Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

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ABC
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Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#1

Message par ABC » 19 oct. 2024, 12:17

ABC a écrit : 18 oct. 2024, 12:15Bon... du coup, c'est pas demain qu'on peut espérer concurrencer le démon de Laplace.
shisha a écrit : 18 oct. 2024, 12:27Souvent tu dis que "si on était pas myope on serait aveugle". Pourquoi emploies tu le terme "aveugle" à la place "d'omniscient" (comme décrit dans le Démon de Laplace) ?
Parce que sans notre manque d'information, on n'aurait pas d'information du tout. Le démon de Laplace n'est pas (selon moi) une idéalisation mais une illusion. Pourquoi ?

1/ D'où émergent les informations dont nous retirons les lois et propriétés de l'univers ?
L'information dont nous disposons, c'est celle que nous extrayons des traces du passé. Cette information, qualifiée par Balian de pertinente [1]Incomplete description and relevant entropies, existe et présente un caractère intersubjectif pour la classe des observateurs macroscopiques : les êtres vivants (les êtres vivants perçoivent les et réagissent aux même grandeurs thermodynamiques).

2/ Piégeage des microétats dans un macroétat=intersubjectivité des informations recueillies ?
Dans un macroétat d'équilibre, le microétat dont nous ignorons presque tout fait ce qu'il veut à notre insu [2]... ...mais en restant piégé dans ce macroétat d'équilibre nous semblant figé (comme une goutte d'encre après diffusion dans un verre d'eau). Hé voilà ! C'est ce qui assure la reproductibilité de lectures successives par des observateurs macroscopiques distincts. Ils perçoivent ainsi un même macroétat grâce à l'inobservabilité macroscopique des pérégrinations macroscopiquement incrontrôlables de notre microétat dans son enclos macroétatique.

A titre d'exemple, si j'écris (lisiblement) un numéro de téléphone sur un bout de papier et que je le mets dans ma poche, demain, son microétat aura changé du tout au tout. Pourtant, je lirai le même n° que la veille et mon épouse aussi. Il se peut même, avec un peu de chance et pas mal d'espoir, qu'il reste encore lisible une fois qu'il sera passé en machine à laver (dans la poche de mon pantalon).

3/ D'où émerge l'écoulement irréversible du temps ?
Les traces du passé sont donc stables, reproductiblement lisibles. Elles font ainsi émerger une notion commune de passé et d'écoulement irréversible du temps. Les traces de passé ne sont donc pas engendrées au fil du temps, c'est le fil du temps qui est engendré par l'enregistrement irréversible des traces du passé intersubjectivement lisibles. J'ai développé ce point dans la vidéoconférence sur la flèche du temps probablement encore disponible.
shisha a écrit : 18 oct. 2024, 12:27Autre question, pour cet être omniscient hypothétique, le temps ne serait pas irréversible selon certains scientifiques, c'est çà?
4/ Sans manque d'information, serions nous omniscients ?
C'est grâce à la notion de grandeur macroscopique, caractérisant notre manque intersubjectif d'information, qu'émergent les traces du passé, des traces dont nous tirons toutes les informations que nous possédons et, ce faisant, les propriétés et lois que nous attribuons à (nos interactions avec) l'univers, notamment un écoulement irréversible du temps [3]Le temps macroscopique ainsi que l'indéterminisme de la mesure quantique, cad l'ignorance du 2ème vecteur d'état[7] évoluant du futur vers le présent (effaçant ainsi les traces qu'il a laissées dans le futur).

Sans notre manque d'information, il n'y aurait pas de traces du passé intersubjectivement lisibles. Sans ce manque d'information, nous ne saurions rien du tout.

J'ai souligné ce point dans le fil Sommes nous les marionnettes impuissantes d'un univers déterministe ? et dans le complément publié en pdf, 5 pages, en réponse aux remarques d'Akine.

5/ Peut-on éjecter l'observateur et sa grille de lecture de la physique ?
Nombreuses ont été, depuis un siècle (et ça continue encore, et encore), les tentatives visant à éliminer l'observateur et sa grille de lecture de la physique au prétexte de sa non objectivité. Par exemple, en cosmologie quantique, on pose l'hypothèse selon laquelle la notion d'état quantique de l'univers serait un concept objectif et cependant physiquement pertinent. Ce faisant, on aboutit à l'équation de Wheeler-Dewitt. Elle engendre une cosmologie dans laquelle le temps n'existe plus.

Rien d'étonnant à cela, on a éliminé l'origine de l'écoulement irréversible du temps : l'interaction observateur-système observé et la grille de lecture de l'observateur macroscopique, base aussi de la notion d'état quantique (quoi que puissent en dire M.F. Pusey, J. Barrett et T. Rudolph [4]On the reality of the quantum state)...

Effectivement, quand on décide d'éliminer la grille de lecture de l'observateur macroscopique de la physique, l'irréversibilité et l'indéterminisme "disparaissent". Ils s'interprètent comme des illusions puisqu'induits par la notion seulement intersubjective de manque d'information de l'observateur macroscopique
[5]La distinction entre le passé, le présent et l'avenir n'est qu'une illusion obstinément persistante, [6]L’écoulement du temps est une illusion...

...mais du même coup, toutes les lois et propriétés de l'univers deviennent des illusions.

...et pourtant, on continue à croire en l'existence de propriétés objectives, des propriétés (telles que le déterminisme et la réversibilité) qui ne devraient rien à notre grille de lecture thermodynamique statistique d'observateur macroscopique.

6/ Quelques exemples des conséquences d'une approche réaliste de la physique
6-1/ Exemple 1, l'effet EPR
En attribuant un caractère objectif à l'état quantique d'une paire de photons en état EPR corrélé, on aboutit à une interprétation de la mesure de polarisation d'Alice comme une action instantanée à distance sur le photon de Bob en violation de l'invariance de Lorentz (à un niveau interprétatif).

A mon sens, cette interprétation explicitement non locale de la mesure d'un état EPR ne résiste pas à la prise en compte de l'information cachée dans le futur, celle du 2ème vecteur d'état remontant le cours du temps [7]The Two-State Vector Formalism dans la formulation time-symmetric de la physique quantique [8]A Time-Symmetric Formulation Of Quantum Mechanics, comme en atteste la préservation de la 2-time corrélation du côté de Bob quand Alice fait une mesure de son côté [9]Each instant of time a new universe[10]EPR effect, non-locality, positivism realism.

6-2/ Exemple 2, élimination de la réduction du paquet d'onde
En physique quantique ordinaire, bouter l'observateur hors de la physique fait disparaître l'irréversibilité et l'indéterminisme de la mesure quantique. Voui, mais ça provoque la création d'une multitudes d'univers inobservables selon l'interprétation des mondes multiples.

L'a priori philosophique d'un univers objectif, régi par des lois objectivement déterministes et réversibles, coûte donc très très cher. Une majorité de physiciens, penchent désormais plutôt côté positiviste (préférence pour le rasoir d'Occam quand on n'est pas en mesure d'observer ce que l'on suppose). Ils sont peu nombreux à accepter de payer ce prix-là la défense d'une vision réaliste/objective, déterministe et réversible de l'univers.

Du coup d'autres physiciens, réalistes eux aussi, préfèrent encore faire appel à des particules ponctuelles inobservables (on n'en sort pas) selon l'interprétation bohmienne, et ce, en violation de la localité...

6-3/ Exemple 3, hypothèse d'objectivité dans le formalisme time-symmetric
En attribuant un caractère objectif au 2ème vecteur d'état [7], le vecteur d'état qui remonte le cours du temps du futur vers le présent dans la formulation time-symmetric de la physique quantique [8], ainsi qu'aux résultats de mesure faible [11]Weak-Measurement Elements of Reality, on interprète la corrélation entre mesures faibles [12]Introduction to Weak Measurements and Weak Values et mesures fortes postérieures un caractère rétrocausal à l'interaction entre mesures fortes et mesures faibles antérieures.

En cas d'interprétation réaliste des résultats de mesure quantique, on rencontre à nouveau le même problème de violation de causalité dans l'interprétation de l'effet Hartmann [13]The Hartman effect and weak measurements, un effet observé de franchissement d'une barrière de potentiel à vitesse de groupe supraluminique [14]Tunneling Times and Superluminality: a Tutorial.

Le point de vue positiviste est devenu majoritaire, mais la question est-elle réglée ?
Certains physiciens, dont la compétence est largement reconnue, continuent à défendre le point de vue réaliste [15]Comprenons nous vraiment la mécanique quantique ?. On ne peut donc pas, à ce jour, s'autoriser à passer sous silence ce point de vue (même si, pour ma part, je ne le partage plus).

[1] Incomplete descriptions and relevant entropies, R. Balian, Am. J. Phys. 67, 1078, 1999

[2] M. Gell-Mann, The Quark and the Jaguar, Londres. Little Brown and Co, 1994, p. 218-220
"L’entropie peut être considérée comme une mesure de l’ignorance. Lorsque nous savons seulement qu’un système est dans un macroétat donné, l’entropie du macroétat mesure le degré d’ignorance à propos du microétat du système, en comptant le nombre de bits d’information additionnelle qui serait nécessaire pour le spécifier [complètement].

[3] Le temps macroscopique, R. Balian, Colloques de la Société Française de Physique : le Temps et sa Flèche ; Paris, France ; 1993-12-08

[4] On the reality of the quantum state
Matthew F. Pusey, Jonathan Barrett, Terry Rudolph, Nature Phys. 8, 475 (2012)

[5] La distinction entre le passé, le présent et l'avenir n'est qu'une illusion obstinément persistante, Einstein, dans une lettre de condoléance de 1955, adressée à la famille de son ami et plus proche collaborateur Michele Besso

[6] L’écoulement du temps est une illusion, Thibault Damour, Novembre 2016

[7] The Two-State Vector Formalism, Lev Vaidman, "Compendium of Quantum Physics". Un 2ème état dont la mesure faible a donné des gages en termes d'effets observables.

[8] A Time-Symmetric Formulation Of Quantum Mechanics, Y. Aharonov, S. Popescu, J. Tollaksen, October 2010, Physics Today 63(11):27-

[9] Each instant of time a new universe, Aharonov, Popescu, Tollaksen, Quantum theory, a two time success story, chapter3, Y. Aharonov festschrift, D.C. Struppa, J.M. Tollaksens editors

[10] EPR effect, non-locality, positivism realism

[11] Weak-Measurement Elements of Reality
L. Vaidman, Jan 1996

[12] Introduction to Weak Measurements and Weak Values, Boaz Tamir, Eliahu Cohen, quanta 2013
Mesures faibles ayant acquis leurs lettres de noblesse grâce à des résultats inédits [13] The Hartman effect and weak measurements "which are not really weak"
D. Sokolovski, E. Akhmatskaya, Mai 2011

[14] Tunneling Times and Superluminality: a Tutorial
R.Y. Chiao, Nov. 1998

[15] Comprenons nous vraiment la mécanique quantique ? F. Laloë, vidéo 1H20,
Comprenons nous vraiment la mécanique quantique ? F. Laloë, pdf 45 pages
Dernière modification par ABC le 19 oct. 2024, 19:13, modifié 2 fois.

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shisha
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#2

Message par shisha » 20 oct. 2024, 06:32

Merci pour ta réponse

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richard
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#3

Message par richard » 20 oct. 2024, 16:01

Je ne saurais mieux décrire le positivisme qui fait appel à la subjectivité que ne l’a fait Florence.
Florence a écrit : 18 oct. 2024, 11:31il s'agit d'une attitude courante chez maints croyants confrontés au doute: on se réconforte en essayant de se persuader que l'on n'est pas seul, et même pas minoritaire, dans cette situation et qu'il s'agit donc d'une position somme toute rationnelle.
:hello: A+

Jodie
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#4

Message par Jodie » 20 oct. 2024, 19:31

richard a écrit : 20 oct. 2024, 16:01 Je ne saurais mieux décrire le positivisme qui fait appel à la subjectivité que ne l’a fait Florence.
Florence a écrit : 18 oct. 2024, 11:31il s'agit d'une attitude courante chez maints croyants confrontés au doute: on se réconforte en essayant de se persuader que l'on n'est pas seul, et même pas minoritaire, dans cette situation et qu'il s'agit donc d'une position somme toute rationnelle.
Bonjour Richard,

Personnellement, je n'ai rien compris à la phrase de Florence. Si on est croyant, il me semble que l'on ne doute pas de ce à quoi on croit...Pour ce qui est du reste de la phrase, c'est encore plus vague.

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richard
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#5

Message par richard » 20 oct. 2024, 20:11

On peut être croyant et avoir une crise de foi. Alors on se réconforte les uns les autres, la communauté est ressoudée.
:hello: A+

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ABC
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#6

Message par ABC » 12 nov. 2024, 17:40

Dominique18 a écrit : 12 nov. 2024, 07:39En biologie, en termes d'évolution, soit sans aucune interférence humaine parasite (le "réalisme" est un concept intellectuel, d'expression humaine, uniquement, sauf preuve du contraire), qu'il existe des êtres pensants performants (0,00000xxxxxxxxx % de l'ensemble du vivant), ou pas, ne change strictement rien.
En physique

Le point de vue/hypothèse réaliste
Selon ce point de vue, l'univers possèderait des lois et propriétés objectives, des lois et propriétés qui existeraient même en l'absence d'observateur, d'observation et donc en l'absence aussi de grandeurs macroscopiques. C'était le point de vue d'Einstein, Schrödinger, Bohm, Bell et ça reste le point de vue de Bricmont, Laloë, Percival, Aspect et peut-être Gisin par exemple.

Dans l'approche réaliste, la physique a pour objet d'établir des lois et propriétés se rapprochant peu à peu de lois et propriétés supposées objectives et préexistentes à l'observation, des lois et propriétés sensées ne pas devoir leur existence à la grille de lecture thermodynamique statistique de l'observacteur macroscopique.

La motivation pour le point de vue réaliste me semble (au moins en partie) relever :
  • d'un d'attachement inconscient/culturel à la vision d'un univers régi par des lois fondamentales/objectives et déterministes [1], la vision que nous fournissait la physique vers la fin du 19ème siècle, cad avant l'avènement de la physique statistique et de la physique quantique
  • d'une difficulté, notamment, à accepter le retour d'un observateur macroscopique que l'on croyait, il n'y a pas si longtemps, avoir réussi à bouter hors de la physique.
Le point de vue positiviste
Selon ce point de vue, seul présente une pertinence la notion de propriétés et lois de l'univers tirées d'observations reproductibles et l'obtention de propriétés et lois de l'univers validées par leur capacité à prédire ce que nous sommes (et éventuellement serons) en mesure d'observer. C'était le point de vue des Bohr, Born, Heisenberg, Gell-mann [2], Wheeler [3] et c'est le point de vue de Bitbol, Grinbaum, Rovelli, Fuchs [4], Peres [5]...

La motivation pour le point de vue positiviste me semble être la suivante. Il n'existe :
  • pas de possibilité d'obtenir des lois et propriétés de l'univers sans informations permettant de les établir
  • pas d'information permettant de les établir sans les traces du passé dont sont tirées ces informations
  • pas de traces du passé sans processus d'évolution irréversible enregistrant ces traces du passé sous forme d'états macroscopiques d'équilibre, stables, résistant aux agressions de l'environnement, reproductiblement lisibles, assurant ainsi l'intersubjectivité (1)
  • pas de notion d'état macroscopique d'équilibre atteint irréversiblement sans la notion seulement intersubjective de grandeur macroscopique propre à l'observateur macroscopique (les êtres vivants).
Bref, selon le point de vue positiviste, les lois et propriétés que nous observons reposent nécessairement sur la notion d'état macroscopique, une notion indissociable de la notion seulement intersubjective de grandeur macroscopique propre à l'observateur macroscopique, les êtres vivants. Qu'ils existent ou pas change tout.

Dans l'approche positiviste, la physique a pour objet d'établir des propriétés et lois validées par leur capacité à prédire de façon fiable et reproductible ce que nous sommes (ou serons un jour) en mesure d'observer [4].

En résumé
On peut sommairement résumer ces 2 points de vue ainsi :
  • le réaliste : j'observe et je décris la réalité
  • le positiviste : je décris et je prédis ce que je suis en mesure d'observer [4].
Ce point est expliqué et illustré par diverses animations et expériences de physique dans la vidéoconférence sur la flèche du temps organisée par la Fondation des Arts et Métiers de Liancourt (loi 1901) [6].

(1) Les microétats gambadent, à l'insu de l'observateur macroscopique, au sein de "leurs enclos macroscopiques d'équilibre", des états d'équilibre atteints à l'issue de processus d'évolution irréversibles. Du coup, les observateurs macroscopiques ne se rendent comptent de rien. Ils attribuent donc aux systèmes observés les mêmes propriétés (via les grandeurs macroscopiques [7] irréversiblement enregistrées qui leurs sont accessibles).

Aux dernière nouvelles, même l'évolution des trous noirs [8] est réputée unitaire et donc respectueuse du principe de préservation de l'information, du déterminisme et de la réversibilité.

Grâce au mécanisme thermodynamique "de piégeage" des microétats dans des macroétats d'équilibre, émergent : Références
[1] Are we helpless puppets of a deterministic universe ?

[2] M. Gell-Mann, The Quark and the Jaguar, Londres. Little Brown and Co, 1994, p. 218-220
"L’entropie peut être considérée comme une mesure de l’ignorance. Lorsque nous savons seulement qu’un système est dans un macroétat donné, l’entropie du macroétat mesure le degré d’ignorance à propos du microétat du système, en comptant le nombre de bits d’information additionnelle qui serait nécessaire pour le spécifier [complètement]."

[3] Delayed-Choice Experiments and Bohr's Elementary Quantum Phenomenon
"No elementary quantum phenomenon is a phenomenon until it is a registered ('observed', 'indelibly recorded') phenomenon, 'brought to a close' by 'an irreversible act of amplification'." W.A. Miller; J.A. Wheeler, 1984. Proceedings of international symposium foundations of quantum mechanics in the light of new technology.

[4] A Private View of Quantum Reality Fuchs, quanta magazine, juin 2015
"QBism treats the wave function as a description of a single observer’s subjective knowledge. It resolves all of the quantum paradoxes, but at the significant cost of anything we might call “reality.” Then again, maybe that’s what quantum mechanics has been trying to tell us all along — that a single objective reality is an illusion... ...Bell’s theorem really indicates that the outcomes of measurements are experiences, not revelations of something that’s already there."

[5] Quantum_Theory_Needs_No_Interpretation C.A. Fuchs A. Peres, Physics Today 53 (3), 70–71 (2000)
"The thread common to all the nonstandard “interpretations” is the desire to create anew theory with features that correspond to some reality independent of our potential experiments. But, trying to fulfill a classical worldview by encumbering quantum mechanicswith hidden variables, multiple worlds, consistency rules, or spontaneous collapse, without any improvement in its predictive power, only gives the illusion of a better understanding. Contrary to those desires, quantum theory does not describe physical reality. What it does is provide an algorithm for computing probabilities for the macroscopic events (“detector clicks”) that are the consequences of our experimental interventions."

[6] The arrow of time issue, an overview, april 2023

[7] Incomplete descriptions and relevant entropies, R. Balian, Am. J. Phys. 67, 1078, 1999
"Relevant entropies depend not only on the state of the system but also on the coarseness of its reduced description."

[8] The Most Famous Paradox in Physics Nears Its End, quanta magazine, oct 2020
"Information, they now say with confidence, does escape a black hole. Information gets out through the workings of gravity itself — just ordinary gravity with a single layer of quantum effects."

[9] A quantum solution to the arrow-of-time dilemma, L. Maccone, Phys. Rev. Lett.103:080401, 2009
"All phenomena where the entropy decreases must not leave any information of their having happened. This situation is completely indistinguishable from their not having happened at all."

[10] Time’s Arrow and Eddington’s Challenge, H. Price, Séminaire Poincaré XV, Le Temps (2010) 115 – 140
"The thermodynamic arrow isn’t just a T- asymmetry, it is a PCT-asymmetry as well"

[11] Le temps macroscopique, R. Balian, Colloques de la Société Française de Physique :
le Temps et sa Flèche ; Paris, France ; 1993-12-08
"L'intensité de l'irreversibilite d'un phénomene a trouvé en la croissance de l'entropie, une mesure naturelle. L'interpretation de l'entropie comme un manque d'information à l'échelle microscopique nous oblige désormais à lui attribuer un caractère partiellement anthropocentrique. Il ne s'agit pas d'une grandeur intrinsèquement attachée à un objet, mais d'une mesure du degré d'ignorance de ses observateurs à son egard. La croissance de l'entropie traduit une perte de connaissance, provenant du fait que seules les caractéristiques macroscopiques de l'objet sont accessibles."
Dernière modification par ABC le 12 nov. 2024, 20:16, modifié 4 fois.

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richard
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#7

Message par richard » 12 nov. 2024, 19:33

ABC a écrit : 12 nov. 2024, 17:40 On peut résumer ces 2 points de vue ainsi :
  • le réaliste : j'observe et je décris la réalité
  • le positiviste : je décris et je prédis ce que je suis en mesure d'observer.
Le positivisme, courant majeur du XIXe siècle en France, conserve de la doctrine comtienne l’idée que le savoir ne peut plus se fonder sur des spéculations métaphysiques et que seuls les faits d’expérience et leurs relations peuvent être objets d’une connaissance certaine. […]
Repris et développé par les logiciens et épistémologues du début du XXe siècle, le positivisme est considéré aujourd’hui comme une doctrine datée mais comme un état d’esprit encore vivace et, pour ceux qui s’en réclament, pertinent.
Un excellent article de Pierre-Yves Rochefort sur le réalisme scientifique.

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Dominique18
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#8

Message par Dominique18 » 13 nov. 2024, 12:50

@ ABC

Je suis très dubitatif et n'est suis pas sûr de te suivre dans ton exposé. J'ai dû rater des étapes.
Bref, je pédale dans la semoule. Je ne parviens pas à comprendre le "pont" entre physique et biologie alors que les deux sont intrinsèquement liés. La seule différence, si différence il y a, est la matière inanimée versus le vivant, qui est aussi de la matière.
Dernière modification par Dominique18 le 13 nov. 2024, 16:24, modifié 1 fois.

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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#9

Message par ABC » 13 nov. 2024, 16:04

Dominique18 a écrit : 13 nov. 2024, 12:50@ ABC, Je suis très dubitatif
Sur quoi?

Sur l'interprétation de l'entropie ?
M. Gell-Mann, The Quark and the Jaguar, Londres. Little Brown and Co, 1994, p. 218-220
"L’entropie peut être considérée comme une mesure de l’ignorance. Lorsque nous savons seulement qu’un système est dans un macroétat donné, l’entropie du macroétat mesure le degré d’ignorance à propos du microétat du système, en comptant le nombre de bits d’information additionnelle qui serait nécessaire pour le spécifier [complètement]."

Incomplete descriptions and relevant entropies, R. Balian, Am. J. Phys. 67, 1078, 1999 "Relevant entropies depend not only on the state of the system but also on the coarseness of its reduced description."

Sur la notion d'enregistrement irréversible d'information ?
Delayed-Choice Experiments and Bohr's Elementary Quantum Phenomenon
"No elementary quantum phenomenon is a phenomenon until it is a registered ('observed', 'indelibly recorded') phenomenon, 'brought to a close' by 'an irreversible act of amplification'." W.A. Miller; J.A. Wheeler, 1984. Proceedings of international symposium foundations of quantum mechanics in the light of new technology.

Sur le fait que l'écoulement irréversible du temps
n'est pas une illusion mais la conséquence de l'existence de traces du passé issues de processus irréversibles d'évolution vers des états d'équlibre ? Le temps macroscopique, R. Balian, Colloques de la Société Française de Physique : le Temps et sa Flèche ; Paris, France ; 1993-12-08
"L'intensité de l'irréversibilité d'un phénomène a trouvé en la croissance de l'entropie, une mesure naturelle. L'interprétation de l'entropie comme un manque d'information à l'échelle microscopique nous oblige désormais à lui attribuer un caractère partiellement anthropocentrique. Il ne s'agit pas d'une grandeur intrinsèquement attachée à un objet, mais d'une mesure du degré d'ignorance de ses observateurs à son égard. La croissance de l'entropie traduit une perte de connaissance, provenant du fait que seules les caractéristiques macroscopiques de l'objet sont accessibles."

Sur le fait que les macroétats d'équilibre stockent les informations qui nous sont accessibles ?
Grâce à notre grille de lecture/grandeurs macroscopiques observées (pas d'observation directe des microétats), les macroétats d'équilibre sont perçus identiques par des observateurs macroscopiques distincts. Les microétats restent en effet piégés dans leur macroétat d'équilibre. Ne percevant pas ces microdétails, nous (observateurs macroscopiques) percevons les macroétats comme identiques. Cela permet à plusieurs observateurs différents de lire reproductiblement la même information à plusieurs reprises (intersubjectivité).

Sur le fait que ce mécanisme thermodynamique de stockage d'info dans des macroétats d'équilibre
  • est à l'origine de l'existence de traces du passé et de l'absence d'existence de traces du futur. Les traces intersubjectivement observables s'écrivent dans le sens de la création d'entropie/évolution du présent vers le futur/perte d'information et s'effacent dans le sens d'évolution diniminuant l'entropie/évolution du futur vers le présent ?
    .
  • Assure l'intersubjectivité des informations que nous partageons (ces mêmes informations peuvent être lues plusieurs fois successives et par des observateurs différents) ?
    .
  • Est la base des lois et propriétés que nous attribuons intersubjectivement à (nos interactions avec) l'univers, nous donnant ainsi l'illusion d'un monde aux propriétés objectives (indépendantes de notre grille de lecture) ?
    .
  • Engendre, via les traces du passé, toutes les asymétries temporelles que nous observons, en conflit avec l'unitarité, la préservation de l'information, le déterminisme et la réversibilité de lois d'évolution qualifiées de fondamentales/objectives, une notion d'objectivité subtilement équivalente à un oxymore : une opinion objective ?
Sur le fait que la physique (donc aussi la biologie) repose, nécessairement, sur notre grille de lecture ?
cad la notion seulement intersubjective de grandeurs macroscopiques partagées par les êtres vivants (la température, la pression, la composition physico-chimique d'un milieu à une échelle au plus mésoscopique...) et que l'hypothèse selon laquelle il pourrait exister une description du monde en l'absence de grille de lecture conférant des propriétés reproductiblement observables à l'univers est une hypothèse non réfutable.

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Dominique18
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#10

Message par Dominique18 » 13 nov. 2024, 16:31

ABC a écrit : 13 nov. 2024, 16:04
Dominique18 a écrit : 13 nov. 2024, 12:50@ ABC, Je suis très dubitatif
Sur quoi?
....
[/list] Sur le fait que la physique (donc aussi la biologie) repose, nécessairement, sur notre grille de lecture ?
cad la notion seulement intersubjective de grandeurs macroscopiques partagées par les êtres vivants (la température, la pression, la composition physico-chimique d'un milieu à une échelle au plus mésoscopique...) et que l'hypothèse selon laquelle il pourrait exister une description du monde en l'absence de grille de lecture conférant des propriétés reproductiblement observables à l'univers est une hypothèse non réfutable.
En dehors de l'espèce humaine, qui est apte à une description avec l'emploi d'une grille de lecture du moment?
Ou alors, je n'ai strictement rien compris et je continue à m'égarer.
Je ne suis ni réaliste, ni quoi que ce soit d'autre (les cases, toujours les cases...), je m'efforce de comprendre, pragmatiquement, par rapport aux moyens dont je dispose, en ayant bien conscience des biais cognitifs qui circulent.

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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#11

Message par ABC » 13 nov. 2024, 16:40

Dominique18 a écrit : 13 nov. 2024, 16:31En dehors de l'espèce humaine, qui est apte à ... l'emploi d'une grille de lecture ?
Une bactérie par exemple : elle réagit et adpate son comportement aux même grandeurs thermodynamiques statistiques que les autres êtres vivants : température, pression, pH, salinité, composition physico-chimique du milieu...
et nos modèles conférant des lois et propriétés à l'univers reposent sur des informations qui n'existeraient pas sans cette grille de lecture commune aux êtres vivants.

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Gwanelle
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#12

Message par Gwanelle » 13 nov. 2024, 17:01

Dominique, de ce que je pense comprendre (mais je ne sais pas si ça répond à ton interrogation)

la physique étant la science (de la nature) la plus fondamentale. Les autres sciences (comme la biologie) sont , toutes, forcément des descriptions macroscopiques émergents de processus physiques plus fondamentaux .

Une grandeur macroscopique, considérée objective, quelque soit la science utilisant cette grandeur, est forcément, en fait, une grandeur qui n'est admise objective que par négligence pratique (pratique pour la science qui n'a pas de besoin de descendre plus profondément dans l'analyse) de comment cette grandeur émerge du niveau de description le plus fondamental dans lequel l'absence de prise en compte de l'observateur devient impossible.
Ôte-toi de mon soleil !

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#13

Message par ABC » 13 nov. 2024, 17:17

Gwanelle a écrit : 13 nov. 2024, 17:01Une grandeur macroscopique, considérée objective, quelque soit la science utilisant cette grandeur, est forcément, en fait, une grandeur qui n'est admise objective que par négligence pratique.
C'est plus sérieux encore que ça.

Il n'existe pas de moyen d'accéder à de l'information reproductiblement et intersubjectivement lisible autrement que par leur extraction de traces du passé/enregistrements irréversibles d'information. La notion d'évolution irréversible (et donc les informations nous servant à décrire les lois et propriétés qualifiées de fondamentales de l'univers (1)) n'existe pas sans la notion seulement intersubjective d'entropie car reposant sur la notion seulement intersubjective de grandeur macroscopique.

(1) Qualification de loi fondamentale par (selon moi) un abus de langage incontournable. En dernier ressort, il n'y a pas, selon moi, de loi "réellement" fondamentale/objective/préexistante à l'observation et qui serait "découverte par l'observation".

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#14

Message par PhD Smith » 13 nov. 2024, 17:29

Dominique18 a écrit : 13 nov. 2024, 12:50 Je ne parviens pas à comprendre le "pont" entre physique et biologie alors que les deux sont intrinsèquement liés. La seule différence, si différence il y a, est la matière inanimée versus le vivant, qui est aussi de la matière.
Elle est pourtant simple c’est la chimie.
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#15

Message par Dominique18 » 13 nov. 2024, 18:26

PhD Smith a écrit : 13 nov. 2024, 17:29
Dominique18 a écrit : 13 nov. 2024, 12:50 Je ne parviens pas à comprendre le "pont" entre physique et biologie alors que les deux sont intrinsèquement liés. La seule différence, si différence il y a, est la matière inanimée versus le vivant, qui est aussi de la matière.
Elle est pourtant simple c’est la chimie.
Oui, bien sûr. Mais il y a encore des inconnues...

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#16

Message par Dominique18 » 13 nov. 2024, 18:29

@ ABC
@ Gwanelle

Ça commence à infuser, doucement.
Merci pour votre aide pédagogique.
Premier écueil à ma compréhension: la notion de grille de lecture que je considérais sous un angle trop anthropocentrique.
Je reprends tout à partir du post 1, jusqu'à temps que ça rentre :lol: .

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#17

Message par thewild » 13 nov. 2024, 21:03

ABC a écrit : 13 nov. 2024, 17:17 Il n'existe pas de moyen d'accéder à de l'information reproductiblement et intersubjectivement lisible autrement que par leur extraction de traces du passé/enregistrements irréversibles d'information.
Par definition?
Accéder à de l'information c'est enregistrer (par définition irréversiblement) des traces du passé.
Je ne vois pas de quelle façon on pourrait accéder à de l'information autrement que de façon irréversible par exemple ?
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#18

Message par ABC » 13 nov. 2024, 21:08

ABC a écrit : 13 nov. 2024, 17:17Il n'existe pas de moyen d'accéder à de l'information reproductiblement et intersubjectivement lisible autrement que par leur extraction de traces du passé/enregistrements irréversibles d'information.
thewild a écrit : 13 nov. 2024, 21:03Accéder à de l'information c'est enregistrer (par définition irréversiblement) des traces du passé. Je ne vois pas de quelle façon on pourrait accéder à de l'information autrement que de façon irréversible par exemple ?
On est d'accord.

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#19

Message par ABC » 20 juil. 2025, 20:10

ABC a écrit : 04 mai 2025, 09:47 La vision positiviste, l'acceptation du rôle de l'observateur révélé par la physique statistique et par l'indéterminisme de la mesure quantique (cf. Le problème de la mesure quantique) rencontre encore aujourd'hui l'opposition d'une partie des physiciens, ceux restant fidèles à une interprétation réaliste (et souvent objectivement déterministe) de la physique (3).
thewild a écrit : 08 juil. 2025, 13:54Au sujet de l'interprétation réaliste/déterministe, un article vient de paraitre dans Nature remettant (soi-disant) en cause la mécanique bohmienne. Je suis bien incapable de juger de la pertinence d'une telle étude. Energy–speed relationship of quantum particles challenges Bohmian mechanics
ABC, un avis ?
L'article est très intéressant car il fait sortir (si on ne croit leurs auteurs) la mécanique quantique bohmienne de son caractère d'interprétation (1) pour en faire une théorie réfutable... ...et réfutée. Les références me semblent assez complètes en regard du sujet traité... ...en même temps, vu que l'article a été publié sur Nature, ce n'est pas surprenant.

Je n'ai pas eu le courage de passer les semaines requises (pour moi) pour pouvoir (peut-être) émettre des remarques pertinentes au sujet de cet article. Par contre.
thewild a écrit : 08 juil. 2025, 13:54Sabine Hossenfelder nous gratifiera peut-être d'une vidéo à ce sujet, mais elle est parfois un peu trop tranchée dans ses avis.
Ben justement, Sabine a fait une vidéo là dessus que je trouve très bien (très synthétique).
Une nouvelle expérience exclut la mécanique bohémienne. C'est sérieux.

Le fait que l'article excluerait la mécanique bohmienne est toutefois nuancé par Sabine sur la base de considérations d'interprétation propre à la mécanique bohmienne (les particules ponctuelles de la mécanique quantique bohmienne ne sont pas les particules du modèle standard. Toutes les observables énergie, impulsion, spin, sont sensées être, indirectement, des mesures de position des particules ponctuelles hypothétiques de la mécanique bohmienne).

L'article apparaît donc (selon Sabine) comme sérieux car reposant sur des prédictions et de vraies expériences de physique les mettant en défaut, mais présente (selon Sabine) une légère surinteprétation de la portée du non respect de ces prédictions en termes de preuve définitive de l'invalidité de la physique quantique bohmienne. Bon... ...à mon sens, la mécanique bohmienne est quand même en situation "délicate".

De toute façon, le réalisme en physique, le point de vue selon lequel le but de la physique pourrait et devrait être de proposer une description objective et la plus fidèle possible d'une "réalité" dont les propriétés seraient indépendantes de la grillle de lecture seulement intersubjective de l'observateur macroscopique : les états dits macroscopiques, est un point de vue incompatible (selon moi) avec ce que nous savons aujourd'hui.

(1) L'interprétation bohmienne est une interprétation à la fois :
  • réaliste de l'état quantique (un état quantique comprenant, en interprétation bohmienne, des particules ponctuelles et une onde guidant le mouvement de ces particules)
  • déterministe et réaliste de toutes les évolutions quantiques, mesure quantique incluse,
différente donc de l'interprétation standard.

L'interprétation bohmienne propose (c'est son but. Sabine ne l'a pas rappelé) un modèle décrivant complètement et objectivement la "réalité" de l'état quantique et la "réalité" du processus de mesure quantique, un processus interprété comme objectif, déterministe et indépendant de l'observateur comme le souhaitait Einstein (à un "détail" près, ça entraine une violation d'invariance de Lorentz au niveau interprétatif).

La mécanique quantique bohmienne est (était ?) sensée (avant publication de cet article) être identique à la mécanique quantique standard en termes de prédictions. L'article affirme que la mécanique quantique bohmienne n'est pas une simple interprétation de la mécanique quantique standard, mais une théorie différente, une autre théorie qui échoue à prédire la bonne vitesse des particules (des vitesses confirmées par observation et conformes à celle prédites en physque quantique standard) au sortir d'une barrière de potentiel franchie par effet tunnel.

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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#20

Message par mathias » 22 juil. 2025, 16:46

ABC a écrit : 19 oct. 2024, 12:17

3/ D'où émerge l'écoulement irréversible du temps ?
Les traces du passé sont donc stables, reproductiblement lisibles. Elles font ainsi émerger une notion commune de passé et d'écoulement irréversible du temps. Les traces de passé ne sont donc pas engendrées au fil du temps, c'est le fil du temps qui est engendré par l'enregistrement irréversible des traces du passé intersubjectivement lisibles. J'ai développé ce point dans la vidéoconférence sur la flèche du temps probablement encore disponible
Les traces du passé figurent l'aboutissement d'un mouvement.
Entre un état d'accomplissement (les traces du passé) et celui en devenir - dans le passé (l'état d'inaccomplissement d'une chose) se place le mouvement (de la chose) et la durée nécessaire pour accomplir, réaliser ce qui deviendra une trace du passé. Le temps n'est qu'un nombre relatif, celui de l'observateur assis sur une chaise.

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#21

Message par thewild » 22 juil. 2025, 17:22

ABC a écrit : 20 juil. 2025, 20:10
thewild a écrit : 08 juil. 2025, 13:54Sabine Hossenfelder nous gratifiera peut-être d'une vidéo à ce sujet, mais elle est parfois un peu trop tranchée dans ses avis.
Ben justement, Sabine a fait une vidéo là dessus que je trouve très bien (très synthétique).
Une nouvelle expérience exclut la mécanique bohémienne. C'est sérieux.

Le fait que l'article excluerait la mécanique bohmienne est toutefois nuancé par Sabine sur la base de considérations d'interprétation propre à la mécanique bohmienne (les particules ponctuelles de la mécanique quantique bohmienne ne sont pas les particules du modèle standard. Toutes les observables énergie, impulsion, spin, sont sensées être, indirectement, des mesures de position des particules ponctuelles hypothétiques de la mécanique bohmienne).

L'article apparaît donc (selon Sabine) comme sérieux car reposant sur des prédictions et de vraies expériences de physique les mettant en défaut, mais présente (selon Sabine) une légère surinteprétation de la portée du non respect de ces prédictions en termes de preuve définitive de l'invalidité de la physique quantique bohmienne. Bon... ...à mon sens, la mécanique bohmienne est quand même en situation "délicate".
Merci ABC. J'espérais une vidéo de sa part, mais parfois l'actualité scientifique lui impose des choix.
Je ne connais pas assez bien la théorie de Bohm pour me faire une idée, et cette vidéo me l'a confirmé.
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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#22

Message par richard » 26 juil. 2025, 17:02

Je ne sais pas si cet article sûr les niveaux de réalité passera les fourches caudines de la modération, mais elle pourrait apporter quelques pistes de réflexion sur le sujet.

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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#23

Message par richard » 20 août 2025, 12:08

Encore moi! Suivant le Dictionnaire de l’Académie française le réalisme est le
Nom donné à différentes doctrines qui affirment l’existence d’une réalité indépendante de l’esprit humain.
La question que pose le réalisme est, amha, est-ce que le monde existe ?

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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#24

Message par ABC » 21 août 2025, 19:08

Réalisme : Nom donné à différentes doctrines qui affirment l’existence d’une réalité indépendante de l’esprit humain.
Ce n'est pas le sens qu'on devrait (selon moi) préférer donner au concept de réalisme pour qu'il soit plus utile en physique.

Dans la définition du point de vue réaliste en physique :
  • D'une part "Humain et esprit" sont (selon moi) de trop dans cette définition.
  • D'autre part, "existence d'une realité" (que personne ne conteste) devrait être remplacée par "existence de propriétés physiques objectives", cad ne devant rien à "l'observateur macroscopique" qu'il soit humain, être vivant conscient, être vivant tout court ou appareil de mesure nous fournissant l'enregistrement irréversible d'une grandeur (fatalement) macroscopique.
Quand on demande aux propriétés physiques que nous attribuons à (nos interactions avec) l'univers d'être seulement intersubjectives et reproductiblement lisibles, sans ajouter l'hypothèse métaphysique supplémentaire d'objectivité, on a alors ce qu'il est le plus souvent convenu d'appeler le point de vue positiviste.
richard a écrit : 20 août 2025, 12:08La question que pose le réalisme est, amha, est-ce que le monde existe ?
Le réalisme n'est pas une question, mais une affirmation métaphysique (non réfutable par l'observation puisque, par définition, elle postule l'existence de propriétés objectives, donc existant indépendamment de l'observation) selon laquelle les lois et propriétés physiques de l'univers existeraient même s'il n'existait pas d'observateurs dotés de la même grille de lecture que nous (cad pour lesquels les mêmes grandeurs, dites macroscopiques, donneraient des descriptions incomplètes mais pertinentes/intersubjectives et reproductiblement lisibles, précisément en raison cette incomplétude (1)) pour extraire de leurs interactions avec l'univers les mêmes lois et propriétés physiques.

Au contraire, les physiciens positivistes acceptent, selon le principe d'économie du rasoir d'Occam, de se passer d'un ajout de l'hypothèse d'existence de lois et propriétés objectives, cad des propriétés qui existeraient indépendamment de toute considération d'observateurs et leur grille de lecture commune et des observations intersubjectives et reproductibles découlant de cette grille de lecture.

L'hypothèse réaliste est donc, par sa définition même, non réfutable donc métaphysique. Cette hypothèse métaphysique ne présente toutefois pas la possibilité de retomber ultérieurement dans le champ de la physique (contrairement à d'autres hypothèses métaphysiques (2)) cad la possibilité d'en tirer une ou des prédictions réfutables par observation. Elle est donc en désaccord avec l'exigence de réfutabilité de Karl Popper, cf. La Logique de la découverte scientifique, publié en 1934.

L'ajout de l'hypothèse métaphysique réaliste (métaphysique car non requise pour obtenir l'ensemble des prédictions de la physique) me semble exprimer une intuition suggérée par notre expérience vécue d'une part et par la physique classique objective, déterministe et réversible de la fin du 19ème siècle d'autre part. L'hypothèse réaliste engendre de nombreux paradoxes, dont :
  • le paradoxe de la non localité quantique (effet EPR) surmontable par l'interprétation réaliste Bohmienne. L'interprétation bohmienne de la non localité quantique me semble toutefois mise en défaut par l'absence prédite et vérifiable de réduction du paquet d'onde du côté de Bob (via la conservation de 2-time correlation du photon de Bob, cf. Each instant of time a new universe § Measurement of EPR states) quand Alice réalise une mesure de polarisation de son photon (cf. EPR effect, non-locality, positivism & realism)
  • le paradoxe de l'indéterminisme quantique = manque d'information sur le futur (qui est l'un des 2 versans de la violation d'unitarité des évolutions quantiques lors d'une mesure quantique)
  • le paradoxe de l'irréversibilité (2), dont l'irréversibilité de la mesure quantique = manque d'information sur le passé (qui est l'autre versan de la violation d'unitarité des évolutions quantiques lors d'une mesure quantique)
  • le paradoxe du Chat de Schrödinger, cad le problème de la mesure quantique (dont l'absence de fin objective de la mesure quantique en sus de la violation d'unitarité des évolutions quantiques = violation de la conservation de l'information objet des 2 points précédents),
  • le paradoxe de la flèche du temps (dont le paradoxe de la très faible entropie de l'univers à ses débuts, la past hypothesis)
Ci-dessous un exemple typique d'expresion du point de vue positiviste dans cette citation issue de l'article d'Asher Peres Quantum information and relativity theory
Many physicists, perhaps a majority, have an intuitive realistic worldview and consider a quantum state as a physical entity. Its value may not be known, but in principle the quantum state of a physical system would be well defined. However, there is no experimental evidence whatsoever to support this naive belief. On the contrary, if this view is taken seriously, it may lead to bizarre consequences, called “quantum paradoxes.” These so-called paradoxes originate solely from an incorrect interpretation of quantum theory... It is only the misuse of quantum concepts, guided by a pseudorealistic philosophy, that leads to paradoxical results.

In this review we shall adhere to the view that ρ is only a mathematical expression which encodes information about the potential results of our experimental interventions. The latter are commonly called “measurements” — an unfortunate terminology, which gives the impression that there exists in the real world some unknown property that we are measuring. Even the very existence of particles depends on the context of our experiments. In a classic article, Mott (1929) wrote “Until the final interpretation is made, no mention should be made of the α-ray being a particle at all.” Drell (1978) provocatively asked “When is a particle?” In particular, observers whose world lines are accelerated record different numbers of particles.
Il est toutefois important de préciser que le point de vue positiviste (présenté ci-dessus sans laisser beaucoup de place à la contestation), ne fait pas l'unanimité parmi les physiciens. De nombreux physiciens dont la compétence est largement reconnue par leurs pairs restent attachés à l'interprétation réaliste des lois et propriétés physiques en leur prétant un caractère objectif. Même Rovelli qualifie d'objectives les grandeurs macroscopiques dans son article Why do we remember the past and not the future? (3) malgré son positionnement clairement positiviste.

Parmi les physiciens réalistes, on peut citer notamment : David Bohm, John Bell, Sheldon Goldstein, Ian Percival, Antony Valentini, Valerio Scarani, Jean Bricmont, Frank Laloë, Alain Apect et Mayeul Arminjon par exemple.

(1) Cf. Incomplete descriptions and relevant entropies. R. Balian, 1999. Tout particulièrement les paragraphe 5 Relevant observables and incomplete descriptions, 6 Least biased states and relevant entropies et 7 Reduction of the description

(2) l'hypothèse atomique prouvée par Einstein fut qualifiée de métaphysique par Ernst Mach. La question de l'incomplétude de la formulation standard de la physique quantique (cf. l'article EPR d'Einstein en 1935) fut, quant à elle, longtemps négligée en raison de son caractère jugé trop philosophique... ...Et pourtant, cette question est à l'origine des développements ultérieurs de l'information quantique, de la téléportation quantique, de la cryptographie quantique et de l'informatique quantique.

(3) Why do we remember the past and not the future? C. Rovelli, 2014
The fact that thermodynamics and statistical mechanics require a coarse graining, namely a “choice” of macroscopic observables, appears at first sight to introduce a curious element of subjectivity into physics, clashing with the objectivity of the predictions of science. But of course there is nothing subjective in thermodynamics. A cup of hot tea does not cool down because of what I know or do not know about its molecules.

The “choice” of macroscopic observables is dictated by the ways the system under consideration couples. The macroscopic observables of the system are those coupled to the exterior (in thermodynamics, those that can be manipulated and macroscopically measured). The thermodynamics and the statistical mechanics of a system defined by a set of macroscopic observables An describes (objectively) the way the system interacts when coupled to another system via these observables.
Je partage le point de vue exprimé par Rovelli dans la citation ci-dessus, sauf toutefois le qualificatif d'objectif (en lieu et place, à mon sens préférable, du qualificatif d'intersubjectif). Ce qualificatif d'objectif tend à suggérer (selon moi) l'absence de rôle joué par notre grille de lecture thermodynamique statistique contrairement au point de vue clairement affirmé par Rovelli du rôle de notre grille de lecture concernant (notamment) la flèche du temps dans ses articles tels que, par exemple : Forget time
VI. The recovery of time : The time of our experience is associated with a number of peculiar features that make it a very special physical variable. Intuitively (and imprecisely) speaking, time “flows”, we can never “go back in time”, we remember the past but not the future, and so on. Where do all these very peculiar features of the time variable come from?
I think that these features are not mechanical. Rather they emerge at the thermodynamical level. More precisely, these are all features that emerge when we give an approximate statistical description of a system with a large number of degrees of freedom. We represent our incomplete knowledge and assumptions in terms of a statistical state ρ.
ou encore Is time arrow perspectival?.

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Re: Réalisme/objectivité versus positivisme/intersubjectivité

#25

Message par richard » 23 août 2025, 12:02

Salut !
J’ai dit que la question essentielle est: est-ce que le monde existe ?
Les posivistes comme les réalistes répondent oui!
La question subsidiaire est: est-ce que les choses qui constituent le monde ont des propriétés intrinsèques ?
Les positivistes répondent non! les réalistes oui!
Je ne vois vraiment pas pourquoi elles n’auraient pas de propriétés intrinsèques puisque le monde existe indépendamment des observateurs, je trouve donc que la position réaliste est plus juste, selon moi.
Les positivistes, au contraire, disent que les choses n’ont pas de propriétés tant qu’on ne les a pas mesurées.
Les positivistes, comme les réalistes, sont convaincus de la justesse de leur position, mais ce sont, toutes deux, des hypothèses métaphysiques, irréfutables, on ne peut donc trancher.
Par contre en ce qui concerne l’objectivité, il est clair que que la position réaliste qui consiste à dire que les choses possèdent des propriétés intrinsèques, qui ne dépendent pas des observateurs est bien plus objective que celle du positivisme où les observateurs doivent se mettre d’accord sur ces propriétés.
Dernière modification par richard le 23 août 2025, 16:08, modifié 6 fois.

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