Pour parvenir à analyser nos problèmes de société d'un point de vue
global et systémique (cad poser le problème avant d'en chercher les solutions) en termes de flux et stocks de
matière, d'
énergie, de
ressources humaines et
de compétences...
...MAIS AUSSI ET SURTOUT en termes d'
émotions, d'
attentes, de
motivations et de
biais d'appartenance, il est nécessaire de parvenir à échapper à une focalisation inefficace (mais naturelle) sur telles ou telles justifications, notamment telle ou telle catégorie de coupables jugés responsables de presque tous nos problème
(1).
Une telle focalisation nous enferme dans la conviction selon laquelle nous serions les
victimes impuissantes de contraintes insurmontables, extérieures à notre volonté et hors de portée de nos moyens d'action (parfois, cette focalisation nous souffle une solution évidente et simple : punir les coupables et résoudre ainsi tous nos problèmes en leur faisant payer leurs méfaits).
Cette conviction favorise
l'immobilisme. Elle nous piège dans la prophétie
auto-réalisatrice selon laquelle un effondrement très brutal de notre société mondiale dans les 20-30 ans qui viennent serait inévitable, un effondrement dans de violents conflits entre pays et au sein de ces pays quand nous aurons détruit nos économies ainsi que nos moyens de production industrielle et agricole et notre biosphère, des conflits motivés par la volonté :
- d'accéder aux ressources alimentaires, en eau et en territoires habitables qui resteront disponibles
- ET de punir les coupables de cet effondrement.
Notre civilisation désormais mondiale rencontre d'assez sérieuses difficultés :
- les guerres. Merci aux violations des règles de l'ONU. Peut-être faudrait-il inventer un prix Nobel de la guerre ? Il est vrai que la compétition serait rude,
- les tensions et ambitions géopolitiques impérialistes sur un fond de progression de l'accès à la bombe atomique,
- les conflits sociaux, culturels ou cultuels,
- la crise écologique et la crise climatique,
nous en donnent un avant-goût.
Notre difficulté collective pour surmonter notre grave crise de civilisation actuelle découle de valeurs, d'émotions, de motivations et d'attentes inadaptées à nos besoins réels actuels. Il s'agit, par exemple :
- du désir (au besoin mortel au sens propre) de revanche d'une catégorie sur une autre,
- de l'ambition exacerbée de domination d'une catégorie sur toutes les autres,
- de l'ambition d'accumuler des biens et possessions peu intéressants en regard de leur coût mais recherchés car perçus comme des marqueurs de prestige et de réussite sociale, etc, etc
Dans ce contexte d'
ambitions, de
colères et de
tensions diverses (entre pays et entre communautés rivales au sein de ces pays), de nombreuses actions de récupération et d'exacerbation de nos émotions (
jalousies,
indignations,
frustrations (2)...) et de nos biais d'appartenance (my category über alles) sont manipulés par certains mouvements et responsables politiques, plus concernés par l'accès au pouvoir que par la pertinence et le bénéfice collectif de son emploi.
A titre d'exemple, face à un besoin de changements structurels pour surmonter une difficulté persistante dans un pays, certains
mouvements et responsables politiques ne manquent pas d'exploiter et d'
exacerber la résistance naturelle à tout
changement contraignant pour en tirer un bénéfice électoral... Dans ce cadre, sur les réseaux sociaux, des actions de désinformation, s'appuyant souvent sur des
sentiments d'appartenance habilement
radicalisés (par exemple par victimisation de certaines minorités en appuyant habilement là où ça fait ou a fait mal) et propagés grâce à ces réseaux, donnent lieu à de nombreux clics.
Susciter ces émotions là rend virales les vidéos de désinformation car très rentables en termes publicitaires. Elles se propagent comme des virus particulièrement efficaces et contagieux
(3)... ...et menacent la cohésion, donc la stabilité et la pérennité de nos sociétés. Ces messages orientent nos émotions et motivations dans un sens exacerbant tensions, conflits, clivages et radicalisation, favorisant ainsi, plus généralement, une propagation de l'anomie. Par ailleurs, ces messages sont un outil de déstabilisation prisé par des puissances étrangères hostiles
(4).
Face aux
fake news et à la désinformation propagées par
les réseaux sociaux, existe-t-il un chemin pour préserver la cohésion sociale et la possibilité de négocier puis construire un objectif commun positif et des solutions réalistes
(5) ? Existe-t-il une ou des solutions pour que l'évolution de nos émotions, attentes, motivations, objectifs et convictions se fasse dans une direction bien adaptée à nos besoins réels actuels ?
A titre d'exemple, le pourcentage de Francais imputant le réchauffement climatique à des causes naturelles plutôt qu'à des causes anthropiques serait passé de 24% en 2023 à 30% en 2025 (semble-t-il. A vérifier. Je l'ai entendu sur une chaîne de TV mais pas vérifié par recoupement)
(6)...
...Où est la cause de ce problème ? Il résulte d'une perte de confiance dans les autorités compétentes (scientifiques dans ce cas-là) pour exprimer un avis sur un sujet donné
(7). Bref, les réseaux sociaux semblent trop souvent favoriser l'ultracrépidarianisme...
...Un mal auquel les sociétés démocratiques sont particulièrement vulnérables. Fake news et complotisme y ont de beaux jours devant eux
(8). Une grande partie de notre difficulté pour résoudre nos problèmes de société vient certes, en partie, de certains manques de formation et d'information, mais aussi (et peut être surtout) du problème d'ultracrépidarianisme et de nos biais de raisonnement, notamment de nos biais idéologiques, de nos biais d'appartenance et d'attentes inadaptées à nos besoins réels...
...ce qui pose la question suivante : c'est quoi la solution pour lutter contre
l'ultracrépidarianisme, contre la
manipulation de nos émotions, contre la création (mais plus souvent l'amplification) d'
attentes contraires à nos besoins et contre l'exacerbation de nos
sentiments d'appartenance dans un sens détruisant la
cohésion sociale ou encore favorisant les tensions internationales et
conflits militaires entre nations ? Comment favoriser le plus largement possible :
- l'esprit critique,
- l'aptitude à identifier les actions de manipulation de nos émotions,
- l'aptitude à identifier, avec une meilleure fiabilité, les actions de désinformation et des sources d'information suffisamment diversifiées et dignes de confiance,
- l'aptitude à écouter des personnes avec lesquelles on est en désaccord (possiblement profond)
- et l'aptitude à identifier des désaccords insurmontables (savoir s'arrêter d'essayer de convaincre quand on a compris que c'était mission impossible) puis accepter quand même de négocier ?
L'
éducation ? Voui, certes, mais ça veut dire un effet dans une génération, or le temps presse. De plus, comment y parvenir sans se heuter à des levées de bouclier du genre : "M'enfin quoi ? le climato-scepticisme, le créationisme, l'antisionémitisme, le révisionisme, la dénonciation des méfaits des vaccins contre le covid et le droit de Poutine à se défendre, par une agression préventive, contre la grave menace ukrainaziotanienne, le "tout est de la faute de la catégorie X ou du pays Y", doivent pouvoir être exprimés et propagés dans le respect de la pluralité de points de vue" propre à toute société ultracrépidémocratarianiste qui se respecte.
Si quelqu'un connaît l'antidote, prière de le signaler. Ca serait très très très utile.
(1) Les ulta-riches, la CGT, le système, les immigrés, le RN, les fonctionnaires, les enarques, les enseignants, LFI, les patrons, les écolobobos, les élites, les chômeurs, les bureaucrates européens, le gouvernement... Chacun choisit sa
catégorie de coupables de presque tout préférée sur la base de son appartenance culturelle, cultuelle, nationale ou idéologique. D'ailleurs, quand dans une catégorie donnée nous faisons des choix inappropriés, c'est forcément de "leur" faute. Toutes les catégories sont d'accord là-dessus. A titre d'exemple, les hommes ont plus d'accidents de voiture que les femmes. Pourquoi ? Ben c'est en essayant de les éviter quand elles font un écart bien sûr. Non, non, non. Il n'y a aucun biais d'appartenance là-dedans, c'est la vérité vraie.
(2) Parmi les émotions servant de base à la manipulation, on trouve aussi la peur. Elle peut parfois même virer à la paranoïa, comme celle induite par Poutine au sein du peuple Russe vis à vis de l'Europe. Le but visé est que les Russes soutiennent son "opération spéciale" sans se douter :
- de ses réelles motivations :
- d'une part, se venger de la chûte du mur de Berlin lorsqu'il y était en poste en Allemagne de l'Est a falli y laisser la vie face à une foule hostile au régime soviétique et ses représentants officiels
- d'autre part, satisfaire son ambition de devenir le puissant dirigeant d'une union soviétique restaurée et si possible étendue à l'ensemble de l'Europe.
- ni des conséquences humaines et économiques néfastes en résultant pour eux comme pour les Ukrainiens
- et encore moins des risques engendrés par cette guerre pour la stabilité géopolitique mondiale.
En plus des nombreux morts et blessés, tant Russes qu'Ukrainiens, et des dommages économiques, tant pour la Russie que pour l'Ukraine, notre planète n'a, en effet, pas vraiment besoin de cette source de déstabilisation géopolitique mondiale assez risquée supplémentaire.
(3) Selon une information délivrée par une chaîne de TV (A vérifier, je ne l'ai pas fait), l'impact d'une fake news, compté en nombre de clics, serait supérieur d'un factueur 6 à une information correcte. Il est vrai que le sensationnel et l'indignation ça marche bien.
(4) Agresser un pays (ou un bloc) en exploitant ses fractures sociales internes pour le déstabiliser, par le moyen de fake news, de désinformations et de manipulation des émotions, est prisé par des pays (ou des mouvances idéologiques) désireux d'étendre leur domination (sur les pays qu'ils ont choisi de faire des adversaires) en raison de l'efficacité de ce mode d'action vis à vis de cet objectif de déstabilisation. Ca fait pas mal de dégâts économiques et sociétaux dans le pays agressé (par le chaos sociétal ainsi favorisé) contribuant ainsi à affaiblir sa position. Pour l'agresseur, le coût en vies humaines est inexistant et le coût économique est dérisoire en regard du coût d'une agresssion militaire.
(5) Les transformations de mode de production à envisager doivent, en particulier, être compatibles avec les stocks et les flux d'aliments, d'eau, de terres agricoles, de matière et d'énergie disponibles ainsi qu'avec les délais requis pour mener à bien ces transformations ainsi que les évolutions de compétence et de profession requis.
(6) Pourtant, le refroidissement de la haute atmosphère et le réchauffement plus rapide aux pôles qu'à l'équateur apportent la preuve que le réchauffement ne peut pas provenir d'une augmentation d'activité solaire...
...mais bon, une argumentation soignée et sourcée n'est pas nécessairement suffisante pour surmonter un barrage psychologique protégeant des convictions profondes contre des informations, qu'elles soient justes ou fausses, qui leurs sont étrangères (un peu à la manière d'un système imunitaire).
Ce type de barrage psychologique, protégeant nos convictions fortes, est très solide. Il est étanche vis à vis de certaines informations et à l'accumulation d'indices concordants pointant vers une même conclusion (voir même à des preuves). Il est capable de résister à des incohérences flagrantes. Son origine ne se situe pas nécessairement à un niveau conscient.
(7) En France, cette perte de confiance dans l''autorité s'inscrit dans un mouvement plus général de dévalorisation du rôle de l'autorité sous toutes ses formes.
Concernant les responsables politiques, une conviction assez répandue (peu soumise à débat) c'est que se serait d'abord et avant tout de leur faute. Une question me semble insuffisamment posée. Est-il réellement souvent possible de se faire élire sur la base d'un programme proposant un ensemble assez complet de mesures contraignantes à court terme mais bénéfiques (voir mêmes nécessaires) à moyen et long terme ainsi que celles souhaitables dans l'intérêt de la majorité mais se heurtant à la forte opposition d'une minorité (ou d'un lobby) de blocage ?
Concernant le rôle des élites, sans qu'elles soient plus à absoudre que le reste de la population vis à vis de nos problèmes de société, elles me semblent parfois constituer un bouc émissaire tellement sympathique qu'analyser leur rôle plus en détail (pour savoir si, vraiment, presque tout est de leur faute) soit sans intérêt tant la réponse tombe sous le sens... ...ou, dans le meilleur des cas, passe par le filtre du cherry picking approprié pour pouvoir en tirer la conclusion souhaitée.
(8) Dans les pays autocratiques, les fake news et la désinformation sont très en vogue aussi... ...mais elles sont très cohérentes avec la ligne du parti au pouvoir...
...C'est pas terrible non plus pour l'intérêt collectif à un niveau mondial, mais ça n'engendre pas de risque d'effondrement sociétal par fracturation de l'opinion en factions violemment antagonistes, ni en risques d'insurrection dans les pays autocratiques concernés.
Les pays autocratiques l'ont d'ailleurs bien compris. Ils connaissent parfaitement le talon d'Achille des sociétés démocratiques et sont assez efficaces quand il s'agit de frapper sur ce point faible. A titre d'exemple, quand l'Iran était dans une position plus solide, les mouvements pour une
Ecosse libérée du joug de l'Angleterre était bien plus énergiques.