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Re:Re:Re:Et pif, et re-pif


Re: Re:Re:Et pif!(la suite) -- GA
Postée par Stéphane , Mar 12,2000,10:34 Index  Forum

1) «Le discours féministe est un discours dominé par une idée prévalente : Les hommes sont fondamentalement mauvais et ils persécutent les femmes fondamentalement bonnes.»

Ceci est parfaitement faux. Certes, certains écrits et certaines auteures tombent dans cette catégorie et sont désignées "féministes": surtout par ceux qui tentent de discréditer tout effort de changement. Si ceci est le seul discours «féministe» avec lequel vous êtes familier il faut vous traîner à une bibliothèque d'urgence, mon vieux.

2) valeurs féminines v. masculines. Ceci est de la frime, du culturel construit précisément par la partie de la population ayant le plus fort ascendant sur la culture depuis des siècles, cad les hommes. Il faudrait éviter d'appuyer une rhétorique naturaliste/déterministe sur du fluide comme ça.

3) Le pouvoir des femmes/discrimination contre les hommes. C'est en effet un discours qu'on entend de plus en plus, surtout aux E-U, et qui est essentiellement le même au niveau de l'«affirmative action» là-bas. Moi il me semble qu'on exagère astronomiquement le cheminement fait par les femmes (ou les noirs) jusqu'ici. Évidemment, c'est toujours le changement qui attire l'attention, plutôt que ce qui reste pareil. Le changement, ça menace le confort. Et pourtant, un caillou dans la chaussure agace le marcheur au plus haut point mais sans vraiment changer sa destination.

Ce qui reste pareil, c'est que les femmes au Québec (et en France c'est bien pire, surtout en politique où les femmes sont traitées comme des adolescentes en besoin d'un bon papa) ne représentent que 15% des politiciens et moins de 5% des cadres supérieurs (ça, c'est pas moi qui le dit, c'est une recherche de statscan de cette année). Alors, moi, quand je vois une annonce où l'homme est dénigré j'ai plutôt l'impression de me retrouver dans un fabliau du Moyen Âge où on insultait et ridiculisait le clergé à qui mieux mieux: justement, parce que là était le vrai pouvoir. Le fait que les femmes soient souvent vues dans des positions de domination dans la culture populaire (je dis souvent, parce qu'en général les cas où les femmes sont là pour faire valoir autre chose en tant qu'objet sont toujours en majorité: ils attirent simplement moins l'attention: l'«équipe suédoise de bikini» qui vend de la bière, etc.) ne permet EN RIEN de sauter à la conclusion qu'elles sont culturellement dominantes. En fait, les cas où la culture populaire/industrielle ou industrialisée nous DÉTOURNE des «vrais» problèmes (je n'ose même pas vous citer Chomsky tant c'est évident) sont multiples. Le cas de la criminalité, ma spécialité, est particulièrement effarant: si vous croyez que les médias vous donnent une image réaliste de la criminalité, il faut vous réveiller. À votre avis, est-ce que les annonces publicitaires que vous mentionnez sont produites, écrites et réalisées par des «féministes», ou même des femmes, pour le compte de corporations dirigées par des féministes? Non? Alors, qui décide du contenu? N'est-ce pas là le vrai pouvoir?

Malgré tout, il devient effectivement de plus en plus difficile de placer les femmes dans des positions clairement subordonnées aux hommes dans le produit culturel populaire. J'ai déjà expliqué pourquoi il n'y a pas lieu de conclure à ça que les femmes (ou pire, les «féministes») sont au pouvoir. Mais si on pousse votre logique un tout petit peu, on y voit, implicite, la conclusion que si les femmes étaient effectivement en position de pouvoir, égal ou supérieur, le monde entier tomberait dans le chaos et l'inéquité. Je trouve ça plutôt dégradant. Et comme c'est l'équivalent exact de la phrase que je cite ci-haut, on voit bien que vous tournez à vide.


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