Re:Re: re:Positivisme et langage : une explication à la croyance au paranormal
Re: Re: re:Positivisme et langage : une explication à la croyance au paranormal -- Claude Mac Duff
Alors, ici comme ailleurs, il est de bon ton de trouver Auguste Comte passablement simpliste . Il est facile très certainement de dresser une liste de ses erreurs : l'une des plus spectaculaires pourrait être son refus des probalités à la porte des sciences , confronté à leur importance dans la physique d'aujourd'hui : cela prouve quoi, au juste ?
Mais il y a pire : rien n'est plus facile que de simplifier l'autre -- mort depuis longtemps de préférence-- pour le dire simpliste.
Il n'est pas vrai que le traitement positiviste du rapport entre langage et réalité conduit à ce "monstre", comme dit Isabelle , de l'identification d'une expérience subjective à la réalité, " jusqu'à preuve du contraire" . C'est dans une continuité bien connue de l'oeuvre d'Auguste Comte qu'Emile Durkheim entreprit ses essais de sociologie de la religion : et il s'exprime , sur ce point précis , très explicitement . Ce qui est dit , en effet, c'est que l'expérience vécu et le discours qui s'y rattache expriment, bel et bien, une réalité , mais ce qui est aussitôt ajouté , c'est que cette réalité n'est pas forcément, n'est même en général pas du tout, celle que le langage émis veut désigner .
Il y a en tout cela une grande confusion, avec un autre aspect des tentatives positivistes , essayant effectivement de construire une symbiose entre le mot et la chose . Alors il est facile de semer le trouble, parce que précisément , cette symbiose , -- et aujourd'hui l'herméneutique parlera du symbole-- , est le propre du mythe .
Mais une différence est occultée : dans le " je le dis donc c'est vrai ", se trouve la magie du verbe, parce que l'une des sources même de la magie : nommer c'est posséder, maîtriser, créer; alors que pour le positiviste, c'est : ce qui est dit exprime une réalité ; et il faut encore insister : la réalité n'est pas forcément dans la proposition énoncée , elle est dans ce qui fait que cette proposition a été énoncée.
Autre confusion, entre vraisemblable discursif et vraisemblable moral : là encore, dans l'esprit du positivisme de Comte, Durkheim s'est très clairement exprimé ; on dit que Weber a montré l'erreur de ce positivisme qui voulait fonder la morale sur les résultats de la confrontation discursive -- très présisément-- des penseurs positivistes , mais peu importe ici , ce qui importe c'est que l'intention était bien telle .
Tout cela peut-être peut s'inclure dans une autre confusion , voire une absurdité : on ne peut pas parler d'auto-référentiel à propos d'un locuteur " n'appelant que ses propres concepts" : un concept n'est pas singulier, par vocation essentielle il se veut un universel , et celui qui les manie se situe illico dans l'arène des autres, qui ne lui passeront pas la première contradiction : du reste ce n'est que si des concepts sont organisés en un système que la contradiction peut venir des phénomènes , et alors la réflexion ne vaut que pour une idéologie, système particulier qui, justement, ne se confronte pas aux concepts mais les crée , système dans lequel concepts et phénomomènes ne se confrontent pas mais sont tous deux soumis aux transformations préservant l'idéologie .Il paraît fort surprenant que le langage n'ait prétentu "faire voir" aux autres le réel expérimenté qu'à partir de l'époque des Lumières . D'où est-il venu , au fond des âges, si c'est ailleurs que d'un réel expérimenté ? N'est-il pas plutôt tardif d'avoir posé un réel derrière l'expérimenté ? Ce n'est pas parce que le vécu, le ressenti, etc., sont revenus en force contre, précisément, l'offensive positiviste , ce n'est pas parce que l'existentialisme a marqué notre culture au XX° siècle en niant ce " derrière les choses" , que la chose est nouvelle. Mais au fond : que peut bien être un réel non expérimenté ? Du reste, peut-être une autre confusion, car le vraisemblable jeaugé à l'échelle morale peut faire penser à " La raison pratique" .
Enfin , tout ça pour dire : comment donc existerait le langage s'il ne référait pas , et "directement" , au réel ? L'illusion, l'erreur, le mensonge... ne peuvent jamais que dire du réel , fut-ce à leur corps défendant. Mais au fait : le réel n'est pas une catégorie du positivisme de Comte : il ne prétendait pas expliquer ce qui est, mais ce qui se passe . La confusion mère est peut-être là .
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