Vous êtes dans l’erreur, il n’existe aucun système de switch « en laboratoire/hors laboratoire ». Ce serait trop simple.
Le chercheur reste le même homme toute la journée et ses convictions scientifiques et philosophiques s’interpénètrent inextricablement. C’est son honnêteté intellectuelle qui reste l’arbitre de ce débat.
Débat qui n’est pas forcément contradictoire et surtout pas dans le cas de la Mécanique Quantique.
Ce que Schrödinger et ses collègues cherchaient dans les philosophies orientales, c’est un peu d’air.
La physique du début du vingtième siècle se trouvait prisonnière de sa logique « bipropositionelle » dérivée de nos religions révélées basées sur la dualité Bien/Mal, comprenant évidemment toutes les graduations intermédiaires constituant les différents niveaux d’énergie.
Soit dit en passant l’introduction du zéro ou point neutre constitue une révolution majeure pour l’évolution de la conscience, vous le savez aussi bien que moi. Ce que vous savez peut-être moins c’est que ce fameux zéro était déjà d’application au point de vue philosophique chez les bouddhistes de par leur concept bien connu de modération ou Voie du Milieu. Ce concept donnait déjà lieu à des débats passionnants à l’université de Nalanda, en Inde aux environs de l’an mille.
Ne nous attardons pas sur les Védantas, leur symbolisme poétique ancré dans une culture bien précise ne saurait nous convenir bien qu’il constitue une source incontournable de réflexions, Shrödinger l’avait bien compris.
Nous parlerons surtout du taoïsme, basé sur une suite raisonnements « quadripropositionnels ».
Le Bien et le mal, comme d’ailleurs le Pur et l’Impur n’étant pas considérés comme des concepts primordiaux par les philosophes taoïstes eux-mêmes, nous observerons les propositions suivantes:
Présence
Absence
Donc jusqu’ici les même propositions que dans notre physique newtonienne et nous ajouterons deux propositions issues du raisonnement taoïste:
Présence ET Absence
NI Présence NI Absence
Ces deux derniers concepts ne doivent pas être directement « compris », il s’agit d’axiomes. Dans un même ordre d’idée on ne nous demande pas de « comprendre » que 1 plus 1 égale 2
Seuls les raisonnements issus de la trituration de ces quatre propositions doivent être « compris ».
Notre langage s’étant structuré à partir d’une logique bipropositionelle. Il nous est difficile d’intégrer ces données, il faudrait pour cela revoir toute notre syntaxe linguistique, inventer de nouveaux mots, de nouvelles phrases, de nouvelles expressions. Vaste programme pour le futur.
Schrödinger et ses collègues se sont servi des mathématiques comme interface de communication, construisant une théorie très cohérente à partir de toutes ces propositions, c’est là leur génie.
Que dire encore, sinon que le bouddhisme zen, très proche du taoïsme nous propose un koan très intéressant, bien « quantique » :
« Quel bruit fait un arbre qui tombe dans la forêt quand personne n’est là pour l’entendre ! »
Et rappeler-vous bien que la physique quantique considère tout moyen d’enregistrement comme une extension de nos sens.
Ces koans doivent être médités longuement jusqu’à la perte de toute « rationalité dualiste », c’est-à-dire jusqu’à l’épuisement de toutes les solutions proposées par les seuls concepts Présence/Absence. Alors seulement les deux concepts suivants entrent en jeu et le novice comprend.
Malheureusement il ne peut pas exprimer ce qu’il comprend, ce qui ne le traumatise pas outre mesure puisqu’il sait qu’il ne s’agit que d’un simple problème de vocabulaire.
Lire notamment :
« Le monde du Tao » de Chang Chung-Yuan qui, comme son nom ne l’indique pas nécessairement est docteur en philosophie et professeur à l’université de Columbia
(éd. Stock+)
« Physique et Réalité » par Bernard D’Espagnat. Sous forme de débats et de questions-réponses, plusieurs physiciens donnent leur avis sur le sujet.
Amitiés
Dany
Belgique