes des sociétés occidentales auxquelles ils pensent pouvoir apporter la guidance, la morale et le sens qui leur manque. Les Frères pensent ce qu'ils font et ils font ce qu'ils pensent avec une patience redoutable. Ils ont un projet à très long terme auquel ils travaillent pour leur salut individuel et collectif : celui d'amener les musulmans réunis (la nation islamique ou Oumma) à instaurer la société islamique mondiale. J'en ai décrit les origines et les modalités dans Le Frérisme et ses réseaux (éd. Odile Jacob).

Une priorité, l'éducation
La priorité des Frères est l'éducation, c'est leur mission première, à laquelle ils réfléchissent depuis un demi-siècle en Europe. Elle a donné lieu à un document d'une importance fondamentale en 2000 à Doha (Qatar) que tous ceux qui s'intéressent d'une manière ou d'une autre aux formes légalistes d'islam politique devraient lire.

C'est à Château-Chinon en France (IESH) que, dès 1993, ils ont appelé́ à l'élaboration d'une « stratégie de l'action culturelle islamique en Occident » dans le cadre de l'Icesco, une organisation internationale spécialisée dans les domaines de l'éducation, des sciences et de la culture, branche de l'Organisation de la coopération islamique (OCI). (L'Icesco veut être à l'OCI ce que l'Unesco est à l'ONU.)

Ce plan à trente ou quarante ans, dont je vais exposer ici les grandes lignes, propose la mise en place de structures destinées à prévenir tout risque d'assimilation des musulmans dans les cultures des pays où leurs familles ont émigré.

Les Frères ne veulent pas seulement dissuader quatre générations de musulmans de toute intégration, synonyme pour eux de désislamisation, ils leur proposent un programme et des structures actives pour profiter des avantages (financiers, technologiques, intellectuels) de la tradition occidentale tout en restant dans l'espace normatif islamique et en participant activement à son extension. Dans ce document programmatique policé qui s'adresse à l'ensemble des musulmans, mais peut être lu par tous ceux qui ont accès à Internet, les Frères justifient leur stratégie de la façon suivante : l'éducation doit contribuer à l'amélioration de la qualité de vie des musulmans, à les adapter à leur environnement tout en leur permettant de donner une « image positive de l'islam ».

L'ensemble du document traduit des termes et des idées ultra-prosélytes qui pourraient choquer un lecteur occidental, en des formules et des mots du champ sémantique du multiculturalisme. Ici, permettre de donner une image positive de l'islam vise à suggérer que les populations issues des pays de tradition musulmane ont vocation naturelle à être des « citoyens musulmans » engagés dans la prédication de l'islam.

Protéger les musulmans « de l'invasion et de l'aliénation culturelles »
L'amélioration de la « qualité de vie » consiste, précise le document, à « corriger » chez les non-musulmans la vision qu'ils ont de la « culture islamique » en leur expliquant qu'il s'agit bien plus encore d'un mode de vie, d'une civilisation. Le musulman doit suivre « les commandements d'Allah, ses prohibitions, se parer de l'éthique islamique généreuse, […] agir dans le cadre de la charia qui repose sur deux principes : ordonner le bien, prohiber le blâmable ». Au passage, notons que le musulman ne peut pas seulement être croyant et pratiquant pour lui-même, il doit inciter les autres à faire de même.

Puisque l'islam propose un mode de vie et non seulement un culte, il faut au musulman un environnement spécifique. Il faut, explicite le document, protéger les musulmans « de l'invasion et de l'aliénation culturelles », leur garantir la sécurité et l'immunité culturelle, afin qu'ils ne perdent pas leur islam qui est à la fois leur culture, leur loi et leur civilisation naturelles. Ceci doit être réalisé par la création d'un environnement spécifique avec ses institutions (associations, amicales et entreprises) et par un travail constant d'accommodement de l'environnement à ses spécificités. Pour faire comprendre que ce qu'est l'islam authentique intégraliste, et intégrer le point de vue des musulmans dans le milieu où ils vivent tant au niveau politique, économique, social que culturel, il faut nouer des relations avec les différentes composantes de la presse occidentale influente sur l'opinion publique locale et internationale. Il faut agir « suivant un plan culturel islamique unifié », dans les milieux des immigrés pour leur faire conserver leur identité musulmane afin que leurs enfants la transmettent et l'intègrent à leur tour. Le marché de l'économie islamique remplit partiellement cette tâche en proposant au musulman une version halal des produits, mais aussi des espaces de consommation, des loisirs, des médias halal. L'éducation doit les préparer à entrer dans cet espace normatif.

Les Frères à l'origine de ce document de l'Icesco proposent également la mise en place de « leaders de l'action islamique » attachés à des organisations et centres culturels islamiques, qui pourront, en s'appuyant sur technologiques modernes (Internet), la tenue de conférences, de colloques, d'ateliers scientifiques et culturels, mettre en œuvre promptement et à large échelle les clauses et les dispositions de la stratégie.

La famille comme noyau de la cellule sociale
Pour que cette stratégie soit applicable, il faut renforcer la famille en sa qualité de noyau de la cellule sociale et sortir les enfants de l'école publique (laïque), dont l'emprise est mue pas un « désir ardent de déraciner l'enfant musulman ». S'appuyant sur des études sociologiques et psychologiques, les Frères expliquent qu'il est tout à fait naturel que cette emprise agressive sur l'enfant musulman rejaillisse négativement sur ses aptitudes et sur son adaptation scolaire. Il faut empêcher l'école occidentale de détruire la structure à laquelle se réfère l'enfant inconsciemment, en tentant de démolir méthodiquement et systématiquement des valeurs qu'il tient de sa famille et de l'islam, qui est bien plus qu'une religion au sens occidental du terme.

L'Occident peut tirer parti des vertus de l'islam et des potentialités musulmanes « si elle décide de reconnaître que l'islam est une religion, une culture et une civilisation » et si elle veut bien enclencher le processus d'un dialogue avec les communautés et les minorités musulmanes en Occident. Mais, préviennent les Frères, « si elle reste préoccupée par le vœu de les faire fusionner dans son milieu, mieux vaut souligner avec beaucoup de regrets que la crise actuelle persistera encore ». L'Occident ne pourra donc pas faire sans l'islam comme civilisation sans se créer des problèmes alors qu'il pourrait en profiter positivement.

Les Frères font ce qu'ils disent et disent ce qu'ils font
Pour cela, les Frères préconisent de faire appel aux institutions européennes (le Conseil européen et le Parlement européen) pour soutenir ses projets « culturels » et éducatifs, de préparer un « plan rigoureux » de soutien aux intellectuels et éducateurs musulmans, de convaincre les autorités éducatives occidentales d'intégrer des cours d'éducation islamique dans les programmes officiels de l'école publique, comme en Belgique (où ils se sont largement déployés depuis).

Le document propose de créer des écoles islamiques et des facultés de sciences de l'éducation réservées aux enfants musulmans, et qui seraient financées par des legs pieux, des dons de gouvernements de pays islamiques et d'Europe, des associations caritatives européennes. Une instance scientifique supervisée par l'Icesco et un observatoire islamique en Europe seraient chargés de préparer la méthodologie d'enseignement et d'éducation propre aux écoles islamiques privées, avec possibilité de coordination avec les autorités européennes responsables de l'éducation, enseignements diffusés par une Fédération des écoles islamiques européennes. La stratégie prévoit également d'inciter le public musulman et non-musulman à s'intéresser aux arts et lettres islamiques à travers un plan pour les programmes de distraction et de loisir halal, notamment les programmes pour enfants et les émissions culturelles.

Depuis l'adoption, à Doha, de cette stratégie par les pays de l'OCI, le programme des Frères est en voie de réalisation, s'appuyant sur deux mouvements, push et pull. D'une part, un travail séparatiste consistant à pousser les musulmans hors de l'environnement laïque pour les placer dans l'espace du halal, et d'autre part un travail pour attirer, séduire et, finalement, accommoder l'environnement. L'objectif est d'obtenir l'acceptation de la société occidentale à la présence de cet islam fondamentaliste, intégraliste, dogmatique, suprémaciste et expansionniste, de le faire passer pour le seul islam valide en délégitimant toute autre lecture. Les Frères n'ont pas fait que convaincre une partie des musulmans, ils ont aussi influencé les non-musulmans en mobilisant, de façon purement instrumentale, l'argument multiculturaliste que certains appellent créolisation.

La visée séparatiste de ce document est claire, mais elle a été entravée en France par des lois comme celle de l'interdiction du hijab en 2004. C'est pourquoi la stratégie d'accommodement est devenue prioritaire sur le séparatisme, qui fonctionne mieux dans d'autres pays comme la Belgique ou le Royaume-Uni. Dans notre pays où les réseaux laïques sont nombreux et vigilants, les Frères travaillent plutôt à accommoder l'environnement avec leurs alliés utiles, par l'influence, l'entrisme, le noyautage et par la systématisation de l'accusation d'islamophobie envers tous ceux qui entravent leur projet. Pour comprendre les agressions dont fait l'objet l'École républicaine dans notre pays, il faut avoir en tête ce programme des Frères musulmans.

Les attaques (assassinats), les offensives (abayas), les refus opposés à certains enseignements, les protestations dont le rapport Obin et celui des Territoires perdus de la République de Georges Bensoussan, dont il est fait état dès 2004, ne sont pas tant l'œuvre d'une incapacité d'intégrer (des enfants musulmans ou d'autres cultures et religions y parviennent), ils sont aussi le produit idéologique d'un islamisme légaliste dont l'emprise mentale sur des millions de Français musulmans et non-musulmans est aujourd'hui préoccupante. Quand on sait qu'une très forte majorité de jeunes musulmans pensent que la charia l'emporte sur les lois de la République, que l'immense majorité des établissements de formation et d'éducation, de centres islamiques est dominée par l'idéologie frériste, on ne peut guère s'étonner des difficultés croissantes que l'école rencontre.

Là est le problème, mais là réside en partie la solution. Pour résoudre le problème, nous devons apprendre à nous décentrer et à regarder dans la bonne direction. Les enseignants doivent être formés à cette idéologie pour comprendre comment les enfants sont, en dehors de l'école, à penser, à concevoir le monde. L'autoflagellation est inutile, car tout ce qui nous arrive n'est pas toujours le produit de notre volonté. Les Frères font ce qu'ils disent et disent ce qu'ils font. Écoutons-les.

* Docteure en anthropologie (HDR), chargée de recherche CNRS, elle est l'autrice du Frérisme et ses réseaux (éd. Odile Jacob).
Dernière modification par Dominique18 le 19 oct. 2023, 14:38, modifié 1 fois.

Igor
Messages : 6851
Inscription : 05 déc. 2010, 02:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5897

Message par Igor » 19 oct. 2023, 14:37

Dominique18 a écrit : 19 oct. 2023, 14:17 Une autre analyse portant sur l'externalisation du conflit israélo-palestinien en Europe, et en particulier en France où il a rencontré un écho depuis la fin des années 60. Un rappel et une mise en perspective historiques.
Spoiler
Afficher
Glissade...De la révolution à l'aveuglement sur l'islamisme : 60 ans de dérive de la gauche radicale sur la Palestine

Par Hadrien Mathoux
Publié le 12/10/2023 à 19:56

Au-delà de la tragédie humaine, l'attaque du Hamas contre des civils israéliens a ses conséquences sur la gauche dans l'Hexagone, puisque la France insoumise a déclenché la colère de ses partenaires en renvoyant dos à dos l'organisation islamiste palestinienne et l'État hébreu. Une position qui vient de loin : des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, la gauche radicale a épousé le combat pour la Palestine sous toutes ses formes.
Un juste combat peut-il être mené en utilisant des moyens indignes ?

À ce dilemme philosophique qui traverse l'histoire de la politique, la réponse apportée par Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis, au lendemain d'une effroyable attaque terroriste menée par le Hamas contre des civils israéliens, n'a pas satisfait grand monde.

« Toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu'une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu'elle-même », a jugé Jean-Luc Mélenchon, semblant placer sur un pied d'égalité les ignominies commises par le groupe armé islamiste et la politique, certes éminemment contestable, menée par l'État hébreu. La France insoumise s'est un peu plus enfoncée en refusant de qualifier le Hamas de groupe « terroriste » et en paraissant incapable d'exprimer la moindre compassion pour la population israélienne, préférant placer le curseur sur « le contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne ».

L'extrême gauche a réussi à faire pire, puisque le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a carrément apporté, au lendemain des attentats, « un soutien plein et entier » à « la lutte armée » menée par les Palestiniens, le Hamas étant assimilé à « la résistance » – des propos pour lesquels le mouvement est visé par une enquête pour apologie du terrorisme. Ce même terme a été utilisé par le Parti des Indigènes de la République (PIR), le mouvement décolonial assurant « toute son affection militante » aux criminels islamistes. L'embrassement de la cause palestinienne par la gauche n'a bien sûr pas toujours épousé des contours aussi scabreux. Comprendre la dérive, c'est se replonger dans l'histoire d'un demi-siècle, puisque la naissance du tropisme « pro-palo » remonte au bouillonnement de la fin des années 1960.

LA COMPASSION N'A QU'UN TEMPS
Ce sont alors les courants issus de l'extrême gauche qui s'emparent de la cause de ce peuple sans terre, laquelle entre en résonance avec les passions de l'époque : décolonisation, anti-impérialisme, tiers-mondisme. Avant 1967, « le militantisme était surtout compassionnel », écrit Denis Sieffert, journaliste, spécialiste du conflit israélo-palestinien.

Les choses changent après la Guerre des Six Jours, qui voit Israël écraser ses voisins arabes au cours d'une offensive préventive éclair. Le Palestinien, auparavant considéré exclusivement comme un « réfugié », devient « un combattant. Il quitte un statut passif, victimaire, pour devenir acteur de sa propre histoire. Ce sont les fedayins, les combattants, qui vont évidemment passionner une partie de notre extrême gauche », poursuit le journaliste. Les maoïstes, en plein essor à l'époque, sont les soutiens les plus fervents des Palestiniens. Cinq ans après l'indépendance de l'Algérie et en pleine guerre du Vietnam, ils vivent la question palestinienne « comme un prolongement de la question coloniale » mais surtout comme « une pièce du puzzle planétaire » : la lutte contre un nouvel « axe américano-sioniste » est lancée. D'après Sieffert, un « facteur social et psychologique » intervient également : le « sentiment de marginalité » que les « maos », révolutionnaires insérés dans les marges sociales, retrouvent dans ces Palestiniens abandonnés de tous, y compris des pays arabes voisins.

Chez les trotskistes, l'engagement pro-palestinien est moins passionnel, mais le courant frankiste (proche de la Ligue communiste) s'en empare sur des bases théoriques : alors que toutes les guérillas du monde sont interprétées par l'extrême gauche comme des embryons de révolution, le Proche-Orient apparaît comme le foyer central de la résistance à l'impérialisme américain. Notons aussi la présence importante des chrétiens de gauche (PSU, Témoignage chrétien…), pour qui les luttes anti-coloniales et le tiers-mondisme compassionnel sont des marqueurs identitaires. Pour être complets, notons que cette nouvelle lutte est aussi un moyen pour les « gauchistes » de se poser en rupture face à une social-démocratie acquise à Israël.

LA QUESTION DE LA VIOLENCE
Ces premiers engagements ne vont pas sans faire renaître quelques démons, la plupart du temps de manière inconsciente. « La Guerre des Six Jours constitue un tournant, estime Emmanuel Debono, historien spécialiste du racisme. Elle libère l'expression de préjugés antisémites qui étaient relativement tus depuis la guerre et la révélation de la Shoah. La victoire militaire éclair d'Israël alimente les vieux stéréotypes du juif belliciste, dominateur ou encore manipulateur, à l'extrême gauche mais pas uniquement. » Une chose est sûre : en remportant une éclatante victoire militaire, l'État juif n'est plus le « pays des rescapés » pour toute la gauche : certains le considèrent désormais comme le bras armé de l'impérialisme occidental. Le PCF est emblématique de cette évolution : marqué par le vote de l'URSS en faveur de la création d'Israël en 1947, il s'alignera sur les positions de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à partir de 1970.

L'antisémitisme est à l'époque résiduel à l'extrême gauche. Même si le journal antisioniste militant Fedayin affirme avec Yasser Arafat que « la libération de la Palestine est au bout du fusil », il prône un « État palestinien démocratique et non sectaire » et condamne l'attentat du groupe Septembre noir lors des Jeux olympiques de Munich en 1972. Edwy Plenel, alors militant trotskiste est un des rares à appeler (sous pseudonyme) dans la revue Rouge à « défendre inconditionnellement » les terroristes palestiniens. Dix ans plus tard, le groupe Action directe condamnera les attentats de la rue des Rosiers, qualifiés de « massacre ».

Pourtant, la violence est un mode d'action privilégié par toute une frange du mouvement pro-palestinien. Dans son Histoire du mouvement national palestinien, le chercheur Nicolas Dot-Pouillard décrit par le menu les méthodes des réseaux radicaux armés, qui reconnaissent un « droit de légitime violence » aux Palestiniens et n'hésitent pas soit à les soutenir dans des combats (les militants Nicolas Roubie et Françoise Kesteman meurent en 1981 et 1984 après avoir combattu au Proche-Orient), soit à opérer en France. Souvent issus de la Gauche prolétarienne (une organisation maoïste), ces militants mènent des opérations hostiles aux intérêts israéliens, comme l'incendie de la banque Rothschild en septembre 1969 ou l'attaque de l'ambassade de Jordanie en juillet 1971.

LE PALESTINIEN ET L'IMMIGRÉ

En majorité, le soutien à la Palestine prend toutefois des formes pacifiques, plus ou moins radicales : manifestations, sit-in, boycotts, envoi de militants dans les Territoires occupés, développement de liens avec les organisations palestiniennes, prise à partie d'institutions ou d'organisations internationales… L'Association France Palestine Solidarité et le PCF apparaissent dans les années 1970 et 1980 comme les principaux catalyseurs du militantisme « pro-palo ».

Cette époque voit surtout l'émergence d'une nouvelle dynamique politique, décrite par Denis Sieffert : « L'image de marginaté radicale [des Palestiniens] fusionne dans l'imaginaire gauchiste avec une autre figure fraîchement apparue dans la société française : celle de l'immigré. » Alors que les travailleurs issus du Maghreb et de l'Afrique noire récemment décolonisés affluent sur le territoire français, la gauche radicale voit dans le soutien à la cause palestinienne le moyen de s'implanter dans ces milieux, qui vont progressivement faire figure de prolétariat de substitution pour des intellectuels organiques prompts à fétichiser ces ouvriers venus d'ailleurs. La fondation du Mouvement des travailleurs arabes symbolise cette stratégie.

Dans les années 2000, c'est avec le mouvement altermondialiste que la cause palestinienne fusionne. Les forums sociaux organisés dans le monde entier voient les militants trotskistes, écologistes ou communistes inviter des figures pro-palestiniennes, dans un contexte de contestation de la politique américaine au Moyen-Orient. Ceci amène parfois la gauche à faire concrètement la promotion de l'islamisme, comme lorsque Tariq Ramadan participe au Forum social européen à Saint-Denis en 2003 après avoir dénoncé dans un texte les « intellectuels juifs orientés par un souci communautaire ».

C'est que progressivement, le visage du combat pour la Palestine a changé : les militants laïques du Fatah cèdent du terrain aux islamistes du Hamas, qui transforment une lutte de libération nationale en djihad ouvertement antisémite. Face à cette transformation, la gauche de la gauche reste aveugle, voire complaisante. « Enfermée dans son carcan idéologique, la gauche radicale n'entend rien au conflit entre Israéliens et Palestiniens lequel lui apparaît comme le miroir de ses obsessions les plus chères, peste l'écrivain Laurent Sagalovitsch sur Slate en 2021. D'un côté, un infâme peuple de colonisateurs sans foi ni loi, de l'autre un peuple opprimé dont le cœur se nourrit d'intentions des plus pacifiques. » Pour Françoise Degois, journaliste et ex-conseillère de Ségolène Royal, « la gauche n'a pas de discours critique sur l'islamisme dans le monde arabe, car elle ne le connaît pas. Elle préfère faire du tourisme politique à Gaza plutôt qu'alerter sur l'absence d'élections libres ou la corruption du Fatah et du Hamas. »

CÉCITÉ
Habituée à romantiser la figure du musulman sur le sol français, l'extrême gauche a depuis longtemps abandonné l'intransigeance républicaine au profit d'un mielleux « droit à la différence ». Les combats fusionnent : en 2004, la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPP) s'engage contre l'interdiction du port de signes religieux à l'école, en défense du voile pour les jeunes filles. L'émergence du mouvement indigéniste et décolonial, à la fois pro-palestinien et soutien de l'islamisme, symbolise cette conjonction.

« Une partie de la gauche n'a pas intégré le facteur de l'islamisme, et n'a pas pris conscience de l'extrême radicalisation de la cause palestinienne, soupire Emmanuel Debono. Elle reste dans des réflexes idéologiques, ânonne des slogans comme "Palestine vaincra" ou "Palestine de la mer au Jourdain" sans parfois en comprendre l'origine et la portée. Il y a évidemment des forces agissantes, mais également une masse d'écervelés (ce qui ne les exonère pas de leur responsabilité…) qui pensent être du côté de la justice et d'un peuple palestinien idéalisé, contre un État israélien qui opprimerait par essence. » Plusieurs alertes avaient en réalité précédé les sorties incendiaires de la France insoumise : mise à l'honneur d'anciens terroristes comme Salah Hamouri, dénonciation d'un « régime d'apartheid » en Israël dans une résolution parlementaire communiste en mai dernier…

ON ENTERRE BIEN LE KIBBOUTZ… ET DANIEL BENSAÏD
Parallèlement à cette trajectoire, un cercle vicieux a nourri la dérive de la gauche. L'État d'Israël lui-même a bien changé, loin de l'idéal socialiste des kibboutzim ; le sionisme de gauche est porté disparu, dépassé par la montée d'un nationalisme théologique qui se nourrit de la menace représentée par le Hamas. Sur notre sol, les dernières décennies ont vu les Français de confession juive se détourner peu à peu d'elle, sous l'effet de plusieurs phénomènes conjoints.
Très intéressant en effet. Et ce qui est ironique dans tout ça c'est que la gauche a elle-même été visée dans ces kibboutzims, et les insoumis ne semblent pas trop se révolter contre ça (ils acceptent peut-être un maître)? :mrgreen:

Avatar de l’utilisateur
Dominique18
Messages : 10179
Inscription : 06 oct. 2020, 12:27

Re: 3ème guerre mondiale?

#5898

Message par Dominique18 » 19 oct. 2023, 14:40

Igor a écrit : 19 oct. 2023, 14:37
Dominique18 a écrit : 19 oct. 2023, 14:17 Une autre analyse portant sur l'externalisation du conflit israélo-palestinien en Europe, et en particulier en France où il a rencontré un écho depuis la fin des années 60. Un rappel et une mise en perspective historiques.
Spoiler
Afficher
Glissade...De la révolution à l'aveuglement sur l'islamisme : 60 ans de dérive de la gauche radicale sur la Palestine

Par Hadrien Mathoux
Publié le 12/10/2023 à 19:56

Au-delà de la tragédie humaine, l'attaque du Hamas contre des civils israéliens a ses conséquences sur la gauche dans l'Hexagone, puisque la France insoumise a déclenché la colère de ses partenaires en renvoyant dos à dos l'organisation islamiste palestinienne et l'État hébreu. Une position qui vient de loin : des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, la gauche radicale a épousé le combat pour la Palestine sous toutes ses formes.
Un juste combat peut-il être mené en utilisant des moyens indignes ?

À ce dilemme philosophique qui traverse l'histoire de la politique, la réponse apportée par Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis, au lendemain d'une effroyable attaque terroriste menée par le Hamas contre des civils israéliens, n'a pas satisfait grand monde.

« Toute la violence déchaînée contre Israël et à Gaza ne prouve qu'une chose : la violence ne produit et ne reproduit qu'elle-même », a jugé Jean-Luc Mélenchon, semblant placer sur un pied d'égalité les ignominies commises par le groupe armé islamiste et la politique, certes éminemment contestable, menée par l'État hébreu. La France insoumise s'est un peu plus enfoncée en refusant de qualifier le Hamas de groupe « terroriste » et en paraissant incapable d'exprimer la moindre compassion pour la population israélienne, préférant placer le curseur sur « le contexte d’intensification de la politique d’occupation israélienne ».

L'extrême gauche a réussi à faire pire, puisque le Nouveau parti anticapitaliste (NPA) a carrément apporté, au lendemain des attentats, « un soutien plein et entier » à « la lutte armée » menée par les Palestiniens, le Hamas étant assimilé à « la résistance » – des propos pour lesquels le mouvement est visé par une enquête pour apologie du terrorisme. Ce même terme a été utilisé par le Parti des Indigènes de la République (PIR), le mouvement décolonial assurant « toute son affection militante » aux criminels islamistes. L'embrassement de la cause palestinienne par la gauche n'a bien sûr pas toujours épousé des contours aussi scabreux. Comprendre la dérive, c'est se replonger dans l'histoire d'un demi-siècle, puisque la naissance du tropisme « pro-palo » remonte au bouillonnement de la fin des années 1960.

LA COMPASSION N'A QU'UN TEMPS
Ce sont alors les courants issus de l'extrême gauche qui s'emparent de la cause de ce peuple sans terre, laquelle entre en résonance avec les passions de l'époque : décolonisation, anti-impérialisme, tiers-mondisme. Avant 1967, « le militantisme était surtout compassionnel », écrit Denis Sieffert, journaliste, spécialiste du conflit israélo-palestinien.

Les choses changent après la Guerre des Six Jours, qui voit Israël écraser ses voisins arabes au cours d'une offensive préventive éclair. Le Palestinien, auparavant considéré exclusivement comme un « réfugié », devient « un combattant. Il quitte un statut passif, victimaire, pour devenir acteur de sa propre histoire. Ce sont les fedayins, les combattants, qui vont évidemment passionner une partie de notre extrême gauche », poursuit le journaliste. Les maoïstes, en plein essor à l'époque, sont les soutiens les plus fervents des Palestiniens. Cinq ans après l'indépendance de l'Algérie et en pleine guerre du Vietnam, ils vivent la question palestinienne « comme un prolongement de la question coloniale » mais surtout comme « une pièce du puzzle planétaire » : la lutte contre un nouvel « axe américano-sioniste » est lancée. D'après Sieffert, un « facteur social et psychologique » intervient également : le « sentiment de marginalité » que les « maos », révolutionnaires insérés dans les marges sociales, retrouvent dans ces Palestiniens abandonnés de tous, y compris des pays arabes voisins.

Chez les trotskistes, l'engagement pro-palestinien est moins passionnel, mais le courant frankiste (proche de la Ligue communiste) s'en empare sur des bases théoriques : alors que toutes les guérillas du monde sont interprétées par l'extrême gauche comme des embryons de révolution, le Proche-Orient apparaît comme le foyer central de la résistance à l'impérialisme américain. Notons aussi la présence importante des chrétiens de gauche (PSU, Témoignage chrétien…), pour qui les luttes anti-coloniales et le tiers-mondisme compassionnel sont des marqueurs identitaires. Pour être complets, notons que cette nouvelle lutte est aussi un moyen pour les « gauchistes » de se poser en rupture face à une social-démocratie acquise à Israël.

LA QUESTION DE LA VIOLENCE
Ces premiers engagements ne vont pas sans faire renaître quelques démons, la plupart du temps de manière inconsciente. « La Guerre des Six Jours constitue un tournant, estime Emmanuel Debono, historien spécialiste du racisme. Elle libère l'expression de préjugés antisémites qui étaient relativement tus depuis la guerre et la révélation de la Shoah. La victoire militaire éclair d'Israël alimente les vieux stéréotypes du juif belliciste, dominateur ou encore manipulateur, à l'extrême gauche mais pas uniquement. » Une chose est sûre : en remportant une éclatante victoire militaire, l'État juif n'est plus le « pays des rescapés » pour toute la gauche : certains le considèrent désormais comme le bras armé de l'impérialisme occidental. Le PCF est emblématique de cette évolution : marqué par le vote de l'URSS en faveur de la création d'Israël en 1947, il s'alignera sur les positions de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à partir de 1970.

L'antisémitisme est à l'époque résiduel à l'extrême gauche. Même si le journal antisioniste militant Fedayin affirme avec Yasser Arafat que « la libération de la Palestine est au bout du fusil », il prône un « État palestinien démocratique et non sectaire » et condamne l'attentat du groupe Septembre noir lors des Jeux olympiques de Munich en 1972. Edwy Plenel, alors militant trotskiste est un des rares à appeler (sous pseudonyme) dans la revue Rouge à « défendre inconditionnellement » les terroristes palestiniens. Dix ans plus tard, le groupe Action directe condamnera les attentats de la rue des Rosiers, qualifiés de « massacre ».

Pourtant, la violence est un mode d'action privilégié par toute une frange du mouvement pro-palestinien. Dans son Histoire du mouvement national palestinien, le chercheur Nicolas Dot-Pouillard décrit par le menu les méthodes des réseaux radicaux armés, qui reconnaissent un « droit de légitime violence » aux Palestiniens et n'hésitent pas soit à les soutenir dans des combats (les militants Nicolas Roubie et Françoise Kesteman meurent en 1981 et 1984 après avoir combattu au Proche-Orient), soit à opérer en France. Souvent issus de la Gauche prolétarienne (une organisation maoïste), ces militants mènent des opérations hostiles aux intérêts israéliens, comme l'incendie de la banque Rothschild en septembre 1969 ou l'attaque de l'ambassade de Jordanie en juillet 1971.

LE PALESTINIEN ET L'IMMIGRÉ

En majorité, le soutien à la Palestine prend toutefois des formes pacifiques, plus ou moins radicales : manifestations, sit-in, boycotts, envoi de militants dans les Territoires occupés, développement de liens avec les organisations palestiniennes, prise à partie d'institutions ou d'organisations internationales… L'Association France Palestine Solidarité et le PCF apparaissent dans les années 1970 et 1980 comme les principaux catalyseurs du militantisme « pro-palo ».

Cette époque voit surtout l'émergence d'une nouvelle dynamique politique, décrite par Denis Sieffert : « L'image de marginaté radicale [des Palestiniens] fusionne dans l'imaginaire gauchiste avec une autre figure fraîchement apparue dans la société française : celle de l'immigré. » Alors que les travailleurs issus du Maghreb et de l'Afrique noire récemment décolonisés affluent sur le territoire français, la gauche radicale voit dans le soutien à la cause palestinienne le moyen de s'implanter dans ces milieux, qui vont progressivement faire figure de prolétariat de substitution pour des intellectuels organiques prompts à fétichiser ces ouvriers venus d'ailleurs. La fondation du Mouvement des travailleurs arabes symbolise cette stratégie.

Dans les années 2000, c'est avec le mouvement altermondialiste que la cause palestinienne fusionne. Les forums sociaux organisés dans le monde entier voient les militants trotskistes, écologistes ou communistes inviter des figures pro-palestiniennes, dans un contexte de contestation de la politique américaine au Moyen-Orient. Ceci amène parfois la gauche à faire concrètement la promotion de l'islamisme, comme lorsque Tariq Ramadan participe au Forum social européen à Saint-Denis en 2003 après avoir dénoncé dans un texte les « intellectuels juifs orientés par un souci communautaire ».

C'est que progressivement, le visage du combat pour la Palestine a changé : les militants laïques du Fatah cèdent du terrain aux islamistes du Hamas, qui transforment une lutte de libération nationale en djihad ouvertement antisémite. Face à cette transformation, la gauche de la gauche reste aveugle, voire complaisante. « Enfermée dans son carcan idéologique, la gauche radicale n'entend rien au conflit entre Israéliens et Palestiniens lequel lui apparaît comme le miroir de ses obsessions les plus chères, peste l'écrivain Laurent Sagalovitsch sur Slate en 2021. D'un côté, un infâme peuple de colonisateurs sans foi ni loi, de l'autre un peuple opprimé dont le cœur se nourrit d'intentions des plus pacifiques. » Pour Françoise Degois, journaliste et ex-conseillère de Ségolène Royal, « la gauche n'a pas de discours critique sur l'islamisme dans le monde arabe, car elle ne le connaît pas. Elle préfère faire du tourisme politique à Gaza plutôt qu'alerter sur l'absence d'élections libres ou la corruption du Fatah et du Hamas. »

CÉCITÉ
Habituée à romantiser la figure du musulman sur le sol français, l'extrême gauche a depuis longtemps abandonné l'intransigeance républicaine au profit d'un mielleux « droit à la différence ». Les combats fusionnent : en 2004, la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPP) s'engage contre l'interdiction du port de signes religieux à l'école, en défense du voile pour les jeunes filles. L'émergence du mouvement indigéniste et décolonial, à la fois pro-palestinien et soutien de l'islamisme, symbolise cette conjonction.

« Une partie de la gauche n'a pas intégré le facteur de l'islamisme, et n'a pas pris conscience de l'extrême radicalisation de la cause palestinienne, soupire Emmanuel Debono. Elle reste dans des réflexes idéologiques, ânonne des slogans comme "Palestine vaincra" ou "Palestine de la mer au Jourdain" sans parfois en comprendre l'origine et la portée. Il y a évidemment des forces agissantes, mais également une masse d'écervelés (ce qui ne les exonère pas de leur responsabilité…) qui pensent être du côté de la justice et d'un peuple palestinien idéalisé, contre un État israélien qui opprimerait par essence. » Plusieurs alertes avaient en réalité précédé les sorties incendiaires de la France insoumise : mise à l'honneur d'anciens terroristes comme Salah Hamouri, dénonciation d'un « régime d'apartheid » en Israël dans une résolution parlementaire communiste en mai dernier…

ON ENTERRE BIEN LE KIBBOUTZ… ET DANIEL BENSAÏD
Parallèlement à cette trajectoire, un cercle vicieux a nourri la dérive de la gauche. L'État d'Israël lui-même a bien changé, loin de l'idéal socialiste des kibboutzim ; le sionisme de gauche est porté disparu, dépassé par la montée d'un nationalisme théologique qui se nourrit de la menace représentée par le Hamas. Sur notre sol, les dernières décennies ont vu les Français de confession juive se détourner peu à peu d'elle, sous l'effet de plusieurs phénomènes conjoints.
Très intéressant en effet. Et ce qui est ironique c'est que la gauche a elle-même été visée dans ces kibboutzims, et les insoumis ne semblent pas trop se révolter contre ça (ils acceptent peut-être un maître)? :mrgreen:
Il est devenu très difficile de s'y retrouyer, les cartes sont brouillées, sans recherches approfondies pour démêler l'écheveau, on a toutes les chances de tomber à côté et de raconter n'importe quoi, par cécité intellectuelle. Par paresse également.

Igor
Messages : 6851
Inscription : 05 déc. 2010, 02:39

Re: 3ème guerre mondiale?

#5899

Message par Igor » 19 oct. 2023, 15:01

Dominique18 a écrit : 19 oct. 2023, 14:40 Il est devenu très difficile de s'y retrouyer, les cartes sont brouillées, sans recherches approfondies pour démêler l'écheveau, on a toutes les chances de tomber à côté et de raconter n'importe quoi, par cécité intellectuelle. Par paresse également.
Il y a beaucoup de matière dans ce que vous avez posté, mais on a de la difficulté à en comprendre certains qui sont à gauche, ça c'est sûr.

Mais ils ne sont peut-être pas les seuls à faire l'autruche, certains manquent de vigilance du moins.

Avatar de l’utilisateur
Lambert85
Messages : 8204
Inscription : 23 nov. 2007, 07:48

Re: 3ème guerre mondiale?

#5900

Message par Lambert85 » 19 oct. 2023, 15:27

Après Panot et Obono qui traitent le Hamas de "résistants", voilà le leader Mélenchon qui soutient Benzéma ! Continuez, ça devient marrant !

Image
Русский военный корабль, иди нахуй ! 🇺🇦 :sniper:

Répondre

Qui est en ligne ?

Utilisateurs parcourant ce forum : Aucun utilisateur inscrit