Merci d'avoir répondu de façon ordonnée. Allons-y sans plus de préambules.
STÉPHANE: 1) Non.
DENIS: Ça me suffit. Tu préfères remplacer la question? Je veux bien. Mais je souligne que le sujet de départ de toute la "simultanée" était l'intervention US en Afghanistan. À ce propos je suis toujours d'avis qu'ils font assez exactement le mieux qu'ils pouvaient faire; l'objectif étant d'oblitérer Al-Qaida (et, en corollaire, provoquer le renversement de l'exécrable tyrannie talibane qui sévissait en Afghanistan). Rien que ça, ou, plutôt, surtout ça, le sujet.
STÉPHANE: Je pensais qu'il s'agissait de savoir si le néo-libéralisme augmentait ou diminuait le pouvoir des gens ordinaires, que ce soit aux ÉU ou ailleurs. Ma réponse était qu'il le diminuait, et dans ce cas précis que les chefs d'entreprises se présentant comme les sauveurs du tiers monde étaient de fieffés menteurs.
DENIS: Ce sujet-là est aussi bien intéressant. Bien sûr, le libéralisme "pur et dur sans contrainte" mène droit à "au plus fort la poche" et n'est pas idéal d'un point de vue collectif. D'ailleurs, aux USA, il n'a pas cours. Tu n'as qu'à penser aux pressions sur Microsoft pour casser son monopole. Je suppose que les législations américaines concernant les pratiques commerciales font encore plus de gigabytes que les législations canadiennes ou françaises. Ç'est loin d'être un "free for all".
À ce propos je pense qu'une façon objective de situer (et comparer) les pays dans l'axe "individu vs collectivité" est le quotient du budget (consolidé) des gouvernements sur le PNB du pays. Pour le Canada, je pense que c'est à peu près 50%. Je pense que c'est généralement un peu plus en Europe (60%?) et un peu moins aux USA (40%?). En Russie Soviétique, c'était 100%. Dans le Far West de la ruée vers l'or, c'était vraisemblablement proche de 0%. Je pense aussi que les deux extrêmes sont néfastes. Reste à voir si le juste milieu est à 40%, à 50% ou à 60%.
L'ennui est que, en terme de "théorie des jeux", la maximisation du profit individuel est souvent en conflit avec la maximisation du profit d'autrui. Un exemple classique l'illustre:
Imaginons que deux joueurs (appelons-les le joueur de Gauche et le joueur du Haut) choisissent chacun une stratégie (parmi 2) sans se consulter. Gauche choisit entre A et B. Haut choisit entre A' et B'. Leurs choix combinés désigne une case de la grille 2x2 suivante: (j'espère qu'elle ne sera pas trop déboîtée sur ton écran)
A' B'
A ($1, $1) ($6, $0)
B ($0, $6) ($5, $5)
La case désignée par les choix des joueurs indique le gain de chacun. Le terme de gauche est le gain de Gauche et le terme de droite est le gain de Haut. Pour la grille de l'exemple, quelle est la stratégie optimale pour chaque joueur? (on suppose que chacun essaie de maximiser son propre profit). La grille est connue de tous. Ils n'ont pas le droit de s'entendre sur un partage et ne se reverront plus jamais.
Pour Gauche, seuls les quatre termes de gauche des couples sont pertinents. On voit tout de suite que, pour lui, jouer B est stupide. Quelque soit le choix de Haut, Gauche fait exactement $1 de plus en jouant A plutôt que B. (Pour Gauche, jouer B est équivalent à jouer A puis jeter $1 dans une bouche d'égout).
Le même raisonnement s'applique pour le joueur Haut. Pour lui, jouer A' rapporte exactement $1 de plus que jouer B' (quelque soit le coup de Gauche). Si chacun essaie de maximiser son propre profit, les deux joueurs vont donc se retrouver dans la case (1,1). Ils feraient mieux d'être "stupides" et de faire $5 chacun.
Je considère que ce petit paradoxe de théorie des jeux illustre assez bien l'opposition "bien individuel" vs "bien collectif". Il montre surtout que si chacun essaie de maximiser son propre profit, sans s'occuper des autres, ça risque d'aller mal pour tout le monde.
Je ne suis pas un partisan fanatique du libéralisme et du libre jeu de l'offre et de la demande. J'ai simplement un préjugé favorable à leur égard. J'aime mieux que les prix soient fixés par l'offre et la demande que par un monopole, par exemple (étatique ou pas). Mon juste milieu n'est peut-être pas exactement à la même place que le tien. Mais il n'est probablement pas loin.
STÉPHANE: 2) Les syndicats sont en perte de vitesse à peu près partout dans les pays d'Occident, alors au niveau international, on s'en éloigne. De plus, les syndicats des pays riches se sont laissé mettre dans une position de concurrence avec les travailleurs pauvres. Alors la grève mondiale des couturières c'est pas pour demain.
DENIS: Je suis de ton avis là-dessus. Un syndicat international des couturières aurait bien du mal à s'ajuster aux conditions socio-économiques disparates de ses membres. L'implantation de l'ATESE ne se fera pas du jour au lendemain mais je pense qu'on y viendra plus rapidement via la "plutôt-libéralisation" du commerce international que via sa "plutôt-constriction".
STÉPHANE: 3) Rhétorique.
DENIS: J'en conviens. (il était question du salaire horaire que devrait recevoir un intimidateur de dames immodestes en pays taliban).
STÉPHANE: ...en échangeant leur travail contre des morceaux de miroir...
DENIS: Je pense que tu exagères un peu. Les travailleurs mexicains des Maquilladoras sont certainement payés en pesos (pas en morceaux de miroir) et 3 fois plus que le salaire moyen ailleurs au Mexique. Même chose (à pesos-près) pour les travailleurs Chinois des zones franches près de Hong-Kong.
STÉPHANE: ...quelques conséquences «non voulues» vont accompagner ce changement: urbanisation chaotique, réduction de l'industrie locale, évaporation des filets de sécurité familiaux (sans remplacement par une structure étatique, bien sûr), affaiblissement relatif de l'État, etc. Sans compter que la transformation préalable des règles du commerce permet aussi le (re)déménagement instantané de l'entreprise à l'autre bout du monde à la moindre occasion, ce qui exerce une forte pression à la baisse sur les salaires.
DENIS: Ton "instantané" et ton "à la moindre occasion" me paraissent caricaturaux. Mais j'admet que ta description ne manque pas de fidélité. La question que je me pose est: les travailleurs des Maquilladoras préféreraient-ils retourner dans leur village? Je pense que non. Pour EUX, c'est un progrès par rapport à "avant". Toi, comment t'y prendrais-tu pour implanter l'ATESE à l'échelle mondiale? Ne me dis pas seulement "en interdisant la liberté d'entreprise"; donnes-moi plutôt des avenues positives alternatives (et réalistes).
STÉPHANE: Tu reprends ici ta forme préférée d'argumentation: une opposition exclusive entre un idéal absolument irréaliste *OU* le statu quo.
DENIS: Ah? Je croyais que c'était toi qui faisais ça. ;-)
Je ne suis absolument pas en faveur du statu quo. Je rêve autant que toi à un monde sans misère, sans analphabétisme, sans intégrisme, etc. Bref, à un monde développé de type USA plutôt qu'à un monde désolant du type Taliban.
Cordialités,
Denis
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