Il faut être tout aussi d'accord avec toi je crois lorsque tu dis que mon expression d' <intelligence rationaliste> est imprécise. Toutefois on peut peut-être préciser un peu : tu dis rationaliste ou rationnel , mais on peut les séparer de la façon suivante : le rationnel est un état de quelque chose, le rationalisme est une décision, une intention ; autrement dit et encore pour faire vite : on peut être rationnel sans le savoir, pas rationaliste. ( Et pour donner mon avis personnel, le rationalisme ne peut jamais être qu'un horizon, une visée, pas un état où l'on pourrait être assis...)
Dans la même phrase un autre problème intéressant, que tu poses pour les deux : objectivité ou simple phénomène culturel, en l'occurrence occidental ? Ici je vais risquer une critique : le phénomène culturel, si on veut en parler, serait dans la valorisation du rationnel, mais pas dans la chose elle-même. Exemple : on peut définir une attitude intellectuelle que l'on appellera attitude rationnelle -- tu vois je n'engage aucune définition, on suppose seulement qu'elle existe-- et ensuite rencontrer cette attitude dans une culture non occidentale , observation qui éventuellement contribuera au jugement de valeur porté sur cette culture : la définition sera occidentale -- ce qui n'empêche pas qu'il puisse être plus : à discuter--, le jugement de valeur sera occidental, -- ce qui n'empêche pas ...--, mais l'attitude observée : non. Le samsara en hindouisme, par exemple, est un effort de rationalité à partir d'une mythologie ; une certaine forme de bouddhisme en est un autre, etc. Mais cette mythologie avait évidemment aussi sa logique : encore une fois la différence est entre l'exercie d'une raison naturelle et la décision de rechercher le rationnel.
Toutefois, une différence essentielle que je proposais avec l'exemple des grecs : eux aussi travaillent avec un état mythologique, mais ils ne le rationalisent pas, ils le critiquent rationnellement. Ils ne veulent pas créer un nouveau corpus avec seulement la cohérence interne en guise de rationalisation : ils veulent une construction qui s'élève de démonstration en démonstration (d'abord seulement de preuve en preuve, et bien sûr la distinction entre preuve et argument n'étant même pas claire d'un coup : mais regardons nos débats 2500 ans plus tard : l'est-elle toujours? ...) .
Tu évoques les liens entre la troisième (intel. rationaliste) et la première ( tâtonnements, bricolage, collage...) ,mais c'est que sans doute je n'ai pas été assez clair, car la différence essentielle que je proposais était justement dans la démonstration. La première intelligence s'épuise dans le résultat , si le résultat est jugé satisfaisant, or cela -- en tout cas selon <ma> conception du rationaliste , sans doute révisable-- ne saurait suffire à la troisième : la façon de parvenir au résultat lui est aussi importante que le résultat lui-même. Même un résultat obtenu disons par hasard et sans effort devra être reconstruit selon les exigences propres de la rationalité dans tout son formalisme. On pourrait remarquer peut-être que vu de l'extérieur, un tel comportement est celui d'un sceptique en action, alors qu'il n'a peut-être aucun doute sur le résultat : c'est ainsi qu'il est, comme je le proposais mais plus encore si cette dernière remarque est pertinente, <<naturellement>> sceptique : même convaincu, il traite sa propre croyance comme celle d'un autre qu'il ne partage pas. Ceci te donne raison lorsque tu considères le scepticisme comme une méthode, mais je crois que c'est incomplet : une méthode est extérieure à celui qui l'emploie, alors qu'ici il y a expression d'une manière d'être : <attitude> réunirait peut-être les deux. Mais d'un autre côté on peut reprendre un terme que tu as employé et dire : l'attitude ne donne pas forcément d'emblée '' l'aptitude''. J'ai introduit ici le mot <forcément>, parce que pour la question de JG le tout serait de savoir si nous sommes dans un cas où il y a coïncidence, ou non. Une dernière précision : on pourrait être tenté de résumer en disant : son <attitude> c'est tout simplement la figure du méthodique ; mais non, parce que l'on peut être très méthodiquement irrationnel ( Bertrand le voit peut-être avec la construction des pseudo-sciences, dans certains cas...) .
Tout ceci ne donne pas encore une ébauche de réponse à la question de JG, puisqu'une même attitude contient tous les degrés de performance possibles, si on s'en tient au cas général. Mais c'est aussi une méthode -- ou une manie-- : d'abord interroger longuement la question avant de commencer à essayer d'y répondre...
Bon, pour ce soir, stop (en France : 23h06). Très heureux que vous m'ayez extirpé de mes occupations <<vitales>> actuelles.
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