Postée par ch.bertrand , May 09,1999,11:05 | Index | Forum |
Il y a toujours un lien entre la qualité artistique d'une oeuvre et son effet présumé sur le public ; compare Rambo à Apocalypse Now ou une quelconque série Z à Taxi Driver. Rambo et la série Z désarmorcent l'effet potentiel de leur message parce qu'ils sont si exagérés qu'on en rit, et les Chroniques de l'étrange sont de cette pâte. Apocalypse Now et Taxi Driver par contre ont un message plus pluriel, portent une équivoque, c'est ce qui fait leur qualité, et c'est aussi le danger. Et encore pourrait-on parler, à un niveau plus sournois, de ce qu'on appelle le message narratif... (J'ai fait le baccalauréat en études cinématographiques, et ce que je te dis là est assez élémentaire ; tu devrais peut-être faire quelques lectures).
Le piège que j'évoquais, comme tu l'aurais compris si tu avais réfléchi plus longuement au sens de mon propos et surtout si tu en avais compris le contexte implicite, c'est celui d'en arriver à une sorte de rectitude sceptique comme il y a de nos jours une rectitude politique qui conduit à demander qu'on banisse le terme sourd au profit de malentendant, et autres excès. Rien de plus, rien de moins.
Mais le réflexe derrière ce piège, paradoxalement, est indispensable ; il suffit simplement de savoir l'appliquer à des objets qui, en eux-mêmes ou par leur incidence sur les gens, en valent la peine. Et je ne crois toujours pas que la série discutée ici appartienne à cette catégorie. Elle se rapprocherait plutôt des messages dans le petits biscuits chinois. Et c'est dans ce contexte que se plaindre de la façon dont tu l'as fait évoque le scientisme : tout comme user d'une gourdin pour écraser une puce paraîtra un tantinet exagéré...
Et maintenant, jeune homme, un petit retour sur certains qualificatifs que tu as employés...
– Moi, je ne t'ai en aucun cas attaqué personnellement ; je n'ai pas écrit que tu n'étais qu'un ado attardé par exemple, j'ai dit que ta lettre sonnait ado... Alors pour la capacité à bien comprendre ce qu'on lit, je te trouve mal placé pour faire la leçon...
– Je serais un sceptique de salon, dis-tu encore ? Mais en écrivant cela, avais-tu conscience, à ce compte-là, qu'un certain nombre de sceptiques qui étaient là bien avant que tu t'amènes pourraient se sentir visés par un jugement de la sorte ? Mais bon, comme disait Ross Perrot à propos de Bill Clinton, il faut bien que jeunesse se fasse...
– Je passerai rapidement sur la défense que tu offres quant à la qualité de ton français et à ses conséquences sur l'effet espéré de la lettre que tu as envoyée ; ton argument ne trahit ni plus ni moins d'autocomplaisance que ce que j'ai pu déjà constater en sept ans de révision linguistique dans le milieu de l'édition et ailleurs, et je me sentirais mal à l'aise de t'en stigmatiser. Heureusement tout de même que ceux qui veillent à la qualité du français dans le Québec sceptique n'ont pas une attitude semblable. (Et en passant, sisyphéen est un néologisme encore non reconnu...).
Sans rancune
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