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Re:Re: re:Positivisme et langage : une explication à la croyance au paranormal


Re: Re: re:Positivisme et langage : une explication à la croyance au paranormal -- Claude Mac Duff
Postée par decroix rené , May 11,1999,16:04 Index  Forum

Alors, ici comme ailleurs, il est de bon ton de trouver Auguste Comte passablement simpliste . Il est facile très certainement de dresser une liste de ses erreurs : l'une des plus spectaculaires pourrait être son refus des probalités à la porte des sciences , confronté à leur importance dans la physique d'aujourd'hui : cela prouve quoi, au juste ?
Mais il y a pire : rien n'est plus facile que de simplifier l'autre -- mort depuis longtemps de préférence-- pour le dire simpliste.
Il n'est pas vrai que le traitement positiviste du rapport entre langage et réalité conduit à ce "monstre", comme dit Isabelle , de l'identification d'une expérience subjective à la réalité, " jusqu'à preuve du contraire" . C'est dans une continuité bien connue de l'oeuvre d'Auguste Comte qu'Emile Durkheim entreprit ses essais de sociologie de la religion : et il s'exprime , sur ce point précis , très explicitement . Ce qui est dit , en effet, c'est que l'expérience vécu et le discours qui s'y rattache expriment, bel et bien, une réalité , mais ce qui est aussitôt ajouté , c'est que cette réalité n'est pas forcément, n'est même en général pas du tout, celle que le langage émis veut désigner .
Il y a en tout cela une grande confusion, avec un autre aspect des tentatives positivistes , essayant effectivement de construire une symbiose entre le mot et la chose . Alors il est facile de semer le trouble, parce que précisément , cette symbiose , -- et aujourd'hui l'herméneutique parlera du symbole-- , est le propre du mythe .
Mais une différence est occultée : dans le " je le dis donc c'est vrai ", se trouve la magie du verbe, parce que l'une des sources même de la magie : nommer c'est posséder, maîtriser, créer; alors que pour le positiviste, c'est : ce qui est dit exprime une réalité ; et il faut encore insister : la réalité n'est pas forcément dans la proposition énoncée , elle est dans ce qui fait que cette proposition a été énoncée.
Autre confusion, entre vraisemblable discursif et vraisemblable moral : là encore, dans l'esprit du positivisme de Comte, Durkheim s'est très clairement exprimé ; on dit que Weber a montré l'erreur de ce positivisme qui voulait fonder la morale sur les résultats de la confrontation discursive -- très présisément-- des penseurs positivistes , mais peu importe ici , ce qui importe c'est que l'intention était bien telle .
Tout cela peut-être peut s'inclure dans une autre confusion , voire une absurdité : on ne peut pas parler d'auto-référentiel à propos d'un locuteur " n'appelant que ses propres concepts" : un concept n'est pas singulier, par vocation essentielle il se veut un universel , et celui qui les manie se situe illico dans l'arène des autres, qui ne lui passeront pas la première contradiction : du reste ce n'est que si des concepts sont organisés en un système que la contradiction peut venir des phénomènes , et alors la réflexion ne vaut que pour une idéologie, système particulier qui, justement, ne se confronte pas aux concepts mais les crée , système dans lequel concepts et phénomomènes ne se confrontent pas mais sont tous deux soumis aux transformations préservant l'idéologie .

Il paraît fort surprenant que le langage n'ait prétentu "faire voir" aux autres le réel expérimenté qu'à partir de l'époque des Lumières . D'où est-il venu , au fond des âges, si c'est ailleurs que d'un réel expérimenté ? N'est-il pas plutôt tardif d'avoir posé un réel derrière l'expérimenté ? Ce n'est pas parce que le vécu, le ressenti, etc., sont revenus en force contre, précisément, l'offensive positiviste , ce n'est pas parce que l'existentialisme a marqué notre culture au XX° siècle en niant ce " derrière les choses" , que la chose est nouvelle. Mais au fond : que peut bien être un réel non expérimenté ? Du reste, peut-être une autre confusion, car le vraisemblable jeaugé à l'échelle morale peut faire penser à " La raison pratique" .

Enfin , tout ça pour dire : comment donc existerait le langage s'il ne référait pas , et "directement" , au réel ? L'illusion, l'erreur, le mensonge... ne peuvent jamais que dire du réel , fut-ce à leur corps défendant. Mais au fait : le réel n'est pas une catégorie du positivisme de Comte : il ne prétendait pas expliquer ce qui est, mais ce qui se passe . La confusion mère est peut-être là .


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