Non seulement légitime mais c'est très certainement le cas. Là n'est pas mon point. Ce que je veux dire, c'est que la morale n'est pas dans les actes du déviants, tout comme le caractère déviant n'est pas situé dans ses actes. Ce caractère est dans le regard et le jugement porté par les autres, par la société. Dans une société ou le meurtre est la norme "morale", le déviant est celui qui ne tue pas. Heureusement, dans la majeure partie des sociétés humaines, la norme est la préservation de la vie.
Ce que je veux dire aussi, c'est que si l'on place la morale uniquement dans la nature on court le risque de totalement légitimiser les actes des déviants ("ils ne peuvent faire autrement, faut l'accepter"). Tandis que si on l'installe dans la culture, on peut la tourner de manière à ce qu'elle demeure le "plus juste possible" pour tous. A mon avis, Stéphane est plus qualifié que moi pour parler de ça.
Toutefois, je pense que Gould a raison (dans "Dieu dit: Et que Darwin soit!") losqu'il dit que nous devons éviter de trouver de la morale dans les résultats scientifiques. La morale n'est pas naturelle mais culturelle. Si elle était naturelle, il n'y aurait pas une telle diversité dans les différentes sociétés. Il y aurait une morale de base, dictée par nos gènes, et variant peu d'un pays à un autre. Lorsque l'on tente de tirer des enseignements moraux de l'observation de la nature, on projette plus souvent qu'autrement nos biais culturels à travers l'observation. Les conclusions morales que l'on peut en tirer sont alors facilement le reflet de nos préconceptions. Autant un raciste qu'un non-raciste peut trouver des "exemples" naturels pour soutenir son point de vue. On peut être convaincu, alors, que les deux ont tort de procéder ainsi.
C'est pourquoi je pense qu'on ne peut faire autrement que de situer les bases de la morale en dehors des explications naturelles, à un niveau culturel et social. Ce qui ne veut pas dire que la morale doit être totalement détachée de la réalité physique. Le respect de l'intégrité physique, par exemple, devrait (à mon avis) entrer en ligne de compte dans la détermination du code moral; tout comme la possibilité que certains soit physiologiquement incapables de comprendre ou d'agir en fonction de ce code. Simplement, il faut garder à l'esprit que ce que les hommes déterminent comme bon ou mauvais n'est pas naturel mais doit être décidé.
Jean-François
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