Gwanelle a écrit : 20 févr. 2024, 17:39Quoiqu'il en soit, la thématique de ce fil devrait être:
Effet EPR, non localité, principe de causalité, positivisme et réalisme
On peut, en fait, avoir une simultanéité absolue tout en restant compatible avec les faits d'observation prédits par la Relativité Restreinte. Comment est-ce possible ?
La relativité de la simultanéité
Si en I, milieu du wagon AB, j'émets en même temps un éclair allant vers A (Alice) et un éclair allant vers B (Bob) alors,
dans le référentiel du wagon, ces éclairs atteignent A et B en même temps.
Dans le référentiel d'observation au contraire :
- A se précipite à v = 200 000 km/s en direction de l'éclair donc il le reçoit en 1er
- B s'enfuit à v = 200 000 km/s donc il le reçoit en second
Dans le référentiel de repos, le signal reçu en A est donc reçu avant celui reçu en B.
On peut préférer des signaux émis en même temps en A et B donc atteignant I milieu de AB en même temps dans le wagon AB.
Dans le référentiel de repos au contraire :
- Le signal émis en A cours après le point I qui s'enfuit à 200 000km/s.
- Ce signal atteint pourtant le point I en même temps que le signal émis en B dont I se rapproche à 200 000 km/s.
Dans le référentiel de repos, le signal émis en A est donc émis avant celui émis en B.
On retrouve bien la classique relativité de la simultanété prédite par la Relativité Restreinte.
Une
simultanéité absolue serait donc incompatible avec les
faits d'observation prédits par la RR ? Pas nécessairement
L'interprétation réaliste de l'effet EPR
Dans une
interprétation réaliste de l'effet EPR (défendue par Bohm, Bell, Goldstein, Bricmont, Popper, Scarani, Valentini, d'Espagnat, Percival ou
Aspect par exemple) quand Alice fait une mesure de polarisation en A, le changement d'état instantané de la paire de photons (A,B) n'est pas interprété comme un simple changement de connaissance d'Alice, une connaissance lui permettant de faire des prédictions optimales sur de futurs résultats de mesure de Bob (1).
- l'état quantique de la paire de photons (A,B) est interprété comme la description d'un unique objet réel, physique, objectif
- la mesure quantique locale d'Alice en A est interprétée comme un changement d'état réel, physique, objectif, instantané, non local des deux photons
Admettons maintenant,
hypothèse spéculative, qu'un jour ou l'autre (plutôt l'autre quand même) on trouve un moyen d'observer en B le changement d'état supposé physique, réel, objectif, instantané induit en B par la mesure d'Alice en A.
Dans ce cas, l'information obtenue en A par Alice (grâce à sa mesure) et l'information intantanément obtenue par Bob grâce à la putative observation en B du changement d'état du photon B (provoqué par l'action instantanée à distance, réelle, physique, objective d'Alice), sont des évènements simultanés.
Que se passe-t-il désormais dans le référentiel d'observation où le wagon AB file à 200 000 km/s ?
B s'enfuit à toute allure du signal émis en A par Alice pour tenter de recevoir ce signal après elle. Las, ce signal se propage à vitesse infinie ! Du coup, malgré les méritoires effets de B pour respecter la relativité de la simultanéité, le (putatif) signal EPR est reçu en même temps en A et en B aussi dans le référentiel de repos. Les réceptions d'information en A et B sont donc
simultanées aussi dans le référentiel de repos. Si elle devenait observable, cette putative action instantanée à distance violerait l'invariance relativiste ainsi que le
no-communication theorem (reposant sur les statistiques quantiques à ce jour jamais remises en cause).
L'interprétation réaliste de l'effet EPR (+ l'hypothèse d'un principe de causalité objectif) implique l'existence d'une simultanéité absolue cachée et donc
un référentiel quantique privilégié caché dans lequel cette simultanéité absolue coïnciderait avec la simultanéité relative obtenue par transfert de signaux électromagnétiques dans ce référentiel quantique privilégié.
Le cadre mathématique de l'interprétation réaliste, explicitement non locale de l'effet EPR, violant l'invariance de Lorentz
Mathématiquement, cette interprétation réaliste peut prendre place sans incohérence dans
l'espace-temps d'Aristote. En effet, le groupe de symétrie caractérisant sa géométrie est le groupe d'Aristote. Le groupe d'Aristote est un sous-groupe à 7 paramètres du groupe de Poincaré (le groupe à 10 paramètres de l'espace-temps de Minkowski). Le groupe de Lorentz est un sous-groupe de symétrie du groupe de Poincaré mais ce n'est pas un sous-groupe du groupe d'Aristote. Dans l'espace-temps d'Aristote, les violations d'invariance de Lorentz sont donc autorisées. L'interprétation réaliste, explicitement non locale de l'effet EPR, peut donc y prendre place...
... Mais, heureusement, il est possible de définir les transformations de Lorentz dans l'espace-temps d'Aristote.
Dans
l'hypothèse réaliste, on considère que seuls sont à ce jour observables les phénomènes respectant l'invariance vis à vis de ces transformations mais que
l'effet EPR viole l'invariance de Lorentz sans qu'à ce jour on n'ait trouvé de moyen de l'observer. La
violation des inégalités de Bell n'est pas une violation d'invariance de Lorentz. Elle ne permet pas d'action instantanée à distance observable. Elle
s'interprète comme une action instantanée à distance réelle mais inobservable à ce jour (quand on adopte l'interprétation réaliste).
Ce cadre mathématique (2) est simplement une formalisation mathématique de l'interprétation lorentzienne de la Relativité Restreinte. Un transfert instantané d'information, une simultanéité absolue, des longueurs absolues et des distances absolues peuvent y exister. Elles correspondent à la simultanéité, aux longueurs et aux durées mesurées dans un putatif référentiel quantique privilégié. L'espace-temps d'Aristote offre ainsi un cadre d'accueil pour une interprétation réaliste de l'état quantique et de la mesure quantique violant, à un niveau interprétatif, l'invariance de Lorentz (cad l'inexistence d'un référentiel privilégié) (3).
(1) E.T. Jaynes donne une très bonne présentation de l'interprétation de la violation des inégalités de Bell dans l'effet EPR comme une prédiction d'inférence Bayésienne. Cette interprétation se passe de tout recours à l'hypothèse réaliste d'une putative action instantanée à distance. Cf
Clearing up mysteries, Bell inequalities, Bohr/Einstein debate, confrontation or reconciliation, E.T. Jaynes, 1988.
(2)
Special Relativity and possible Lorentz violations consistently coexist in Aristotle space-time
(3) Pour ma part, je ne crois plus en la possibilité, même dans un lointain futur, de transmettre de l'information instantanément par effet EPR en violation de l'invariance relativiste (et du
no-communication theorem). Ce qui m'a fait changer d'avis c'est la possibilité de propagation d'un signal électromagnétique à vitesse supraluminique au franchissement d'une barrière de potentiel (effet Hartman) sans violation d'invariance de Lorentz (cf.
Tunneling Times and Superluminality: a Tutorial, Raymond Y. Chiao, 1998)
L'interprétation permettant de s'accomoder de ce fait d'observation est, à mon avis, l'interprétation time-symmetric et invariante de Lorentz de cet effet (cf
A time-symmetric formulation of quantum mechanics). A noter toutefois que cette interprétation viole le principe de causalité si l'on tient à tout prix à adopter une interprétation réaliste des relations de causalité (autrement dit à refuser de faire reposer le caractère causal d'une corrélation sur l'information détenue par un observateur, une information lui permettant de se servir ce cette corrélation pour provoquer un effet).
L'interprétation time-symmetric de l'effet EPR
Concernant l'effet EPR, son interprétation time-symmetric et invariante de Lorentz est présentée dans l'article
Can a Future Choice Affect a Past Measurement's Outcome? Y. Aharonov, E. Cohen, A.C. Elitzur. Toutefois, cet article adopte une
interprétation réaliste des relations de causalité. Il s'agit d'une interprétation selon laquelle les relations de causalité ne devraient rien aux informations détenues par un observateur. Selon cette interprétation, le caractère de
lien de causalité entre effets présenterait au contraire un
caractère objectif, cad indépendant de l'observateur. A cause de l'ajout de cette hypothèse (que je ne partage pas), dans cet article, l'effet EPR respecte l'invariance de Lorentz mais viole le principe de causalité.
La formulation time-symmetric de la physique quantique est certes incontournable selon moi car
plus complète. Avec son 2ème vecteur d'état (cf.
The Two-State Vector Formalism of Quantum Mechanics: an Updated Review, Y. Aharonov, L. Vaidman) ce formalisme quantique donne en effet des prédictions déterministes des résultats de mesures quantiques faibles (cf.
Introduction to Weak Measurements and Weak Values, B. Tamir, E. Cohen) intermédiaires entre 2 mesures quantiques (fortes).
Formulation time-symmetric de la physique quantique et principe de causalité
Dans ce cadre là, si l'on accepte, au contraire, d'attribuer aux relations de causalité
un caractère seulement intersubjectif car reposant sur le
manque d'information des êtres vivants (le manque d'information conférant un caractère d'évènements futurs aux évènements ne laissant pas de traces accessibles, décodables, stables et reproductiblement lisibles) alors il y a invariance de Lorentz ET respect du principe de causalité malgré des actions (mesures fortes/mesures faibles) remontant le cours du temps à l'insu de l'observateur.
En effet, l'observateur ne peut pas se servir de ces effets, qualifiés de rétrocausaux par Aharonov, pour modifier le passé ou pour obtenir des informations sur des évènements futurs.
C'est précisément de notre ignorance des évènements futurs qu'émerge le principe de causalité.
En fait, les traces du passé, l'écoulement irréversible du temps, l'indéterminisme, les propiétés que nous attribuons à l'univers, découlent toutes de notre
grille de lecture thermodynamique statistique d'êtres vivants. Cf. aussi
Environment as a Witness: Selective Proliferation of Information and Emergence of Objectivity in a Quantum Universe, Harold Ollivier, David Poulin, Wojciech H. Zurek.
Du point de vue des principes scientifiques, les vérités scientifiques doivent pouvoir se vérifier par des observations reproductibles, notre grille de lecture (d'êtres vivants) est donc une partie intégrante de la physique comme le défendent les positivistes.
Si nous n'étions pas myopes, nous serions aveugles.